1-68

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Sénat de Belgique

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Annales parlementaires

Parlementaire handelingen

SÉANCE DU MARDI 8 OCTOBRE 1996

VERGADERING VAN DINSDAG 8 OKTOBER 1996

(Vervolg-Suite)

DEMANDE D'EXPLICATIONS DE M. DESTEXHE AU MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES SUR « LES ALLOCATIONS SOCIALES DE MARC DUTROUX »

VRAAG OM UITLEG VAN DE HEER DESTEXHE AAN DE MINISTER VAN SOCIALE ZAKEN OVER « DE SOCIALE UITKERINGEN VAN MARC DUTROUX »

M. le Président. ­ L'ordre du jour appelle la demande d'explications de M. Destexhe au ministre des Affaires sociales sur « les allocations sociales de Marc Dutroux ».

La parole est à M. Destexhe.

M. Destexhe (PRL-FDF). ­ Monsieur le Président, je voudrais évoquer un aspect peut-être marginal de cette affaire. S'il y a eu des dysfonctionnements à l'échelon de la Justice, des services de police et de la gendarmerie, il y en a eu également dans le système des allocations sociales puisque, de 1992 au 7 juillet 1996, Dutroux a bénéficié d'allocations sociales pour invalidité.

Jusqu'à présent, je crois que vous n'avez jamais répondu politiquement à ce sujet.

Par ailleurs, après avoir déposé ma demande d'explications, j'ai appris que Dutroux avait eu l'audace de contester la décision de le renvoyer des allocations sociales puisque, le 9 août 1996 ­ pratiquement alors qu'il était en train d'enlever Sabine et Laetitia ­ il entamait, en invoquant l'article 101, une procédure de contestation de la décision qui visait à l'exclure du bénéfice des indemnités d'invalidité. J'aimerais que vous puissiez nous dire s'il avait une chance de gagner cette procédure. Selon mes informations, le médecin de l'INAMI avait, en effet, émis un avis favorable permettant à Dutroux de continuer à percevoir les indemnités. Or, le médecin de la mutuelle n'a pas suivi cet avis. Cette démarche est en fait assez exceptionnelle car le médecin de la mutuelle aligne généralement son avis sur celui du médecin de l'INAMI.

Dès lors, comment Dutroux, qui sortait de prison en 1992, a-t-il pu obtenir le statut d'invalide et, partant, bénéficier d'allocations sociales ? Quelle procédure a-t-il suivie ? Vous savez comme moi que celle-ci est théoriquement longue. En effet, il faut tout d'abord être reconnu en incapacité primaire pendant un an. À l'issue de cette période, le médecin conseil de la mutuelle doit envoyer le dossier du patient au Conseil supérieur de contrôle médical de l'invalidité à Bruxelles. Sur la base du dossier médical, ce conseil peut soit accorder immédiatement le statut d'invalide, soit renvoyer le dossier devant une commission régionale afin de faire procéder à l'examen médical du patient.

Si mes informations sont exactes, Marc Dutroux s'est présenté devant la Commission régionale du Hainaut le 25 mars 1994. Il a été examiné par un collège composé de trois médecins : un médecin de l'INAMI et deux médecins conseils de la mutuelle. Le collège lui a accordé le statut d'invalide ouvrant le droit aux allocations.

Vous n'ignorez pas que les indemnités pour incapacité de travail ne sont octroyées que si la « réduction de capacité de gain » est d'au moins 66 p.c., soit deux tiers. Il est évidemment permis de se poser la question de savoir comment un individu tel que Dutroux a pu être jugé apte à bénéficier d'une réduction de sa capacité de gain de deux tiers au moins.

Ma deuxième question porte sur la plainte déposée contre Marc Dutroux en raison du travail clandestin qu'il effectuait. En janvier 1995, les services de l'INAMI ont reçu une plainte émanant d'un particulier. Cette plainte n'était pas anonyme. Le plaignant, qui avait fourni toutes ses coordonnées, dénonçait le fait que Dutroux effectuait des travaux rémunérés pour le compte d'autrui. Or, comme vous le savez, cette pratique est strictement interdite par le statut d'invalide. Cette plainte a donc été instruite par les services de l'INAMI. Il faudra alors attendre dix mois pour que vos services aient accès à certains éléments judiciaires du dossier Dutroux. Trois lettres ont été envoyées à la magistrature de Mons. La réponse à ces lettres a pris dix mois. Finalement, les services de l'inspection de l'INAMI ont pu découvrir dans le dossier judiciaire que Dutroux effectuait des travaux pour le compte de tiers ­ construction d'une terrasse en 1993 pour un montant de 850 000 francs, notamment.

L'inspecteur qui mène l'enquête n'a pu disposer de tous les éléments du dossier qu'en juin 1996 seulement ­ soit dix-huit mois après le dépôt de la plainte. Il a alors convoqué Dutroux et il lui a fait part de ses constatations. Comme vous le savez, selon l'ancienne loi, de telles constatations entraînaient automatiquement le remboursement de toutes les allocations perçues pendant la période d'invalidité. La loi a cependant changé. Désormais, en vertu de l'article 101, le fraudeur ­ Dutroux en l'occurrence ­ a la possibilité de demander le bénéfice d'une réduction de sanction qui vise le remboursement des seules indemnités correspondant aux jours pendant lesquels le fraudeur a travaillé au noir si son invalidité est toujours de 50 p.c. au moins.

Fin juin 1996, M. Dutroux a ensuite été soumis à un nouvel examen médical à l'issue duquel le médecin inspecteur de l'INAMI aurait estimé qu'il pouvait continuer à bénéficier du statut d'invalide. Quelques jours plus tard, le 7 juillet 1996, si mes renseignements sont exacts, le médecin conseil de la mutuelle a cependant décidé de le remettre au travail. Dans l'hypothèse où la séquence se serait effectivement produite dans cet ordre, il s'agirait de faits relativement exceptionnels, car, habituellement, les médecins conseils ne vont pas à l'encontre des décisions des médecins inspecteurs de l'INAMI.

