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Sénat de Belgique |
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COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES |
COMMISSIE VOOR DE BUITENLANDSE AANGELEGENHEDEN |
SÉANCE DU MERCREDI 13 DÉCEMBRE 1995 |
VERGADERING VAN WOENSDAG 13 DECEMBER 1995 |
M. le Président. L'ordre du jour appelle la demande d'explications de Mme Dardenne au ministre des Affaires étrangères sur « la réaction de la Belgique suite à l'exécution de neuf opposants de la cause ogonie au Nigeria ».
La parole est à Mme Dardenne.
Mme Dardenne (Écolo). Monsieur le Président, le Conseil des ministres européen ayant inscrit cette question à son ordre du jour le 4 décembre dernier, je vous avais déjà posé une question orale à ce sujet le 30 novembre dernier.
Souhaitant toutefois avoir la possibilité de répliquer à votre réponse et obtenir plus d'éléments d'information, je réitère aujourd'hui cette question sous forme de demande d'explications.
Ce 10 novembre 1995, l'écrivain Ken Saro-Wiwa et huit autres militants de la cause ogonie ont été exécutés par le pouvoir militaire du Nigeria. Ces exécutions sont ressenties par la communauté internationale comme un assassinat pur et simple car les prévenus ont été jugés de manière inique par un tribunal d'exception, sans possibilité d'appel et en complète négation du respect des droits de l'homme.
À la suite de ces événements, plusieurs États ont rappelé leur ambassadeur à Abuja. La Belgique, elle-même, a retardé l'envoi en poste du sien, comme vous le signaliez en réponse à ma question orale du 30 novembre 1995. Le Commonwealth a suspendu le Nigeria. Cette mesure vis-à-vis d'un pays membre est sans précédent dans l'histoire de cette organisation.
Je ne résiste cependant pas à vous lire un commentaire paru dans Le Monde des 12 et 13 novembre : « Mais une fois accomplies ces figures imposées de l'indignation internationale, les partenaires occidentaux devront tirer les conséquences de l'inefficace discrétion qui a prévalu entre l'annonce des condamnations et leur confirmation... Il leur faudra aussi s'interroger sur le meilleur moyen d'infléchir le cours pris par la dictature du général Abacha. »
J'aimerais obtenir une explication sur ces deux problèmes car d'autres opposants actuellement emprisonnés sont également menacés de mort par la dictature militaire au pouvoir.
Pour comprendre la situation, il nous faut revenir sur quelques données historiques et géographiques.
Les Ogonis sont une petite ethnie de l'est du delta du Niger. Cette région a toujours été une terre fertile avec une végétation abondante. Les rivières furent jadis poissonneuses et le plus grand marécage de mangroves de toute l'Afrique constitua longtemps une réserve de gibier inépuisable, ce qui explique une densité de population très forte. Ce paradis est bel et bien perdu. En effet, depuis 1956, plusieurs multinationales pétrolières dont la Shell mais aussi les américaines Chevron et Mobil, l'italienne Agip et la française Elf s'y sont installées pour exploiter les réserves pétrolières.
Un chef de village ogoni a déclaré : « Les gens de Shell sont venus avec leurs bulldozers et ont pris possession de notre pays. »
C'est bien d'une véritable mise en coupe réglée qu'il s'agit, les populations ressentant ces compagnies comme de véritables puissances occupantes.
En effet, elles ont à subir les dévastations d'une exploitation sans foi ni loi des réserves pétrolières du delta du Niger.
En 1956, il est clair que les préoccupations environnementales étaient le moindre des soucis des compagnies pétrolières, d'autant plus que le site se trouvait en Afrique, territoire considéré comme un réservoir de ressources naturelles dont on se servait impunément, avec comme seul guide le profit et certainement pas une quelconque considération pour les populations locales.
Celles-ci ignoraient tout de ce qui se passait et des enjeux. À l'époque, elles n'ont donc pas réagi aux projets des blancs. Depuis, de gigantesques flammes empestent l'air et jettent une lumière vive sur la forêt, même la nuit. Les Ogonis disent donc : « Shell nous a volé la nuit. » Des explosions dues à la vétusté des installations détruisent forêts et champs. Des fuites dans les pipelines souillent les sols. D'après un rapport interne de la Shell, il y a eu environ 90 accidents entre 1985 et 1993 dans la région où vivent les Ogonis. Dans l'ensemble du delta, il y aurait une moyenne de 221 accidents par an et 7 350 barils seraient perdus dans la nature. « Mais nous n'avons vraisemblablement pas connaissance de toutes les avaries » concède un ingénieur de la compagnie.
