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6 MAI 1998
Projet de loi portant assentiment aux Actes internationaux suivants :
a) la Convention sur la base de l'article K.3 du Traité sur l'Union européenne portant création d'un Office européen de police (Convention Europol), Annexe, et Déclarations, faites à Bruxelles le 26 juillet 1995;
b) le Protocole, établi sur la base de l'article K.3 du Traité sur l'Union européenne, concernant l'interprétation, à titre préjudiciel, par la Cour de Justice des Communautés européennes de la Convention portant création d'un Office européen de police, et Déclarations, faits à Bruxelles le 24 juillet 1996;
c) et le Protocole établissant, sur la base de l'article K.3 du Traité sur l'Union européenne et de l'article 41, paragraphe 3, de la Convention Europol, les privilèges et immunités d'Europol, des membres de ses organes, de ses directeurs adjoints et de ses agents, fait à Bruxelles le 19 juin 1997
C'est le chancelier fédéral Helmut Kohl qui, au Conseil européen de juin 1991 à Luxembourg, a lancé l'idée de créer un office européen de police. En décembre de la même année, à Maastricht, l'on a décidé d'inscrire la création d'un tel service de police à l'article K.1 (9) du titre VI du Traité sur l'Union européenne. En même temps, l'on a décidé de créer dans l'intervalle une structure temporaire; cette structure, qui s'appelle « Unité Drogues Europol » (U.D.E.), a été créée en octobre 1993.
La Convention proprement dite, portant création d'un Office européen de police (Europol), a été signée à Bruxelles le 26 juillet 1995. Ensuite, l'on a signé deux protocoles : le premier relatif à l'interprétation de la convention à titre préjudiciel par la Cour de justice des Communautés européennes, le 24 juillet 1996, et le deuxième concernant les privilèges et immunités, le 19 juin 1997.
La Belgique a choisi de soumettre les trois textes conjointement.
La Convention Europol a sans aucun doute une grande importance pour la coopération policière européenne. La valeur ajoutée qu'elle apportera est évidente.
En effet, c'est la première fois que l'on crée un organisme européen qui, en résumé, dans un nombre limité de domaines liés à la criminalité et en cas de nécessité, permettra de réunir, stocker, consulter de manière centrale et éventuellement analyser les données policières et ce, dans un cadre normatif strict qui garantit la protection juridique et la préservation de la vie privée.
D'autres instances existantes n'offrent pas pareilles possibilités ou les offrent partiellement, mais sans présenter les garanties exigées.
L'Unité Drogues Europol ne fait qu'offrir un forum où les officiers de liaison, qui séjournent sur place, échangent des données relatives à un nombre limité de phénomènes criminels. Qui plus est, cette unité ne peut effectuer des analyses stratégiques que sur la base de données à caractère non personnel. Enfin, l'U.D.E. ne peut pas créer de banque de données parce qu'il n'y a pas d'accords communs concernant la protection des données.
Cette Unité Drogues Europol cessera d'exister quand Europol entrera en vigueur.
Interpol est un organisme de coopération entre les services de police du monde entier. Il offre un réseau qui permet aux bureaux nationaux d'échanger des données sur une base volontaire et dans le respect des législations nationales.
Il est évident que cet échange d'informations constitue la mission principale d'Interpol.
Qui plus est, Interpol dispose d'une banque de données centrale contenant un nombre limité de données à caractère personnel; il peut également réaliser des analyses criminelles, mais son encadrement juridique précaire ne permet pas de transmettre un grand nombre de données à caractère personnel pour les faire analyser.
La comparaison avec Schengen n'est pas du tout pertinente. En effet, l'objectif de Schengen n'est pas de lutter contre certaines formes de criminalité grâce à une coopération policière poussée dans le domaine du partage de l'information et de l'analyse. Par contre, son objectif est de compenser la disparition des contrôles aux frontières intérieures en améliorant le contrôle à l'intérieur de la zone Schengen et à ses frontières extérieures. Schengen concerne donc le contrôle. Le S.I.S. ou Système d'information de Schengen, qui contient des données sur un nombre limité de catégories de personnes ou d'objets, doit précisément permettre de faciliter ces contrôles. Il faut également situer dans ce contexte l'intensification de la coopération policière transfrontalière concernant l'échange d'informations et certaines techniques spéciales, telles que l'observation et la poursuite.