Le 9 août 1996, M. Dutroux a adressé des courriers à sa mutuelle et à l'inspection de l'INAMI en vue de solliciter son maintien dans le statut d'invalide et, subsidiairement, le bénéfice des dispositions prévues à l'article 101 en matière de sanctions réduites.

À cet égard, l'INAMI a-t-il l'intention de réagir pour obtenir le remboursement des montants relatifs à toute la période d'invalidité ou, à tout le moins, aux jours pour lesquels l'intéressé a été reconnu en infraction ?

Du 5 décembre 1995 au 20 avril 1996, M. Dutroux était incarcéré et aurait dû voir ses indemnités réduites. Or, de décembre 1994 à avril 1996, il aurait perçu 1 400 francs par jour, soit des indemnités complètes.

Pouvez-vous, madame la ministre, confirmer cette information et, le cas échéant, estimez-vous qu'il s'agit d'une situation normale ?

Par ailleurs, pouvez-vous fournir une quelconque explication au fait que Mme Martin et M. Dutroux bénéficiaient chacun du taux isolé de 60 p.c. au lieu du taux de 40 p.c. réservé aux cohabitants ?

J'en arrive à présent à l'aspect du dossier relatif au secret médical. Entre 1992 et 1996, M. Dutroux a forcément dû se soumettre à divers examens médicaux pour établir son invalidité. Or, en juin 1996, le médecin conseil de la mutuelle a finalement décidé qu'il n'était ni invalide ni inapte au travail. Évidemment, ces examens médicaux sont couverts par le secret de sorte que Mme la ministre nous dira probablement qu'elle n'a pas accès aux dossiers...

Mme De Galan, ministre des Affaires sociales. ­ Vous m'en feriez certainement le reproche, monsieur Destexhe...

M. Destexhe (PRL-FDF). ­ Certes, madame la ministre.

Quoi qu'il en soit, il est possible que, dans ce cas précis, des certificats de complaisance aient été délivrés. En effet, compte tenu des travaux qu'il effectuait, je ne comprends pas comment il a pu être déclaré invalide à plus de 66 p.c. Or, telle a bien été la décision finale du médecin conseil, en juillet 1996. Ne serait-il pas possible de saisir le Conseil de l'Ordre des médecins, de lui demander de mener une enquête et de vérifier auprès des différents médecins ayant vu Dutroux si les règles éthiques de la profession médicale ont bien été respectées à l'occasion des différents examens passés par l'intéressé ?

J'en arrive au dernier élément. Le parcours de Dutroux, la facilité avec laquelle il a pu être reconnu invalide et bénéficier d'allocations sociales sont quand même, il faut le reconnaître, assez révélateurs de certaines faiblesses, voire de l'absence totale de contrôle dans ce domaine.

La Belgique compte ­ peut-être pourrez-vous donner des chiffres plus précis ? ­ 170 000 bénéficiaires d'allocations d'invalidité; la seule province du Hainaut en compte 33 517 dont les dossiers sont contrôlés par un seul inspecteur de l'INAMI. En outre, ce même inspecteur couvre également une partie de la province de Namur.

Ce problème du nombre insuffisant d'inspecteurs a été clairement reconnu dès 1994. L'arrêté royal du 18 février 1994 prétend d'ailleurs porter remède à cette situation, mais son contenu n'a jamais été appliqué.

Par ailleurs, une étude officielle en cours à l'INAMI montrerait que 60 p.c. des invalidités reconnues entre l'âge de trente à quarante ans le sont pour des raisons psychiatriques.

On peut, me semble-t-il, logiquement déduire de ce qui précède l'existence d'abus en matière d'octroi du statut d'invalide. Le système est extrêmement complexe. Les différentes mutualités réagissent très diversement aux abus, certaines étant réputées plus favorables que d'autres. À lire les textes de loi et arrêtés royaux, les rôles respectifs du médecin conseil des mutuelles et du médecin inspecteur de l'INAMI ne sont pas toujours clairement définis.

Quels sont vos projets en la matière ? Envisagez-vous de revoir la procédure de contrôle et d'améliorer celui-ci ? Les carences sont effectivement manifestes en la matière.

J'en arrive à ma conclusion. Ainsi que je l'ai indiqué au début de mon intervention, cette affaire présente un caractère quelque peu marginal par rapport au drame qui s'est produit et aux conséquences de ce dernier, mais elle est malgré tout très révélatrice des dysfonctionnements actuels.

Je vous demande, madame la ministre, de ne pas vous enfermer trop dans les textes de loi ­ vraiment peu clairs dans ce domaine ­ mais de répondre à la question suivante : comment une personne en bonne santé, logique et lucide comme l'était Dutroux a-t-elle pu, pendant plus de trois ans, être considérée comme invalide et bénéficier d'allocations sociales ? J'insiste sur le fait que les textes de loi sont, en la matière, tout à fait abscons et, à mon avis, incompréhensibles pour le commun des mortels. Personnellement, j'ai dû les examiner pendant plusieurs jours pour essayer de comprendre le fonctionnement du système. Or, un texte peu clair au départ ne peut être clairement appliqué. Dans le cas de Dutroux, c'est une évidence. (Applaudissements.)

De Voorzitter. ­ Het woord is aan de heer Van Hauthem.

De heer Van Hauthem (Vl. Bl.). ­ Mijnheer de Voorzitter, ik sluit mij aan bij de vraag om uitleg van de heer Destexhe. Het gaat hier immers om een element dat velen met verstomming heeft geslagen en waarvan men zich niet kan afmaken door te verwijzen naar de genialiteit van Marc Dutroux, die niet alleen het gerecht en de magistratuur om de tuin heeft kunnen leiden, maar ook het RIZIV. Dit zou een te gemakkelijke uitleg zijn om de eigen verantwoordelijkheid uit de weg te gaan.