Les raffineries expulsent directement dans l'atmosphère des substances toxiques sans aucun filtrage. Chaque jour, à elle seule, la Shell dégage plus de 28 millions de mètres cubes de gaz dans le delta. Les déchets chimiques sont déversés dans le fleuve et ses ramifications. Lorsqu'il pleut, une eau sale tombe du ciel, contenant diverses substances chimiques. Conséquence tragique : les enfants sont malades. Ils souffrent de toutes sortes d'allergies cutanées qui provoquent des démangeaisons, et faute de médicaments même de simple pommade pour la peau ils se grattent jusqu'au sang, donnant ainsi un terrain favorable aux bactéries qui s'installent et provoquent la mort. De nombreux habitants souffrent d'allergies, de maladies des bronches et de l'estomac.
Seule une petite couche corrompue de la société nigériane tire profit de la rente pétrolière. Mais ce sont les pauvres qui subissent les conséquences écologiques de cette exploitation sauvage : eaux polluées, terres mortes, pluies toxiques. C'est cet ensemble de circonstances qui a poussé les indigènes à bout et les a amenés d'abord à protester, à réclamer des compensations aux compagnies pétrolières et, enfin, de guerre lasse, à se révolter contre ces sociétés en bloquant notamment l'accès aux champs de pétrole.
Or, l'État nigérian est le principal partenaire de la Shell dans la SPDC Shell Petroleum Development Compagny of Nigeria , ce qui explique que les revendications légitimes des Ogonis ne sont nullement entendues. Au contraire, la répression militaire s'est abattue sur la région. Quiconque gêne les multinationales du pétrole est ramené brutalement à la raison ou le paie de sa vie. C'est ainsi qu'une série d'actions ont été menées par les forces de police nigériane afin de terroriser la population.
Ken Saro-Wiwa a alors créé le MOSOP Mouvement pour la survie du peuple ogoni qui réclame une indemnisation au groupe Shell et exige le droit à l'autodétermination politique. C'est dans ce contexte qui nie à la fois les droits de l'homme et le droit à la vie dans un environnement correct qui est aussi un droit de l'homme ! que se situent les exécutions du 10 novembre et les incarcérations frappant aujourd'hui encore une vingtaine d'opposants ogonis pour lesquels on peut d'ailleurs craindre le pire. En effet, ils doivent aussi être « jugés » en janvier. Amnesty International redoute que ne se reproduise le sinistre scénario du mois passé.
Face à cette situation intolérable et à la détresse d'une région dirigée par une poignée de « truands en uniforme », la communauté internationale ne peut relâcher sa pression.
Actuellement, le Nigeria est le cinquième producteur au sein de l'OPEP et exporte son pétrole vers les États-Unis, l'Espagne, la France et l'Allemagne. Ses principaux clients sont les États-Unis, pour 40,5 p.c., et l'Union européenne, pour 39,5 p.c.; le pétrole représente par ailleurs 97,6 p.c. de ses exportations.
Le régime nigérian ne craint rien autant que le retrait des multinationales; le boycottage des produits venus du Nigeria aurait des conséquences immédiates tout en n'ayant qu'un effet marginal sur la population. Il y a longtemps que l'économie est en ruine et l'environnement complètement saccagé, sans que cela ait paru inquiéter particulièrement le gouvernement. Les bénéfices pétroliers, qui représentent 90 p.c. des revenus en devises, n'ont pratiquement pas profité à la plupart des Nigérians, dont le pouvoir d'achat est tellement érodé que beaucoup sont confrontés à la famine, sans parler des hôpitaux, dépourvus de médicaments, et d'autres difficultés de la vie quotidienne. Comme le dit un journaliste nigérian, ce sont surtout les poches des généraux et leurs comptes en banque à l'étranger qui pâtiraient de la perte de l'argent du pétrole.
C'est donc en tenant compte de cet ensemble de données que je vous demande, monsieur le ministre, de soutenir l'idée d'un embargo pétrolier vous avez dit être d'accord et de tout faire pour que celui-ci soit imposé à l'échelon européen.
À ce propos, je voudrais connaître de manière précise je n'ai pas reçu de réponse sur ce point dans le cadre de ma question orale la situation de la Belgique vis-à-vis du Nigeria en matière d'exportation d'armes et d'importation pétrolière, avant les mesures récentes prises dans le cadre européen.