3.1. La Convention vise donc à créer un Office européen de police qui ne sera en contact avec les services compétents des quinze États membres que par l'intermédiaire d'une unité nationale.
Il ne peut donc y avoir de contact direct entre Europol et les différents services de police.
C'est une garantie de cohérence; en effet, tous les échanges d'informations sont coordonnés et centralisés en un point. En même temps, une telle centralisation facilite le contrôle des échanges d'informations par les autorités judiciaires et les organes chargés de veiller au respect de la vie privée.
Une telle approche ne pose aucun problème à la Belgique. En effet, la Division Coopération policière internationale du Service général d'appui policier veille déjà à ce que les échanges d'informations aient lieu de manière intégrée dans le cadre d'Europol, de Schengen et de l'Unité Drogues Europol. Le contrôle judiciaire des activités de cette division est exercé directement par le magistrat national. L'unité nationale belge, qui sera responsable des échanges d'informations avec Europol, sera intégrée dans cette division.
Les ministres de la Justice et de l'Intérieur ont créé une comission d'organisation qui doit examiner l'ensemble des aspects de la mise en oeuvre de la Convention Europol en Belgique.
3.2. L'objectif d'Europol est d'améliorer l'efficacité de l'intervention des services compétents ainsi que de leur coopération, en ce qui concerne la lutte contre un nombre limité de formes de criminalité et leur prévention et dans la mesure où certaines conditions sont remplies.
L'on ne s'attaquera pas immédiatement et simultanément à l'ensemble des formes de criminalité prévus dans la convention, l'on a opté pour une démarche progressive.
Dès l'entrée en vigueur, l'on s'attaquera au commerce illégal de substances psychotropes et de matières nucléaires radioactives, à l'immigration clandestine, à la traite des êtres humains et au commerce de véhicules volés.
Deux ans au plus tard après l'entrée en vigueur de la convention Europol sera également compétent pour les faits constitutifs d'infraction commis dans le cadre d'activités terroristes. Au cours du Conseil Justice et Affaires intérieures du mois de mars dernier, l'on a décidé d'étudier dans le sillage des attentats terroristes commis en Espagne et en France, la possibilité de mettre en oeuvre cette compétence dès le début de l'année prochaine.
De surcroît, le Conseil Justice et Affaires intérieures peut décider à l'unanimité qu'Europol devra s'occuper d'autres formes de criminalité, pour autant que celles-ci figurent dans l'annexe de la convention. Europol ne s'occupera donc jamais d'autres matières, à moins que l'on ne modifie la convention.
Si l'on veut qu'Europol puisse véritablement s'attaquer à un certain phénomène criminel pour lequel il est compétent, il faudra également que certaines conditions soient remplies. En effet, l'on doit disposer d'un indice concret révélant l'existence d'une structure ou d'une organisation criminelle et que deux États membres ou plus sont affectés par ces formes de criminalité d'une manière telle que vu la gravité, de l'ampleur et des conséquences des infractions, une action commune s'impose. Il s'agit en l'occurrence d'une application du principe de subsidiarité. Les unités nationales seront chargées de contrôler l'application de ce principe en Belgique, donc, sous la surveillance des autorités judiciaires.
Outre la criminalité elle-même, Europol a également dans ses compétencs les faits délictueux connexes, tels qu'ils sont définis de manière limitative dans la convention.
3.3. Europol atteindra pareil objectif, tout d'abord en échangeant, collectant, fournissant et analysant des informations et en gérant les bases de données, ensuite en effectuant des études stratégiques et émettant des avis et, enfin, le cas échéant, en donnant des conseils en matière de formation, d'organisation, etc.
3.4. Vu son objectif et la manière dont il entend le réaliser, il est clair qu'Europol n'est certainement pas un service de police opérationnel. On ne le rencontrera pas sur le terrain; il n'a pas non plus de compétence d'initiative.
3.5. Comme déjà exposé, le contact entre Europol et les services nationaux compétents se déroulera exclusivement par l'entremise des Unités nationales.
La mission des unités nationales consiste à fournir, aussi bien sur propre initiative que sur demande, des informations et des données à Europol.
