1-540/1

1-540/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 1996-1997

17 FÉVRIER 1997


Proposition de loi modifiant la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation

(Déposée par M. Santkin)


DÉVELOPPEMENTS


La loi du 12 juin 1991 a peu abordé les conséquences financières qui résultent de la non-exécution d'un contrat de crédit. De multiples problèmes surgissent dans la pratique, qui ont été examinés tant par la jurisprudence que par la doctrine (Biquet-Mathieu Ch., de Leval G., Block G., Pire D., Crédit à la consommation. L'application de la loi du 12 juin 1991, Chronique de droit à l'usage des juges de paix et de police, cahier nº 9, octobre 1994, Faculté de droit de Liège; Balate E., Dejemeppe P., de Patoul F., Le droit du crédit à la consommation, De Boeck Université, 1995; Biquet-Mathieu Ch., La loi du 12 juin 1991 et les clauses abusives en matière de crédit à la consommation, in La promotion des intérêts du consommateur au sein d'une économie de marchés, Story-Scientia, 1993, p. 511; I. Demuynck, Conventionele (schade)vergoedingsregeling en de wet op het consumentenkrediet, J.J.P. , 1994, nºs 1-2; De Meuter S., Van Vlasselaer M., Wet op het consumentenkrediet : de onrechtmatige bedingen, D.C.C.R. , 1991-1992, p. 775).

Tirant les leçons de l'application de la loi, la présente proposition vise à établir un meilleur équilibre entre les parties, dont l'une d'elles, l'emprunteur, connaît des difficultés de paiement, et dont l'autre, le prêteur réclame des sommes qui, légalement et économiquement, n'apparaissent pas justifiées.

Ces problèmes touchent un grand nombre de citoyens. La Centrale des Crédits de la Banque nationale, qui enregistre les débiteurs en difficultés de paiement, contient aujourd'hui plus de trois cent mille contrats, dont la plupart ont été dénoncés.

A. Position du problème

Lorsque l'emprunteur ne rembourse pas aux échéances, le prêteur peut, dans les conditions fixées par la loi, dénoncer le contrat. Ce terme signifie que le prêteur met fin au contrat.

Il réclamera, généralement :

­ le montant des mensualités impayées;

­ le montant des mensualités qui restent dues jusqu'à la fin du contrat;

­ une clause pénale de 15 % à 25 % sur l'ensemble des sommes dues;

­ des frais de recouvrement;

­ un intérêt de retard sur l'ensemble des sommes dues.

La dénonciation s'accompagne, souvent, de la mise en vigueur de la cession de rémunération.

B. Appréciation du décompte poste par poste

1. Les mensualités échues et impayées

Le capital qu'elles contiennent est incontestablement dû; les intérêts qu'elles comportent s'analysent comme la contrepartie de la jouissance du capital pendant la période couverte par ces mensualités.

2. Les mensualités à échoir

Comme en ce qui concerne les mensualités échues, le capital compris dans les mensualités à échoir est incontestablement dû; il a été emprunté; il doit être restitué.

Les intérêts compris dans les mensualités à échoir ne sont plus dus au titre de contrepartie du crédit, puisque le crédit est dénoncé et que les emprunteurs n'ont plus le droit de continuer à disposer du capital.

3. La clause pénale ou l'indemnité forfaitaire

Cette indemnité est généralement justifiée par le souci de récupérer les frais extrajudiciaires que l'organisme de crédit supporte en raison du recouverment extrajudiciaire; elle doit être prévue par le contrat de crédit. Elle varie, généralement, entre 15 % et 25 % de l'ensemble des sommes qui restent dues.

Le juge dispose du pouvoir de réduire en tout ou en partie cette indemnité si elle apparaît excessive ou injustifiée.

Le juge peut aussi en relever entièrement l'emprunteur.

4. Les intérêts de retard

La loi relative au crédit à la consommation limite le taux de l'intérêt de retard. Le taux de retard est plafonné à la moyenne entre le taux annuel effectif global convenu et le taux de l'intérêt légal (8 %).

Il n'est pas rare de constater que l'intérêt de retard porte sur l'ensemble des sommes dues qui comprennent du capital et des intérêts. Or, les intérêts ne peuvent jamais courir sur des intérêts sauf lorsqu'un délai d'un an s'est écoulé et qu'à ce moment intervient une sommation judiciaire (qui peut avoir lieu par le dépôt des conclusions au greffe si ces conclusions attirent spécialement l'attention du débiteur sur la capitalisation des intérêts) ou une convention spéciale en vue de capitaliser les intérêts échus depuis un an (anatocisme ou capitalisation des intérêts strictement réglementé par l'article 1154 du Code civil).

Donc en théorie, les intérêts de retard ne peuvent être calculés sur les intérêts compris dans les mensualités échues et impayées.