Par ailleurs, au moment où la communauté internationale condamnait la situation au Nigeria, Shell a donné son feu vert pour la mise en route d'un complexe d'exploitation du gaz au Nigeria. Grâce à ce complexe, le pays devrait être à même d'exporter sept milliards de mètres cubes de GNL par an. Il semble bien que divers contrats d'achat ont déjà été conclus notamment avec Distrigaz, en Belgique. Qu'en est-il de ce contrat, toujours en négociation, semble-t-il ? Comptez-vous agir sur la poursuite de cette négociation et exiger, par exemple, des clauses conditionnelles liées au respect des droits de l'homme dans le cas d'une signature ? Pensez-vous faire annuler la démarche ou la reporter à plus tard, et à quelles conditions ?
Comptez-vous interpeller l'ONU afin que le problème des droits de l'homme au Nigeria soit soumis à enquête ?
De même, comptez-vous interpeller le Conseil de sécurité de l'ONU pour que soit mise en débat la question de la répression et de ses conséquences, qui pourraient menacer la paix en Afrique occidentale ? Le Nigeria étant un État fédéral, le risque d'instabilité est en effet très important.
Enfin, je voudrais que vous nous informiez sur le résultat du Conseil des ministres européen du 4 décembre qui devait évoquer la question nigériane : des mesures complémentaires à la position commune ont-elles été prises ?
En terminant cette demande d'explications, permettez-moi d'insister pour que soient prises, vis-à-vis du gouvernement nigérian, de réelles mesures de dissuasion car il y va de la vie d'une vingtaine d'opposants et de la survie du peuple ogoni. Si rien n'est fait, nous en porterons la responsabilité puisque nous faisons partie de l'Union européenne et que nous aurons préféré des intérêts économiques au respect de la démocratie, des droits de l'homme et de la vie.
M. le Président . La parole est à M. Mahoux.
M. Mahoux (PS). Monsieur le Président, le problème qui vient d'être évoqué concernant le Nigeria présente un double aspect.
Le premier, le plus évident sur le plan international, a trait à ce que l'on peut qualifier d'exécutions au mépris des règles de droit, exécutions qui ont été perpétrées malgré la levée de boucliers sur le plan international.
Le deuxième aspect est celui de l'exploitation des compagnies pétrolières au Nigeria. Comme vient de le dire Mme Dardenne, cette exploitation ne profite pas à la population mais bien au régime. L'Union européenne étant un grand importateur de la production nigériane, il nous est possible d'agir à deux niveaux : premièrement, sur le plan international et diplomatique et, deuxièmement, sur le plan des conditions d'importation par l'Union européenne, lesquelles exercent une influence sur les conditions d'exploitation des compagnies pétrolières au Nigeria.
Aussi, monsieur le ministre, je souhaite vous poser deux questions.
Quelles ont été les réactions et les mesures d'ordre diplomatique adoptées immédiatement après l'exécution, et ce non seulement sur le plan international, mais aussi au niveau de la Belgique et de l'Union européenne ?
Par ailleurs, quelles mesures avez-vous prises ou comptez-vous prendre à l'égard des compagnies pétrolières concernant les importations de l'Union européenne afin de mettre un terme à ce que l'on peut qualifier d'entreprise de spoliation du peuple nigérian ainsi qu'aux dommages causés à la population par l'exploitation des ressources pétrolières ?
De Voorzitter . Het woord is aan de heer Staes.
De heer Staes (CVP). Mijnheer de Voorzitter, ik sluit mij aan bij de bekommernis die blijkt uit de vragen van de vorige sprekers. Ik wil ze echter in een iets ruimere en, vooral, Europese context plaatsen.
Uit talloze verklaringen, standpunten en initiatieven op wetgevend vlak hebben de Europese instanties al jarenlang laten blijken dat onderwerpen als mensenrechten, de bescherming van het leefmilieu en dergelijke, hen na aan het hart liggen. Steeds meer bevoegdheden op dit vlak komen trouwens in Europese handen, wat in de toekomst waarschijnlijk niet zal veranderen.
In het dossier in verband met Nigeria, waarover ik een ontwerp van resolutie heb ingediend, gaat het om Shell, maar ook om andere bedrijven. Vele firma's, met zetel op Europees grondgebied, oefenen een deel van hun activiteiten uit buiten de Europese Gemeenschap, zoals dat bijvoorbeeld in Brazilië opvallend het geval is.