Il est dès lors de règle que l'information soit échangée, même si dans un nombre limité de cas, ceci peut être refusé. Il appartient au ministère public d'en juger le bien-fondé et ce, en la personne du magistrat national, lequel est chargé, comme déjà mentionné, du contrôle direct sur l'Unité nationale belge.
Il importe avant tout que les Unités nationales soient également responsables de la gestion de l'information. Pour ce faire, elles doivent veiller à l'exactitude de l'information, à la légalité de l'échange d'information, ainsi qu'à la protection de celle-ci. Ainsi, la tâche des instances de contrôle belges comme par exemple la commission de la protection de la vie privée, en sera facilitée car elles n'auront qu'un seul point de contact.
Chaque Unité nationale doit déléguer au moins un officier de liaison à Europol.
Leur mission consiste à échanger des informations en leur sein et avec Europol, ainsi que dans le cadre de la coordination d'éventuelles actions communes. Les Unités nationales pourront par le biais de ces personnes contrôler les activités d'analyse d'Europol, dont il sera question plus loin.
3.6. Afin de s'acquitter dûment de ses missions, Europol élaborera deux types de systèmes de traitement informatique : d'une part, un système d'information et, d'autre part, des fichiers de travail à des fins d'analyse, qui seront reliés à une référothèque ou un système d'index.
Ces systèmes seront alimentés par des données provenant des Unités nationales, comme on l'a déjà dit, mais également de pays tiers et d'organisations tierces, tel qu'Interpol. Ces systèmes ne pourront jamais être reliés à d'autre systèmes, sauf à ceux des Unités nationales.
Le système d'information est la banque de données dans laquelle toutes les données transmises à Europol conformément à la convention, doivent être sauvegardées. Seul un nombre restreint d'instances ou de personnes peuvent consulter le système; elles sont énumérées dans la convention.
Il est interdit de « surfer » dans le système, la consultation n'étant autorisée que pour autant qu'elle soit légale et indispensable, par exemple, dans le cadre d'une recherche. La convention prévoit un contrôle ex post sur les consultations effectuées dans les fichiers.
Les données à caractère personnel et autres, susceptibles d'être stockées dans ce système, sont énumérées de façon restrictive dans la convention. Nulle autre information ne peut être sauvegardée.
Finalement, la Convention prévoit également des procédures de correction et d'élimination des données erronées.
La plus grande nouveauté d'Europol consiste donc à pouvoir effectuer des analyses concrètes ou opérationnelles. Pour ce faire, des fichiers de travail à des fins d'analyse sont élaborés. Il s'agit de fichiers temporaires qui ne peuvent être ouverts qu'avec l'accord du conseil d'administration (avec une représentation de chaque pays), qui indiquera de façon précise à quoi servira l'analyse, de quoi elle traitera, quelles données pourront être traitées, etc.
L'accès aux fichiers de travail à des fins d'analyse est très limité. Seuls les membres du personnel d'Europol et les officiers de liaison ou experts des États membres qui participent à l'analyse, peuvent consulter les fichiers.
Il est important que chaque État membre puisse connaître les activités d'analyse d'Europol et puisse savoir si des informations provenant de cet État sont utilisés dans ces analyses. L'officier de liaison pourra par conséquent contrôler au moyen du fichier d'index quels sont les fichiers de travail à des fins d'analyse ouverts, et vérifier si des informations sont utilisées provenant de son pays d'origine. Si tel est le cas ou lorsqu'il estime que l'analyse est pertinente pour son pays, il peut demander d'être admis au groupe d'analyse. Cette possibilité ne peut faire l'objet d'un refus.
3.7. Les Unités nationales sont donc responsables de la gestion de l'information. Elles sont en outre tenues de veiller à l'exactitude, à la légalité de l'échange et à la protection de celle-ci, le cas échéant elles doivent corriger les données fournies, voire les effacer des fichiers.
Europol a quant à elle la même responsabilité en ce qui concerne les données qu'elle introduit elle-même dans les systèmes et qui proviennent d'autres sources ou qui ont été générées par des activités d'analyse.
Tout État membre et Europol doivent prendre des mesures afin de réaliser une protection homogène des données. Aussi, chaque État membre doit élaborer un mécanisme de contrôle indépendant afin d'examiner si le traitement des données correspond aux normes nationales en vigueur.
