1-57

1-57

Sénat de Belgique

Belgische Senaat

Annales parlementaires

Parlementaire handelingen

SÉANCE DU MERCREDI 10 JUILLET 1996

VERGADERING VAN WOENSDAG 10 JULI 1996

(Vervolg-Suite)

DEMANDE D'EXPLICATIONS DE M. DESTEXHE AU MINISTRE DE LA JUSTICE SUR « L'AFFAIRE NTEZIMANA ET L'AFFAIRE BAGOSORA »

VRAAG OM UITLEG VAN DE HEER DESTEXHE AAN DE MINISTER VAN JUSTITIE OVER « DE ZAAK - NTEZIMANA EN DE ZAAK - BAGOSORA »

M. le Président. ­ L'ordre du jour appelle la demande d'explications de M. Destexhe au ministre de la Justice sur « l'affaire Ntezimana et l'affaire Bagosora ».

La parole est à M. Destexhe.

M. Destexhe (PRL-FDF). ­ Monsieur le Président, je voudrais tout d'abord protester quant à la façon dont nos travaux se déroulent. Nous offrons une image déplorable de notre assemblée à l'opinion publique puisque trois séances de commission ont lieu en même temps que l'actuelle séance plénière, ce qui explique les bancs clairsemés.

M. le Président. ­ Permettez-moi de vous interrompre, monsieur Destexhe. Si vous le souhaitez, nous pouvons postposer votre demande d'explications après les votes. À ce moment-là, les commissions seront terminées. Je pensais vous faire plaisir en vous donnant dès à présent la possibilité de développer votre demande d'explications !

M. Destexhe (PRL-FDF). ­ Monsieur le Président, les 28 et 29 juin, la presse a fait état de développements curieux dans la procédure ouverte devant les juridictions de Bruxelles à charge d'une personne suspectée d'avoir participé au génocide rwandais et au massacre des Hutus.

Depuis plus d'un an, tant le Parquet de Bruxelles que le Parquet général estiment que les nombreux témoignages recueillis par les enquêteurs au Rwanda au cours de plusieurs commissions rogatoires ainsi qu'en Belgique sont accablants et concordants. Pour cette raison, le parquet, tant en première instance qu'en appel, a requis et obtenu, depuis le mois de mai 1995, le maintien de cette personne en détention et il n'a pas fait mystère de son intention de demander le renvoi devant la Cour d'assises.

La suite de mon récit repose exclusivement sur les témoignages des parties civiles.

Le 18 juin 1996, le juge d'instruction a reçu un appel téléphonique du procureur du Roi de Bruxelles lui suggérant de prendre ordonnance de mise en liberté du détenu, compte tenu du fait que le Parquet général se préparait à requérir un non-lieu.

Le juge d'instruction a trouvé ce revirement du parquet et la démarche du procureur du Roi suffisamment étranges pour estimer devoir consigner cet entretien téléphonique dans un procès- verbal qui figure au dossier répressif.

Bien que le parquet ait pris la décision de requérir le non-lieu, il n'y avait aucune fixation devant la chambre du conseil pour le règlement de la procédure en vue du renvoi éventuel du prévenu devant la Cour d'assises.

Ce n'est que par hasard, parce qu'elles ont été alertées par une source journalistique, que les parties civiles ont éventé le projet de les écarter du débat en séparant artificiellement la question de la libération, pour l'examen duquel les parties civiles doivent obligatoirement être présentes, de la question du renvoi, où elles doivent être convoquées, alors que l'instruction était terminée depuis plusieurs mois.

Compte tenu de la situation, le procureur du Roi s'est vu contraint de précipiter la fixation devant la chambre du conseil, ne laissant aux parties civiles qu'un délai de trois jours pour préparer la défense de leurs droits.

Toujours selon les parties civiles, l'audience elle-même fut le lieu de deux coups de théâtre.

En premier lieu, le juge d'instruction a fait part à la chambre du conseil du fait qu'il se posait des questions quant au fonctionnement de la justice dans notre pays. En outre, il a affirmé qu'il mettait en doute le fait que le procureur général ait pu examiner le dossier de manière approfondie ces dernières semaines, compte tenu de la très courte période pendant laquelle le dossier est sorti du cabinet du juge d'instruction. C'est au terme de cet examen approfondi que le procureur général se serait rendu compte qu'il s'était trompé pendant un an car il lui apparaissait que la soixantaine de témoignages contenus dans le dossier n'était pas suffisamment crédible.

