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SÉANCE DU JEUDI 5 DÉCEMBRE 1996 |
VERGADERING VAN DONDERDAG 5 DECEMBER 1996 |
M. le Président. Je vous propose de joindre les demandes d'explications de Mme Mayence, de M. Destexhe et de Mme Lizin au secrétaire d'État à la Coopération et au Développement sur « son voyage au Zaïre ». (Assentiment.)
La parole est à Mme Mayence.
Mme Mayence-Goossens (PRL-FDF). Monsieur le Président, je m'adresserai au secrétaire d'État en lui disant que sa récente visite au Zaïre a été favorablement accueillie par tous les amis de ce pays.
On y a vu, enfin, une manifestation positive du Gouvernement belge à l'égard d'une nation sinistrée, après des années d'ostracisme orchestré, monsieur le secrétaire d'État, par vos partenaires et dont vous avez pu, sur place, apprécier les résultats catastrophiques. Mieux vaut tard que jamais ! Bien qu'il semble que le moment n'ait pas été idéalement choisi puisqu'il a coïncidé avec le retour pittoresque de l'opposant Tshisekedi et avec la tragique dégradation de la situation à l'est du Zaïre. Cependant, il fallait y aller. Le gouvernement du Premier ministre Kengo avait besoin d'un sérieux coup de pouce au moment où il était confronté à une perte de confiance de la population et à la décomposition de son armée.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez constaté de visu combien la population zaïroise est démunie, à Kinshasa d'abord mais, surtout, en province, et combien l'aide de la Belgique est indispensable pour tenter d'interrompre cette chute apparemment sans fin des conditions d'existence au Zaïre. Ce besoin d'assistance n'est pas nouveau mais il est toujours urgent.
J'imagine que vous avez dû revivre certaines ambiances connues au temps où vous présidiez l'organisation Médecins sans frontières.
Votre témoignage nous est précieux. Il nous amène à poser de nombreuses questions.
Est-il encore réaliste de planifier l'opération électorale projetée qui, je le rappelle, commence par un recensement des électeurs, doit se poursuivre par un référendum sur une nouvelle constitution et aboutir à des scrutins présidentiel, législatif et municipal, et le tout pour un coût évalué par l'ONU à 250 millions de dollars, soit quelque sept milliards de nos francs ?
Le calendrier n'est déjà pas respecté : le recensement devait intervenir cet automne.
La déstabilisation du Kivu, qui pourrait d'ailleurs provoquer un effet de contagion dans d'autres régions, ne permet pas la tenue du recensement ni du référendum dans l'est du pays.
Ne vaut-il pas mieux, dans l'immédiat, consacrer ces 250 millions de dollars à la population et à la relance des systèmes économiques et sociaux du Zaïre plutôt que d'investir dans de coûteuses opérations dont l'effet bénéfique sur les Zaïrois ne sera pas immédiatement perceptible ?
M. Mahoux, vice-président, prend la présidence de l'assemblée
Les atermoiements au sujet de l'intervention militaire internationale ont atteint le ridicule. Il est évident que les Américains n'en veulent pas et que les Européens, conformément à des habitudes bien implantées, n'accepteront de courir des risques qu'abrités derrière nos partenaires d'outre-Atlantique. En outre, Rwandais, Burundais et Ougandais n'en veulent pas non plus.
Peut-on dès lors prendre le risque d'incidents qui ne manqueront pas de se produire entre des troupes internationales indésirées et des hôtes hostiles ? Il faut, ici, tenir compte des leçons de 1994.
Par ailleurs, une aide doit être accordée de façon absolument prioritaire au gouvernement rwandais, qui doit organiser l'accueil et la réinstallation des 600 000 réfugiés. Le Rwanda prévoit de lancer très prochainement une opération de constructions de cases pour loger tout le monde. L'ensemble de la population sera mise à contribution. Ce sera une expression de la solidarité entre Rwandais et, par ce biais, une méthode de réconciliation. Dans ce cadre, l'Europe, à l'instigation de la Belgique, devrait fournir les matériaux de construction qui manquent aux Rwandais.
Comptez-vous intervenir à cet égard ? Le retour prévisible de milliers de réfugiés en Tanzanie rendra encore plus nécessaire cette opération de construction de logements.
Vous insistez particulièrement sur le rôle des ONG. Vous connaissez depuis longtemps mon point de vue en la matière. Les ONG sont en effet efficaces, mais peu coordonnées entre elles, ce qui aboutit souvent à la cacophonie. C'est pourquoi je plaide pour que l'aide au Zaïre soit essentiellement une aide bilatérale directe, contrôlée par les autorités belges, dans un souci de cohérence et d'efficacité.
Je serai donc très heureuse d'entendre votre relation de la visite importante que vous avez effectuée au Zaïre. (Applaudissements.)
M. le Président La parole est à M. Destexhe.
M. Destexhe (PRL-FDF). Monsieur le Président, Mme Mayence a essentiellement évoqué la situation du Zaïre. Pour ma part, je formulerai quelques remarques au sujet du Kivu et du Rwanda, la première concernant le retour des réfugiés, la deuxième portant sur l'intervention militaire que vous préconisez, monsieur le secrétaire d'État, et la dernière quant aux aspects plus strictement humanitaires de la crise.
Le retour des réfugiés est un élément particulièrement positif, monsieur le secrétaire d'État. Je ne nie pas le fait que le Kivu et le Zaïre traversent une crise grave ainsi que Mme Mayence l'a confirmé, nous sommes favorables au maintien de la souveraineté et de l'intégrité du Zaïre mais il faut reconnaître que le retour, en quelques jours, de 600 000 personnes au Rwanda, constitue un événement historique extraordinaire que personne n'avait prévu.
Depuis plus de deux ans en effet, la communauté internationale, les organisations humanitaires, le HCR ainsi que le Gouvernement belge tentent, par tous les moyens, de provoquer le retour des réfugiés, mais ces derniers restaient dans les camps, sous le joug des bourreaux du régime précédent.
Ce phénomène a montré clairement au monde que, contrairement à la rumeur, ces réfugiés craignaient avant tout l'ancien régime du Rwanda et moins celui qui est actuellement au pouvoir. Lorsqu'ils ont eu la possibilité de choisir entre rester au Zaïre ou retourner au Rwanda, ils ont préféré rejoindre leur pays.
Vous semblez pourtant n'avoir tiré aucune conclusion particulière de ce retour massif au Rwanda. En effet, dans votre communiqué du 29 novembre, qui traduit l'adaptation de la politique gouvernementale à la nouvelle donne, vous ne mentionnez pas une seule fois la nécessité de fournir une aide supplémentaire au Rwanda ni le départ de ces 600 000 personnes, et vous continuez à affirmer que les 300 millions de francs que vous avez débloqués sont exclusivement destinés au Zaïre et au Kivu.
Je pense, monsieur le secrétaire d'État, que vous devez revoir votre position. Une grande partie de cette aide, voire une aide supplémentaire, doit aller au Rwanda pour faciliter le retour et la réintégration des réfugiés.
Vous êtes certainement conscient de l'ensemble des chocs que le petit Rwanda a subi en deux ou trois ans. Je ne vois aucun autre pays au monde ayant subi une telle série de chocs. Il y a deux ans, il vivait le génocide d'un million de personnes et, dans la foulée, l'exode d'un million et demi de personnes. Plus tard, on observait le retour de centaines de milliers de Tutsis et il y a quelques mois, le retour de centaines de milliers de Hutus du Burundi. Maintenant, plus de 600 000 personnes rentrent du Zaïre. Si un pays mérite d'être aidé, après avoir subi de tels traumatismes, c'est bien le Rwanda. Je souhaite que vous teniez compte de cette nouvelle situation et que vous aidiez davantage à la réintégration des réfugiés au Rwanda.
Deuxième élément : l'intervention militaire que vous continuez à préconiser en dépit de tous les éléments indiquant que son utilité n'est pas prouvée. Heureusement, cette intervention internationale n'a pas eu lieu il y a trois semaines. Si cela avait été le cas, il y aurait toujours, aujourd'hui, 600 000 réfugiés rwandais supplémentaires dans les camps du Zaïre.
Compte tenu de votre expérience passée, monsieur le secrétaire d'État, vous savez comme moi qu'il ne suffit pas d'en appeler à une intervention militaire pour résoudre les problèmes sur place. Voyons à cet égard des exemples précédents : la Bosnie, la Somalie, ainsi que l'Irak.