Ces autorités de contrôle nationales ne sont pas compétentes pour contrôler Europol elle-même. À cet égard, la Convention prévoit la création d'une commission de contrôle propre et indépendante d'Europol, appelée Autorité de contrôle commune, composée de membres de chaque autorité de contrôle nationale.
Pour finir, la convention a prévu des mécanismes visant à appliquer sur Europol les droits divergeants des citoyens, en vigueur en Europe, par rapport à la prise de connaissance ou à la vérification des données enregistrées les concernant.
3.8. L'organisation d'Europol est décrite de manière détaillée dans la convention elle-même; je renvoie également à l'exposé des motifs. En résumé, l'on peut dire ce qui suit.
Le conseil d'administration est composé d'un représentant par État membre. Il est chargé de certaines missions uniques, comme l'élaboration d'une série de règlements (par exemple le règlement financier) et, par ailleurs, a une mission générale de gestion et de contrôle. Il peut prendre certaines décisions lui-même; il doit en renvoyer d'autres au Conseil Justice et Affaires intérieures. Les décisions sont prises, en règle générale, à l'unanimité.
Le directeur, nommé à l'unanimité par le Conseil Justice et Affaires intérieures pour quatre ans sur présentation du conseil d'administration, est responsable de la gestion quotidienne d'Europol. Il peut être assisté par des directeurs adjoints qui sont nommés de la même manière et dont le nombre est fixé par le Conseil Justice et Affaires intérieures.
Qui plus est, la convention prévoit la désignation d'un contrôleur financier et la création d'un comité budgétaire qui travaillera au sein du conseil d'administration. Les comptes d'Europol sont contrôlés par des personnes désignées par la Cour des comptes des Communautés européennes.
Il est évident qu'Europol disposera de son propre personnel. Le statut du personnel doit être approuvé par le Conseil Justice et Affaires intérieures. La convention prévoit que lors des recrutements, il faut viser à établir un équilibre entre les États membres. Le nombre de membres du personnel qu'Europol pourra engager n'a pas encore été fixé, mais il sera fonction de la charge de travail et des possibilités budgétaires. Pour l'instant, il semble que l'on engagera une cinquantaine de personnes en plus du cadre du personnel actuel de l'U.D.E., qui compte environ 75 personnes. J'ai déjà évoqué l'incidence budgétaire du lancement d'Europol.
Pour être complet, je souhaiterais faire remarquer que la convention contient des dispositions en matière de devoir de discrétion et de secret professionnel auxquels sont tenus les organes et le personnel d'Europol.
Actuellement, il n'est pas encore possible de chiffrer exactement les implications budgétaires de l'entrée en vigueur de la Convention Europol.
Il y a lieu de connaître premièrement les conclusions et les propositions du comité directeur afin de pouvoir établir des évaluations budgétaires précises en ce qui concerne la mise en place intégrée de l'Unité nationale dans la « division coopération policière internationale » du Service général d'appui policier, en ce qui concerne la section des officiers de liaison près du siège d'Europol, et finalement, en ce qui concerne l'organisation et le traitement des flux d'information.
Concernant la contribution que notre pays sera amené à payer pour les frais de fonctionnement d'Europol et pour le système informatique, il n'est pas encore possible de fournir des chiffres précis. Cette année, les frais supplémentaires de l'État belge par rapport à la contribution prévue pour l'Unité drogues, à savoir 12 millions de francs belges, seront probablement négligeables.
Pour l'année prochaine, il est estimé que la contribution de la Belgique va probablement doubler et passer à 24 millions de francs belges. Les frais augmenteront par la suite de façon temporaire, car il y aura lieu de procéder à l'installation effective et au paiement du système informatique d'Europol.
Il va de soi que nos négociateurs ont reçu comme directive de limiter au maximum les coûts supplémentaires.
Enfin, avec votre accord, je souhaiterais évoquer le contrôle politique et juridique sur Europol ainsi que les privilèges et immunités accordés à Europol et à son personnel.
5.1. Le contrôle politique est double : il est effectué par le Conseil Justice et des Affaires intérieures, devant lequel le Conseil d'administration d'Europol est responsable, et par le Parlement européen, auquel le Conseil Justice et Affaires intérieures doit présenter chaque année un rapport d'activités. En outre, les dispositions de l'article K.6 du Titre VI du Traité sur l'Union européenne sont applicables; il s'agit plus particulièrement de l'obligation de consultation et de la possibilité, pour le Parlement européen, d'adresser des questions et des recommandations au Conseil.