Le deuxième coup de théâtre est venu du substitut du procureur du Roi. Au cours de l'audience, celui-ci a indiqué qu'il avait signé les réquisitions de non-lieu pour cinq assassinats contre son gré parce qu'il y avait été obligé par sa hiérarchie. En âme et conscience, il estimait devoir requérir dans le sens d'un renvoi devant la Cour d'assises compte tenu des charges sérieuses de culpabilité qui pèsent contre l'inculpé. Pour se distancier de la décision qu'on l'obligeait à prendre, il a évoqué l'adage juridique bien connu : « La plume est serve, la parole est libre ».

À la suite de cette situation, j'aimerais vous poser plusieurs questions. Je le répète, le récit que je viens de faire est exclusivement basé sur les témoignages des parties civiles qui ont accès à l'audience et qui ne sont pas tenues au secret.

J'aimerais savoir, monsieur le ministre, si ce récit est conforme aux faits.

Par ailleurs, les deux magistrats ­ le procureur du Roi et le juge d'instruction ­ qui connaissent le mieux le dossier estiment donc que ce dernier contient des charges sérieuses de culpabilité qui justifient le renvoi du prévenu devant la Cour d'assises.

Ils ont partagé ce point de vue durant un an avec le procureur général et ont demandé le maintien en détention. De plus, aucun fait nouveau n'est intervenu depuis plusieurs mois dans l'instruction. En raison de ces éléments, la demande qui a été faite vous paraît-elle normale ?

Je tiens à dire que je respecte profondément l'indépendance de la justice, mais c'est précisément de cela qu'il s'agit. La presse a évoqué des pressions sur le parquet. Un certain nombre de noms, que je ne reprendrai pas, ont été cités. Ces personnes ont démenti par voie de presse.

Monsieur le ministre, avez-vous connaissance de pressions quelconques ?

Selon les parties civiles agissant en qualité de victimes du génocide, l'intention du parquet était de les écarter du dossier en demandant la libération du prévenu et en renvoyant à plus tard, à une date indéterminée, le règlement de la procédure, alors que l'instruction est terminée depuis plusieurs mois. Ce n'est qu'à la suite d'une information reçue par hasard par les parties civiles que ce scénario aurait dû être modifié en toute dernière minute, le réquisitoire écrit de non-lieu n'étant d'ailleurs déposé au dossier que le lendemain du jour où les avocats des parties civiles ont interpellé le procureur général, l'affaire ayant alors finalement été fixée devant la chambre du conseil pour le règlement de la procédure.

Si ces informations sont exactes, il s'agit d'une curieuse façon d'agir dans un État de droit. Quelle estimation portez-vous sur l'action du parquet dont vous êtes le supérieur hiérarchique dans cette affaire ? Trouvez-vous quelque chose à redire sur la procédure qui a été suivie ? Compte tenu du contexte de génocide, ne trouvez-vous pas normal que les parties civiles soient associées à toutes les étapes de la procédure ?

La deuxième partie de ma demande d'explications concerne l'affaire Bagosora. Toutefois, comme j'ai pu le lire dans les journaux, une évolution significative s'est produite depuis le moment où j'ai déposé ma demande. La Cour de cassation vient de décider de transférer M. Bagosora au tribunal pénal international d'Arusha. Je respecte évidemment cette décision de justice. Je crois néanmoins qu'il eût été très utile pour tout le monde que M. Bagosora puisse faire un détour par la Belgique avant de se rendre à Arusha.

M. Bagosora se trouve particulièrement au coeur des questions qui nous préoccupent par rapport au Rwanda puisqu'il est à la fois considéré comme un des principaux instigateurs du génocide, qu'il est directement accusé dans le cadre de l'enquête sur l'assassinat des dix paracommandos et qu'il est aussi accusé de l'assassinat des trois coopérants qui auraient, semble-t-il, découvert un certain nombre de pratiques douteuses dans le chef de M. Bagosora dans la région où ils travaillaient.

Ne fût-ce que pour des raisons pédagogiques ­ afin de permettre au débat de progresser sur ces questions ­ il eût été très utile que M. Bagosora fasse un « petit détour » par la Belgique.

N'y voyez aucune insinuation, monsieur le ministre ­ je n'ai aucun élément sur lequel me baser ­ mais par analogie avec l'affaire précédente, j'aimerais vous demander de nous assurer que dans tous ces dossiers sur le Rwanda, aucune pression n'est exercée sur le cours de la justice.

En conclusion, nous assistons à un épilogue judiciaire des dossiers du Rwanda. En effet, le procès Marchal est terminé, Bagosora est renvoyé au tribunal international d'Arusha, ainsi que les trois autres prévenus rwandais, et M. Ntezimana vient d'être remis en liberté.