Je voudrais que vous m'expliquiez pourquoi vous voulez une intervention militaire. J'ai lu toutes vos déclarations dans la presse et j'ai pris connaissance de la déclaration du Gouvernement du 29 novembre dernier, mais je ne comprends toujours pas pourquoi vous souhaitez cette intervention militaire. Il y a trois semaines, vous vouliez qu'elle se déroule au Kivu ou au Rwanda, mais aujourd'hui vous semblez préférer qu'elle ait lieu à Kisangani. J'ignore si vous aurez l'autorisation du gouvernement zaïrois, mais je tiens à souligner que vous risquez de faire de Kisangani un véritable pôle d'attraction, à la fois pour les réfugiés rwandais qui restent au Zaïre et pour les populations zaïroises déplacées. Je pense, au contraire, qu'il faut essayer de fixer les populations là où elles se trouvent, en particulier les populations zaïroises, et tenter de leur venir en aide sur leur lieu d'habitation, plutôt que de créer autour de Kisangani d'immenses camps de réfugiés ou de personnes déplacées.
Troisième élément : le discours humanitaire alarmiste tenu tout au long de cette crise et qui, c'est le moins qu'on puisse en dire, n'a pas été justifié par les faits. Nul ne peut évidemment prévoir l'avenir, mais je pense qu'une certaine démagogie humanitaire a joué un rôle inutilement alarmiste. Je voudrais reprendre quelques éléments qui furent mentionnés. On a notamment parlé de « catastrophe humanitaire sans précédent ». Ces mots ont, malgré tout, une certaine importance.
Vous avez vécu les drames de l'Éthiopie, de la Somalie, du Liberia, du Biafra et du Bangladesh; il me paraît très exagéré de parler, ici, de catastrophe humanitaire sans précédent. Quant au secrétaire général des Nations unies, M. Boutros Boutros Ghali, il a parlé de « génocide par la faim, ce qui ne veut strictement rien dire. En effet, un génocide est un assassinat planifié, programmé et déterminé. Vous me permettrez au passage, au risque d'être isolé, de me réjouir du fait que M. Boutros Boutros Ghali ne sera pas le prochain secrétaire général des Nations unies. En effet, tout au long du traitement de la crise bosniaque comme de la crise rwandaise, on a pu se rendre compte qu'il était un bien piètre secrétaire général.
On nous a annoncé le choléra à de multiples reprises. Vous savez comme moi que cette maladie ne se décrète pas; il est donc malhonnête d'annoncer des épidémies alors qu'elles ne sont pas réelles. Il n'y avait pas plus de risque particulier de choléra qu'il n'y en avait dans les camps de réfugiés.
Enfin, on nous a annoncé des milliers de morts de faim. Or, la population vivant dans les camps de réfugiés a été correctement nourrie pendant deux ans; elle disposait de rations alimentaires dépassant très largement ce que les Zaïrois de la région et les Rwandais pouvaient avoir.
Les milices qui contrôlaient les réfugiés n'ont jamais permis le moindre recensement dans les camps et l'aide alimentaire internationale qui était distribuée était largement supérieure aux besoins.
Étant donné votre passé médical, monsieur le secrétaire d'État, vous savez qu'une population nourrie dans ces conditions ne meurt pas de faim du jour au lendemain. Il faut plusieurs semaines pour qu'une malnutrition chronique ou aiguë puisse s'établir. Je regrette que vous ayez parfois relayé un certain discours humanitaire démagogique.
En conclusion, monsieur le secrétaire d'État, je me joins aux propos de Mme Mayence : nous souhaitons, au PRL, avoir de bonnes relations avec les différents États de la région, avec le Zaïre et le Rwanda. Entretenir de bonnes relations politiques, économiques et diplomatiques avec un pays ne passe pas seulement par la coopération avec les ONG, mais aussi par une présence étatique, une coopération officielle importante. Nous ne pouvons que vous encourager à développer la coopération directe, aussi bien avec le Zaïre qu'avec le Rwanda. (Applaudissements.)
M. le Président . La parole est à Mme Lizin.
Mme Lizin (PS). Monsieur le Président, mon discours aura une tonalité moins positive que celui de Mme Mayence au sujet de la visite au Zaïre de M. le secrétaire d'État.
Personnellement, j'estime que le moment choisi pour ce voyage était particulièrement délicat. Il m'est même revenu, monsieur le secrétaire d'État, que vous vous trouviez dans le même avion que M. Tshisekedi. Par conséquent, il était impossible d'ignorer quel serait le décalage gigantesque entre votre arrivée et la sienne et il était donc difficile de choisir à ce moment-là M. Kengo Wa Dondo comme seul interlocuteur. Ce n'était certainement pas le souhait de la population zaïroise, en tout cas celle de Kinshasa. D'autres citoyens zaïrois considèrent peut-être encore aujourd'hui que M. Kengo Wa Dondo est un arbitre capable de défendre l'intégrité zaïroise, mais cela n'apparaît pas dans l'expression assez vive de l'opinion publique du Zaïre.
Vous n'aviez peut-être pas d'autre possibilité, mais ce jour était sans doute le plus mal choisi de toute l'histoire de la diplomatie belge. Ce fut pour moi une erreur diplomatique.
M. Bourgeois (CVP). Je puis vous assurer, madame, que le secrétaire d'État n'a pas choisi cette journée pour se rendre au Zaïre. C'est un pur hasard qu'il se soit trouvé dans l'avion qui ramenait le chef de l'opposition à Kinshasa.
M. Destexhe (PRL-FDF). C'est beau la solidarité, madame Lizin !
Mme Lizin (PS). Selon moi, nombreux étaient certainement ceux qui étaient au courant du fait que ces deux personnes se trouvaient dans cet avion.
Le ministre des Affaires étrangères a-t-il donné son accord pour cette rencontre ? Celle-ci était-elle préparée ?
Étiez-vous informé, monsieur le secrétaire d'État, du piège qui vous était tendu, peut-être involontairement, je veux bien l'admettre même si certains pensent le contraire ?
Je voudrais donc connaître le nom de la compagnie d'aviation qui vous véhiculait.
Quelles instructions le ministre des Affaires étrangères a-t-il données pour une rencontre avec M. Tshisekedi ? Celle-ci a-t-elle eu lieu et dans quelles conditions ?
Quelle est votre opinion, monsieur le secrétaire d'État, sur la représentativité actuelle de M. Tshisekedi ? Pouvez-vous nous donner l'état exact des projets de coopération impliquant des Belges au Zaïre, que ceux-ci oeuvrent pour une ONG nous avions vivement défendu l'idée de reprendre une telle coopération ou en tant qu'experts publics ? J'avais personnellement déjà plaidé, à cette tribune, en faveur d'une coopération avec les femmes zaïroises, lesquelles assument une stabilité d'analyse qui n'est pas le propre de toutes les forces politiques du Zaïre.
Au niveau de tout ce qui est mis en oeuvre dans cette zone, je constate un gaspillage énorme de l'expertise belge. Pour ma part, je reviens du Rwanda, où de façon très rapide et précise, l'ambassadeur et moi-même avons pu nous forger une opinion quant à la manière dont le retour des réfugiés s'est déroulé dès le début. D'abord, nous avons pu constater c'était impressionnant que ces réfugiés étaient bien nourris comme l'a dit M. Destexhe , bien organisés et qu'ils savaient où ils allaient. Il ne s'agissait nullement d'une débâcle dans la hâte mais d'un retour d'une grande partie, sinon de la totalité, des réfugiés rwandais, effectué dans une grande correction. Depuis deux ans, le gouvernement rwandais nous dit que les réfugiés rentreront dès qu'ils le souhaiteront, et ce sans aucun contrôle même en ce qui concerne les armes. Par ailleurs, bon nombre d'informations ont circulé sur le fait que parmi les réfugiés, se trouvaient un grand nombre de femmes, d'enfants affamés, de mourants, etc. Or, d'après nos constatations, les hommes étaient nombreux et bien organisés, contrairement à ce que d'aucuns ont essayé de nous faire croire au début.
Le gouvernement rwandais respecte donc les déclarations qu'il fait à la Belgique depuis deux ans. J'ai eu des conversations avec le vice-président à cet égard, ainsi qu'avec une série de responsables sur place. J'ai également discuté avec des militaires qui suivaient le retour des réfugiés à raison de dix militaires pour dix à quinze mille réfugiés et qui tentaient d'orienter ceux qui le souhaitaient.
Nous devrions nous montrer très modestes à l'égard du succès incroyable remporté par le Rwanda. Des difficultés surgiront probablement, à un moment ou à un autre. Mais la sérénité qui marque cet événement est admirable. Dans ce pays, est en train de se stabiliser une élite africaine, laquelle ne ressemble en rien à celle du grand pays voisin. C'est une élite africaine moderne, dynamique, bien soutenue et qui, si nous n'y prenons garde, n'aura absolument plus besoin des Belges. Ce serait dommage.