5.2. En ce qui concerne le contrôle juridique, les négociateurs de la Convention Europol ne sont pas parvenus à un compromis. Vous le savez, l'article K.3, § 2, c , du Traité sur l'Union européenne prévoit la possibilité de charger la Cour de Justice d'interpréter les conventions et même de statuer sur les différends relatifs à cette application.
La concrétisation de cette possibilité, à propos de laquelle la Belgique adopte traditionnellement une attitude très ambitieuse, pose systématiquement problème.
Il a donc fallu négocier un protocole séparé. Ce protocole a été signé le 24 juillet 1996 et est présenté au Parlement pour assentiment en même temps que le présent projet de loi.
Le protocole ne prévoit qu'une compétence facultative d'interprétation préjudicielle par la Cour de Justice. Cette compétence est facultative car elle n'est activée que si un État membre fait une déclaration dans laquelle il reconnaît cette compétence. De surcroît, cette compétence peut être modulée selon qu'il s'agit d'une affaire qui est ou non susceptible d'appel; en outre, elle peut être rendue obligatoire ou non. Nous avons choisi de permettre à toutes les instances judiciaires belges, même si leur jugement est encore susceptible d'appel, d'adresser une question préjudicielle à la Cour de Justice; cette possibilité devient une obligation lorsqu'il s'agit d'une juridiction de dernière instance.
5.3. Enfin, le 19 juillet 1997, et sur la base de l'article 41 de la Convention Europol a été signé le Protocole établissant les privilèges et immunités d'Europol, des membres de ses organes et de sa direction et de ses membres du personnel.
L'on n'a accordé que les privilèges et immunités nécessaires pour qu'Europol puisse fonctionner convenablement. C'est ainsi que l'on ne peut effectuer de perquisition, de saisie, de confiscation ni prendre quelque mesure de contrainte que ce soit portant sur les biens, fonds et avoirs d'Europol. Les archives sont inviolables. Enfin, Europol est exonéré d'impôts et d'autres droits et doit obtenir les facilités les plus favorables en matière de liberté de communication.
Les membres des organes, de la direction et du personnel d'Europol obtiennent une immunité de juridiction pour les actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions. Ils obtiennent également une certaine exonération fiscale.
Ces immunités ne sont pas absolues. L'article 12 du protocole prévoit d'ailleurs une procédure permettant de lever l'immunité d'Europol lui-même et des personnes concernées. Cette immunité doit être levée afin de ne pas entraver l'action de la Cour de Justice, mais uniquement si la levée ne nuit pas aux intérêts d'Europol.
Après cet exposé détaillé au projet de loi portant assentiment à la Convention Europol et au protocole annexe, la Commission des Affaires étrangères a entamé un examen en profondeur du projet de loi.
Un membre pose les questions suivantes :
Blanchiment d'argent
Quelle est la compétence exacte de l'Europol en ce qui concerne le blanchiment d'argent. S'agit-il d'argent lié à certaines activités de criminalité ? Le blanchiment d'argent en tant que tel relève-t-il de la compétence d'Europol ?
Le membre voudrait des précisions sur la manière selon laquelle les négociations concernant le délit de blanchiment d'argent ont été menées ? Quelles étaient les réticences ?
Protection de la vie privée
Les fichiers d'analyse d'Europol donnent une certaine garantie à travers notre législation nationale en ce qui concerne les données venant de la Belgique.
Qui peut exercer le contrôle sur les données et l'utilisation de données qui n'émanent pas d'État-membres de l'Europol ?
Origine raciale
Le membre fait remarquer qu'il n'existe pas de races dans le genre humain.
Contrôle politique
Le Comité P qui est une structure de contrôle parlementaire, est-il compétent pour contrôler l'Europol ?
Aspects budgétaires
Le même membre insiste sur la nécessité de déterminer assez rapidement les coûts liés d'une part à la structure d'Europol comme tel, et liés d'autre part à l'argumentation des agents de liaison.
À quels budgets le financement d'Europol sera-t-il imputé ?
Le ministre des Affaires étrangères donne les réponses suivantes :
Blanchiment d'argent
Europol est compétent pour le blanchiment d'argent pour autant que ce soit lié à des infractions concrètes pour lesquelles Europol est compétent et a été saisi et compte tenu des conditions expliquées par le ministre.