5. Les frais des lettres recommandées et les frais divers de recouvrement

Si une indemnité forfaitaire est maintenue au titre des frais extrajudiciaires, on peut contester ce poste comme faisant double emploi. De plus, l'article 39 de la loi relative au crédit à la consommation rappelle que les agences de recouvrement et les assureurs-crédit ne peuvent réclamer aucune rétribution ni indemnité au consommateur pour leur intervention; il en est de même, en vertu de cet article 39, pour les huissiers lorsqu'ils font des sommations par simple lettre (différent des exploits de huissiers et autres frais de justice).

C. Examen de la proposition

Ce qui frappe dans les décomptes établis par les prêteurs, c'est l'accumulation et l'enchevêtrement des clauses pénales et indemnités de toute sorte : intérêts de retard, indemnité forfaitaire, intérêts compris dans les mensualités à échoir, frais de recouvrement (pour des exemples concrets, voyez Collard B., Dejemeppe P., « Guide du traitement du surendettement », Centre coopératif de la consommation, ministère de l'Intégration sociale, Bruxelles, 1995).

La dette subit, de la sorte, un effet boule de neige rapide et important.

De plus en plus, les juges « nettoient » les comptes, en les expurgeant de ce qui, économiquement et légalement, n'est pas admissible.

La complexité du problème et l'absence de directives légales claires entraînent une dispersion dans les méthodes utilisées par les magistrats.

La présente proposition vise à leur donner un outil uniforme, simple et cohérent.

Aucun versement autre que ceux indiqués ci-dessous ne peut être mis à charge de l'emprunteur en cas de résolution du contrat ou de déchéance du terme :

­ le remboursement du capital restant dû;

­ les intérêts échus mais non payés;

­ les intérêts de retard : le capital et les intérêts restant dus produisent des intérêts de retard à un taux qui ne peut être supérieur à celui du prêt jusqu'à la date du règlement effectif;

­ une indemnité qui ne peut être supérieure à 10 % du capital restant dû.

Cette solution a le mérite de la clarté et de l'équilibre, même si elle ne résout pas toutes les questions. En effet, on peut s'interroger sur le fait que les intérêts échus, au moment de la dénonciation du contrat, portent intérêts. Mais, d'autre part, nous ne permettons plus que l'on puisse réclamer les intérêts des mensualités à échoir. Or, une partie de ces intérêts concerne les frais relatifs à la conclusion du contrat qui sont étalés sur toute la durée du contrat, et qui dès lors resteraient dus. Mais économiquement, il n'est pas aisé d'isoler ces frais de la somme des intérêts. C'est pourquoi, il nous apparaît équitable de compenser ces deux postes, d'autant que, généralement, ils ne sont pas les plus importants.

L'intérêt de retard est modifié. Certains on pu considérer que l'intérêt de retard, prévu à l'article 28, constituait « une prime » pour ceux qui ne remboursaient pas le crédit. Sans partager cette opinion (on ne peut comparer la situation d'un emprunteur qui rembourse à celle d'un emprunteur défaillant), nous pensons que les modifications apportées ne justifient plus que l'intérêt de retard soit nécessairement inférieur au taux annuel effectif global convenu. Cette nouvelle disposition entre dans l'équilibre recherché. Le deuxième alinéa de l'article 90 reste d'application. Il appartient au juge de réduire les pénalités ou les dommages-intérêts (en ce compris le taux de l'intérêt de retard), s'il les juge excessifs ou injustifiés.

Jacques SANTKIN.

PROPOSITION DE LOI


Article premier

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

L'article 28 de la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation est remplacé par la disposition suivante :

« Art. 28. ­ Aucun versement autre que ceux indiqués ci-dessous ne peut être mis à charge de l'emprunteur en cas de résolution du contrat ou de déchéance du terme :

­ le remboursement du capital restant dû;

­ les intérêts échus mais non payés;

­ les intérêts de retard;

­ une indemnité qui ne peut être supérieure à 10 % du capital restant dû.

Le capital et les intérêts restant dus produisent des intérêts de retard à un taux qui ne peut être supérieur à celui du prêt jusqu'à la date du règlement effectif.

En cas de retard de paiement, qui n'entraîne pas la résolution du contrat ou la déchéance du terme, l'intérêt de retard sur les mensualités échues ne peut être supérieur à l'intérêt légal. L'indemnité est fixée conformément à l'alinéa 1er du présent article. »

Art. 3

L'alinéa 1er de l'article 90 de la même loi est supprimé.

Art. 4

La présente loi entre en vigueur trois mois après sa publication au Moniteur belge .

Elle est applicable aux contrats conclus avant son entrée en vigueur.

Jacques SANTKIN.