Monsieur le secrétaire d'État, dans un premier temps, je voudrais plaider en faveur de la présence belge dans ce pays. La coopération belge à Kigali a, selon moi, une analyse extrêmement correcte du rôle que nous pouvons y jouer. Nous ne devrions même pas être là pour l'aide d'urgence. En fait, aujourd'hui encore, les Rwandais nous demandent une présence assurant une coopération à long terme. En répondant positivement à cette orientation, nous leur montrerons que nous n'avons plus les mêmes arrière-pensées qu'il y a deux ans et que nous n'essayons plus à tout prix de leur faire dire qu'ils procéderont dans la semaine à la réconciliation. Ils comprendront qu'au contraire, nous sommes un partenaire stable à leurs côtés.
C'est dans cette zone que se trouve l'Afrique de l'avenir. Nous, qui y sommes pour le moment, aurions tort de négocier cette évolution.
Que savez-vous de la tactique de l'Afrique du Sud dans cette zone, monsieur le secrétaire d'État ? Est-il irréaliste d'imaginer qu'en collaboration avec un certain nombre d'autres pays qui s'intéressent beaucoup à l'Afrique, notamment Israël, l'Afrique du Sud considère que son véritable hinterland, c'est le Zaïre, c'est toute cette partie anglophone, et qu'avec les autorités de l'Ouganda et du Rwanda, elle dispose déjà d'un accord de coopération établi, sans grande publicité peut-être, mais en tout cas sur une base très solide ? L'inquiétude subsiste cependant quant aux événements qui se déroulent au Zaïre.
Que savez-vous des activités et des mouvements de l'armée de M. Savimbi, ou du moins ce qu'il en reste ?
Vous savez certainement que cette armée, qui compte quelques dizaines de milliers d'hommes, a théoriquement été désarmée et s'est repliée du côté du Kasaï, où elle fonctionne dans des bases qui lui ont été affectées à la suite d'un accord avec le président Mobutu. Des experts peuvent-ils encore vous donner avec précision des informations sur cette armée ? Il serait intéressant d'observer les mouvements militaires qui ont lieu au Zaïre, mais pas à Kinshasa il est vrai.
Lorsque vous étiez sur place, vous avez parlé d'élections. Nous avons coutume de dire que celles-ci constituent un bon système, et c'est sans doute le moins mauvais. Pour être réussies, les élections au Zaïre doivent se dérouler avec, au moins, un consensus des leaders régionaux, sous peine d'être boycottées et inefficaces et de constituer un gaspillage d'argent.
Une sorte d'accord sur la façon de préparer les élections doit également être pris avec les pays qui entourent le Zaïre.
J'aimerais que vous nous fassiez part de votre vision en la matière, monsieur le secrétaire d'État. À quoi serviront des élections si le Kasaï répond absent, si le Kivu se déclare officiellement hors du cadre zaïrois et si le Katanga annonce une abstention généralisée ?
Pourrons-nous faire l'économie diplomatique de contacts avec M. Kabila et, de façon générale, avec son mouvement et l'alliance ? Suivrons-nous les modèles américain et britannique dans ce type de contacts ? Je sais que ce n'est pas toujours bien vu mais, dans ce cas-ci, l'analyse est correcte.
Dans le secteur médical, pratiquement en parallèle, j'ai pu voir comment fonctionne un hôpital à Kigali, le CHK et les hôpitaux qui en dépendent. Je dispose également d'un rapport précis sur l'hôpital de Bunia dans l'Ituri. Il s'agit d'une zone qui présente un très large danger et un intérêt réel puisqu'elle constitue la zone tampon entre l'Ouganda et le Kivu dans le nord. De plus, c'est la zone d'or. La situation de l'hôpital de Bunia est une catastrophe. D'ailleurs, il n'y a plus d'hôpital.
Ne pourrions-nous pas, indépendamment de tout appel à de grandes opérations militaires qui ne seront plus de mise en Belgique peut-être peut-on le regretter , réinvestir ville par ville des objectifs de santé qui permettent au moins de rendre à la population un minimum de protection ?
Toute la Belgique souhaite que l'on puisse répondre positivement aux demandes zaïroises. Il ne s'agit pas de se borner à organiser des élections avec un point de vue européen inapplicable sur le terrain à très court terme. Préalablement, nous pourrions réfléchir à un plan de participation très différente au développement de ce pays.
Je voudrais aborder un point qui ne relève peut-être pas de votre compétence, monsieur le secrétaire d'État. J'aimerais vous parler de ce qui se dit en matière de coopération militaire.
L'évolution militaire au Zaïre est catastrophique. Il n'est pas nécessaire d'en reparler. Désencadrées, les forces armées zaïroises sont d'un poids très lourd. On peut considérer que la rébellion du Kivu, la séparation du Kasaï et la situation au Katanga sont dues au harcèlement de la population par les forces armées. Il faudrait progressivement reprendre pied dans cette situation, non pas en termes d'intervention militaire armée mais plutôt dans la formation. Il est urgent de renouer des contacts avec ceux qui aux niveaux supérieurs et intermédiaires de l'armée zaïroise ont un rôle à jouer dans ce pays. Cela est intimement lié à la volonté tellement affichée de procéder à des élections. Or, une telle démarche dans un pays où l'on n'a pas recréé un minimum de structures d'encadrement sécuritaire serait inévitablement battue en brèche.
Tous ces éléments composent une carte : la Belgique devrait considérer comme prioritaire de réactiver son rôle dans cette zone, un rôle diversifié car les interlocuteurs ne sont pas dans un état de grâce commun. Ce que nous faisons au Rwanda n'a pas à être négocié dans un cadre général qui comprendrait le Zaïre ou un autre pays. Nos actions au Rwanda, au Burundi et au Zaïre doivent être développées d'une manière importante et en respectant les interlocuteurs qui sont du côté zaïrois.
Monsieur le secrétaire d'État, je vous encourage, lorsque vous vous rendez au Zaïre, à ne pas vous limiter à rencontrer M. Kengo mais à prendre également contact avec ceux qui, sur le terrain, contrôlent réellement ce pays aujourd'hui, dans la plupart des cas avec le soutien croissant de la population.
J'espère que nous pourrons poursuivre cette réflexion et que la Belgique retrouvera un véritable noyau d'expertises zaïroises et d'une manière plus générale en Afrique centrale, si possible en liaison avec ce qui se fait aujourd'hui en Afrique du Sud. Sinon, nous courons le risque d'être simplement entraînés dans ce que votre ami Emmanuelli considère peut-être encore aujourd'hui comme une bonne politique. Or, si la France poursuit dans cette voie, nous risquons tout simplement d'être balayés de cette partie de l'Afrique.
M. le Président. La parole est à Mme Willame.
Mme Willame-Boonen (PSC). Monsieur le Président, je voudrais poser au secrétaire d'État quelques questions en relation avec les demandes d'explications de cet après-midi et son récent voyage.
L'ensemble des forces politiques qui s'intéresse à la problématique zaïroise avait placé beaucoup d'espoir dans l'organisation d'élections démocratiques dans ce pays, comme clé de voûte du processus démocratique à installer le plus rapidement possible.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez effectué une visite sur place. Vous avez donc pu vous rendre compte, de manière très concrète, de la réalité de la situation et prendre de nombreux contacts.
Quelles sont encore les perspectives pour la tenue de ces élections dans les conditions politiques que nous connaissons ? Suivant quel calendrier ? Quelle est encore la signification de la date butoir de juillet 1997 ?
À quel stade en sont les différentes étapes du processus, à savoir l'adoption du projet de Constitution, le recensement et l'organisation d'un référendum ?
Quelles sont les décisions relatives au financement prises à l'échelon belge, européen et international ? Quelles sont les sommes libérées ? Quelles sont les conditions qui y sont assorties et sous quel contrôle ? À quoi serviront les montants dégagés et comment seront financées les campagnes électorales des partis politiques zaïrois ?
De Voorzitter. Het woord is aan de heer Hostekint.
De heer Hostekint (SP). Mijnheer de Voorzitter, het kan niet worden ontkend dat de staatssecretaris met zijn bezoek aan Zaïre een belangrijk signaal heeft willen geven aan de Zaïrese bevolking. Het was vooral een signaal van hoop, waarmee de Belgische Regering de wil heeft uitgedrukt om de Zaïrese bevolking daadwerkelijk te helpen in de dramatische omstandigheden waarin ze is terechtgekomen na de gebeurtenissen in Oost-Zaïre. Het leven van honderdduizenden mensen staat daar op het spel.
Het bezoek lag ook volledig in de lijn van het beleid van de minister van Buitenlandse Zaken en van de Belgische Regering, om met elk van de betrokken partijen in de regio contacten te blijven onderhouden en om te proberen te bemiddelen in het conflict. In bepaalde milieus werd het meteen geïnterpreteerd als een hervatting van de directe bilaterale samenwerking met Zaïre. In dat verband herinner ik aan de beslissing van de Regering van april 1994, die strikte voorwaarden oplegde voor de hervatting van de directe bilaterale betrekkingen met Zaïre, met name het respect voor de mensenrechten, de democratisering en het principe van goed bestuur. In afwachting werd er aan de Zaïrese bevolking nog onrechtstreekse hulp verstrekt, via de NGO's.