Er werden structurele fouten opgestapeld en nalatigheden begaan. Het systeem heeft bovendien die structurele fouten zelf in de hand gewerkt. De vrijwel onbestaande controle op arbeidsongeschiktheid, vooral in Wallonië, is trouwens ook een lachertje. Dit is ook de teneur van de verklaring van CVP-voorzitter Van Peel op 9 september, die zegde dat men bij het horen van zulke feiten niet verwonderd moet zijn dat men in Vlaanderen de indruk heeft dat de criteria in ons landsgedeelte strenger worden toegepast dan in Wallonië. Men kan niet ontkennen dat er lekken zitten in het systeem en in de toepassing van de reglementering.

Dutroux werd invalide verklaard op grond van een psychisch letsel. Was in dit geval de adviserende arts een omnipracticus of een psychotherapeut ? De minister heeft destijds op een vraag van toenmalig CVP-kamerlid Vandendriessche geantwoord dat meer dan 550 000 personen een uitkering wegens arbeidsongeschiktheid genieten, hetzij wegens een handicap, hetzij wegens invaliditeit. Van die 550 000 is meer dan een derde arbeidsongeschikt wegens psychische problemen. Ik heb toch vragen bij dit hoog aantal ongeschikten wegens psychische problemen. Ik besef dat dit een delicate materie is. De criteria zijn uiteraard subjectief, maar hierdoor wordt volgens mij toch de deur opengezet voor misbruiken. Bovendien is de controle een lachertje, zoals ik reeds zegde. Er is aan het licht gekomen dat het RIZIV beschikt over een korps van acht adjunct-controleurs om de controle op de arbeidsongeschiktheid uit te voeren. De RVA beschikt over meer dan vierhonderd controleurs om zwartwerk op te speuren. Dat is toch veelzeggend. Van de acht controleurs zijn er maar twee actief in Wallonië, waarvan er dan nog één per fiets door de provincie Henegouwen peddelt. Worden er in de provincies Luik en Namen trouwens nog controles gedaan, want die provincies hebben zelfs geen adjunct-controleurs ? Dat is toch wel vrij kafkaiaans.

Ik beweer niet dat in Vlaanderen alles perfect wordt gecontroleerd, maar toch heeft men er ten minste nog één controleur per provincie, hoewel dit misschien ook nog te weinig is.

Ik vind dit hallucinant. Zo een systeem schreeuwt om misbruiken en om sociale fraude. Dit is misschien de verklaring waarom er in Henegouwen proportioneel veel meer arbeidsongeschikten zijn in vergelijking met het gemiddelde van het hele land.

Ik vraag de Eerste minister waarom er in twee van de vier Waalse provincies geen adjunct-controleur is, hoe lang dit reeds het geval is en waarom hieraan niets wordt gedaan. Ook wil ik weten hoe het komt dat een adjunct-controleur zijn verplaatsingen met het openbaar vervoer en per fiets moet doen. Voor zijn verplaatsingen met dat laatste vervoermiddel heeft de betrokken ambtenaar voor de jaren 1993 en 1994 een vergoeding van respectievelijk 476 en 680,5 frank ontvangen. In Le Soir van 16 september jongstleden verklaart de heer Delbecque dat hij de schade opgelopen bij drie verkeersongevallen tijdens zijn diensturen zelf heeft moeten vergoeden en sindsdien weigert nog langer zijn privé-wagen voor de dienst te gebruiken. Strookt dit verhaal met de werkelijkheid ?

Dezelfde ambtenaar wijst er tevens op dat de aard van de sancties die de wetgeving voorschrijft, een effectieve controle niet bepaald gemakkelijk maakt. Een sanctie kan er enkel in bestaan onrechtmatig geïnde uitkeringen terug te vorderen; aan het statuut zelf van de arbeidsongeschikte zou niet kunnen worden geraakt. Is dit conform de wettelijke bepalingen en, zo ja, welke logische verklaring kan de minister hier geven ?

Verder blijft het een raadsel waarom de onrechtmatige uitkeringen aan de heer Dutroux pas na een zeer lange periode werden teruggevorderd. Heeft de minister met betrekking tot deze zaak reeds een intern onderzoek laten uitvoeren en kan zij ons een vergelijking bezorgen van het aantal arbeidsongeschikten in de provincies Henegouwen, Namen en Luik met het nationaal gemiddelde ?

Over het gebrek aan controle op onder meer de arbeidsongeschikten werd reeds meerdere malen gedebatteerd, onder andere naar aanleiding van de discussie over de Noord-Zuidtransfers in de sociale zekerheid. De Franstaligen trokken dan steevast van leer tegen de hetze die de Vlamingen zouden ontketenen tegen de Waalse arbeidsongeschikten. Vandaag blijkt dat de onwil tot saneren manifest van politieke aard is. In De Morgen ­ een krant die moeilijk van extreem-rechtse sympathieën kan worden verdacht ­ lees ik : « Een aantal politici blijken er niet voor terug te deinzen steuntrekkers erop te wijzen dat ze vooral niet bang hoeven te zijn voor enige controle. »

Dat is reeds jaren lang de Waalse realiteit, die tot nu toe niet hardop aan de kaak mocht worden gesteld. Ontkennen is nu niet langer mogelijk. De Franstaligen, met minister-president Collignon op kop, hebben heftig, maar desalniettemin onterecht, gereageerd op de verklaringen van CVP-voorzitter Van Peel. Ik deel de mening van de editorialist van Gazet van Antwerpen die op 16 september schreef : « Ofwel vindt monsieur Collignon dat bedrag vanzelfsprekend en gerechtvaardigd, en dan moet hij de moed hebben om dat openlijk te vertellen, ofwel vindt hij dat niet en dan dringt een onderzoek zich op. Dit nu tegenhouden omdat het risico bestaat dat er nog andere misbruiken aan het licht zullen komen en alles toedekken met de mantel van de nationale rouw, lijkt veel meer op communautaire exploitatie dan de vraag die CVP-voorzitter Van Peel stelt. »

Als in de controles op de arbeidsongeschiktheid in Wallonië nu eindelijk schot zou komen, dan ware dit een goede zaak. Dat dit slechts kon gebeuren naar aanleiding van de zaak-Dutroux, laat uiteraard een wrange nasmaak. (Applaus bij het Vlaams Blok.)