Kan niet worden overwogen om samen met onze collega's uit de Europese Gemeenschap een gedragscode voor Europese bedrijven op te stellen, zodat wij iets meer greep krijgen op de activiteiten van Europese firma's die buiten Europa optreden op een manier die volkomen in strijd is met de politieke normen, waarmee nochtans alle betrokken politieke partijen het eens zijn ? Of is mijn voorstel politieke dromerij ?
De Voorzitter. Het woord is aan minister Derycke.
De heer Derycke , minister van Buitenlandse Zaken. Mijnheer de Voorzitter, de beslissing die aanvankelijk door de Raad van ministers van Buitenlandse Zaken werd genomen, werd op 4 december aangevuld met een tweede reeks beslissingen. Dat het debat werd gehouden op het middaguur, wijst op het belang van deze kwestie en op de grote bezorgdheid van de Europese landen voor de situatie in Nigeria. Het crimineel gedrag van het regime werd vrijwel unaniem afgekeurd.
Ik wil er overigens in de eerste plaats op wijzen dat België sinds geruime tijd officieel geen uitstaans meer heeft met dit regime. De bilaterale hulpprogramma's met Nigeria werden sedert lang opgeschort. Op het ogenblik dat onze ambassadeur in Nigeria moest worden vervangen, hebben we geen nieuwe gestuurd. In de eerste maanden zal dit ook niet gebeuren, indien het regime niet verandert. Ik ga daar straks nog even dieper op in, aangezien het hier gaat om een situatie die niet zo evident is en die we niet hadden verwacht in Nigeria.
Men moet anderzijds ook inzien dat het vaak moeilijk is om op het vlak van buitenlandse politiek vijftien landen op dezelfde lijn te krijgen. Een coherent en gecoördineerd Europees, buitenlands optreden in het kader van een « volwassen tweede pijler » is nog ten dele wishfull thinking. Ik heb er deze week in een interview nog op gewezen dat ik mij nog steeds verbaas over het falen van de Europese constructie in ex-Joegoslavië, waarop een versterkt optreden van de Amerikanen is gevolgd en wij nu moeten vaststellen dat het intergouvernementalisme opnieuw regeert in Europa. Dit is maar één voorbeeld. Steeds zijn er grote landen die de weg proberen te versperren. Het is zeker niet België dat zich verzet tegen meer coherentie en coördinatie in het Europees buitenlands beleid en het ontwikkelingsbeleid.
Zelf heb ik, toen ik op Ontwikkelingssamenwerking werkzaam was ik wil hier geen hoge borst opzetten , heel wat kunnen realiseren op het vlak van mensenrechten en ontwikkelingssamenwerking. Samen met het Instituut van Maastricht, dat grotendeels bevolkt wordt door Vlamingen, heb ik een soort codex uitgewerkt om de ontwikkelingshulp te koppelen aan het respect voor de mensenrechten. We hebben een lange strijd gevoerd om dit te doen accepteren, maar uiteindelijk is het toch een Europese regel geworden. Onze inspanning werd bekroond bij de herziening van het Verdrag van Lomé door de invoeging van artikel 1/5bis waardoor dit principe in het verdrag wordt opgenomen. Na de bekendmaking van de executies, die een aanfluiting zijn van ieder rechtsprincipe, hebben we dan ook de hulp in het kader van het Verdrag van Lomé onmiddellijk tot nader order geschorst. Door de drempelverhoging is het niet evident dat Nigeria gemakkelijk opnieuw zal worden toegelaten. Deze maatregel doet pijn, ook voor Nigeria.
Op 4 december werd een tweede reeks maatregelen genomen.
Une deuxième série de mesures communes aux pays membres de l'Union ont été adoptées je reviens ici à la question posée par Mme Dardenne lors du Conseil des ministres du 4 décembre : la suppression de la validité du visa de longue durée pour les membres de l'armée et du gouvernement, l'expulsion du personnel militaire présent au niveau des représentations diplomatiques nigérianes dans les États membres de l'Union européenne, le rappel par les États membres du personnel militaire attaché à leur représentation au Nigeria et l'interruption des contacts sportifs. Cette dernière mesure a provoqué de nombreuses difficultés au sein des quinze États membres. Les pays nordiques, par exemple, étaient défavorables à des mesures de rétorsion sur le plan sportif. En ce qui concerne la représentation au Nigeria, la plupart des États membres avaient rappelé leurs ambassadeurs à l'exception de la Suède qui estimait devoir rester sur place afin de poursuivre le dialogue avec les représentants du gouvernement nigérian. Mais en fin de compte, Mme Wallen s'est inclinée et récemment, lors de la Conférence sur l'ex-Yougoslavie à Londres, elle a confirmé le retrait par la Suède de son ambassadeur au Nigeria. Donc, sur la plan diplomatique, ce pays est mort pour l'Union européenne.