De Ministerraad heeft in december 1995 beslist de indirecte bilaterale samenwerking met Zaïre te versterken. Deze samenwerking moet zich toespitsen op de domeinen gezondheidszorg, onderwijs, democratisering en mensenrechten. Er mogen op het terrein, maximum tien projectcoördinatoren worden gestuurd.
De staatssecretaris verklaarde tijdens zijn bezoek dat de omvang van de problemen in Zaïre het opdrijven van de Belgische steun noodzakelijk maakt. Langs de pers vernamen we dat die steun zou worden opgetrokken van 640 miljoen tot 1 miljard frank.
In dat verband, los van de humanitaire hulp van 300 miljoen, wens ik de staatssecretaris volgende vragen te stellen.
Ten eerste, hoe staat het met het engagement van de Ministerraad van december 1995 ? Functioneren de projecten op het terrein en in welke sectoren ?
Ten tweede, hoeveel projectcoördinatoren zijn er aan het werk ?
Ten derde, is het niet opportuun eerst de beslissing van december 1995 te evalueren alvorens te beslissen om de steun te verhogen ?
Ten vierde, waarom werd het bedrag van 1 miljard naar voren geschoven ? Gebeurde dat in samenspraak met de Europese Unie of gaat het om een symbolisch bedrag ?
De staatssecretaris heeft tijdens zijn bezoek contacten gehad met een aantal leidinggevende figuren, ook van de oppositie. Heeft hij uit de gesprekken kunnen afleiden dat in Zaïre op het vlak van de democratisering en de mensenrechten vooruitgang is geboekt ? Is deze vooruitgang van dien aard dat binnen afzienbare tijd kan worden overwogen om de directe bilaterale samenwerking met Zaïre te hervatten ?
De Voorzitter. Het woord is aan de heer Anciaux.
De heer Anciaux (VU). Mijnheer de Voorzitter, het bezoek van de staatssecretaris aan Zaïre heeft mij in verwarring gebracht. Het was onverstandig van hem om met hetzelfde vliegtuig te reizen als de oppositieleider die zichzelf, na een bezoek aan de zieke president Mobutu, heeft uitgeroepen tot de nieuwe Eerste minister en dan, als groot gebaar van verzoening naar de regerende Eerste minister te stappen. Hierdoor bracht de staatssecretaris zichzelf in gevaar en werd een verward beeld opgehangen van het buitenlands beleid van België. Ons land steunt wie ? Onderhandelt het nog steeds niet met het Mobutu-regime ? Welke weg leidt het snelst naar een democratiseringsproces ?
De jongste berichten over het bezoek van de staatssecretaris hebben mij daarentegen aangenaam verrast. Hij heeft de basis, waarvoor het regime helemaal geen interesse heeft, weer hoop gegeven. België draagt in dat verband een bijzondere verantwoordelijkheid. Enerzijds meen ik dat er van een toenadering tot het Mobutu-regime geen sprake kan zijn. Anderzijds meen ik dat, na het afwegen van de risico's, de ontwikkelingshulp door de NGO's, voor een deel kan worden opgedreven.
M. le Président. La parole est à M. De Decker.
M. De Decker (PRL-FDF). Monsieur le Président, mon intervention sera très brève.
Je tiens en effet simplement à souligner le caractère désastreux de la totale division de la majorité sur le sujet qui nous occupe.
En fait, Mme Lizin reprend le discours que nous tenons depuis plusieurs années et qui plaide en faveur de la reprise d'une coopération directe avec le Zaïre, du rétablissement d'une présence médicale et de la reconquête d'un terrain abandonné. Il est vrai que l'attitude du SP a poussé la Belgique à abandonner ce territoire et sa population à leur triste sort.
Je constate par ailleurs que le représentant de ce parti fait le procès public et politique du secrétaire d'État à la Coopération.
Au-delà de ce constat lamentable, force est de remarquer que l'attitude d'un seul parti de la majorité engendre des conséquences politiques très graves sur le terrain. En effet, il bloque la tenue d'une politique responsable dans cette partie de l'Afrique. Je tenais à souligner très clairement ces éléments.
Je félicite par ailleurs le secrétaire d'État qui a accompli ce voyage en vue de renouer des contacts officiels avec ce pays. Si, à l'un ou l'autre moment, il avait besoin d'une majorité de rechange, il pourra, en toutes circonstances, compter sur le soutien du PRL. Il peut en avertir le Premier ministre.
Enfin, je souhaiterais poser une question au secrétaire d'État. Dans le cadre du problème du Kivu et des réfugiés qui sont rentrés chez eux dans de relativement bonnes conditions , je suis préoccupé par le fait que d'autres ex-réfugiés qui le sont peut-être toujours se sont déplacés vers l'ouest du Zaïre, à l'intérieur du territoire. Le risque est grand de voir se développer l'ambition d'une partie des pouvoirs politiques de la région qui souhaitent peut-être déplacer certaines frontières.
Quelle est, monsieur le secrétaire d'État, votre analyse de cette éventuelle mise en cause des frontières dans cette partie du monde ? Un déplacement des frontières à cet endroit créerait en effet un précédent extrêmement dangereux pour la totalité du continent africain, voire pour d'autres régions du monde. Un tel précédent serait considérable en termes de droit international public. J'aimerais donc connaître votre point de vue à ce sujet.
De Voorzitter. Het woord is aan de heer Hostekint.
De heer Hostekint (SP). Mijnheer de Voorzitter, de SP staat een verantwoorde politiek ten aanzien van Zaïre niet in de weg. De beslissingen die de Regering de jongste jaren heeft genomen met betrekking tot Zaïre, werden trouwens ook door de PS gesteund.
De Regering heeft voorwaarden gesteld voor de hervatting van de directe bilaterale samenwerking. Zodra aan deze voorwaarden, die overigens helemaal niet zo streng zijn, is voldaan, is de SP bereid de bilaterale betrekkingen met Zaïre te hervatten. Indien de PRL wil terugkeren naar de toestand van jaren geleden, toen wij een corrupt regime ondersteunden en de Belgische miljarden hebben zien verdwijnen in de zakken van de machthebbers in Zaïre, is dat haar keuze. Het is alleszins niet de keuze van de SP.
M. le Président. La parole est à M. De Decker.
M. De Decker (PRL-FDF). Monsieur Hostekint, notre propos ne vise pas à soutenir un régime mais à témoigner de la situation d'une population vis-à-vis de laquelle nous avons un certain nombre de responsabilités.
M. le Président. La parole est à M. Moreels, secrétaire d'État.
M. Moreels, secrétaire d'État à la Coopération au Développement, adjoint au Premier ministre. Monsieur le Président, je commencerai mon intervention par une présentation générale de ma mission.
Je me suis rendu au Zaïre à l'invitation de Mme N'Landu, collègue de la Coopération internationale. Le choix du moment a été commenté de façon différenciée au Zaïre et en Belgique. En vérité, le Zaïre traverse actuellement une période difficile sur le plan interne, sans oublier les problèmes du Kivu. En accord avec le Gouvernement, il m'a paru opportun d'anticiper la visite initialement prévue en décembre ou en janvier. Contrairement à ce qui a parfois été dit, je n'ai pas voyagé en compagnie de M. Tshisekedi et celui-ci ne m'a pas sollicité en vue d'obtenir un rendez-vous précis. L'arrivée de M. Tshisekedi n'a en rien perturbé le déroulement de ma visite en dépit des manifestions organisées pour l'accueillir. Mes entrevues avec le Premier ministre et les autres ministres concernés lors de la première journée de mon séjour étaient programmées de longue date.
Dans le cadre de la reprise de la coopération bilatérale indirecte, j'ai rencontré les responsables politiques ainsi que des représentants de la société civile, des ONG, des syndicats et des organisations de conscientisation des élections. Pendant trois heures, je me suis entretenu parfois durement, avec toutes ces personnes quant au rôle joué par les anciennes puissances coloniales. J'ai défendu l'idée que le Zaïre devait retrouver sa dignité, ce qui n'implique nullement la rupture du dialogue entre nos deux peuples liés de longue date. Je me suis rendu à Kisantu et à Kisangani où j'ai également rencontré des hommes politiques et des hommes d'affaires.
En ce qui concerne la reprise de la coopération bilatérale indirecte, la décision prise par le Gouvernement ouvre une voie en faveur d'un rapprochement entre nos deux peuples. La presse zaïroise majorité et opposition confondues a considéré qu'il s'agissait d'un geste marquant de solidarité vis-à-vis d'un pays en train d'imploser. À cet égard, nous pourrions nous interroger sur les raisons qui font qu'au point de vue géopolitique le fait laisse la communauté internationale sans réaction.