M. le Président. ­ La parole est à Mme De Galan, ministre.

Mme De Galan, ministre des Affaires sociales. ­ Monsieur le Président, comme l'a souhaité M. Destexhe, je vais tenter de répondre sans trop faire référence aux textes légaux qui, en effet, sont assez compliqués. Je vais m'efforcer de retracer correctement le déroulement des faits en précisant bien le rôle de chacun, avant d'insister sur ce que nous comptons faire à l'avenir, une série de réformes étant actuellement en préparation. J'aborderai également le volet communautaire. Des études sur les indemnités sont actuellement menées au sein de l'INAMI qui n'a pas attendu la malheureuse affaire des enfants assassinés pour se mettre au travail.

Tout d'abord, je voudrais résumer le mécanisme de reconnaissance et de suivi de l'incapacité de travail dont a parlé M. Destexhe.

La personne incapable de travailler doit communiquer au médecin conseil de sa mutualité, dans les deux jours suivant le début de son incapacité, un certificat médical établi par son médecin traitant. Le médecin conseil notifie sa décision de reconnaissance ou non à l'intéressé dans un délai de trois jours. En cas d'acceptation de l'incapacité primaire, l'assuré est en principe convoqué à un examen médical dans les trois semaines suivant le début de son incapacité.

La première année d'incapacité de travail est totalement suivie par le médecin conseil de la mutualité. Si l'incapacité primaire atteint une durée d'un an, de sorte que l'assuré se prépare à tomber sous le régime de l'invalidité, le médecin conseil transmet à la Commission supérieure du conseil médical de l'invalidité ­ CMI ­ un rapport comportant tous les éléments permettant à la commission de se prononcer sur l'invalidité. Cette commission marque son accord ou non sur la demande de reconnaissance de l'invalidité, ou encore elle demande un examen corporel complémentaire à la commission régionale concernée. Ces commissions, organisées sur une base provinciale, constituent chacune en leur sein une section composée d'un médecin inspecteur de l'INAMI et de deux médecins conseils, chargés entre autres des examens corporels.

Les décisions de ces sections sont prises à l'unanimité, étant entendu qu'un médecin conseil s'abstient de voter si la décision concerne un affilié à sa mutualité. Il existe donc une règle déontologique.

Peu avant l'expiration de chaque période d'invalidité, le médecin conseil communique au CMI un rapport circonstancié dans lequel il propose éventuellement une nouvelle période d'invalidité.

On compte aujourd'hui approximativement 100 000 personnes en incapacité primaire, pour une durée de trois mois au moins, et 180 000 bénéficiaires en invalidité.

En ce qui concerne le dossier Dutroux, vous comprendrez, monsieur Destexhe, que pour des motifs de secret médical, les éléments précis qui figurent sur le certificat médical ne sont pas connus. Je ne parle pas ici du praticien qui a suivi Dutroux, les journaux ayant suffisamment fait allusion à son âge, à sa qualité, à ses titres et à ses hautes fonctions scientifiques. Il ne s'agit donc pas de n'importe qui et je ne reviendrai pas sur cette question à cette tribune.

Il est évident que la réalité de certaines affections est difficile à établir, particulièrement dans le secteur psychiatrique. Il est beaucoup plus difficile de mesurer une incapacité de type psychologique, psychiatrique ou à connotation mentale que la perte d'un bras ou de deux jambes, une hernie discale ou d'autres sortes d'affections. Ce type de diagnostic et de mesurage est inclus dans les mesures que nous comptons prendre dans les prochaines semaines, et j'y reviendrai tout à l'heure.

En tout état de cause, compte tenu du fait que sur le plan des procédures, des avis de commission, des certificats et des couvertures, toutes les formes ont été respectées, il n'y a pas lieu d'intervenir à l'égard des diverses personnes ayant traité cette affaire.

Il s'impose en revanche d'améliorer les procédures d'octroi du statut d'invalide et de surveillance des bénéficiaires d'indemnités.

Il est exact, monsieur Destexhe, qu'en janvier 1995, des plaintes signées ­ ce qui est exceptionnel en cette matière étant donné que le plus souvent, ce sont des lettres anonymes qui sont envoyées pour dénoncer un éventuel profit social ­ ont été adressées aux services compétents au sujet d'activités que M. Dutroux semblait exercer de manière illicite, alors qu'il bénéficiait d'une indemnité d'invalidité.

Le contrôleur adjoint ­ que je félicite d'avoir bien accompli son travail qui était considérable ­ a constaté à cette époque que l'intéressé faisait déjà l'objet d'un dossier pénal en raison de certaines activités, notamment commerciales, manifestement illicites.

Sur la base de la supposition que des constatations avaient été faites ou que des procès-verbaux avaient été établis dans le cadre de l'instruction de ce dossier, la consultation du dossier a été demandée au procureur du Roi. Cette autorisation a été accordée le 13 novembre 1995, le dossier pénal étant clôturé à ce moment-là.

Compte tenu des autres données que contenait le dossier, notamment des photos de voitures, certains témoins et d'autres personnes ont été interrogées dès le début 1996. Quant à l'intéressé lui-même, il a été entendu à son domicile pendant plus de six heures le 10 juin 1996.