En ce qui concerne les Nations unies, la Belgique s'est associée au parrainage d'une résolution portant sur la situation des droits de l'homme au Nigeria. La Belgique, ainsi que les autres pays membres de l'Union européenne, s'efforcera d'inscrire la situation du Nigeria à l'agenda de la prochaine session de la Commission des droits de l'homme à Genève.
J'en viens à présent à la question de la détention et de la mise en accusation des dix-sept il a aussi été question de dix-neuf autres membres ogonis. Ceux-ci auraient participé au meurtre de quatre leaders du MOSOP en mai 1994. La Belgique, comme les autres pays de l'Union européenne et la communauté internationale dans son ensemble, suit cette affaire de près. La position commune adoptée le 4 décembre révèle que d'autres mesures, y compris des sanctions, seront envisagées au cas où les autorités nigérianes n'évolueraient pas rapidement vers la démocratie et n'assureraient pas le plein respect des droits de l'homme et de l'État de droit.
En ce qui concerne nos exportations d'armes, la décision prise à la fin de l'année 1993 comportait déjà l'imposition d'un examen au cas par cas, le refus étant présumé pour le Nigeria.
Cette règle a été observée en matière d'équipements de défense lors de l'examen des demandes de licences d'exportation à destination du Nigeria.
En ce qui concerne la question d'un embargo pétrolier éventuel sur le Nigeria, j'ai déclaré à deux reprises que la Belgique accueillerait favorablement une décision en ce sens. D'ailleurs, si je ne m'abuse, l'importation de pétrole nigérian est tout à fait négligeable à l'heure actuelle et devrait avoisiner quelque 0,4 p.c. De longues discussions ont eu lieu entre les quinze États membres de l'Union afin que des mesures soient mises en oeuvre au niveau du Conseil européen, mais nous n'avons abouti à aucun résultat en la matière. C'est pourquoi il a été décidé de soumettre cette question aux Nations unies. Selon moi, seule une résolution du Conseil de sécurité pourrait instaurer un véritable embargo qui soit efficace à cet égard.
En ce qui concerne Distrigaz, des pourparlers sont en cours. Nous n'avons pas vraiment d'influence à ce niveau. Cependant, étant donné la situation actuelle, Distrigaz risque de connaître d'importants problèmes, ne fût-ce que pour établir les contacts avec Shell qui subit de fortes pressions en Angleterre et aux Pays-Bas.
Mme Dardenne (Écolo). Un problème se pose néanmoins, monsieur le ministre. La société Shell détient 16 p.c. des actions de Distrigaz. Donc la société Shell établit un contrat avec elle-même au moins pour partie. Le Gouvernement détient encore, quant à lui, une action Distrigaz « Golden Share ». À ce titre vous pouvez agir.
M. Derycke, ministre des Affaires étrangères. Je suis tout à fait d'accord avec vous, madame Dardenne, mais la législation belge et la législation européenne n'ont aucun pouvoir sur les entreprises quant au respect d'un code d'éthique, ce que l'on peut déplorer.
Mme Dardenne (Écolo). Il est toujours possible d'innover !
M. Derycke, ministre des Affaires étrangères. Nous n'en sommes pas encore là. En matière de politique des Affaires étrangères et de sécurité, nous éprouvons déjà de nombreuses difficultés à rassembler les Quinze autour d'un même projet, ce qui dans le cas du Nigeria, n'a pas posé de gros problèmes.
Mme Dardenne (Écolo). Je rappelle au passage que Distrigaz est une société non pas européenne mais belge. De plus, une partie des actions sont actuellement en vente auprès des communes.
M. Derycke, ministre des Affaires étrangères. Pour ma part, j'ai fait preuve du souci que j'éprouve à l'égard des décisions de Distrigaz. Si tous les parlementaires et le Gouvernement adoptaient la même attitude en insistant auprès de Distrigaz pour qu'elle renonce momentanément à ce complexe d'installations, ce serait très bien. Mais le Gouvernement ne peut prendre des sanctions à l'égard de cette société. À chacun ses responsabilités !