Ma visite a permis d'accélérer les négociations en cours depuis neuf mois entre l'Union européenne, en la personne de M. Kreps, et le gouvernement zaïrois. Ces négociations devaient aboutir à la création d'un accord-protocole entre l'Union européenne et le gouvernement zaïrois, accord indiquant toutes les possibilités de coopération avec les ONG.
Il s'agit d'un précédent important à l'échelon de l'Union européenne qui, pour la première fois, a conclu ce type d'accord, auquel chaque État membre de l'Union peut adhérer et qui mentionne des informations concernant le statut fiscal des ONG et celui des coopérants, les biens importés, les responsabilités, l'évaluation commune du gouvernement en question et des États membres, des ONG et des ministères du Plan, de la Coopération et des Finances, l'évaluation des projets et la représentation par des coordinateurs.
J'ai personnellement insisté sur la nécessité de nommer dix coordinateurs zaïrois, en plus des dix coordinateurs belges. Actuellement, sept coordinateurs belges ont été désignés; ils préparent leur prochain départ pour le Zaïre et seront aidés par sept coordinateurs zaïrois. Ces personnes discuteront ensemble de la coordination des projets mis sur pied. L'accord a été signé avant-hier à 19 heures, après quinze heures de débats suscités par mon insistance en ce qui concerne cette négociation.
Ma visite a également contribué à accélérer la procédure à notre échelon. Le budget prévu pour la coopération indirecte se décompose comme suit : quelque 240 millions pour le cofinancement, 203 millions pour le financement à 100 p.c., 50 millions pour les FAP, c'est-à-dire les Fonds d'actions ponctuelles, et 75 millions pour une action dans le cadre des écoles. Nous avons signé un accord concernant une première tranche d'aide, pour plus de 300 millions. L'accord relatif à la seconde tranche sera vraisemblablement conclu avant Noël, pour le même montant.
Notre coopération se concrétisera par des projets de santé, d'éducation et de sécurité alimentaire, projets menés dans cinq régions du Zaïre, pour un montant d'environ 600 millions de francs belges. Je ne veux pas entrer ici dans un jeu de concurrence ou « jeu de chiffres » entre États, mais je signale que la coopération bilatérale directe de la France j'en ai discuté voici quelques jours, à Kinshasa, avec l'ambassadeur français est fixée pour 1997 à 300 millions de francs belges, alors que notre coopération indirecte représente quelque 600 millions, sans parler de l'aide d'urgence que nous avons octroyée.
Wat de politieke boodschap aan Zaïre betreft, kan ik volkomen instemmen met de woorden van de vorige sprekers. Onze boodschap, die enkele weken geleden reeds werd uitgesproken door de minister van Buitenlandse Zaken, is dat de territoriale integriteit van Zaïre moet worden bewaard.
Dit lijkt op het eerste gezicht vreemd. Ik heb immers nog nooit meegemaakt dat de territoriale integriteit van een land in twijfel werd getrokken. Nu argumenteren sommigen echter dat de grenzen in dat gebied niet juist zijn. Zij werden evenwel in 1885 in het Verdrag van Berlijn vastgelegd. Ik heb ook nog nooit meegemaakt dat men vindt dat grenzen officieel moeten worden gewijzigd omdat het ene land het andere aanvalt en er geweld wordt gebruikt. Nu wordt dat argument wel geopperd. Als men het principe van de territoriale integriteit, dus van de onaantastbaarheid van de grenzen, opgeeft, speelt men een heel gevaarlijk spel.
Ons land heeft wellicht als eerste in de wereld de territoriale integriteit van Zaïre benadrukt. Zaïre heeft dat in dank aanvaard.
Troisièmement, il faut apporter un soutien au processus de démocratisation. Avant de développer ce point, je voudrais dire quelques mots à propos des indicateurs macroéconomiques du Zaïre. La dette de ce pays est de l'ordre de 14 à 15 milliards de dollars, soit trois fois le PIB. Le revenu moyen par habitant y est d'environ 110 dollars par an, soit moins de 10 dollars par mois. Sachant qu'au Zaïre, la famille moyenne compte huit personnes, le revenu mensuel moyen par famille s'élève donc à 80 dollars, soit environ 250 à 300 francs belges, ce qui n'est vraiment pas énorme. J'ajoute que le Zaïre connaît une inflation de 400 p.c. Avec de tels indicateurs macroéconomiques, on pourrait penser, à la limite, que toute la population se meurt de faim. Or, il n'en est rien. Depuis l'arrêt de la coopération belge et internationale et compte tenu de la reprise de l'aide humanitaire par la Belgique et par l'Union Européenne depuis 1993-1994, le Zaïre fait preuve d'une incroyable créativité au sein de la société civile. De ce fait, un important secteur informel s'est développé.
Certes, ce n'est pas une solution durable pour le pays, puisque les activités économiques de ce secteur informel échappent totalement à toute fiscalité. D'ailleurs, le processus fiscal est quasiment nul au Zaïre, sauf pour ce qui concerne les fonctionnaires dont les salaires sont toutefois extrêmement bas. Il est évident qu'au cours de la période de transition, le secteur informel devra se transformer en secteur formel. Cependant, vu la situation du pays, il constitue pour l'heure le seul moyen de survie, non seulement pour l'approvisionnement des hôpitaux en médicaments et en matériel médical, mais aussi pour l'artisanat et pour les PME au sein de la population zaïroise.
Iedereen in Zaïre, zowel de meerderheid als de oppositie, zowel de vertegenwoordigers van de civiele maatschappij als van de politieke elite, wil verkiezingen. Dat is de indruk die ik gedurende heel mijn verblijf, van het eerste tot het laatste moment, heb gekregen. Ik heb honderden mensen gesproken, maar ik heb niemand gehoord die zegde dat de verkiezingen moeten worden uitgesteld of afgelast om eerst het land herop te bouwen. Zij zegden integendeel dat de heropbouw van het land moet worden voorafgegaan door verkiezingen.
In de eerste plaats moet er een referendum komen over de grondwet van de Derde Republiek, die vier tot vijf weken geleden door het overgangsparlement werd aanvaard.
Deze grondwet bevat drie grote punten.
Ten eerste stelt zij een semi-presidentieel regime in met een verminderde macht voor de president, die weliswaar het buitenlands beleid en defensie onder zijn bevoegdheid houdt.
Ten tweede versterkt zij de macht van de regering en van de Eerste minister, die niet wordt aangewezen door de president, maar door de meerderheid in het Parlement. Dat is een belangrijk element. Daarom zegt de bevolking dat de wetgevende verkiezingen even belangrijk zijn als de presidentiële. Beide verkiezingen hangen nochtans samen.
Ten derde is er de federalisering van de staat. Dit hele proces zal spijtig genoeg wel tien of twintig jaar duren. Ook wij hebben onze democratie niet opgebouwd in tien of twintig jaar. Toch is deze nieuwe grondwet een duidelijke breuk met het verleden; ze creëert een nieuwe staatsvorm met meer transparante instellingen.
Er is een nieuwe politieke klasse, die van Zaïre iets positief wenst te maken. Er zijn weliswaar veel politieke partijen, namelijk 600, waarvan er slechts drie in elke streek vertegenwoordigd zijn. De ziekte van de president en de crisis in de Kivustreek zijn impulsen om allianties aan te gaan. Deze allianties zijn een interne Zaïrese politieke aangelegenheid. Wij kunnen alleen hopen dat deze allianties gebaseerd zijn op partijpolitieke programma's die een visie op het land ontwikkelen.
Officiellement, le référendum relatif à l'acceptation de la constitution par la population aura lieu au mois de février. Les lois électorales ayant déjà été adoptées par le parlement, ce dernier ne devra pas siéger une nouvelle fois en janvier ou février. Les parlementaires cesseront leurs fonctions le 24 décembre pour se rendre dans leurs régions respectives, afin d'y sensibiliser les populations à propos de la constitution.
Lors de ce référendum, la population sera appelée à se prononcer par oui ou par non. Ce projet de constitution est en discussion depuis six ans. Deux textes étaient proposés, mais l'un d'eux a été unanimement retenu. Il comprend les trois grands points que j'ai rappelés. La population pourra donc facilement se prononcer sur ce texte unique.
Les élections proprement dites auront lieu en juillet et je pense que le calendrier sera respecté. J'ai eu à ce sujet des contacts avec la Commission nationale des élections et avec la Commission indépendante des élections, laquelle émane de la société civile.
Sachant que l'on doit encore installer 987 comités d'élection dans les différentes régions, on peut s'imaginer que la mise en oeuvre de ces élections au Zaïre sera probablement la plus grande opération logistique qui ait eu lieu en Afrique depuis la période de la colonisation.