M. Dutroux a été examiné le 26 juin 1996 par le Service du contrôle médical. Le 4 juillet 1996, le conseiller médical de sa mutualité a été informé de la décision de constatation de la fin de l'incapacité de travail avec effet au 15 janvier 1993, date à laquelle la preuve est fournie de l'exercice d'activités illicites et incompatibles avec son statut d'invalide.

Comme vous l'avez dit, monsieur Destexhe, l'intéressé, assisté d'un avocat, a introduit un recours, le 9 août 1996, contre la décision qui lui a été signifiée par l'INAMI, par le canal de sa mutuelle.

L'intéressé a entre-temps été informé par sa mutuelle, le 27 août 1996, de la récupération d'un montant de 1,2 million de francs. À la suite des contrôles effectués les 3 et 4 septembre derniers, il a également été constaté que M. Dutroux et Mme Martin, qui vivaient séparément ­ l'un étant domicilié à Charleroi et l'autre en Brabant wallon ­ pouvaient bénéficier chacun du statut de chef de ménage et relevaient à tort du régime préférentiel des VIPO.

Si vous le souhaitez, monsieur Destexhe, je vous communiquerai les différents montants pris en considération lors de l'octroi du statut de VIPO. J'y joindrai la valeur des revenus cadastraux des quatre immeubles appartenant à cette famille dont trois à Marc Dutroux et un à Michèle Martin. De façon générale, la valeur vénale de ces immeubles était estimée à 200 000 francs et le revenu cadastral avoisinait le zéro.

Le 16 septembre dernier, les mutualités respectives des époux Dutroux ont été invitées à réexaminer la situation de ceux-ci et à rectifier leur statut de VIPO préférentiel.

Des contrôles administratifs sont toujours en cours, notamment en ce qui concerne les charges de famille ­ chacun des époux avait plusieurs enfants à sa charge ­ et le remboursement des soins de santé, également effectué de façon préférentielle lorsqu'un statut de VIPO préférentiel est accordé.

Enfin, je tiens à souligner ­ cet élément m'a été communiqué par mes services; la presse flamande en a d'ailleurs fait état ­ que le 19 août 1996 ­ si je ne m'abuse, le lendemain de l'arrestation de M. Dutroux ­ sur la base des articles 29 et 30 du Code d'instruction criminelle, les services de l'INAMI ont informé toutes les instances judiciaires des éléments utiles dont ils disposaient, susceptibles de servir à l'enquête judiciaire.

Les 23 et 28 août, certains dossiers ont été demandés par le juge d'instruction de Neufchâteau, dans le respect des procédures prescrites et conformément aux dispositions applicables en matière de déontologie médicale auxquelles M. Destexhe a fait allusion.

Par conséquent, l'INAMI a accompli son devoir. M. Bottequin, directeur général du Service du contrôle médical, a personnellement assisté à plusieurs séances d'informations complémentaires en la matière. Par ailleurs, certains documents contenus dans le dossier de l'INAMI ont également permis aux enquêteurs de découvrir des indices ainsi que des témoins, lesquels ont pu être entendus par les magistrats instructeurs dans cette affaire.

Troisièmement, je souhaite approfondir quelque peu la problématique des contrôleurs adjoints de l'INAMI, lesquels ont fait l'objet de critiques sur le plan de leur nombre mais aussi de leur rôle. La fonction de contrôleur adjoint a été créée par la loi du 7 juillet 1976, à la suite des conclusions du rapport du commissaire royal Petit portant sur la situation en matière de maladie-invalidité.

Conformément à l'article 146 des lois coordonnées de l'INAMI, ces contrôleurs ont pour mission de détecter et de constater le concours illégal du bénéfice d'indemnités d'incapacité de travail et l'exercice d'une activité professionnelle ou d'un travail frauduleux.

En dépit d'un cadre du personnel réduit dont les différents ministres des Affaires sociales se sont plaint, des indemnités perçues indûment ont été déclarées récupérables en 1994 et en 1995 pour un montant global d'environ 38 millions de francs par an.

Il est cependant clair qu'un contrôle devant être effectué à l'aide d'un cadre du personnel très réduit, à savoir huit contrôleurs, par rapport au nombre de personnes en incapacité de travail ou invalides à contrôler, ne saurait être efficace, j'en conviens. Les tentatives pour remplacer les contrôleurs qui ont démissionné ou qui ont pris leur retraite ont souvent été vaines, car les candidats n'étaient pas nombreux.

Les difficultés liées à l'engagement de contrôleurs sont dues à la rigidité des procédures administratives mais également aux aspects déplaisants de la fonction qui, par ailleurs, ne bénéficie pas d'un statut administratif et pécuniaire intéressant. Une note m'a été transmise récemment, mais avant l'affaire Dutroux, d'où il ressort que les contrôleurs sont victimes de graves menaces. Dès lors, indépendamment d'une augmentation du nombre de contrôleurs, j'estime qu'il est indispensable de revaloriser le statut des intéressés.

Enfin, en ce qui concerne l'amélioration des procédures de contrôle, des actions devraient être entreprises à deux niveaux.

En premier lieu ­ cela intéressera M. Van Hauthem ­, il faut veiller à ce que la législation en matière d'indemnités et de soins de santé soit appliquée d'une manière uniforme pour l'ensemble du pays. À ce propos, je voudrais attirer l'attention sur les points suivants. En 1994, un groupe de travail a été créé au sein du comité de gestion de l'INAMI, secteur des indemnités, ayant pour mission d'étudier les facteurs qui expliquent les écarts entre les chiffres de morbidité des différentes mutualités. Il doit également étudier les facteurs qui justifient les différences régionales et subrégionales entre les chiffres de morbidité.

Par chiffre de morbidité, il faut entendre le nombre de jours indemnisés par titulaire indemnisable primaire. Il s'agit ici de l'incapacité primaire, relative à la première année. En janvier, une note relative aux différences pour 1996 entre les chiffres de morbidité par zone géographique a été discutée au sein de l'INAMI.

