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SÉANCES DU JEUDI 11 DÉCEMBRE 1997 |
VERGADERINGEN VAN DONDERDAG 11 DECEMBER 1997 |
M. le président . L'ordre du jour appelle la question orale de Mme Milquet au vice-Premier ministre et ministre de l'Intérieur.
La parole est à Mme Milquet.
Mme Milquet (PSC). Monsieur le président, le dossier du commissaire Demol a pris, depuis vendredi dernier, une nouvelle dimension.
La situation à Schaerbeek est devenue tout simplement inextricable. Le conseil communal parle de réduire autant que possible les pouvoirs de son commissaire, qui, par ailleurs, gère un des corps de police les plus importants du royaume.
Je ne souhaite pas revenir par le menu sur ce dossier. Je constate simplement que le commissaire Demol, qui avait déjà perdu toute confiance auprès du conseil communal de Schaerbeek et auprès d'une majorité de la population, semble prendre un malin plaisir à la provocation. En effet, coup sur coup, le commissaire Demol s'est affiché au côté d'élus d'extrême droite, sans hésiter à violer en cela son devoir de réserve et accentuant encore la lourdeur de son mensonge concernant ses opinions politiques. Il a, ensuite, par ses déclarations intempestives et inadmissibles à l'hebdo Humo en date du 2 décembre 1997, provoqué l'ouverture d'un dossier judiciaire à son encontre pour avoir tenu des propos outrageants à l'égard de certaines personnalités politiques.
Le commissaire a finalement réaffirmé haut et clair qu'il ne regrettait en rien son attitude.
Monsieur le vice-Premier ministre, envisagez-vous de nouvelles sanctions à l'égard du commissaire Demol ? La procédure de révocation, que vous aviez exclue il y a quelques mois pour manque de gravité des faits, ne serait-elle pas devenue subitement d'actualité ?
Comment allez-vous réagir à la demande de M. le bourgmestre de Schaerbeek de mise à la prépension du commissaire Demol pour incompatibilité de fonction ?
M. le président. La parole est à M. Vande Lanotte, vice-Premier ministre.
M. Vande Lanotte, vice-Premier ministre et ministre de l'Intérieur. Monsieur le président, je pense que le dossier du commissaire Demol revêt quatre aspects.
Premièrement les déclarations du commissaire, au mois de juillet à l'occasion de la conférence de presse qu'il a donnée à propos de dossiers judiciaires et, de ce fait, la violation du secret professionnel. Il y a plusieurs mois déjà, j'ai demandé des informations à ce sujet au Parquet de Bruxelles. Celui-ci ne m'a pas encore répondu à ce jour, et je ne dispose donc pas des éléments nécessaires pour progresser dans ce dossier.
Deuxièmement, on a rapporté que le commissaire avait été vu en compagnie de membres de l'extrême droite. Il me faut rappeler ici que, sous la législature précédente, mon prédécesseur, M. Tobback avait proposé aux sénateurs d'interdire aux policiers communaux d'exprimer leurs opinions politiques. Cette proposition avait été rejetée par la commission des Affaires intérieures du Sénat, car on la trouvait trop autoritaire. Comme vous le savez, cette consigne est en vigueur à la gendarmerie. Il n'en est rien à la police communale. Je serai donc très clair : même si M. Demol disait qu'il soutient le Vlaams Blok, je ne pourrais mener aucune action disciplinaire. Il y a donc une lacune au niveau de la loi.
Pour ma part, je suis favorable à une modification qui irait dans le sens d'interdire toute expression d'opinions politiques à la police communale comme c'est le cas à la gendarmerie. Mais je le répète, ce sont les sénateurs qui ont rejeté la proposition de M. Tobback. Ils estimaient qu'il s'agissait d'une intervention trop autoritaire de la part du ministre de l'Intérieur de l'époque, ce dont je doute personnellement.
Si un policier exprime donc ses opinions politiques, quelles qu'elles soient, et que j'entame une procédure disciplinaire, celle-ci n'a aucune chance d'aboutir. Cette situation est peut-être grave, mais elle est le reflet de la législation actuelle. Bien sûr, certaines difficultés surgiraient peut-être au niveau des droits de l'homme si nous envisagions une modification de la loi. Encore que je n'en sois pas certain.