Dit referendum is een belangrijk moment in de democratische ontwikkeling van Zaïre. Zelfs in het bijna ideale scenario waarbij 95 tot 99 pct. van de Zaïrese stemgerechtigde bevolking zich naar de stembus begeeft, blijft er een probleem bestaan met de bevolkingscijfers per streek. De nationale verkiezingscommissie beschikt nog niet over alle gegevens van de volkstelling. Sommige niet-gouvernementele organisaties en kerken beschikken daar wel over en geven ze op dit ogenblik door.
De telling van de Banyamulenge waarover zoveel te doen is, vormt niet eens het grootste probleem. Het gaat om 50 000 mensen onder leiding van Kabila, zelf een Baluba trouwens, die reeds in 1964 aan de zijde van de Mulelisten streed. Zij hebben weliswaar niet de Zaïrese nationaliteit, maar vertegenwoordigen ook niet meer dan 50 000 inwoners op een totaal van 5,5 miljoen in Noord- en Zuid-Kivu. Het probleem van de volkstelling wordt dus niet gevormd door de Banyarwanda, maar wel door de duizenden Zaïrezen die gevlucht zijn naar Hoog-Zaïre en Kisangani, waardoor de cijfers van de volkstelling niet meer overeenstemmen met de realiteit van vandaag.
De kostprijs van de hele operatie bedraagt 256 miljoen dollar. Daarvan zullen 102 miljoen dollar door de Zaïrese regering moeten worden betaald en 154 miljoen dollar door de internationale gemeenschap. Daarvan zijn er 75 miljoen toegezegd door de Europese Unie en van andere landen zoals de Verenigde Staten, Japan en Canada mogen nogmaals 75 miljoen worden verwacht. Premier Kengo heeft verklaard dat de eerste 25 miljoen dollar weldra in het zogenaamde Trust Fund zullen worden gestort.
De hulp aan- en het toezicht op de verkiezingen zullen worden waargenomen door een pyramidale structuur. Aan het hoofd hiervan staat een gezant van de secretaris-generaal van de Verenigde Naties. Deze is nog niet benoemd, maar van Belgische zijde werd aangedrongen op het kiezen van een figuur die op geen enkele manier bindingen heeft met de protagonisten in het gebied van de Grote Meren. Voorts werkt een bureau van zes VN-raadgevers samen met de Zaïrese Commission nationale des élections aan de voorbereiding van de verkiezingen. Ten slotte komt er ook een Europese electorale unit , aangezien de Europese Unie de grootste donor is.
De heer Krebs, vertegenwoordiger van de Europese Unie in Kinshasa, heeft mij erop attent gemaakt dat de eerste dollar van de beloofde steun nog dient te worden gestort. Hij steekt hiervoor een beschuldigende vinger uit naar de loodzware Europese procedures. Uit ervaring met mijn eigen administratie weet ik dat ook de Belgische procedures slechts langzaam verlopen. Van Europese zijde kunnen wij mooi aandringen op Zaïrese spoed bij het drukken van de stembiljetten en het inzetten van de transportmiddelen, voor de Zaïrezen is de vraag hoe dat kan worden betaald. Aan de Belgische Eerste minister en de minister van Buitenlandse Zaken heb ik met het oog op de top van Dublin hiervoor extra aandacht gevraagd. Alleen een snelle storting van het beloofde geld maakt de logistieke voorbereiding van de verkiezingen in Zaïre mogelijk.
In mijn officieel discours tegenover mijn Zaïrese gesprekspartners, maar ook tegenover de Zaïrese pers en de Belgische publieke opinie, kan ik mijn steun aan het democratiseringsproces in Zaïre alleen in algemene termen betuigen. Als de mensen ter plaatse mijn mening vragen over een te respecteren agenda, dan durf ik voorzichtig volgend schema suggereren. Het referendum zou eventueel in de maanden juni en juli 1997 kunnen worden georganiseerd, zodat de verkiezingen in één weekend op het einde van het jaar kunnen plaatshebben. Het weze duidelijk dat ik hier geen officiële timing meedeel; dit is slechts een gedachtenoefening onder parlementsleden. Toch moet het duidelijk zijn dat Zaïre een enorm groot land is en dat de dorpelingen zich vaak ver op pad dienen te begeven om te kunnen stemmen. Hoe moeilijk dit alles ook zal zijn en hoe talrijk de problemen waarmee de bevolking zal hebben af te rekenen, een overgangsperiode van een jaar moet het voor Zaïre mogelijk maken een stap te zetten naar een federale democratie.
Un des problèmes qui se posent vis-à-vis de cette fédéralisation, concerne la loi financière. Des discussions ont également lieu en la matière. En effet, certaines régions du Zaïre sont beaucoup plus riches que d'autres. Une loi financière devra donc être élaborée, afin de déterminer la part à attribuer à l'État central et aux régions fédéralisées, au niveau de ces fonds. Si tel n'était pas le cas, nous pourrions assister à un démembrement de l'État. Sur le plan de la dialectique et du point de vue politique, ces perspectives sont bien préparées. Les Zaïrois, les Rwandais mais aussi les Burundais ont en effet une dialectique politique d'un niveau extrêmement élevé. Cependant, ce pays se trouve dans une situation particulièrement délicate, notamment sur le plan de ses infrastructures qui sont délabrées.
Si le référendum pouvait se révéler favorable à cette troisième constitution, quels que soient les problèmes rencontrés par le Zaïre au niveau du conflit, la période de transition serait définitivement admise. Le référendum sera donc à la base de la transition qui marquera ce pays.
De derde doelstelling was naar Kisangani te gaan. Bepaalde mensen hadden mij dat afgeraden, maar wij, gewezen humanitaire helpers, hebben niet dezelfde normen inzake gevaar als diplomaten en ik ben dus wel gegaan. De toestand was daar vrij gespannen. Of men nu positief staat tegenover Zaïre of niet, Zaïre is in het Grote Meren-gebied in elk geval een ongelooflijk sterk vernederd land. De Zaïrezen koesteren geen enorme haat tegen hun buurland Rwanda, maar vinden wel dat hun territorium hersteld moet zijn, vóór ze de dialoog met hun buurland kunnen hervatten. Zaïre beschouwt het conflict overigens als een Rwandees-Rwandese aangelegenheid, Rwanda vindt het een Zaïrees-Zaïrese aangelegenheid. Dat is uiteraard het grote meningsverschil tussen beide landen.
Ik ben naar Kisangani gegaan omdat in deze stad nog altijd vluchtelingen toekomen. Deze mensen zijn op de vlucht voor de rebellen van de Mouvement de Libération van de heer Kabila, voor de ex-FAR, de Interahamwe, en voor de derde macht ter plaatse, de FAZ, de Forces armées zaïroises indisciplinées. Zij komen van Goma en Bukavu aan de grens met Rwanda langs de gewone wegen.
Zij leggen een afstand van 600 kilometer af. Ik heb een Belgisch coöperant naar België meegebracht, men heeft hem ongetwijfeld op de televisie gezien, die dezelfde afstand te voet heeft afgelegd en kan getuigen over de problemen die er rijzen en over de gevaren die hij op zijn tocht allemaal heeft doorstaan.
Le premier appareil d'Aviation sans Frontières a donc atterri à Lobutu, ville située à 200 kilomètres à l'est de Kisangani. Un premier convoi de deux camions s'est également rendu à Walikale. Les témoignages que j'ai recueillis s'accordent sur le fait qu'un nombre important de personnes fuient vers l'intérieur du Zaïre et qu'elles se rassemblent soit à Walikale, soit à Lobutu, pour se rendre lentement à Kisangani. Dimanche, environ 42 personnes sont également arrivées dans la matinée, à peu près en même temps que moi.
Comme notre coopérant l'a aussi dénoncé, des personnes vivent dans la forêt où elles se nourrissent de papayes et de ce qu'elles y trouvent. Il ne faut pas être très perspicace ni avoir une très grande expérience humanitaire pour dire que le principe d'accessibilité aux victimes pour lequel nous nous sommes battus doit être respecté. Le devoir d'ingérence humanitaire signifie que l'aide alimentaire et médicale doit parvenir aux victimes.
À cet égard, j'ai proposé de mettre sur pied une base humanitaire sécurisée qui partirait de Kisangani. Il suffirait qu'une centaine d'hommes restent sur place. Cette base partirait de l'aéroport de Kisangani actuellement en sécurité grâce à ce qu'il reste des troupes zaïroises régulières et ouvrirait un corridor humanitaire de Lobutu à Walikale comme ce fut le cas au Rwanda, de manière spontanée, par Giseny vers Kigali. Selon nos dernières informations, Walikale ne serait pas aux mains des rebelles zaïrois.
Ce couloir permettrait de protéger les convois humanitaires ainsi que les réfugiés qui pourraient ainsi sortir des forêts, accéder à de l'eau potable, à l'aide humanitaire et à des soins dans des dispensaires de fortune. Il doit être protégé car tout le monde sait que les routes sont extrêmement dangereuses. Les affrontements d'ordres ethnique et idéologique n'en sont pas la seule raison. Le problème de la pauvreté structurelle intervient également. Ainsi, pendant deux ans, l'aide alimentaire a été distribuée de façon très inégale entre les réfugiés et la population locale.
