1-158

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Sénat de Belgique

Belgische Senaat

Annales parlementaires

Parlementaire handelingen

SÉANCE DU JEUDI 22 JANVIER 1998

VERGADERING VAN DONDERDAG 22 JANUARI 1998

(Vervolg-Suite)

QUESTION ORALE DE MME MAYENCE-GOOSSENS AU VICE-PREMIER MINISTRE ET MINISTRE DE L'INTÉRIEUR SUR « L'APPLICATION DE LA CIRCULAIRE RELATIVE À LA SÉCURITÉ DANS LES STADES DE FOOTBALL LORS DES MATCHS DITS `À RISQUES' »

QUESTION ORALE DE M. POTY AU VICE-PREMIER MINISTRE ET MINISTRE DE L'INTÉRIEUR SUR « LA PROBLÉMATIQUE DES RENCONTRES DE FOOTBALL DITES `À RISQUES' »

MONDELINGE VRAAG VAN MEVROUW MAYENCE-GOOSSENS AAN DE VICE-EERSTE MINISTER EN MINISTER VAN BINNENLANDSE ZAKEN OVER « DE TOEPASSING VAN DE RICHTLIJN BETREFFENDE DE VEILIGHEID IN VOETBALSTADIA TIJDENS ZOGENOEMDE `RISICOMATCHEN' »

MONDELINGE VRAAG VAN DE HEER POTY AAN DE VICE-EERSTE MINISTER EN MINISTER VAN BINNENLANDSE ZAKEN OVER « HET PROBLEEM VAN DE `RISCICOMATCHEN' IN HET VOETBAL »

M. le président . ­ L'ordre du jour appelle la question orale de Mme Mayence au vice-Premier ministre et ministre de l'Intérieur. Je vous propose d'y joindre celle de M. Poty portant sur le même sujet.

La parole est à Mme Mayence.

Mme Mayence-Goossens (PRL-FDF). ­ Monsieur le président, lors de la venue du club de Genk à Charleroi, ce samedi 17 janvier, la vente des tickets aux supporters carolorégiens n'a pas eu lieu le jour même du match, en application de la circulaire élaborée par la vice-Premier ministre et relative à la sécurité dans les stades de football lors des matchs dits « à risques ».

Les conditions d'application de cette circulaire étaient plus nébuleuses qu'il n'y paraît, les dirigeants du Sporting de Charleroi ont préféré, dans le doute, s'abstenir de vendre les tickets le samedi même.

Comme vous pouvez le constater, monsieur le vice-Premier ministre, les Carolorégiens sont très soucieux du respect de la loi.

Revenant sur ces conditions nébuleuses d'application, je note ce qui suit.

Primo, l'ensemble des clubs concernés auraient été avisés du report de l'entrée en vigueur de la circulaire au 1er février. Le bourgmestre de Charleroi affirme pourtant que ce report ne lui a pas été notifié. Le vice-Premier ministre peut-il me confirmer que tous les bourgmestres concernés ont bien été avisés de ce report ? À quelle date et sous quelle forme cette information leur a-t-elle été dispensée ?

Secundo, les dirigeants du Sporting d'Anderlecht ont cru nécessaire de s'informer le jour même auprès du ministre de l'Intérieur « et d'autres ministres encore », selon M. Verschueren. Cette démarche prouve que le doute subsistait ailleurs qu'à Charleroi. Conscient de cette situation, pourquoi le vice-Premier ministre n'a-t-il pas pris des initiatives immédiates pour lever instantanément tout doute auprès de tous les clubs concernés ?

Tertio, les amendes sont donc reportées au 1er février prochain. Quelles sont les conséquences juridiques ­ indépendantes de ces amendes ­ susceptibles d'être attachées aux matchs à risques qui se dérouleront d'ici là ? Qu'en sera-t-il, notamment, du coût d'intervention éventuelle des forces de l'ordre ?

M. le président . ­ La parole est à M. Poty.

M. Poty (PS). ­ Monsieur le président, la circulaire du 11 août 1997 émanant du département du vice-Premier ministre et ministre de l'Intérieur et visant à interdire la vente de billets le jour d'un match de football qualifié « à risques » s'est avérée catastrophique pour un club de première division ­ en l'occurrence, le Sporting de Charleroi ­, mais pas pour tous les clubs, puisque certains d'entre eux, mieux informés, ont pu être déliés de l'application de la circulaire avant le 1er février, alors que ladite circulaire annonçait des sanctions à partir du 1er janvier.