Vous savez que l'existence de ces procédures judiciaires a été régulièrement évoquée pour refuser la création d'une commission d'enquête parlementaire sur le Rwanda. J'espère que la conclusion judiciaire en Belgique de ces différentes affaires permettra de lever l'hypothèque qui pèse sur cette commission et que nous pourrons enfin avancer dans ce dossier.

M. le Président. ­ La parole est à M. Mahoux.

M. Mahoux (PS). ­ Monsieur le Président, en ce qui concerne la Belgique, une décision de non-lieu vient d'être prise et, simultanément, conformément aux règles déterminées par le Parlement, un dessaisissement a eu lieu au profit du tribunal international.

Sauf informations concrètes que vous pourriez nous donner, il n'y a donc plus aucune procédure judiciaire en cours en Belgique concernant le Rwanda, tant sur le génocide que sur l'assassinat de nos dix paracommandos et des trois civils.

Par ailleurs, dans le cadre du processus de dessaisissement ­ même si celui-ci est conforme à ce qui a été adopté par notre Parlement ­ nous relevons d'énormes difficultés de fonctionnement pour le tribunal international.

Si les informations que nous recevons sont exactes, nous assistons à une disparition physique, par meurtre et par assassinat, de témoins ou de parties prenantes à la cause du tribunal international.

J'ai eu l'occasion de demander ce matin en commission des Affaires étrangères comment la Belgique comptait réagir à ces assassinats. Le ministre des Affaires étrangères m'a renvoyé à vous, monsieur le ministre de la Justice, et je profite donc de ce débat pour vous poser la même question. Comment la Belgique peut-elle réagir par rapport à ces assassinats de témoins qui risquent, bien entendu, d'empêcher les coupables du génocide d'être poursuivis ? Par ailleurs, j'aimerais savoir quel est le soutien concret apporté par la Belgique au tribunal international.

M. le Président. ­ La parole est à M. De Clerck, ministre.

M. De Clerck, ministre de la Justice. ­ Monsieur le Président, la question posée est relative à deux dossiers différents.

J'aborderai tout d'abord l'affaire Ntezimana et évoquerai ensuite le dossier Bagosora.

Le 27 avril 1995, Vincent Ntezimana, qui appartenait au milieu universitaire de Butare, avait été placé sous mandat d'arrêt par le juge d'instruction de Bruxelles pour son éventuelle responsabilité dans la mort de nombreux étudiants de la région du Butare. Il était détenu, dans le cadre de ce dossier, en même temps que MM. Higaniro, Kanyabashi et Ndayambaje.

Le 11 janvier 1996, le Tribunal pénal international pour le Rwanda a officiellement demandé le dessaisissement du dossier à l'égard des trois derniers prévenus. Ntezimana n'est donc pas réclamé par le tribunal international et reste à la disposition des autorités belges. Cet élément est important.

La Cour de cassation ayant prononcé le dessaisissement des juridictions belges à l'égard des trois personnes réclamées par le tribunal international, il restait au procureur général de Bruxelles à prendre ses réquisitions à l'égard de Vincent Ntezimana, l'instruction étant terminée.

Il est bien exact que pendant plus d'un an, la détention préventive de Ntezimana a été maintenue en fonction d'éléments apportés par le magistrat instructeur sur le plan des indices de culpabilité.

L'instruction terminée, il appartenait alors au ministère public d'approcher le dossier non plus uniquement en fonction des indices de culpabilité mais en fonction des charges pouvant justifier un éventuel renvoi devant la Cour d'assises.

À cet égard, il convient de rappeler que, dans les affaires à caractère criminel susceptibles d'être soumises au jury, il appartient au procureur général d'indiquer l'orientation souhaitée de la procédure et que les réquisitions écrites reflètent dès lors la position que ce magistrat estime devoir adopter en conscience. C'est dans cet esprit et après examen approfondi du dossier que le procureur général de Bruxelles a estimé qu'il convenait de saisir la chambre du conseil de réquisitions de non-lieu.

Ayant été informé des réquisitions du procureur général, le procureur du Roi de Bruxelles s'est inquiété de la détention d'un homme à charge duquel aucune charge n'allait éventuellement être retenue, ce qui nécessitait une fixation urgente.

À aucun moment, il ne fut envisagé d'écarter les parties civiles par un quelconque artifice de procédure puisque la chambre du conseil a été saisie en même temps du débat sur la détention préventive et du débat sur la charge qui, seul, permet la participation des parties civiles au débat. Les deux procédures ont donc été entamées en même temps.