En 1995, lors des négociations sur la convention, une discussion serrée a été menée sur la liste des infractions qui allaient être attribuées à Europol dès le début d'activités. Il s'agit des cinq types d'infractions graves citées à l'article 2 de la convention. Lors des négociations, on a parlé du blanchiment d'argent. Tout le monde était d'accord sur le principe que le blanchiment ne pourrait pas être traité comme phénomène in abstracto.
Puisque les États membres ne disposent pas de définition générale et commune du blanchiment, et qu'un certain nombre d'États membres étaient d'avis que le système ne fonctionnerait pas dans une première phase si, dès le début, Europol devait être compétent pour les activités de blanchiment, en plus des cinq activités criminelles, l'on a opté pour l'article 2, alinéa 3, de la Convention Europol.
Europol peut s'occuper de blanchiment de l'argent à partir du moment où il s'agit du blanchiment lié aux formes d'activités dont s'occupe Europol. Europol pourra poursuivre son activité concernant un blanchiment d'argent par exemple dans le cadre d'une enquête ou d'une analyse criminelle sur un trafic de stupéfiants (lié à un blanchiment d'argent).
Si, par contre, un blanchiment d'argent était exclusivement lié à un trafic d'armes, Europol ne pourrait pas s'en saisir puisque le trafic d'armes ne figure pas sur la liste de départ d'Europol.
L'on a décidé de travailler par phases.
Après que la première phase d'Europol, qui deviendrait compétente pour cinq activités criminelles, aura été consolidée, le Conseil des ministres peut éventuellement décider d'étendre les compétences d'Europol, qui deviendrait par exemple compétent pour le trafic d'armes, le trafic d'hormones, etc.
La liste des formes graves de criminalité internationale, autres que celles déjà mentionnées à l'article 2, alinéa 2, et qui pourraient être traitées par Europol, est annexée à la convention sur la base de l'article K.3 du Traité sur l'Union européenne portant création d'un Office européen de police (Convention Europol).
Toute forme de blanchiment liée aux infractions ajoutées à la liste des cinq activités criminelles retenues sera instantanément de la compétence d'Europol. Toutes les infractions connexes aux criminalités principales sont également visées.
Contrôle de la protection des données
En ce qui concerne les données venant d'États ou d'institutions tiers, le contrôle est double : il y a d'une part le contrôle par la Commission de la protection de la vie privée, d'autre part, le contrôle judiciaire.
Plusieurs garanties existent concernant le flux d'information provenant d'États ou institutions tiers :
1. Les garanties qui se situent à l'intérieur du système d'Europol. Les quinze États membres connaissent depuis quelques années une pratique en la matière. Une jurisprudence en matière de la protection de données s'est développée.
Certains États membres ont déjà une expérience de vingt ans. Celle-ci se base sur les principes qui figurent dans la convention nº 108 du Conseil de l'Europe du 28 janvier 1981 sur la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé de données à caractère personnel (voir le texte en annexe).
Les États membres ont tout récemment conclu une directive européenne pour la protection des données.
La directive ne s'applique pas au traitement de données de sécurité publique. Dans la majorité de ces pays, les principes de la directive européenne vont cependant être transposés en droit national, y compris pour les traitements de données du secteur de la police, de la sécurité publique, du service de renseignement.
2. L'article 14 de la Convention Europol institue un niveau de protection de données en renvoyant à la Convention nº 108 du Conseil de l'Europe et à la Recommandation R (87)15 du 17 septembre 1987 du Comité des ministres du Conseil de l'Europe sur l'utilisation des données à caractère personnel par la police.
À ce niveau, les instances de contrôle pourront exercer leur contrôle.
3. En ce qui concerne l'information provenant d'États ou d'institutions tiers vers Europol, conformément à la pratique qui était initiée au Conseil de l'Europe, un règlement sur l'échange d'information prévoit un accord entre Europol et ces institutions tiers.
L'accord qui contient différentes garanties doit déterminer les types de données qui peuvent être échangées, et les services concernés dans les pays tiers qui sont concernés.
Il y a également l'intervention de l'Autorité de contrôle commune qui peut rendre un avis sur les modalités de la gestion de l'information, surtout sur le niveau d'adéquation de la protection de données.