Le surarmement est aussi une cause. Voici dix mois, vous vous en souviendrez, j'ai proposé au Conseil européen de mettre un embargo sur les armes au niveau du Kivu et d'autres régions. Mais ma suggestion n'a pas été suivie. De nombreuses missions des États-Unis se sont rendues sur place pour contrôler les aéroports et les routes principales lors de l'arrivée des armes. La région est donc surarmée.
Enfin, le fait que les soldats soient en proie à la faim contribue également à rendre la zone dangereuse. Ainsi, dimanche passé, à la Procure, quelqu'un me disait : « Nous devons donner à manger aux soldats sinon les soldats vont nous manger. »
J'ai transmis ma proposition d'établir une base humanitaire sécurisée avec un nombre relativement faible d'hommes au Premier ministre et au ministre des Affaires étrangères qui eux-mêmes l'ont transmise à M. Chrétien. Cette proposition est actuellement étudiée à New York par M. Ajello, par les Canadiens et par d'autres pays. On verra bien ce qu'il en ressort mais, de toute façon, c'est un signal non seulement politique mais aussi humanitaire vis-à-vis de cette population qui est relativement oubliée, qu'on le veuille ou non.
Pour ma part, je n'ai pas à choisir entrer de bonnes et de mauvaises victimes, monsieur Destexhe, selon qu'elles se trouvent d'un côté ou de l'autre de la frontière. D'une part, nous avons des personnes déplacées et, d'autre part, des réfugiés. Au niveau du Rwanda, nous avons également une coopération conditionnelle ainsi qu'une aide humanitaire très importante. Dix millions d'écus ont été libérés par la Commission en faveur de ce pays et des millions d'écus sont également destinés à la région des Grands Lacs. Nous contribuons donc à l'aide humanitaire mais aussi et surtout à des programmes de réhabilitation et d'aide plus structurelle depuis un an et demi. Notre aide est davantage concentrée sur le sud-est de Butare. Cette aide vise toutes les populations, les rescapés du génocide, les réfugiés qui rentrent et ce que j'appelle aussi les anciens réfugiés. Sans établir de grandes distinctions entre les différents types de population, notre aide vers le Rwanda vise la réhabilitation. Notre collaboration est médicale dans la zone de Kigali-Ruamangani. Quant à la zone au sud-est de Butare, nous intervenons dans la réhabilitation des terres, la redistribution, les problèmes fonciers, etc.
La semaine dernière, avant mon voyage au Zaïre, j'ai été un des premiers au Conseil européen à proposer un renforcement de la présence des moniteurs des droits de l'homme au Rwanda. Notre pays a dressé une liste de moniteurs que nous avons transmise au Commissaire des droits de l'homme, M. Aria Lasso à Genève. Ces personnes pourraient s'engager dans ce monitorat qui vise les droits de l'homme, les problèmes fonciers, la redistribution des terres, l'accessibilité aux soins de santé, etc.
J'espère que la proposition d'une base humanitaire sécurisée aura une suite. La guerre des chiffres n'est pas une solution.
Ik heb daartegen gerevolteerd. Men kan een Golfoorlog voeren aan de hand van satellietfoto's, maar men kan blijkbaar niet nagaan hoe een groep mensen zich verplaatst; sommigen spreken van 200 000, anderen hebben het over 700 000 mensen. Ik vind het trouwens nogal cynisch dat wij ons beginnen af te vragen vanaf welk aantal wij moeten interveniëren. Men heeft het mis als men meent de problemen rond de Grote Meren met droppings te kunnen oplossen. Droppings zijn alleen nuttig in ontoegankelijke streken.
De plus, droper suppose une réception sécurisée au sol. Actuellement, ces opérations ne comportent pas de base logistique puisque toutes les zones sont accessibles par la route. Il est impossible de procéder à cette manoeuvre en pleine forêt tropicale puisque la concentration des arbres rend la chose impossible. Si tous ces éléments servent d'alibi à la non-intervention dans le mandat humanitaire prévu par les résolutions 1078 et 1080, c'est bien regrettable.
Je souhaite émettre une remarque personnelle et donc nullement politique. Je pense que le mandat humanitaire est insuffisant. J'ai rédigé une thèse à ce sujet. Mon collègue M. Destexhe le sait puisqu'il a écrit de nombreux livres à cet égard. Le mandat humanitaire est insuffisant; il doit être assorti d'un mandat de protection, non seulement de l'aide humanitaire, mais également des victimes, des personnes. Pour ce faire, le désarmement est indispensable. Actuellement, cette opération est menée par l'armée zaïroise à l'égard de ses troupes indisciplinées. C'est une phase extrêmement dangereuse.
Monsieur le Président, cette mission était difficile. La visite de M. Tshisekedi ne m'a absolument pas perturbé, ce fût peut-être davantage le cas en Belgique. Quand une mission se rend à l'étranger je crois qu'une mission parlementaire se rendra prochainement au Zaïre elle s'adresse au gouvernement en place. Elle rencontre aussi les représentants de l'opposition qui éventuellement le demande, ce qui ne fut pas le cas lors de ma visite. En tant que membre du Gouvernement, j'estime ne pas devoir me soucier de la cote de popularité des responsables politiques en place.
Pour terminer, je dirai que ce voyage et la parfaite concertation entre mon département, celui des Affaires étrangères et le Premier ministre ouvrent une nouvelle voie de dialogue, de restauration de la confiance, particulièrement en ces moments difficiles que connaît le Zaïre. Ce pays qui est à l'aube d'une transition historique est hélas handicapé par de nombreux problèmes internes et par la guerre du Kivu. Tous ces éléments influencent le budget de l'État. Or, depuis quelques mois, le gouvernement Kengo avait commencé à rembourser le Fonds monétaire international.
J'ai rencontré aujourd'hui une délégation importante de la Banque mondiale qui se rend au Zaïre afin d'examiner les différentes possibilités de lui apporter une aide financière. (Applaudissements.)
M. le Président. La parole est à M. Destexhe pour une réplique.
M. Destexhe (PRL-FDF). Monsieur le Président, l'intervention de M. le secrétaire d'État était intéressante mais, en ce qui concerne le Rwanda, elle ne m'a pas totalement convaincu.
En effet, aucune aide supplémentaire n'a été octroyée depuis le retour massif des réfugiés. Il a cité l'Union européenne. Je vous rappelle le communiqué du Conseil des ministres du 29 novembre qui stipule que le Gouvernement a « réexaminé la situation au Kivu ». Ce communiqué ne dit mot des 600 000 personnes rentrées mais stipule que les 300 millions de francs d'aides d'urgence qui avaient été débloqués restent exclusivement destinés à l'est du Zaïre. Une interrogation subsiste donc à ce niveau.
En ce qui concerne la base militaire de Kisangani, j'ai l'impression qu'il s'agit du prototype même de la fausse bonne idée.
Vous avez parlé, monsieur le secrétaire d'État, de 42 déplacés arrivés en un jour. Des problèmes humanitaires importants existent probablement dans la région, je ne le nie pas et pas plus que vous, je ne ferai de distinction entre les victimes. Toutefois, la querelle des chiffres ne me paraît pas aussi mesquine que vous l'avez dit. Il est évident que, depuis toujours, les chiffres de réfugiés dans la région des Grands Lacs ont été surestimés. On a exagéré très largement le nombre de personnes qui ont quitté le Rwanda en 1994 et, ensuite, le nombre de celles qui étaient restées au Zaïre. Je ne crois donc pas que l'on puisse prendre des décisions aussi importantes que le déclenchement d'opérations militaires qui, comme vous le savez, ont d'énormes conséquences tant locales qu'internationales, sur la base d'informations extrêmement fragmentaires.
En revanche, je suis certain que plus d'un demi million de personnes sont rentrées au Rwanda, c'est-à-dire que la population du Rwanda vient de s'accroître d'environ 10 p.c., avec les problèmes que cela suppose.
Après avoir entendu les remarques émises par M. Hostekint qui nous ont effrayées, nous approuvons d'autant plus votre voyage au Zaïre.
Tout en vous encourageant à poursuivre, il faudrait malgré tout relativiser les choses. Nous allons semble-t-il atteindre le chiffre d'un milliard d'aide. Nous étions à cinq milliards, voici quelques années et la Bolivie reçoit toujours plus d'aides que le Zaïre.
Je dirai à M. Hostekint que s'il avait voulu nous rallier au secrétaire d'État, il n'aurait pas agi autrement qu'en intervenant de cette manière.
Vos propos sont en effet à la fois affligeants et mesquins. Vous conviendrez que le nombre de dix coordinateurs de l'aide que vous avez cité est assez étriqué pour un pays comme le Zaïre. Toute augmentation, même minime, s'écarterait de la bonne politique que vous préconisez !