Mme Dardenne (Écolo). Je signale que je déposerai une motion qui évoque le problème et adresse, en conséquence, certaines demandes au Gouvernement. Je m'adresserai à différents collègues en leur demandant éventuellement de la cosigner.
M. Derycke, ministre des Affaires étrangères. J'estime que les mesures de rétorsion font mal sur le plan diplomatique et gênent considérablement le régime du Nigeria. Mais, pour ma part, j'estime qu'il conviendrait d'établir un blocus sur l'exportation de pétrole. Ainsi, d'ici deux ou trois mois, le régime serait sur les genoux.
Mme Dardenne (Écolo). Je pense effectivement que c'est la seule solution.
M. Derycke, ministre des Affaires étrangères. J'ai une assez longue expérience en matière de relations avec les pays africains. Je puis ainsi constater que ces derniers ne se gênent pour rien sauf quand l'argent qui les fait survivre est en question.
M. le Président. La parole est à M. Mahoux.
M. Mahoux (PS). En ce qui concerne les possibilités sur le plan diplomatique, en termes de relations bilatérales, la réponse du ministre montre que l'action menée par la Belgique ainsi que les réactions de l'Union européenne sont tout à fait claires.
J'enregistre avec un certain étonnement l'attitude de la Suède qui ne me paraît pas relever d'une dénonciation moins importante vis-à-vis de la situation au Nigeria mais plutôt d'une stratégie quelque peu différente. Je me réjouis donc que ce pays se soit rangé à l'avis des quatorze autres membres de l'Union européenne, à Londres.
Par rapport à la remarque de Mme Dardenne, j'ajouterai que, grâce à la politique menée par le Gouvernement belge, le maximum a été fait, en termes de dénonciation du régime du Nigeria. Nous déposerons donc une motion pure et simple.
Il me paraît évident que le moyen de contrainte le plus important est d'ordre économique. Il convient, bien entendu, que les mesures de rétorsion économique n'aggravent pas la situation des populations mais exercent plutôt pression sur le gouvernement du pays concerné afin qu'il modifie son attitude.
Les compagnies pétrolières, quant à elles, devront modifier leurs conditions d'exploitation, particulièrement en ce qui concerne les retombées sur la population, les conditions de travail de la main-d'oeuvre locale et les répercussions sur l'environnement.
M. le Président. La parole et à Mme Dardenne.
Mme Dardenne (Écolo). Monsieur le Président, j'aimerais encore demander au ministre quelle est la position de l'Union européenne par rapport à un embargo éventuel.
Vous dites, monsieur le ministre, que l'on se tourne vers l'ONU, mais est-ce la solution ?
Par ailleurs, je m'étonne de l'intention de M. Mahoux de déposer une motion pure et simple et je lui demande de lire attentivement la motion que je dépose.
Vous dites également, monsieur le ministre, que l'argument économique est le seul moyen de faire céder ce genre de régime. Cela implique, pour ce faire, d'exercer une pression sur les multinationales. L'exemple de Distrigaz est un bon moyen pour contraindre à la fois Shell et le gouvernement du Nigeria puisqu'il s'agit d'un contrat extrêmement important pour l'exploitation du gaz, au-delà de l'exploitation pétrolière. Cela suit d'ailleurs une certaine logique puisque l'on constate aussi que les exploitations pétrolières au Nigeria se font de plus en plus offshore, donc en mer, précisément en raison des retombées négatives sur l'environnement et donc sur les populations.
Je comprends assez mal cette attitude. Je voudrais que l'on agisse au-delà des différences et des divergences politiques et que la Belgique adresse un signal très fort. En janvier, vingt personnes risquent de subir le même sort que les neuf opposants exécutés le 10 novembre.
M. le Président. La parole est à M. Mahoux.
M. Mahoux (PS). Monsieur le Président, je tiens à préciser à nouveau que le dépôt d'une motion pure et simple a pour but d'exprimer la confiance au Gouvernement dans cette affaire; elle n'empêche pas de mettre en exergue une série de problèmes qui impliquent des réactions de l'ensemble des consommateurs et une modification de l'attitude des compagnies pétrolières.