Troisièmement, il y a les déclarations faites par M. Demol à l'hebdomadaire Humo concernant MM. Chabert, Picqué et de Donnéa. M. de Donnéa a porté plainte et une procédure judiciaire est donc entamée. Dans cette situation, les mesures disciplinaires relèvent du pouvoir judiciaire, sauf dans deux cas : s'il y a aveu ou si l'affaire est manifeste.
Or, en l'occurrence, je constate qu'elle n'est pas manifeste. En effet, M. Demol déclare que la mafia travaille avec des sociétés auxquelles certains ministres collaborent. Il n'en dit pas plus. Il émet des suggestions, il fait des amalgames, mais en réalité il ne dit pas grand-chose.
Le bourgmestre, M. Duriau, déclare : « Ainsi que vous le constatez, voici une nouvelle pièce à verser au dossier de l'affaire qui nous occupe » poursuivant de manière très nuancée, et je pense qu'il a raison « pour laquelle je me demande si M. Demol n'outrepasse pas à tout le moins son devoir de réserve. » M. Duriau est donc très prudent : alors qu'il en a la possibilité en tant que bourgmestre, il n'entreprend rien sur le plan disciplinaire.
On peut d'ailleurs se demander quelle est la base légale permettant d'affirmer en quoi consiste ce devoir de réserve. Je considère donc que jusqu'à ce que la justice se soit exprimée à propos des déclarations de M. Demol, il est impossible de prendre des mesures sur le plan disciplinaire car il est quasiment certain que le Conseil d'État les annulerait.
En ce qui concerne l'incompatibilité de fonction et la question de la prépension, j'ai discuté hier encore avec des experts et il a été décidé de retravailler la lettre qui sera adressée demain à M. Duriau. À mon avis, la mise en disponibilité a peu de chances d'être acceptée et certainement pas si elle ne figure pas déjà dans le règlement de la commune. De plus, la première condition à remplir dans le cas d'une mise en disponibilité est que celle-ci ne peut prendre les apparences d'une sanction disciplinaire. Dans le cas qui nous occupe, je pense qu'il sera très difficile de l'éviter. On pourrait par exemple tirer argument d'un dysfonctionnement entre le bourgmestre et le commissaire, mais la réalité de ce dysfonctionnement doit être constatée. De plus, ce dysfonctionnement ne peut résulter du fait que le bourgmestre ne veut plus collaborer avec le commissaire. En outre, on ne peut prendre prétexte de l'impossibilité de collaborer alors que le ministre a décidé d'une suspension de trois mois.
La lettre qui sera adressée au bourgmestre concernant la mise à disponibilité sera donc très nuancée mais n'ouvrira pas de voies à ce type de solution.
Je pense avoir ainsi répondu à vos questions, madame Milquet. Dans cette affaire, je m'en tiens à la légalité, bien que certains propos tenus par M. Demol, particulièrement ceux publiés par l'hebdomadaire Humo , me semblent difficiles à accepter, et en disant cela, je pèse mes mots. Cependant, même si je désapprouve ces déclarations, cela ne signifie pas nécessairement qu'elles pourraient donner lieu dès à présent à un dossier disciplinaire.
M. le président. La parole est à Mme Milquet pour une réplique.
Mme Milquet (PSC). Monsieur le président, je suis quelque peu abasourdie par les réponses du vice-Premier ministre. Même si je comprends l'argumentaire juridique, je m'inquiète que l'on banalise à ce point, sous le couvert d'une déclaration d'opinion politique, l'attitude d'un policier qui s'affiche clairement en liaison avec un parti d'extrême droite alors que d'ici peu, le 20 décembre, il se trouvera à la tête d'un important corps de police. Je trouve que c'est un fait dangereux et qui constitue un précédent grave. Il ne s'agit pas ici du fait d'avoir une opinion politique ou non, mais bien de savoir si on joue un jeu démocratique et si on respecte bien les principes d'un état de droit. Aussi, le fait d'évoquer que le Sénat n'ait pas adopté un projet de loi me paraît un argument un peu faible.