Une analyse a récemment également été clôturée au sujet du refus de reconnaissance de l'état d'invalidité par le Conseil médical de l'invalidité. Le pourcentage d'exclusion soit de non-reconnaissance par les médecins conseils par rapport au nombre total de dossiers introduits, s'élevait en 1994 à 6,01 p.c. pour l'ensemble du pays. Il existe des différences entre les provinces, qui ne correspondent toutefois pas à un clivage nord/sud. Par rapport à cette moyenne, Liège se situe à 3,06; Namur à 3,42; la Flandre occidentale à 3,51; Anvers à 4,39; le Luxembourg à 4,74; la Flandre orientale à 4,86; le Hainaut à 5,88; le Brabant à 7,82; le Limbourg à 12,47. En chiffres absolus, il s'agit de 1 533 non-reconnaissances sur 25 497 dossiers.

Je joindrai au dossier le nombre d'invalides par province, mais je puis déjà préciser, qu'en chiffres absolus, ceux-ci sont les plus nombreux en province de Brabant.

À la demande du conseil général du Service des soins de santé, formulée au cours de la réunion du 20 novembre 1995, le groupe de travail précité a été également chargé d'examiner si la variable « invalidité » est suffisamment homogène ou non d'un organisme assureur à l'autre pour pouvoir être utilisée dans le cadre de la responsabilité financière.

Les activités en cette matière ont été entamées sans délai. Les équipes universitaires KUL et DULBEA fournissent une aide technique dans le cadre de cet examen.

Les résultats de ces études et pré-études seront connus dans le courant du mois d'octobre. Si le Parlement le souhaite, je ne manquerai pas de lui en faire part.

J'en viens, en deuxième lieu, à l'amélioration des procédures de contrôle et à leur évaluation.

À ce sujet, des propositions ont été soumises mercredi dernier au comité de gestion du Service des indemnités de l'INAMI, lesquelles seront discutées sous peu.

Ces propositions ont trait, d'une part, à l'adaptation du nombre des fonctionnaires de contrôle. Pour le régime général, il est proposé de prévoir un contrôleur pour 10 000 invalides. En outre, le statut des intéressés sera aligné sur celui des autres fonctionnaires de contrôle, avec la possibilité de recourir à la gendarmerie et aux forces de police pour assurer leur mission avec force et sérénité.

Par ailleurs, une série de mesures sont proposées en vue d'améliorer le contrôle médical. Elles portent sur quatre aspects.

Premièrement, le relèvement de l'objectif en matière d'examens médicaux. Il s'agit d'une norme quantitative. Il faudra que systématiquement 10 p.c. des personnes soient examinées.

En 1995, les différentes commissions régionales ont tenu au total 1 438 séances. 8 590 invalides du régime général ont été soumis à un examen médical au cours de ces séances.

En ce qui concerne les personnes devenues invalides, 2 787 bénéficiaires ont été examinés sur un total de 25 622; 40 p.c. des personnes examinées ne sont pas reconnues comme étant invalides.

L'amélioration de la fréquence et de la quantité est bien entendu un atout. Lorsque l'on considère le nombre d'entrées en invalidité, le pourcentage de non-reconnaissance s'élève à 4,5 p.c. Il nous semble opportun d'accroître fortement le nombre d'examens médicaux lors de l'entrée en invalidité et de fixer comme objectif une norme de 20 p.c. d'examens des personnes devenues invalides.

À cet effet, il faut augmenter le nombre de médecins inspecteurs et de médecins conseils des mutualités qui siègent dans les commission régionales. Pour atteindre l'objectif, le nombre de médecins qui doivent veiller au bon fonctionnement des commissions régionales doit être doublé. À ce sujet, il faut signaler que cet objectif pourrait être atteint à plus bref délai si les examens médicaux exigés en application d'une loi que je citerai pas et relative aux handicapés pouvaient être supprimés. Cela permettrait aux services de l'INAMI de s'attacher aux tâches plus urgentes et non à l'examen de personnes non protégées. Cette révision est actuellement en préparation dans le cadre de la modernisation de la sécurité sociale. Il s'agit donc de la loi cadre que cette assemblée a examinée cet été.

Deuxièmement, l'expertise médicale pour les affections pouvant difficilement être objectivées.

Le caractère « invalidant »ou non de certaines affections, principalement d'ordre psychique, peut plus difficilement être établi que dans d'autres domaines médicaux.

Pour certains dossiers ­ psychopathie, dépression profonde ­ posant des problèmes délicats d'évaluation, il est dès lors proposé de faire appel à des médecins spécialistes qui font preuve de compétences particulières à l'égard de ce type d'affections. Un rapport d'expertise médicale, établi par un médecin expert indépendant, peut améliorer le fonctionnement et aider au fondement des décisions du Conseil médical de l'invalidité.

Le nombre de nouveaux cas liés à des affections d'ordre psychique s'élève à 7 035. L'objectif est également d'effectuer une expertise médicale dans 20 p.c. de ces cas.

Troisièmement, la garantie d'uniformité lors de la sélection des dossiers devant être examinés et pour lesquels une expertise doit avoir lieu.

Une commission restreinte du Conseil médical de l'invalidité, composée actuellement de deux médecins conseils, opère la sélection des dossiers qui doivent être examinés au sein de la commission régionale. En vue de garantir une meilleure uniformité lors de la sélection, un médecin fonctionnaire du Service des indemnités pourrait assister à toutes les séances de la commission précitée.

Afin de garantir la présence effective et permanente des médecins inspecteurs du Service des indemnités aux séances de la commission restreinte du Conseil médical de l'invalidité, il est proposé de prévoir deux emplois supplémentaires d'inspecteur médecin et de médecin-chef.

