1-793/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 1997-1998

21 NOVEMBRE 1997


Proposition de loi spéciale modifiant la loi du 30 juillet 1963 concernant le régime linguistique dans l'enseignement

(Déposée par Mme Willame-Boonen et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


Dans une société caractérisée par une plus grande ouverture, une mobilité et des échanges sans cesse croissants, nul ne conteste que la connaissance des langues doit être une priorité de l'enseignement.

En outre dans notre pays, le bilinguisme est devenu une condition presque sine qua non d'une embauche. Celui qui ne connaît que sa langue maternelle est défavorisé sur le marché du travail. La ministre-présidente de la Communauté française, également ministre de l'Enseignement, en est consciente puisque dans ses quarante propositions du plan pédagogique élaboré en 1996 elle annonçait qu'à partir de 2001, les élèves francophones sortiraient bilingues de l'enseignement secondaire.

« Nos deux régions (Wallonie et Bruxelles) ont besoin, disait-elle, pour leur développement économique, d'un réservoir important de bilingues, voire de trilingues. »

Cette promesse restera toutefois un voeu pieux si les méthodes d'enseignement ne sont pas fondamentalement revues. On constate en effet aujourd'hui qu'après de nombreuses années d'études de la deuxième langue nationale (à Bruxelles elle est enseignée depuis la 3e année primaire) les enfants ne sont pas bilingues. Ils ont au mieux acquis une connaissance passive de l'autre langue nationale et ce, alors que l'investissement en heures de cours est considérable.

Seuls sont bilingues ceux qui font leurs études dans une autre langue que leur langue maternelle ou ceux dont les parents assument les frais de séjour ou d'échanges linguistiques.

Jusqu'à présent l'école a dès lors dans une certaine mesure failli à son rôle en ce qui concerne l'apprentissage des langues. Être bilingue, voire trilingue, à l'issue des humanités constitue sans aucun doute un défi pour l'enseignement dans les années à venir.

Les pistes ou méthodes pour relever ce défi sont connues :

­ cours de 2e langue obligatoire dans les écoles normales (à l'heure actuelle il y a pénurie d'instituteurs ayant pris l'option néerlandais dans les écoles normales de la Communauté française) et accroissement du nombre d'heures de cours;

­ enseignement de la seconde langue dès la 5e primaire;

­ possibilité de commencer des cours de néerlandais ou de français beaucoup plus tôt (dès la maternelle) de manière ludique (1);

­ nouvelles pédagogies, méthodes plus modernes axées sur la communication orale;

­ continuité de l'apprentissage de la même seconde langue tout au long des études.

À cette liste il faut encore ajouter le fait de dispenser d'autres cours que le cours de néerlandais ou de français tels que les cours de géographie ou d'histoire dans l'autre langue nationale.

Cette dernière méthode partiellement basée sur la technique de l'immersion est pratiquée au Grand-Duché de Luxembourg où elle donne d'excellents résultats.

La mise en oeuvre de ces différentes mesures relève principalement de la compétence des communautés en matière d'enseignement. Celles-ci disposent en effet du pouvoir de fixer les programmes et de déterminer la manière de les mettre en oeuvre. Les communautés sont également compétentes pour régler l'emploi des langues dans l'enseignement c'est-à-dire pour déterminer la langue dans laquelle l'enseignement doit être donné. Cependant en vertu de l'article 129 de la Constitution, cette compétence est territorialement limitée à la région de langue française et à la région de langue néerlandaise à l'exception des communes à facilités. Par conséquent c'est le législateur fédéral qui dispose du pouvoir de régler l'emploi des langues dans l'enseignement à Bruxelles et dans toutes les communes à facilités.

La présente proposition vise à permettre que dans les communes à facilités une partie du programme puisse, dans l'enseignement secondaire, être donné en néerlandais dans les écoles de langue française et en français dans les écoles de langue néerlandaise. Toutefois dans les communes malmédiennes et dans les communes des arrondissements de Bastogne et de Arlon le choix doit pouvoir être fait entre l'allemand et le néerlandais. Dans un pays bilingue, priorité doit en effet être donnée dans l'enseignement à la connaissance d'une autre langue nationale par rapport à l'anglais. Cette priorité correspond d'ailleurs à une demande constante d'une grande partie des parents et aux exigences du marché de l'emploi. Le fait de dispenser une partie des cours dans l'autre langue nationale ne sera toutefois efficace que si ces cours sont donnés par des professeurs dont la langue maternelle est celle dans laquelle ils enseignent. Il est par conséquent indispensable de supprimer l'obligation pour les enseignants faisant partie d'un autre régime linguistique de faire la preuve de la connaissance approfondie de la langue de l'école dans laquelle ils enseignent. Lorsque ce verrou sera supprimé l'échange d'enseignants entre les écoles officielles et libres des deux Communautés française et flamande devra être encouragé. Mais une politique d'échange d'enseignants ne sera possible que si les deux communautés adoptent chacune, pour ce qui la concerne, des modifications similaires à celles prévues par la présente proposition.

Commentaire des articles

Article 2

L'article 10 de la loi du 30 juillet 1963 prévoit déjà que dans les communes de la frontière linguistique, un certain nombre de matières fixées par le Roi peuvent être données dans la seconde langue.

Il convient, d'une part, d'étendre cette possibilité à toutes les communes à statut linguistique spécial et d'autre part, de supprimer l'intervention du Roi. C'est à chaque pouvoir organisateur à déterminer le nombre de matières qui doivent être enseignées dans la seconde langue.

En outre étant donné que dans les communes malmédiennes et les communes des arrondissements de Bastogne et de Verviers la seconde langue peut être soit le néerlandais soit l'allemand, il convient de prévoir la possibilité d'enseigner certaines matières dans l'une de ces deux langues au choix du pouvoir organisateur.

Article 3

Cet article vise à permettre l'engagement de « native speakers ».

Magdeleine WILLAME-BOONEN.

PROPOSITION DE LOI SPÉCIALE


Article premier

La présente loi spéciale règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution.

Art. 2

L'article 10, alinéa 4, de la loi du 30 juillet 1963 concernant le régime linguistique dans l'enseignement est remplacé par ce qui suit :

« Dans les communes visées à l'article 3, 1º, de la présente loi et à l'article 7, § 3, de la loi du 2 août 1963 sur l'emploi des langues en matières administrative, un certain nombre de matières peuvent dans l'enseignement secondaire être données en néerlandais dans les écoles de langue française et en français dans les écoles de langue néerlandaise. Dans les communes visées à l'article 3, 3º et 4º, de la présente loi, un certain nombre de matières peuvent être données en allemand ou en néerlandais dans l'enseignement secondaire. »

Art. 3

L'article 13, alinéa 2, de la même loi est modifié par ce qui suit :

« Dans les communes visées à l'article 3, 1º, 3º et 4º, de la présente loi et à l'article 7, § 3, de la loi du 2 août 1963 sur l'emploi des langues en matière administrative, la preuve de la connaissance élementaire de la langue de l'enseignement suffit pour les professeurs de langues vivantes autres que la langue de l'enseignement et pour les professeurs qui enseignent en français dans les écoles de langue néerlandaise et en néerlandais dans les écoles de langue française. »

Magdeleine WILLAME-BOONEN.
Philippe CHARLIER.
Joëlle MILQUET.

(1) Dans « L'enfant aux deux langues » , Cl. Hagège, savant français, maître de la didactique des langues dit « qu'on ouvre un chemin qui ne se refermera jamais lorsqu'on a pris la peine de commencer tôt l'apprentissage des langues ».