La chambre du conseil de Bruxelles a décidé de libérer M. Ntezimana le 28 juin 1996. Elle rendra sa décision sur le fond le 22 juillet 1996.

À l'occasion des débats devant la chambre du conseil, les parties civiles ont eu l'occasion de développer leurs arguments et le magistrat instructeur a pu souligner objectivement les éléments qui, à son estime, pouvaient justifier une décision s'écartant de la teneur des réquisitions.

À cet égard, vous mentionnez à juste titre l'adage selon lequel « la plume est serve, la parole est libre ». Je pense que, dans le cas qui nous occupe, les règles ont été respectées. C'est le procureur général qui décide des suites à réserver dans ce dossier.

Dans le même ordre d'idées, le magistrat du parquet a fait valoir son point de vue, prenant quelques distances par rapport aux réquisitions écrites.

Je n'ai connaissance d'aucune pression sur le Parquet général auquel il revenait de prendre ses réquisitions et, pour le reste, j'observe que la procédure s'est déroulée conformément à la loi. J'attends la décision définitive pour appréhender la suite de la procédure relative à M. Ntezimana maintenant qu'il est libéré.

En ce qui concerne Théoneste Bagosora, je rappelle qu'un mandat d'arrêt international avait été délivré contre lui le 29 mai 1995 par le juge d'instruction Vandermeershe du chef de participation aux faits de génocide et du meurtre des dix Casques bleus belges. Le colonel Bagosora a été arrêté le 9 mars 1996 au Cameroun et il a été réclamé en vue de son extradition par la Belgique et le Rwanda. Aucun de ces pays n'ayant de traité d'extradition avec le Cameroun, il appartenait au président Paul Biya de prendre sa décision.

Lors de la visite qu'il m'a rendue le 26 avril 1996, M. Richard Goldstone, procureur près le tribunal international, m'a fait savoir que le colonel Bagosora intéressait tout particulièrement le tribunal international qui souhaitait voir sa cause entendue à Aruscha. Confirmant ce souhait, le tribunal international a rendu le 17 mai 1996 une décision de demande de dessaisissement des juridictions belges.

Or, en vertu des obligations résultant de la résolution nº 955 du Conseil de sécurité des Nations unies du 8 novembre 1994, confirmées par la loi belge du 22 mars 1996 entrée en vigueur le 27 avril 1996, je ne puis que m'incliner devant cette décision du tribunal international. Hier, la Cour de cassation a décidé de faire droit à la demande de dessaisissement du tribunal international.

La loi belge prévoit l'intégration du tribunal international dans notre ordre. Par conséquent, il s'agit d'un règlement de procédure effectué devant la Cour de cassation, laquelle décide de l'opportunité de dessaisir la justice belge au profit du tribunal international.

J'avais cependant demandé au procureur Goldstone que la Belgique puisse participer en qualité d'amicus curiae au procès du colonel Bagosora à Arusha, et ce tant pour représenter les intérêts de l'État belge que ceux des familles des dix Casques bleus belges assassinés le 7 avril 1994.

Cette procédure d'amicus curiae , prévue à l'article 74 du règlement de procédure et de preuve du tribunal, permet en effet à la Chambre chargée de l'affaire, si elle le juge souhaitable dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, d'inviter ou d'autoriser tout État, toute organisation ou toute personne à faire un exposé sur toute question qu'elle juge utile. La participation de la Belgique en qualité d'amicus curiae permettra donc à notre pays de faire valoir ses arguments et autres éléments de preuve afin de déterminer la part de responsabilité du colonel Bagosora, en particulier en ce qui concerne la mort de nos dix paracommandos.

À ma connaissance, le tribunal international a pris ses décisions librement et en dehors de toute pression politique. En outre, le fait que le colonel Bagosora soit désigné comme un responsable important du massacre justifie l'intérêt que lui porte le tribunal international.

Enfin, la décision du tribunal est particulièrement motivée, notamment par le fait que la poursuite d'instructions en parallèle par les juridictions belges et le tribunal international pourrait avoir des répercussions préjudiciables sur les enquêtes et notamment sur les témoignages.

Il nous appartient donc de faire confiance au tribunal international puisque, de toute manière, nous n'avons pas vraiment le choix.