Les trois critères que vous avez cités sont par ailleurs ambigus. Nous plaidons tous en faveur du respect des droits de l'homme. Vous n'avez néanmoins pas toujours manifesté cette même volonté de respect à l'égard d'autres pays. Je répète que durant les années 1993 et 1994, les droits de l'homme étaient en effet beaucoup plus violés au Rwanda qu'au Zaïre.
Vous avez ensuite parlé de la démocratisation. Le secrétaire d'État a bien expliqué que cette démarche n'était pas simple. La démocratisation ne s'effectuera pas par le seul biais d'élections. M. Moreels nous a même fait sourire lorsqu'il a évoqué l'échéance de 2050 !
Enfin, monsieur Hostekint, lorsque vous dites que la reprise de l'aide doit être conditionnée à une « bonne administration du Zaïre », ne pensez-vous pas que vous vous permettez de donner des leçons à bon compte ? En effet, notre propre pays est-il si bien administré ?
M. le Président. La parole est à Mme Mayence.
Mme Mayence-Goossens (PRL-FDF). Monsieur le Président, j'ai applaudi le secrétaire d'État car depuis six ans, je prône notre retour au Zaïre. La prise d'une telle décision emporte donc mon estime et mes encouragements.
Je m'étonne de la volonté de tenir des élections et un référendum. Vous nous dites que la population exprime réellement ce souhait. Notre esprit rationnel nous fait évidemment poser la question suivante : est-il raisonnable d'opter pour une telle priorité alors que d'autres besoins sont si manifestes ?
Vous nous dites que le Zaïre contribuera également au coût, mais l'aide provenant de l'extérieur sera néanmoins considérable.
En fait, les Zaïrois ne souhaitent-ils pas surtout la reconnaissance internationale de leur évolution et de leur dignité ? Comme vous l'avez dit, ce peuple n'aime pas être considéré avec mépris. Les Zaïrois sont très fiers; ils ont beaucoup de créativité et d'humour. Ils sont donc très sensibles à l'humiliation. Le fait de montrer à l'opinion internationale qu'ils savent organiser des élections et un référendum leur donne peut-être la possibilité de prouver une certaine maturité politique et une forme d'indépendance de gestion. Je pense que vous teniez à faire passer ce message. La tenue de ces élections n'est donc peut-être pas seulement le signe extérieur d'une démocratisation.
Ces quelques réflexions ne demandent évidemment aucune réponse. Je tenais surtout à vous faire savoir combien j'ai été ravie de vous entendre à ce sujet.
M. le Président. La parole est à Mme Lizin.
Mme Lizin (PS). Monsieur le Président, je remercie M. le secrétaire d'État de sa réponse et, en particulier, de son allusion à l'action de M. Aria Lasso en ce qui concerne le Centre des droits de l'homme et le fonds volontaire.
L'appel lancé à propos des contributions consenties par les pays donateurs en vue d'une action particulière à l'égard du Rwanda, compte tenu de la situation, est important à la fois en ce qui concerne les observateurs nous avons insisté sur ce point à Genève mais aussi en ce qui concerne l'assistance technique au gouvernement rwandais. La mise en place des observateurs ne requiert pas l'accord du gouvernement rwandais tandis que la coopération technique répond à une véritable demande. Actuellement, le Rwanda sollicite une aide en matière d'encadrement des bourgmestres s'occupant des négociations relatives au retour sur les collines. Cette suggestion a été favorablement accueillie par bon nombre de pays. Dès lors, il était important que M. le secrétaire d'État mette en évidence l'excellent travail accompli à Genève. Cette tâche est trop souvent décriée alors que les moyens qu'elle met en oeuvre sont nettement moins onéreux que ceux requis par les opérations « multinationales ».
M. le secrétaire d'État a omis de nous parler d'éventuels contacts avec M. Kabila. Est-il d'avis que la visite d'une délégation parlementaire au Zaïre et, en particulier, au Kivu serait importante à cet égard ?
Il n'a rien dit non plus au sujet de l'armée de M. Savimbi. J'aimerais connaître son opinion à propos de la circulation d'hommes armés dans la zone qu'il souhaite pacifier.
Enfin, il n'a émis aucun commentaire à propos de l'Afrique du Sud et de la stratégie déployée dans cette partie du continent, ni sur ses relations avec M. Emmanueli.
Je désirerais qu'il s'exprime encore sur ces quelques points.
M. le Président. La parole est à M. Moreels, secrétaire d'État.
M. Moreels, secrétaire d'État à la Coopération au Développement, adjoint au Premier ministre. Monsieur le Président, le département de la Coopération au Développement a débloqué une somme globale de 300 millions répartie à raison de 80 millions en faveur du CICR, 70 millions en faveur du HCR, 90 millions en faveur du programme alimentaire mondial et 60 millions destinés à l'envoi de C-130.
Certains déplorent l'engagement, trop modeste à leurs yeux, de notre pays.
En vérité, les quatre premiers avions arrivés à Entebbe étaient des C-130 belges. Le premier avion envoyé à Kinshasa était aussi un de nos C-130. En outre, des avions civils ont également transporté une aide d'urgence. Lors du Sommet mondial de l'alimentation, le représentant du programme alimentaire mondial a admis que les biscuits protéinés acheminés vers les centres d'accueil à Gisengi avaient été transportés par nos C-130 au moment du retour massif des réfugiés. Cette distribution importante a permis à un grand nombre d'entre eux de trouver l'énergie suffisante pour effectuer une journée de marche.
Par conséquent, une partie importante du budget global a été affectée à l'aide d'urgence en faveur du Rwanda; l'est du Kivu, quant à lui, a reçu 95 tonnes d'aide urgente par le biais de l'aide accordée à la région des Grands Lacs.
Mme Mayence a évoqué la question des élections. La démocratisation ne se réduit ni aux élections ni au multipartisme. Un processus parallèle doit être mené, en termes d'obtention de droits politiques et civils, de droits socio-économiques et d'un certain bien-être. Quoi qu'il en soit, nous n'avons pas imposé ces élections, bien au contraire : elles sont ardemment souhaitées par les Zaïrois. Cela traduit leur volonté de rompre avec le passé avant de reconstruire l'avenir et de réhabiliter leur société.
Nous avons insisté sur la nécessité de désigner des moniteurs des droits de l'homme dans les 254 communes. Il s'agit, en fait, d'accompagnateurs ou begeleiders . Nous avions plaidé en faveur de la désignation de 502 moniteurs, mais M. Aylassoun a limité sa demande à 300 moniteurs. Après avoir procédé à un recrutement actif, nous avons communiqué, cette semaine, une liste de 30 personnes aux responsables, à Genève.
J'en viens à l'Afrique du Sud et à l'Angola. Sur le plan géopolitique, nous pouvons craindre l'implosion du Zaïre, d'autant plus que, sur neuf frontières, six sont instables, dont celle avec l'Angola. Le week-end dernier, des contrôles beaucoup plus importants ont été effectués dans cette zone, qui fait, semble-t-il, l'objet d'infiltrations, mais j'ignore si elles sont imputables à des mercenaires ou à des membres de l'UNITA.
L'Afrique du Sud, quant à elle, joue, par l'intermédiaire de son président, un rôle par rapport au rapprochement et au dialogue. Par contre, son intervention sur le plan des livraisons d'armes au Rwanda n'a pas toujours été appréciée. Toutefois, je n'ai pas ressenti, sur le plan diplomatique, une grande aversion à l'égard de ce pays.
M. le Président. En conclusion de ces demandes d'explications, j'ai reçu deux motions.
La première émane de MM. Desmedt et De Decker et est ainsi rédigée :
« Le Sénat,
Ayant entendu les demandes d'explications de Mme Mayence, M. Destexhe et Mme Lizin et la réponse du secrétaire d'État,
Marque sa satisfaction suite au voyage effectué au Zaïre par le secrétaire d'État à la Coopération au Développement,
Souhaite la reprise rapide de la coopération bilatérale directe entre le Zaïre et la Belgique. »
La seconde, déposée par Mmes Willame et Lizin et MM. Bourgeois et Hostekint, est rédigée comme suit :
« Le Sénat,
Ayant entendu les demandes d'explications de Mme Mayence, M. Destexhe et Mme Lizin et la réponse du secrétaire d'État,
Passe à l'ordre du jour. »
« De Senaat,
Gehoord de vraag om uitleg van mevrouw Mayence, de heer Destexhe en mevrouw Lizin en het antwoord van de staatssecretaris,
Gaat over tot de orde van de dag. »
Nous procéderons ultérieurement au vote sur la motion pure et simple qui bénéficie de la priorité.
Wij stemmen later over de gewone motie, die de voorrang heeft.
L'incident est clos.
Het incident is gesloten.