1-806/5

1-806/5

Sénat de Belgique

SESSION DE 1997-1998

28 MAI 1998


Projet de loi modifiant les articles 43, § 5, et 43quinquies de la loi du 15 juin 1935 concernant l'emploi des langues en matière judiciaire, complétant l'article 43 de la même loi et y insérant un article 43septies


Conflit d'intérêts


AMENDEMENT


Nº 1 DE MM. DESMEDT ET DE DECKER

Remplacer le texte de la proposition d'avis motivé par ce qui suit :

« Le Sénat,

vu le projet de loi modifiant les articles 43, § 5, et 43quinquies de la loi du 15 juin 1935 concernant l'emploi des langues en matière judiciaire, complétant l'article 43 de la même loi et y insérant un article 43septies,

vu la motion du Parlement flamand du 28 janvier 1998,

vu l'article 143 de la Constitution,

vu l'article 32 de la loi ordinaire du 9 août 1980 de réformes institutionnelles,

vu l'article 72 du règlement du Sénat,

vu le rapport fait sur la concertation du 5 mars 1998 entre le Bureau du Sénat et une délégation du Parlement flamand, lequel constate que la concertation n'aboutit pas à une solution (doc. Sénat, nº 1-806/2),

considérant que, comme le souligne le Parlement flamand, la possibilité pour chaque individu de pouvoir être entendu et jugé dans sa propre langue constitue un droit naturel et d'intérêt général,

considérant que le fait que les acteurs d'une procédure judiciaire, entre autres les juges et les avocats, comprennent la langue dans laquelle ils doivent juger des personnes ou les assister est un droit fondamental,

considérant que ce projet de loi a pour objectif de remédier à la situation difficile vécue actuellement au sein du tribunal de première instance de Bruxelles,

considérant que ce projet de loi s'applique de la même manière à tout justiciable, qu'il soit francophone ou néerlandophone,

considérant que l'article 43, § 5, de la loi du 15 juin 1935 concernant l'emploi des langues en matière judiciaire dispose notamment que : « Les procédures suivies respectivement en français et en néerlandais sont toujours portées devant des magistrats qui justifient par leur diplôme qu'ils ont subi les examens du doctorat en droit respectivement en français et en néerlandais »,

considérant que ni la motion du Parlement flamand datée du 28 janvier 1998, ni la concertation qui s'est déroulée le 5 mars 1998 entre le Parlement flamand et le Sénat n'ont permis de déterminer en quoi les intérêts du Parlement flamand sont gravement lésés par les dispositions de la loi en projet,

recommande au Comité de concertation de conclure à l'absence d'un conflit d'intérêts et de clôturer définitivement la procédure visant à régler le conflit d'intérêts. »

Justification

L'avis proposé par le rapporteur soulève des objections de deux ordres.

Politiquement, l'avis est insatisfaisant et n'apporte pas de réponse précise à la procédure engagée par le Parlement flamand. Son objectif essentiel semble être d'éviter au Sénat de prendre ses responsabilités et de formuler une proposition claire à l'adresse du Comité de concertation. Le texte suggéré par M. Erdman n'aborde pas la seule question que le Sénat ait à trancher : oui ou non le projet du gouvernement lèse-t-il gravement les intérêts de la Communauté flamande ?

L'absence actuelle d'étude du fond du projet, avancée comme motif fondamental de l'avis, semble, dans ce contexte, plutôt être un prétexte.

Juridiquement, n'apportant pas de conclusions claires quant à l'existence ou l'inexistence d'un conflit d'intérêts, l'avis plonge le Sénat dans l'incertitude. La procédure de règlement des conflits d'intérêts suspend l'examen du texte. Celui-ci ne peut reprendre que lorsque le conflit est solutionné. L'avis, ne définissant pas de position ferme quant à l'existence du conflit, laisse planer une incertitude quant à la possibilité de reprendre l'examen au fond.

L'avis met-il fin au conflit ? Ou ne fait-il que le suspendre ? Même sur ce point, pourtant essentiel, le texte ne semble pas exempt d'ambiguïté.

Plus fondamentalement, le Parlement flamand, dans sa résolution, ne démontre pas que le projet gouvernemental lèse ses intérêts. Le texte du gouvernement se contente d'établir une nouvelle catégorie de bilingues légaux. Il ne modifie en rien le principe selon lequel un juge ne peut siéger que dans la langue de son diplôme et se contente d'essayer d'apporter une solution (toute partielle) au blocage actuel du tribunal de Bruxelles.

La situation actuelle de la justice bruxelloise est humainement inacceptable : l'absence de magistrats tant francophones que flamands provoque un arriéré judiciaire dont souffrent tous les justiciables, quelle que soit leur appartenance linguistique. Il est urgent de remédier à cet état de faits et le projet du gouvernement constitue un pas en ce sens.

Ne voyant pas en quoi un tel projet qui améliore la situation de tous les Bruxellois, francophones ou flamands, peut préjudicier la Communauté flamande, nous recommandons de conclure à l'absence d'un conflit d'intérêts entre le Parlement flamand et le Sénat concernant le projet gouvernemental relatif à l'emploi des langues en matière judiciaire.

Claude DESMEDT.
Armand DE DECKER.