Origine raciale
Le terme est repris de l'article 6 de la Convention nº 108 du Conseil de l'Europe sur la protection des données. L'article 6 stipule, en effet, ce qui suit : « Les données à caractère personnel révélant l'origine raciale, les opinions publiques, les convictions religieuses ou autres convictions, ainsi que les données à caractère personnel relatives à la santé ou à la vie sexuelle, ne peuvent être traitées automatiquement à moins que le droit interne ne prévoie des données à caractère personnel concernant des condamnations pénales. »
Comité P
Puisque toute information transite par l'Unité nationale et par l'officier de liaison, le Comité P a un pouvoir de contrôle en la matière.
L'Unité nationale est composée de gendarmes, de membres de la police communale et de la police judiciaire et des civils, donc de l'ensemble des corps.
Un membre fait remarquer que bien que le Comité P ait une capacité de contrôle sur l'inspection de la gendarmerie, c'est la gendarmerie seule qui est compétente pour le fonctionnement.
Le ministe fait remarquer que l'inspection de la gendarmerie n'est rien d'autre que le Service général d'appui policier (S.G.A.P.).
Le Service général d'appui policier, appelé plus fréquemment la Division « Coopération policière internationale » se trouve sous l'autorité de deux ministres qui ont mandaté un conseil d'administration qui gère le service. Les membres de la gendarmerie qui font partie du S.G.A.P. se trouvent sous les ordres du conseil d'administration et non pas sous les ordres du commandant de la gendarmerie.
Un membre observe que le conseil d'administration est présidé par le commandant de la gendarmerie. Cela signifie que la chaîne hiérarchique de la gendarmerie reste intacte, même pour les gendarmes qui se trouvent au S.G.A.P.
Répercussions budgétaires
Les répercussions budgétaires des conventions internationales sur les États membres ne peuvent pas être connues au moment de la signature de celles-ci. Le financement est bien entendu scindé en un volet international et un volet national. La contribution de la Belgique (3 %) au fonctionnement d'Europol à La Haye est à charge du budget du département de la Justice, et le volet national (le fonctionnement interne belge) est à charge du budget du département de l'Intérieur.
Un membre pose une question supplémentaire. À quel moment l'Autorité de contrôle commune doit-elle être installée ?
Le ministre se réfère à l'article 45, § 3, de la Convention qui stipule que la convention entre en vigueur le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période de trois mois après la notification visée au paragraphe 2 par l'État, membre de l'Union européenne à la date de l'adoption par le Conseil de l'acte établissant la convention, qui procède le dernier à cette formalité.
Europol pourra effectivement commencer à fonctionner après que le conseil d'administration, l'autorité de contrôle commune et les autres organes auront été institués et que les différents règlements auront été adoptés.
Un membre aborde le problème de la structure de l'Unité nationale. Dispose-t-on d'avantage de détails en la matière ? Quelle est la garantie que les Unités nationales utiliseront les données d'Europol à bon escient ?
Le ministre rappelle que l'Unité nationale est intégrée, en Belgique, dans la section de coopération policière internationale. Il existe déjà, dans le cadre du fonctionnement actuel de l'Unité drogues Europol (U.D.E.), une Unité nationale embryonnaire. L'on a créé une commission d'organisation chargée d'évaluer les implications du transfert des structures provisoires de La Haye à la structure Europol. Une des questions que l'on se pose en la matière est de savoir de quelle façon les informations transiteront, en passant par l'Unité nationale et l'officier de liaison à La Haye, des services de police à Europol. Les conditions nécessaires pour permettre à l'unité d'exercer ses missions de façon efficace et ciblée seront arrêtées au sein de la commission d'organisation à composition multidisciplinaire.
Le ministre souligne notamment la responsabilisation de l'Unité nationale en ce qui concerne la gestion des données. Nous nous trouvons ici face à la première convention internationale qui, compte tenu des moyens de communication actuels, n'autorise plus de contacts directs. De cette façon, ce sont surtout le contrôle et la conduite de la gestion des informations qui peuvent être organisés comme il se doit.
Un membre demande la précision suivante : quelles seront les relations avec le C.B.R. ?
Le ministre précise que le CBR devra transiter par l'Unité nationale. Le CBR ne pourra donc avoir de contacts directs avec l'étranger dans le cadre de la Convention Europol.