Quatrièmement, le contrôle en matière d'incapacité de travail primaire. Celui-ci relève de la compétence du médecin conseil : nous nous trouvons ici dans la sphère d'action des mutuelles. Le contrôle de l'activité du médecin conseil relève de la compétence du Service de contrôle médical qui est une des directions générales au sein de l'INAMI. Ce service a rédigé des directives à cet effet destinées aux médecins conseils. Celles-ci ne doivent pas faire l'objet d'adaptations fondamentales mais il importe cependant de veiller à ce qu'elles soient correctement appliquées par les médecins conseils, une tâche légale qui incombe au Service de contrôle médical.

Concrètement, l'activité des médecins inspecteurs de l'INAMI, Service invalidité, serait basée sur les profils d'activité de ces médecins conseils.

Actuellement, des rapports trimestriels sont établis par le médecin conseil. Ces données trimestrielles indiquent, par durée de maladie, le nombre de bénéficiaires convoqués pour un examen de contrôle, le nombre de bénéficiaires qui s'y sont réellement présentés et le nombre d'exclusions. Elles devraient être complétées par l'identification du bénéficiaire d'indemnités d'incapacité de travail, par exemple par le numéro d'identification au registre national ou par la future carte d'identité sociale.

Par ailleurs, ces rapports devraient également comporter des données au sujet de la situation sociale du bénéficiaire, ce qui permettrait de détecter les charges de famille ou les séparations frauduleuses déclarées pour toucher des allocations majorées.

Le coût total de ces propositions d'amélioration est estimé à 165 millions de francs. Le budget est dégagé et, au début de l'année prochaine, le nouveau système sera mis en route.

Je me suis également consacrée à l'avenir parce que nous avons tous la tentation, par rapport à des situations de fraude, de faire un amalgame avec l'ensemble des invalides ou des malades dont bon nombre méritent leurs indemnités.

M. Destexhe (PRL-FDF). ­ Vous reconnaîtrez que je ne l'ai pas fait.

Mme De Galan , ministre des Affaires sociales. ­ Certes. Mais, monsieur Destexhe, je voulais souligner qu'un meilleur contrôle des exclusions là où c'est nécessaire ne peut que profiter à toutes les personnes qui sont allocataires à juste titre.

Nous ne cautionnons en aucun cas la fraude et les situations fallacieuses pour détourner de l'argent de l'assurance, mais, par rapport à l'ONEm, dans cette matière particulièrement, que le sénateur Van Hauthem a évoquée, il existe toujours la protection du secret médical et celle du certificat médical.

L'Ordre a bien entendu été averti de cette situation. Un grand nombre de questions peuvent néanmoins être posées quant au suivi médical en prison de certains détenus, notamment. Le rapport concernant ce suivi médical fait également partie des documents permettant la prise de décision d'une mise en liberté conditionnelle éventuelle.

La balle est donc partiellement dans le camp de vos confrères, monsieur Destexhe. Personnellement, je ne m'interroge ni sur l'âge avancé d'un psychiatre ni sur sa capacité de suivre un patient. Ces points relèvent en effet de son éthique et de sa responsabilité médicale. Mon rôle consiste à faire respecter la loi et à sanctionner les fonctionnaires en cas de manquement. En l'occurrence, je pense que le travail effectué par ce petit contrôleur-adjoint a permis de faire avancer l'enquête, et ce beaucoup plus que l'on pourrait le penser. (Applaudissements.)

M. le Président . ­ La parole est à M. Destexhe.

M. Destexhe (PRL-FDF). ­ Monsieur le Président, je remercie Mme la ministre de sa réponse.

Vous confirmez donc bien, madame la ministre, que Dutroux a porté plainte le 9 août par l'intermédiaire de son avocat...

Mme De Galan, ministre des Affaires sociales. ­ Il s'agit d'un recours qu'il a d'ailleurs le droit d'introduire. Lorsqu'une personne est radiée ou suspendue du bénéfice des allocations de chômage, elle a le droit d'introduire un recours devant le tribunal du travail. Tout citoyen, quel qu'il soit, a le droit d'épuiser toutes les voies de recours.

M. Destexhe (PRL-FDF). ­ Je me permets néanmoins d'insister sur la coïncidence des dates qui montre la lucidité du personnage : le 9 août ­ jour de l'introduction de son recours ­, il se livrait à des activités tout à fait différentes !

Mme De Galan, ministre des Affaires sociales. ­ Je répète que Dutroux a été interrogé à son domicile au début du mois de juin. Les fillettes étaient donc encore vivantes. L'horrible est atteint dans l'ensemble du dossier. C'est la raison pour laquelle je me limite aux aspects techniques.

M. Destexhe (PRL-FDF). ­ Confirmez-vous que ce sont bien les services médicaux de l'INAMI ­ et non pas le médecin conseil ­ qui ont dénié le statut d'invalide ?

Mme De Galan, ministre des Affaires sociales. ­ Oui.

M. Destexhe (PRL-FDF). ­ Comment est-il par ailleurs possible que Dutroux ait pu pénétrer dans le système d'incapacité primaire alors qu'il sortait de prison ? Il est normal qu'un travailleur actif puisse profiter d'un tel système. Mais Dutroux n'appartient pas à cette classe de travailleurs ! Or, dès sa sortie de prison où il a passé trois ans, Dutroux y a immédiatement droit. Je ne comprends pas très bien.

Mme De Galan, ministre des Affaires sociales. ­ Une des conditions d'accès à ce système est le suivi médical pendant l'incarcération. Le rapport de ce suivi ­ psychiatrique en l'occurrence ­ permet notamment d'étayer le dossier d'une éventuelle mise en liberté conditionnelle.

Marc Dutroux a été suivi par ledit psychiatre pendant toute sa détention. Ce suivi n'a pas subi d'interruption. Les rapports de l'assistante sociale, du directeur de la prison, des autorités judiciaires du lieu et du médecin constituent d'ailleurs les pièces maîtresses du dossier.