Je me rends parfaitement compte que vous êtes « coincé » dans une certaine procédure, monsieur le vice-Premier ministre, mais dans ce cas, il faut absolument que vous proposiez rapidement un type de solution permettant de rencontrer ce genre de problèmes.
Sur le plan disciplinaire, je suis inquiète de me rendre compte que si demain, n'importe quel policier communal accusait sans aucune preuve l'un ou l'autre homme politique ou l'une ou l'autre personnalité, pour peu qu'une procédure judiciaire soit en cours, on ne pourrait rien faire, on devrait le laisser sévir sans pouvoir prendre la moindre mesure disciplinaire.
Je constate une énorme faiblesse dans le droit disciplinaire. Même s'il le fait de manière prudente, le bourgmestre s'exprime quand même. N'y a-t-il pas moyen de trouver, dans le respect de ce cadre légal certes tout à fait insuffisant, une solution permettant d'éviter que cette personne se retrouve le 20 décembre à la tête d'un corps de police ? J'estime que vis-à-vis de la population, du citoyen, la situation est inacceptable.
M. le président. La parole est à M. Vande Lanotte, vice-Premier ministre.
M. Vande Lanotte, vice-Premier ministre et ministre de l'Intérieur. Monsieur le président, je tiens à préciser à Mme Milquet que, dans l'interview, l'intéressé affirme qu'il est démocrate et opposé au fascisme et à l'extrême droite. Il nie clairement tout lien avec l'extrême droite. Vous me dites qu'il a été vu, à une réunion, en compagnie d'élus de l'extrême droite. Mais tant que le Sénat ne vote pas l'interdiction pour les policiers communaux d'exprimer leur opinion politique, vous ne pouvez vous opposer à de tels agissements.
Le Parlement doit prendre ses responsabilités. S'il interdit aux policiers communaux d'exprimer leur opinion en public, je le soutiendrai, comme je l'ai déjà fait précédemment mais sans résultat.
Je répète que l'intéressé nie formellement tout lien avec l'extrême droite ou un parti politique quelconque et affirme respecter la démocratie. J'ignore si c'est exact et n'ai pas à me prononcer à ce sujet.
Vous prétendez, madame Milquet, que la situation est claire, ce n'est pas mon avis. Il convient de lire la déclaration complète du commissaire Demol. Le fait d'être accompagné de membres de l'extrême droite, dans une réunion organisée par Écolo, ne suffirait pas à fonder une action disciplinaire. Je vous mets d'ailleurs en garde dans le cas où vous seriez tentée d'entamer une telle action car vous pourriez obtenir l'effet inverse à celui espéré. Basez-vous sur des faits. Vous les présumez établis mais, à mon avis, ils ne le sont pas.
Par ailleurs, je voudrais évoquer, en me situant sur le plan disciplinaire, les propos tenus par M. Demol à l'égard de certains ministres. M. de Donnéa a estimé nécessaire de porter plainte estimant cette question importante, ce que je comprends. Mais la loi est très claire et vous ne pouvez pas la changer. Une action disciplinaire peut être engagée quand il existe une enquête judiciaire, et ce à deux conditions : tout d'abord, il faut un aveu ce qui n'est pas le cas dans l'affaire qui nous occupe et ensuite, l'affaire doit présenter un caractère manifeste, ce qui n'est pas non plus le cas en l'espèce. Au surplus, le droit de nier existe toujours.
Vous parlez du bourgmestre, mais celui-ci pourrait entamer une action disciplinaire. Cependant, avec la lettre qu'il a écrite au sujet de cette affaire, la partie serait gagnée d'avance pour l'avocat de M. Demol !
Je ne souhaite donc pas faire le travail de quelqu'un d'autre et me mettre dans une situation intenable. Je l'ai fait une fois et je ne le referai pas.
M. le président. La parole est à Mme Milquet.
Mme Milquet (PSC). Monsieur le président, nous mettrons rapidement cette proposition à l'ordre du jour car la situation actuelle est peu tolérable.
M. le président. L'incident est clos.
Het incident is gesloten.