Les dossiers préparés en Belgique sont très importants pour la procédure qui sera menée à Arusha. La demande que j'ai déjà introduite ­ visant à faire reconnaître la Belgique comme amicus curiae ­ doit être débattue vu que la décision a été prise par la Cour de cassation. Nous devons expliciter la manière dont la Belgique s'impliquera dans la procédure susmentionnée. Il nous appartient de définir les modalités d'une telle coopération, mais nous avons l'obligation, d'une part, de suivre cette procédure, et, d'autre part, d'être très attentifs aux intérêts de la partie civile qui aurait, en principe, eu la possibilité de suivre cette procédure si elle avait été menée en Belgique. Bien entendu, nous reprendrons nos droits dès le moment où la procédure menée à Arusha prendra fin.

Nous devons accorder notre confiance au tribunal international et nous montrer vigilants quant à la façon dont les intérêts de la Belgique et des Belges seront défendus dans le cadre de cette procédure.

M. le Président. ­ La parole est à M. Destexhe.

M. Destexhe (PRL-FDF). ­ Monsieur le Président, je remercie M. le ministre de sa réponse complète mais je voudrais encore lui poser une question directe. Combien de fois, dans l'histoire judiciaire récente de notre pays, un procureur du Roi a-t-il recouru à l'adage « La plume est serve, mais la parole est libre » ? Autrement dit, combien de fois, au cours des cinq ou dix dernières années, un procureur du Roi s'est-il publiquement désolidarisé du réquisitoire d'un avocat général ?

Avant de poursuivre, j'aimerais que vous répondiez à cette question, monsieur le ministre. Là se situe en effet le noeud du problème.

M. le Président. ­ La parole est à M. De Clerck, ministre.

M. De Clerck, ministre de la Justice. ­ Monsieur le Président, de tels faits se produisent chaque jour. Vous pouvez poser la question à de nombreux avocats, monsieur Destexhe. L'application de cet adage peut faire l'objet de différentes interprétations. Je sais que le procureur du Roi et l'avocat général ont eu des divergences de vue en ce qui concerne le réquisitoire de ce dernier. En tant que ministre de la Justice, je n'ai pas à m'en soucier. Il est évident qu'aucune statistique n'existe à cet égard.

M. le Président. ­ La parole est à M. Destexhe.

M. Destexhe (PRL-FDF). ­ Monsieur le Président, je conteste le point de vue du ministre. Votre qualité de juriste vous donne un avantage sur moi, monsieur le ministre. Cependant, j'ai demandé l'avis de très nombreux juristes sur cette question et tous m'ont assuré que l'utilisation de cet adage par un procureur du Roi, une telle désolidarisation, constituait un fait exceptionnel, voire rarissime. Je le répète, je conteste votre point de vue et j'espère que vous répondrez à la question précise que je vous ai posée. Nos collègues juristes pourraient peut-être exprimer leur avis à ce sujet. J'ajoute qu'aucun précédent n'a été porté à ma connaissance.

Pour le reste, nous attendrons la décision du 22 juillet. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, toutes les procédures judiciaires seront éteintes dans notre pays.

Par ailleurs, je vous rappelle que les statuts des deux tribunaux pénaux internationaux ­ relatifs à l'ex-Yougoslavie et au Rwanda ­ ne prévoient pas la possibilité, pour la partie civile, d'être présente lors de la procédure. Le principe que vous avez évoqué est peut-être valable dans le cas où un État se voit reconnaître la qualité d'amicus curiae mais ne figure pas dans les statuts susmentionnés. Vous pouvez nous dire que la Belgique sera peut-être représentée, mais ne dites pas que les parties civiles le seront parce que ce n'est prévu ni dans les statuts ni dans la procédure du tribunal. J'espère qu'au moins vous ne contesterez pas ce point. Pour la première fois de ma vie, je regrette de ne pas être juriste et de ne pouvoir être plus précis sur ce point.

De Voorzitter. ­ Het woord is aan minister De Clerck.

De heer De Clerck, minister van Justitie. ­ Ik ben zeer gelukkig dat de heer Destexhe het betreurt geen jurist te zijn; dit is het begin van een grote wijsheid.

Het is juist dat burgelijke partijen niet vertegenwoordigd kunnen zijn in de procedure van het internationaal gerechtshof.

Il est exact que les parties civiles ne peuvent pas être représentées, mais la formule est toute nouvelle et comme amicus curiae, la Belgique sera reconnue. Étant donné que nous pouvons fixer les modalités d'une telle formule, nous pouvons donc inclure les intérêts des parties civiles dans notre représentation. Il nous appartient donc d'être attentifs à cette question.

Vous avez raison sur ce point, monsieur Destexhe, mais une solution sera trouvée dans la nouvelle formule amicus curiae.

M. le Président. ­ L'incident est clos.

Het incident is gesloten.