1-929/7 | 1-929/7 |
9 JUIN 1998
Procédure d'évocation
Art. 2
Compléter le § 1er de l'article 1675/13 proposé par un troisième alinéa rédigé comme suit :
« Si, au moment de contracter une dette, le débiteur a fourni au créancier, en réponse à sa demande, volontairement ou par négligence grave, des informations incorrectes ou incomplètes concernant ses facultés de remboursement, cette dette ne peut pas faire l'objet d'une remise. »
Justification
La remise de dettes en principal qu'un juge octroie de sa propre autorité constitue une exception importante aux principes de la liberté contractuelle et de la force obligatoire des contrats qui sont deux des piliers de notre droit des obligations (article 1134 du Code civil).
Si l'on omettait d'assortir cette possibilité de remise de garanties solides, la sécurité des contrats risquerait de s'en trouver affectée et il pourrait même y avoir une distorsion du marché (hausse du coût des crédits, baisse de l'offre des logements de location, diminution de la demande sur le marché de l'immobilier, etc.).
Il convient donc au moins de préciser dans le projet de loi qu'une mesure de remise ne peut être accordée qu'aux débiteurs qui sont de bonne foi, à l'exclusion de ceux qui, entre autres par des fausses déclarations, ont abusé de la confiance du créancier et ont ainsi influencé favorablement la décision de contracter (crédit, bail, prêt hypothécaire, etc.).
Cet amendement vise également à responsabiliser les créanciers.
La portée et la formulation de cet amendement (cf. « à sa demande », etc.) doivent inciter le créancier à prendre ses dispositions en vue de s'informer à propos de la solvabilité du débiteur. Aussi l'amendement a-t-il également une fonction préventive.
De plus, l'amendement garantit autant que possible la protection des personnes surendettées et ce, afin d'éviter que l'on nuise de manière injustifiée à leurs intérêts :
on suppose que les débiteurs sont de bonne foi; tel est d'ailleurs en droit civil le principe général et le projet n'y déroge pas; le créancier devra fournir la preuve que le débiteur est éventuellement de mauvaise foi. Le juge du fond statuera de manière souveraine sur cette question étant entendu qu'il ne considérera pas une simple négligence comme un motif suffisant; il devra y avoir un acte délibéré ou une négligence grave;
on jugera de la mauvaise foi pour chacune des dettes séparément et non globalement (comme le propose l'honorable collègue Hatry dans son amendement nº 1).
Cet amendement s'inspire de la loi allemande sur l'insolvabilité (Insolvenzordnung) et de la jurisprudence française.
Art. 2
À l'article 1675/16 proposé, supprimer les troisième et quatrième alinéas.
Justification
En ce qui concerne le troisième alinéa : la tierce-opposition
La suppression de la faculté de tierce-opposition dans le cadre de la procédure du règlement collectif de dettes ne se justifie pas.
Il ne faut pas perdre de vue que normalement, les créanciers ont déjà été appelés et sont déjà intervenus dans la procédure de sorte qu'une tierce-opposition n'est plus possible de leur part.
Par ailleurs, les créanciers n'ont pas tellement intérêt à ce qu'il y ait une quelconque procédure dilatoire puisque dans l'intervalle, toutes leurs voies d'exécution ont été suspendues. De plus, ils courent le risque d'être sanctionnés par le juge pour manoeuvre dilatoire dans le cadre du règlement collectif de dettes.
La suppression de la possibilité de tierce-opposition représenterait en outre à coup sûr une grave atteinte aux droits de tiers qui pourraient ainsi subir des dommages difficilement réparables.
Même si la tierce-opposition sera bien plus l'exception que la règle (comme c'est d'ailleurs actuellement le cas dans des procédures ordinaires), l'on peut effectivement imaginer des cas où il serait injuste et inéquitable de priver un tiers du droit de s'opposer à une décision qui léserait ses droits sans qu'il puisse se défendre.
Prenons comme exemple l'hypothèse du propriétaire d'un bien meuble qui, au stade du plan de règlement judiciaire, constate que son bien a été affecté par erreur au patrimoine du débiteur. Il est inconcevable que dans pareille situation, cette tierce personne soit privée du droit élémentaire de se pourvoir par tierce-opposition contre une décision qui concerne directement son patrimoine. Rien en droit ne justifie que ce tiers soit privé du droit de tierce-opposition.
L'on peut encore imaginer nombre de situations, par exemple celle d'une personne surendettée qui vend un bien immeuble lui appartenant (avec signature d'un compromis de vente), sans en informer le juge : quel autre recours l'acheteur aurait-il contre la décision du juge ordonnant la vente publique d'un bien immeuble qui a été retiré du patrimoine du débiteur, sinon la tierce-opposition ?
Concernant le quatrième alinéa : opposition à un jugement rendu par défaut
Dans le même ordre d'idées, il n'est pas souhaitable, dans le cadre de la procédure, de supprimer toute possibilité de faire opposition à un jugement rendu par défaut. Aucune des parties n'est à l'abri d'un événement qui, pour l'une ou l'autre raison, l'empêcherait d'être représentée valablement à une audience et qui lui ferait encourir un jugement par défaut.