En réponse à la question d'un autre membre concernant l'extension éventuelle des effectifs d'Europol, le ministre attire l'attention sur l'article 2, § 2, alinéa 3. La décision d'étendre les compétences d'Europol est précédeé d'une estimation budgétaire des effets de cette extension. Le conseil d'administration est en effet chargé de préparer la décision et d'examiner notamment quelles en seront les conséquences en ce qui concerne le budget et le personnel d'Europol.
Le droit d'accès
Un membre s'interroge sur le droit d'accès à la banque de données par les citoyens.
Le ministre explique qu'il existe deux systèmes en la matière dans les quinze États membres. Dans le premier système, tel qu'il est appliqué en Belgique, un citoyen dispose d'un accès indirect à la banque de données et peut demander à la Commission pour la protection de la vie privée s'il a un dossier dans la banque de données; la seule réponse qu'il peut recevoir est que l'on a effectué les vérifications nécessaires. Le deuxième système, applicable dans d'autres pays, est un système d'accès direct. L'article 19 de la Convention Europol règle d'ailleurs le droit d'accès.
Cet article prévoit que le droit de toute personne d'accéder aux données la concernant ou de les faire vérifier s'exerce dans le respect du droit de l'État membre auprès duquel elle le fait valoir.
En pratique, les pays qui appliquent un système fermé s'avèrent quelquefois être un peu plus transparents, alors que les pays qui appliquent un système ouvert semblent souvent l'être un peu moins transparents.
Ratification et mise en oeuvre de la Convention
Un sénateur ayant demandé où en était la ratification de la convention et la mise en oeuvre de la Convention Europol, le ministre souligne que la Belgique est le dernier pays à ratifier cette dernière.
Le délai pour la mise en oeuvre de la Convention est de trois mois.
Après que les organes d'Europol auront effectivement été mis en place, l'on pourra s'occuper de la mise en oeuvre de l'application de la Convention Europol.
Extension des compétences d'Europol
Un sénateur souhaite des précisions sur l'article 2, § 2, alinéa 2, qui stipule qu'Europol traitera également, deux ans au plus tard après l'entrée en vigueur de la présente convention, des infractions commises ou susceptibles d'être commises dans le cadre d'activités de terrorisme portant atteinte à la vie, à l'intégrité physique, à la liberté des personnes ainsi qu'aux biens.
Le premier paragraphe de l'article 2 de la Convention qui traite de l'objectif d'Europol, vise les filières d'immigration clandestine.
Cependant, à la suite du Traité d'Amsterdam la politique d'immigration est communautarisée. Qu'en est-il ? Le sénateur signale que des problèmes émergent du fait que les hauts fonctionnaires doivent répartir les compétences Schengen entre le premier et le troisième pilier.
Ces choses s'avèrent être encore assez imprécises, dans le cadre de l'extension des compétences.
Composition du conseil d'administration d'Europol
Un sénateur demande quelle est la durée du mandat du conseil d'administration. Quel est l'article du Traité d'Amsterdam qui précise la relation entre le Conseil des ministres de la Justice et de l'Intérieur de l'Union européenne et le conseil d'administration d'Europol.
Le ministre répond que cela fait partie du domaine intergouvernemental.
Le sénateur réplique que l'article K. 2, alinéa 2, du Traité d'Amsterdam stipule que le Conseil des ministres donne les orientations politiques.
Le ministre répète le concept intergouvernemental : le conseil d'administration se compose d'un représentant de chaque État membre. La Convention ne prévoit pas une durée pour le mandat des membres du conseil d'administration. Chaque État membre le décide pour son représentant.
Le conseil d'administration
Toute une série de réglementations doit être approuvée, après l'adoption par le conseil d'administration, par le Comité K 4, par le Coreper et le Conseil des ministres.
La politique d'immigration fait partie du premier pilier dans le cadre du Traité d'Amsterdam. Europol s'occupe uniquement des délits de criminalité organisé qui se situent dans le cadre de l'immigration.
Les articles, ainsi que l'ensemble du projet de loi est adopté à l'unanimité des huit membres présents.
Confiance a été faite au rapporteur pour la rédaction du présent rapport.
| Le rapporteur, | Le président, |
| Philippe MAHOUX. | Valère VAUTMANS. |
TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION
Voir le doc. 1-938/3