Cette non-information contestée apparaît dès lors comme une dérogation aux yeux d'un club comme le Sporting de Charleroi qui, lui, a respecté la dernière et seule circulaire en sa possession. La révolte est grande à Charleroi; elle est traduite par un journaliste sportif citant la célèbre maxime « selon que vous serez puissant ou misérable... ».

C'est le sentiment qui prévaut à Charleroi, monsieur le vice-Premier ministre, car si tous les clubs disposaient, comme le prétend votre cabinet, d'un délai en matière de sanction jusqu'au 1er février, pourquoi ne pas en avoir averti directement le Sporting de Charleroi et les autorités communales par une autre circulaire ? Mais si, selon vous, la ville et le Sporting en ont été informés, quand et comment l'en ont-ils été ?

Par ailleurs, je constate qu'en matière de football, les situations évoluent très vite : on peut jouer en tête du classement une année et se battre pour se maintenir, l'année suivante, ce qui peut avoir des incidences sur la présence du public. Comment dès lors peut-on décider six à douze mois à l'avance que des clubs comme le Sporting de Charleroi ou Lokeren engendrent des matchs à risques ?

Le Sporting de Charleroi a donc été lourdement et injustement pénalisé, d'autant que rien ne laissait prévoir cette année un quelconque incident.

Ne pensez-vous dès lors pas qu'à la lumière des derniers événements, il est urgent et indispensable de revoir votre circulaire et de veiller à un traitement et une information directe identiques, par circulaire, pour tous les clubs et bourgmestres des villes concernées ?

M. le président. ­ La parole est à M. Vande Lanotte, vice-Premier ministre.

M. Vande Lanotte, vice-Premier ministre et ministre de l'Intérieur. ­ Monsieur le président, de toute évidence, les Belges aiment le sport, car c'est la dixième fois que l'on m'interroge aujourd'hui sur ce thème. Je m'en réjouis.

Je commencerai par vous livrer quelques informations. Le 16 juillet, tous les bourgmestres et tous les clubs ont été invités au ministère de l'Intérieur afin de recevoir des explications à propos de la circulaire. Celle-ci a été envoyée le 11 août. Durant la période s'étalant du 11 août au mois de septembre, M. D'Hooghe, de l'Union du football belge, m'a demandé de reporter au 1er janvier l'application de cette circulaire, avec la promesse formelle qu'à cette date, un nouveau système de « billetage » serait mis en oeuvre.

Ensuite, j'ai reçu une lettre de M. Van Gompel me demandant de plus amples explications. Je lui ai répondu clairement sur la signification qu'il fallait donner au protocole. De cette réponse, il ressort qu'il est impossible d'infliger des amendes tant que toutes les parties n'ont pas signé le protocole. Un tel protocole n'existant pas à Charleroi, il était donc impossible d'infliger de telles amendes. J'insiste sur le fait que le commissaire adjoint de la police de Charleroi le savait, selon ses propres dires. La police de Charleroi a informé le Sporting Club qu'il pouvait jouer et vendre des tickets mais qu'elle rédigerait un rapport. La police a ajouté que ce n'était pas parce que le club décidait de vendre tout de même des tickets qu'elle allait augmenter son nombre d'effectifs sur place. Le président a alors dit que dans ces conditions, il n'oserait pas le faire. Voilà ce qui s'est réellement passé.

Pour le reste, il ne s'agit que d'excuses. La police n'a jamais dit que le club ne pouvait pas jouer et encore moins que des sanctions seraient prises si les guichets étaient ouverts : il était clair qu'elles ne pouvaient l'être aussi longtemps que le protocole n'était pas signé. Dans la mesure où ni M. Verschueren ni le président de Charleroi n'étaient au courant, alors que le commissaire adjoint, lui, l'était, je crois que le club devrait engager une personne responsable de la sécurité capable de lire les circulaires comme le fait un simple commissaire adjoint. Il me semble que ce n'est pas trop demander !

Ce système a été mis en application dès le mois de septembre. Par la suite, la Ligue professionnelle a annoncé le nouveau système de « billetage » ­ à ce moment, aucune décision n'avait encore été prise, mais c'est à présent chose faite ­ lequel pourrait entrer en vigueur à partir du 1er mai. Pour sa part, la Ligue n'a pas demandé de délai supplémentaire. En revanche, le lendemain, M. Peeters, de l'Union belge de football, me demandait de reporter l'application du système du 1er janvier au 1er février, ce que j'ai accordé. L'Union de football a donc été informée de ce report.

