1-712/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 1996-1997

24 JUILLET 1997


Proposition de loi spéciale modifiant la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles et la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises, en vue d'introduire une incompatibilité entre le mandat de sénateur de communauté et le mandat de membre d'un Conseil de région

(Déposée par Mme Willame-Boonen)


DÉVELOPPEMENTS


Le constituant de 1993 a modifié la composition et le rôle des assemblées parlementaires fédérales dans un triple objectif :

1. mettre fin au double et au triple mandat en vertu duquel les députés et les sénateurs élus directement étaient depuis 1980 également membres des Conseils de communauté et de région. Ce système était en effet contraire au principe d'autonomie des assemblées régionales et communautaires puisqu'il créait une confusion entre les fonctions de parlementaire national et de représentant régional ou communautaire;

2. mettre fin au bicaméralisme intégral en modifiant la répartition du travail entre les assemblées parlementaires afin d'améliorer la qualité et la rapidité du travail parlementaire;

3. modifier la composition du Sénat en vue d'y assurer notamment une représentation des communautés.

Depuis les élections du 21 mai 1995, le Sénat est composé de 71 sénateurs parmi lesquels 21 sénateurs désignés par des Conseils de communauté, eux-mêmes composés d'élus régionaux (à l'exception du Conseil de la Communauté germanophone qui désigne 1 sénateur).

La création du concept « sénateur de communauté » répond à l'idée d'une participation des représentants des communautés et indirectement des régions à la prise de décision au niveau fédéral.

Le Sénat a été notamment conçu comme le lieu de rencontre entre pouvoir fédéral et entités fédérées.

Ce principe d'une représentation des entités fédérées au sein de la seconde Chambre, qui existe d'ailleurs de manière plus poussée dans les autres États fédéraux, doit dès lors être maintenu. Mais le mode de désignation des sénateurs de communauté doit être revu.

À l'heure actuelle, les sénateurs de communauté sont confrontés à un cumul de responsabilités, fédérales, régionales et communautaires qui, tant du point de vue de la disponibilité que du point de vue de l'investissement intellectuel, est intenable.

Les sénateurs de la Communauté française sont titulaires de trois mandats. Ils sont d'abord élu régional. À ce titre, ils sont membres du Conseil de la Communauté française qui les désigne ensuite en qualité de sénateur.

Les sénateurs de la Communauté française élus en Région bruxelloise sont, quant à eux, titulaires de cinq mandats, puisqu'en qualité d'élu régional, ils sont membres de l'Assemblée réunie de la Commission communautaire commune, mais également de l'Assemblée de la Commission communautaire française qui, depuis les Accords de la Saint-Quentin, dispose d'un pouvoir décrétal dans les matières qui lui ont été transférées par la Communauté française.

Comment un sénateur de communauté peut-il être à la fois présent au sein des commissions du Conseil régional, dont il est élu direct, des commissions du Conseil de la Communauté française et du Sénat ? Il est vrai qu'à l'exception du ou des sénateurs bruxellois, la situation est quelque peu différente du côté néerlandophone en raison de la fusion de la communauté et de la région. Le problème de disponibilité se pose de manière moins aiguë mais les sénateurs de communauté doivent également s'investir à la fois dans les matières régionales, dans les matières communautaires et dans les matières fédérales. Ce cumul de responsabilités est trop lourd.

Une réforme du mode de désignation des sénateurs de communauté s'avère dès lors indispensable.

On pourrait imaginer que les Conseils de communauté élisent en leur sein un certain nombre de sénateur qui dès leur désignation, cessent de siéger dans une autre assemblée. Ils démissionnent de leur mandat dans l'assemblée qui a procédé à leur désignation et dans l'assemblée dont ils sont élus directs. Dans les deux assemblées, ils sont remplacés par des suppléants.

Cette solution pourrait être retenue si le Sénat était une Chambre des États composée uniquement de représentants des entités fédérées.

Telle n'a pas été l'option du constituant de 1993 qui a créé un Sénat à composition mixte.