M. le Président. La parole est à Mme Dardenne.
Mme Dardenne (Écolo). Monsieur le Président, si M. Mahoux veut inciter au boycott, je suis tout à fait d'accord avec lui.
Par rapport aux compétences du Sénat, je pense que nous n'avons pas à exprimer notre confiance ou notre défiance au Gouvernement puisque ce n'est plus notre rôle institutionnel.
Je sais que M. Staes propose une résolution, à laquelle je me rallierai volontiers si elle me satisfait. Mais il est urgent d'agir avant la fin de l'année, en raison de l'enjeu important qui se situe en janvier. La résolution ne pouvant être votée que l'année prochaine, il me semble qu'une motion pourrait envoyer un signal plus rapide.
Il ne s'agit pas d'exprimer une défiance à l'égard du Gouvernement belge, qui a pris un certain nombre d'attitudes louables, mais nous devons nous exprimer plus fortement. Nous avons l'occasion de le faire en tant que parlementaires. Il s'agit bien là du nouveau rôle du Sénat et nous devons en prendre conscience.
De Voorzitter. Het woord is aan de heer Staes.
De heer Staes (CVP). Mijnheer de Voorzitter, omdat de motie van mevrouw Dardenne volledig in de lijn ligt van de resolutie die ik eerder heb ingediend, heb ik de gewone motie mede ondertekend. Ik reken er dan ook op dat de commissie voor de Buitenlandse Aangelegenheden haar verantwoordelijkheid opneemt zodat deze zaak in de publieke opinie komt vooraleer in januari beslissingen worden genomen.
M. le Président. La parole est à Mme Lizin.
Mme Lizin (PS). Monsieur le Président, au lendemain de l'exécution, le Nigeria a reçu un très large appui de la Chine, avec délégation sur place. Ce soutien lui a été apporté de façon délibérée, du fait que l'Europe allait nécessairement, par opposition, tenter de mettre en oeuvre l'une ou l'autre forme de condamnation de cet acte.
Il me semble que nous devrions suivre attentivement la réaction de la Chine dans ce genre de situation. Peut-être aurions-nous aussi intérêt à manifester notre désapprobation par rapport à ce type de soutien, totalement anti-européen.
Les Européens ont-ils l'intention d'agir sur ce plan ?
M. Derycke, ministre des Affaires étrangères. L'Europe essaie de suivre la politique chinoise en Afrique. C'est la seule observation que je désire formuler.
M. le Président. En conclusion de cette demande d'explications, j'ai reçu deux motions.
La première est une motion motivée qui émane de Mme Dardenne et est ainsi rédigée :
« Le Sénat,
Ayant entendu la demande d'explications de Mme la sénatrice Dardenne et la réponse de M. le ministre Derycke, demande au Gouvernement :
De mettre en place en Belgique l'embargo sur les produits du pétrole nigérian jusqu'au rétablissement d'un gouvernement démocratique et de procédures légales normales;
De tout mettre en oeuvre pour que cet embargo soit pris, aux mêmes conditions, au niveau européen;
D'user de son « action privilégiée » Golden Share au sein de Distrigaz pour renoncer au contrat de gaz entre cette société et Shell Nigeria, tout au moins tant qu'un régime démocratique ne sera pas en place au Nigeria;
D'interpeller le Conseil de sécurité de l'ONU pour que soit créée une commission d'enquête indépendante et impartiale chargée d'enquêter sur les crimes perpétrés par l'actuel gouvernement militaire du Nigeria. »
La seconde, déposée par Mme Lizin, M. Staes et Mme Sémer, est rédigée comme suit :
« Le Sénat,
Ayant entendu la demande d'explications de Mme Dardenne et la réponse du ministre,
Passe à l'ordre du jour. »
« De Senaat,
Gehoord de vraag om uitleg van mevrouw Dardenne en het antwoord van de minister,
Gaat over tot de orde van de dag. »
Nous procéderons en séance plénière au vote sur la motion pure et simple, qui bénéficie de la priorité.
Wij stemmen in plenaire vergadering over de gewone motie, die de voorrang heeft.
L'incident est clos.
Het incident is gesloten.
Mesdames, messieurs, l'ordre du jour de la réunion publique de la commission des Affaires étrangères est ainsi épuisé.
De agenda van de openbare vergadering van de commissie voor de Buitenlandse Aangelegenheden is afgewerkt.
La séance est levée.
De vergadering is gesloten.
(La séance est levée à 11 heures.)
(De vergadering wordt gesloten om 11 uur.)