En matière d'amendes, seuls les ministres sont compétents et non les bourgmestres. Pour ces derniers, la situation reste inchangée; ils doivent seulement faire rapport en cas de vente de tickets. Il n'y a donc pas lieu de les informer. Quant aux clubs, ils ont été avertis du report par l'Union belge de football qui est responsable de l'organisation des matchs. Par ailleurs, je le répète, aussi longtemps qu'un protocole n'a pas été conclu, il n'est pas question d'infliger des amendes.

Le bien-fondé de la mesure introduite est vivement critiqué. Sur la base du rapport de l'année dernière, nous avons identifié huit noyaux de supporters qui ont provoqué des incidents. Lorsque ces personnes sont susceptibles d'assister à des matchs, ceux-ci sont considérés à risques. Nous avons donc établi une liste des clubs en difficultés, de manière objective, en nous basant sur des statistiques.

Lorsque les tickets sont vendus le jour du match, il est impossible de séparer les supporters respectifs de deux clubs. À ce moment, la seule solution consiste à faire intervenir la police ou la gendarmerie. Pour les clubs, c'est la solution idéale car les gens ne se battent plus entre eux mais avec les représentants de l'ordre.

Depuis des années, les différents rapports établissent qu'un manque d'organisation dans la vente de tickets est à l'origine des problèmes entre les deux groupes de spectateurs. Depuis mon entrée en fonction en tant que ministre, j'ai assisté à deux matchs de football à Bruges. Lors du premier, où Bruges jouait contre Gand, les supporters n'étaient pas séparés et ont commencé à se battre. Une trentaine de gendarmes sont intervenus et ont reçu des coups. Finalement, cette partie du stade a été évacuée.

Cet exemple démontre bien à quel point il importe de ne plus vendre les tickets le jour des matchs, sauf si l'on a recours à un système permettant d'identifier les supporters en prévoyant, par exemple, que le ticket acheté accompagne la carte du club. Depuis très longtemps, les organisateurs prévoient d'appliquer un tel système mais rien ne se fait. C'est pourquoi j'ai élaboré cette circulaire et décidé d'appliquer le système des amendes pour qu'ils tiennent leur promesse. Je pense qu'à partir du mois de mai, j'aurai atteint mon objectif car, dès cette date, les amendes devront effectivement être payées. Un incident tel qu'il s'est produit ce samedi joue en ma faveur. Les clubs ont compris que la situation devait changer. Ils seront peut-être en colère, mais ils réagiront enfin.

Malheureusement, c'est toujours ainsi que cela se passe car, en matière de football, la législation est inexistante. Nous prévoyons d'élaborer une loi. Entre-temps, je ne puis rien imposer ­ nous devons toujours trouver un terrain d'entente ­, ce qui peut avoir pour conséquence les incidents que nous connaissons.

Si le Sporting de Charleroi continue à vendre des tickets le jour des matchs ­ ce qu'il est en droit de faire ­, la sanction consistera non pas à interdire ces derniers, mais à payer une amende, car la police devra intervenir dans une plus large mesure. Pour toute la saison, cela ne leur coûtera que 120 000 francs. Dès lors, je me demande s'il est normal de s'énerver autant lorsque l'on sait que ce club a des rentrées de trois millions et que des policiers supplémentaires doivent être dépêchés sur place lorsque des tickets sont encore vendus le jour d'un match à risques. Faudra-t-il qu'un incident survienne pour qu'ils se décident à agir ?

Avant l'accident du Heysel, on n'acceptait aucun changement dans le stade. Après, tout était possible. Ainsi, tant qu'il n'y aura pas eu d'affrontements entre supporters, il sera impossible de faire admettre quoi que ce soit. Par contre, si un accident devait arriver, on dira que le ministre n'a pas pris ses responsabilités.

C'est ce qui se passe avec les transporteurs de fonds. Avant, on disait que le ministre exigeait trop; maintenant, on lui reproche de n'avoir pas fait suffisamment.

Pour éviter les problèmes futurs, nous avons décidé de déposer un projet de loi sur le football. Je ne veux pas quitter ce ministère sans avoir pris les dispositions nécessaires pour préparer l'Euro 2000.