Par ailleurs, ne perdez pas de vue le fait que les enfants de Marc Dutroux vivaient également de ces allocations pendant sa détention.

M. Destexhe (PRL-FDF). ­ Les indemnités doivent normalement être diminuées pendant une période d'incarcération.

Mme De Galan, ministre des Affaires sociales. ­ Elles seront intégralement récupérées avec rétroactivité au 1er janvier 1993.

M. Destexhe (PRL-FDF). ­ Vous avez longuement évoqué le secret médical. Je le respecte, tant en ma qualité de médecin que de citoyen.

Vous avez dit que l'Ordre avait été averti. J'en prends note.

En l'occurrence, l'Ordre des médecins devrait être incité à se pencher sur la question. Au moment où la justice et la police s'attachent à examiner le fonctionnement de leurs services, il serait logique que l'Ordre des médecins vérifie si les règles éthiques de la profession ont bien été respectées dans ce cas particulier. Quoi qu'il en soit, j'aimerais savoir si l'Ordre a bien été officiellement averti...

Mme De Galan, ministre des Affaires sociales. ­ De très nombreuses personnes se sont inquiétées de l'âge du prescripteur. En ce qui me concerne, je suis d'avis que la question relative à l'âge du départ à la retraite des médecins et à l'évaluation de leurs pratiques est étrangère au problème soulevé par la qualité du diagnostic et le respect de l'éthique médicale. Le psychiatre de Dutroux a probablement posé son diagnostic en toute bonne foi. Pour le surplus, je me bornerai à remarquer que l'Ordre des médecins est fondé à se saisir de questions déontologiques.

M. Destexhe (PRL-FDF). ­ Il ne s'agit pas ici d'examiner l'opportunité d'instaurer une limite d'âge pour les praticiens; mesure à laquelle je suis effectivement opposé. Par contre, il est question du respect de l'éthique de la profession, point sur lequel je suis persuadé que l'Ordre des médecins devrait enquêter.

En ce qui concerne les contrôleurs, je pense en effet qu'ils exercent un métier difficile avec des moyens dérisoires. Mais je constate aussi une disproportion flagrante entre les moyens mis à la disposition des contrôleurs et les sanctions susceptibles de frapper les tricheurs. En vertu de l'article 101, le fraudeur reconnu ne perd le bénéfice des allocations d'invalidité que pour la période durant laquelle l'infraction a été établie. Le risque est donc finalement réduit et la légèreté des sanctions incite probablement à la fraude.

Mme De Galan, ministre des Affaires sociales. ­ Je puis vous dire, monsieur Destexhe, que ce problème est à l'étude dans le cadre de la modernisation de la sécurité sociale, notamment en ce qui concerne la limite en matière de travail autorisé.

M. Destexhe (PRL-FDF). ­ Vous avez annoncé, madame la ministre, toute une série de mesures intéressantes. Je me demande pourtant s'il ne conviendrait pas de franchir une étape supplémentaire en nous inspirant de l'exemple de nos voisins hollandais, lesquels se voyaient confrontés à des abus considérables en matière d'invalidité : ils en étaient à près d'un demi-million d'invalides reconnus ! La Hollande vient de changer fondamentalement sa politique en soumettant les bénéficiaires à des contrôles médicaux réguliers.

Quant à l'ensemble de ces mesures que vous avez annoncées, je me bornerai à formuler une seule remarque : elles doivent, à mon sens, concerner les personnes qui entrent dans le système mais également celles qui y sont déjà. Vous avez cité le chiffre de 180 000 personnes en invalidité, auxquelles s'ajoutent 100 000 personnes en incapacité primaire depuis plus de trois mois, ce qui donne un total de 280 000. Ce chiffre me semble considérable par rapport à la population active.

Je ne manquerai pas ­ à l'instar d'autres collègues, je l'espère ­ de vous interpeller à nouveau dans un an pour vérifier l'application de ces mesures qu'en tout cas, je soutiendrai.

M. le Président. ­ La parole est à Mme De Galan, ministre.

Mme De Galan, ministre des Affaires sociales. ­ Monsieur le Président, je voudrais simplement rappeler à M. Destexhe que le système hollandais d'incapacité de travail est différent du nôtre puisque, dans ce pays, l'invalidité est reconnue dès qu'elle atteint 15 p.c. C'est la raison pour laquelle leurs statistiques présentent des chiffres si bas en matière de chômage.

M. le Président. ­ En conclusion de cette demande d'explications, j'ai reçu deux motions.

La première émane de MM. Coveliers, Desmedt et Foret et est ainsi rédigée :

« Le Sénat,

Ayant entendu la demande d'explications de M. le sénateur Destexhe concernant les fraudes à l'égard de l'INAMI dans le cadre de l'affaire Dutroux,

Ayant entendu la réponse de Mme la ministre des Affaires sociales,

Invite le Gouvernement à faire le nécessaire pour que les irrégularités qui pourraient apparaître dans ce dossier soient sanctionnées et que, si nécessaire, l'Ordre des médecins en soit saisi;

Invite le Gouvernement à mettre à la disposition de l'INAMI les moyens nécessaires pour organiser un contrôle plus efficace du système des invalidités, notamment en appliquant l'arrêté royal du 18 février 1994. »

La seconde, déposée par MM. Erdman, Lallemand et Mme Willame, est rédigée comme suit :

« Le Sénat,

Ayant entendu la demande d'explications de M. Destexhe et la réponse du ministre des Affaires sociales,

Passe à l'ordre du jour. »

« De Senaat,

Gehoord de vraag om uitleg van de heer Destexhe en het antwoord van de minister van Sociale Zaken,

Gaat over tot de orde van de dag. »

Nous procéderons ultérieurement au vote sur la motion pure et simple, qui bénéficie de la priorité.

Wij stemmen later over de gewone motie, die de voorrang heeft.

L'incident est clos.

Het incident is gesloten.