Il serait exagéré d'obliger une partie qui se trouverait dans cette situation de se pourvoir contre ce jugement, ce qui lui ferait perdre un degré d'instance dans la procédure.
L'on peut d'ailleurs faire remarquer en général qu'il faudrait s'attaquer au comportement procédural dilatoire dans sa globalité (tout le monde est parfaitement d'accord sur ce point) au lieu de s'attaquer, comme il est proposé, à une seule procédure judiciaire déterminée.
Par ailleurs, l'on peut faire remarquer que les tribunaux ne voient pas d'un très bon oeil les organismes bancaires et les institutions de crédit et autres créanciers qui ne se montrent pas coopérants. Il est dès lors assez improbable que ces derniers laissent juger par défaut pour des raisons purement dilatoires. Comme on l'a déjà dit, un créancier n'a d'ailleurs aucun intérêt à adopter une attitude dilatoire au cours de la procédure.
Bref, les modifications proposées par l'amendement ne risquent en aucun cas de freiner la procédure ou de la retarder outre mesure, contrairement à ce que l'exposé des motifs peut laisser supposer. En effet, les voies de recours en question ne sont pas suspensives étant donné que les décisions du juge sont exécutoires par provision (2e alinéa); la procédure peut dès lors suivre son cours. L'absence d'effet suspensif doit en outre permettre d'éviter que l'on ait recours à l'appel dans le seul but de retarder la procédure.
Art. 20
Supprimer cet article.
Justification
La création d'un fonds collectif de lutte contre le surendettement, alimenté par de nouveaux prélèvements fiscaux, est totalement hors de propos, d'autant que ces taxes ne toucheraient qu'une seule catégorie de créanciers, à savoir les professionnels du crédit, alors que d'autres catégories de créanciers tels que le fisc sont également impliquées dans le phénomène de surendettement.
L'on ne peut d'ailleurs pas perdre de vue que les établissements de crédit répercuteront inévitablement cette taxe sur le consommateur.
De plus, la création et la gestion de ce fonds s'accompagneront inévitablement de tracasseries administratives et de coûts supplémentaires.
Il est dès lors indiqué de se limiter au mode de financement de la procédure tel qu'il était prévu dans le projet initial du gouvernement, à savoir que les honoraires et les frais du médiateur de dettes sont à charge du débiteur et sont payés par préférence (voir l'article 1675/19 proposé). De la sorte, ces honoraires et frais sont supportés par l'ensemble des créanciers, ce qui est plus équitable.
Ce système est analogue à celui qui prévaut dans les faillites puisqu'aucun régime particulier n'a été prévu pour le cas où l'actif disponible de la faillite ne serait pas suffisant pour couvrir tous les montants dus au curateur. Ce genre de situation est inhérent aux risques et devoirs de la fonction. De plus, on voit s'installer dans la plupart des cas un équilibre entre les faillites où l'actif est insuffisant pour rétribuer le curateur et les autres, qui sont plus rentables pour ce dernier.
Par ailleurs, la fonction d'intermédiaire de dettes sera généralement confiée aux CPAS ou à des organismes publics ou privés qui bénéficient de subventions publiques pour l'exécution de leurs missions. Le fait que ces organismes ne touchent parfois aucun honoraire n'a donc rien de dramatique puisque leur fonctionnement est assuré, quoi qu'il arrive, par les subventions précitées. De surcroît ils ont même financièrement intérêt à ce que les personnes qu'ils assistent bénéficient d'un règlement collectif de dettes.
D'autre part, on peut aussi désigner comme médiateur de dettes des avocats pro-deo dont l'intervention peut être prise en charge par l'État.
Selon nous, il faut éviter à tout prix de créer une nouvelle fois des fonds et des institutions superflus dès lors que les institutions existantes possèdent déjà les moyens, les compétences et les responsabilités nécessaires.
Il convient également de s'efforcer d'éviter au maximum de recourir à des médiateurs de dettes aux honoraires élevés. En mettant les honoraires des médiateurs de dettes à charge d'un nouveau fonds, on ne fera qu'encourager et qu'institutionnaliser une pratique par trop onéreuse.
Enfin, il ne faut pas perdre de vue que le Roi est habilité à édicter des règles en la matière (article 1675/19 proposé).
Si l'on juge absolument indispensable de développer un système de financement des honoraires de l'intermédiaire dans les cas où l'actif du débiteur s'avère insuffisant, il serait préférable, plutôt que de créer un fonds alimenté par une seule catégorie de créanciers, de s'inspirer de l'exemple du barreau. Le Roi pourrait créer un bureau du surendettement prenant pour modèle le bureau de consultation et de défense. La logique voudrait alors que ce soit l'État qui prenne en charge les indemnités versées dans ce cadre, dès lors que le surendettement est un problème de société qui le concerne au premier chef.
| Leo DELCROIX. |