Je reconnais qu'il y a peut-être eu certains malentendus. J'ai parlé d'amateurisme parce que le responsable de la sécurité n'a pas été capable d'informer le président de la réglementation en vigueur le jour du match alors que le commissaire adjoint la connaissait.

La veille du match, le président avait organisé une réunion à laquelle assistaient les présidents des clubs de Bruges et d'Anderlecht. Le président de Bruges a annoncé lors de cette réunion qu'il vendrait quand même des tickets le jour du match et que cela ne poserait pas de problème. Pourquoi a-t-il dit le lendemain qu'il ne le savait pas ?

Ils ont seulement commencé à analyser la situation le samedi à 18 heures. C'est beaucoup trop tard. Seuls deux matchs à risques sont programmés pour la deuxième partie de la saison. Qu'ils les préparent donc plus longtemps à l'avance !

M. le président. ­ La parole est à M. Poty pour une réplique.

M. Poty (PS). ­ Monsieur le président, je constate que la circulaire du 11 août 1997, à laquelle M. le vice-Premier ministre, fait allusion, était adressée au bourgmestre de Charleroi. Il me semble qu'il aurait été opportun que ce dernier, et non le commissaire-adjoint, soit mis au courant des changements que vous proposiez.

Vous dites également qu'il suffit que les clubs paient 120 000 francs pour pouvoir jouer.

M. Vande Lanotte, vice-Premier ministre et ministre de l'Intérieur. ­ Il s'agit d'une amende globale pour toute la saison.

M. Poty (PS). ­ Alors, je trouve qu'il ne fallait pas le faire. Cela ne sert à rien de taxer les clubs.

M. Vande Lanotte, vice-Premier ministre et ministre de l'Intérieur. ­ Si payer 50 millions pour un joueur est acceptable pour un club, verser un franc à l'État, c'est encore trop ! Maintenant que des amendes sont prévues, ils ont instauré le « billetage » électronique.

M. Poty (PS). ­ Je constate en tout cas que vous n'avez pas répondu à ma question concernant les matchs à risques qui sont déterminés un an à l'avance.

M. Vande Lanotte, vice-Premier ministre et ministre de l'Intérieur. ­ C'est au début de la compétition que les difficultés sont analysées, et non douze mois à l'avance ! On dit qu'à Genk et Charleroi, il n'y aurait jamais de problème. Il en serait aussi de même ailleurs. Dès lors, comment est-il possible que des incidents surviennent lors d'un match sur trois ?

Soyons réalistes : dans huit clubs de première division, des noyaux durs sévissent. Le nombre de supporters qui les composent n'est pas forcément élevé, mais il suffit d'une vingtaine de personnes !

La préparation de ce genre d'événement est extrêmement importante. Il est bien connu que le club de Genk draine beaucoup de supporters dans ses déplacements. Si chaque club compte un noyau dur d'une dizaine de personnes, leur affrontement peut provoquer un incident grave.

Le but est donc de les séparer et pour ce faire, il faut agir préalablement, et non le jour même.

Si le club de Charleroi n'a jamais connu d'incident, pourquoi ne renonce-t-il pas à la présence de la police ?

M. Poty (PS). ­ Personne n'a jamais dit cela, monsieur le vice-Premier ministre. Je prétends qu'il est impossible de dire aujourd'hui si le match RWDM-Sporting de Charleroi sera ou non un match à risques.

M. Vande Lanotte, vice-Premier ministre et ministre de l'Intérieur. ­ Si, car on observe les noyaux durs et leur importance en nombre.

M. le président. ­ La parole est à Mme Mayence pour une réplique.

Mme Mayence-Goossens (PRL-FDF). ­ Monsieur le président, j'ai l'impression que le vice-Premier ministre incite à la désobéissance. Il donne le choix entre la perte de toute une recette et le paiement de 120 000 francs. La logique incite à payer cette somme et donc à désobéir. Cela m'étonne de votre part, monsieur le vice-Premier ministre.

M. Vande Lanotte, vice-Premier ministre et ministre de l'Intérieur. ­ Non, madame Mayence, je souhaite inciter les clubs à réfléchir. La loi ne me permet pas encore ­ cela changera ­ d'imposer un système. Pour l'instant les clubs ont le choix. Je constate par ailleurs que ce type d'incitation peut porter ses fruits puisque les clubs ont enfin décidé de changer leur système de « billetage ».

Les incidents présentent parfois l'avantage de faire évoluer les choses.

M. le président. ­ L'incident est clos.

Het incident is gesloten.