Eu égard à ce choix, il est préférable, pour mettre en oeuvre le principe fédéral de participation, de maintenir un lien organique entre le sénateur de communauté et l'une des assemblées fédérées. Mais quelle assemblée choisir ? En d'autres termes, de quelle assemblée le sénateur de communauté devrait-il, dès qu'il a été désigné en cette qualité, démissionner ? On ne peut trancher cette question sans rappeler que le constituant de 1993 a opté pour la logique communautaire. Les sénateurs élus directs sont élus dans l'une ou l'autre communauté. Quant aux sénateurs de communauté, l'article 67 de la Constitution stipule qu'ils sont désignés par chaque Conseil de communauté en son sein.

Sauf à renverser cette logique, il faut considérer que les sénateurs de communauté doivent rester membres du Conseil de la communauté qui les a désignés. En revanche, pour mettre fin au triple ou quadruple mandat, ils devraient démissionner de leur mandat régional dès qu'ils sont désignés comme sénateur de communauté.

Cette réforme n'aboutira pas, comme certains pourraient le croire, à ignorer le fait régional. Tout d'abord, les Conseils de communauté sont composés d'élus régionaux qui ont fait campagne à ce titre et ont dès lors défendu les préoccupations et intérêts régionaux. En outre, si la réforme proposée est adoptée, les sénateurs de communauté continueront à siéger au Conseil de la communauté où ils sont en contact avec les élus régionaux.

Enfin, elle ne pose pas de problème d'application du côté néerlandophone où communauté et région sont fusionnées. Les élus désignés par la Communauté flamande en qualité de sénateurs de communauté démissionneront de leur mandat régional. Ils ne pourront plus intervenir que dans les matières communautaires. Cette situation existe déjà, à l'heure actuelle, pour les membres bruxellois du Conseil flamand, qui ne peuvent participer aux votes sur les matières régionales puisqu'ils ne sont pas des élus de la Région flamande.

En conclusion, la réforme proposée vise à mettre fin à la triple, voire quadruple casquette dont sont titulaires les sénateurs de communauté afin de leur permettre d'exercer pleinement leur mandat de sénateur et de conseiller de communauté.

Magdeleine WILLAME-BOONEN.

PROPOSITION DE LOI SPÉCIALE


Article premier

La présente loi règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution.

Art. 2

À l'article 24bis de la loi spéciale du 8 août 1980, modifié par la loi spéciale du 16 juillet 1993, est inséré un § 2ter, libellé comme suit :

« § 2ter. Les membres du Conseil de la Communaté française désignés par celui-ci en qualité de sénateurs, cessent de siéger au sein du Conseil régional wallon et y sont remplacés par leurs suppléants.

Les membres du Conseil flamand élus directement en Région flamande et désignés par leur Conseil en qualité de sénateur de Communauté cessent de siéger dans les matières relevant de la compétence de la Région flamande et sont remplacés par leurs suppléants. »

Art. 3

À l'article 50 de la même loi est inséré entre le premier et le deuxième alinéa, un alinéa rédigé comme suit :

« Les membres du Conseil flamand désignés par leur Conseil en qualité de sénateur de Communauté ne participent pas aux votes au sein du Conseil flamand sur les matières relevant de la compétence de la Région flamande. Les membres qui les remplacent ne participent pas aux votes au sein du Conseil flamand sur les matières relevant de la compétence de la Communauté flamande. »

Art. 4

À l'article 12 de la loi spéciale du 12 janvier 1989, le § 3, abrogé par la loi spéciale du 16 juillet 1993, est rétabli dans la rédaction suivante :

« § 3. Les membres du Conseil désignés par le Conseil de la Communauté française ou par le Conseil flamand en qualité de sénateurs, cessent de faire partie du Conseil et y sont remplacés par leurs suppléants. »

Art. 5

La présente loi entre en vigueur après les prochaines élections générales de la Chambre des représentants.

Magdeleine WILLAME-BOONEN.