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13 DÉCEMBRE 1996
La loi du 7 décembre 1988 portant réforme de l'impôt sur les revenus et modification des taxes assimilées au timbre a non seulement réformé mais aussi diminué l'impôt des personnes physiques. Le relèvement du minimum exonéré pour les isolés, la fixation d'un taux marginal maximum d'imposition, l'uniformisation de la déduction fiscale, l'indexation des tranches de revenus et l'introduction du système du quotient conjugal en furent les éléments principaux de réforme.
Cette réforme n'a, toutefois, pas été complète. Elle a laissé subsister plusieurs discriminations. Par conséquent, la réforme fiscale de 1988 n'est pas tout à fait neutre à l'égard du mariage. Celui-ci continue même à être pénalisé dans une certaine mesure. Les pensionnés, les prépensionnés et les malades mariés subissent une discrimination par rapport aux cohabitants. Les allocations de chômage, les pensions, les prépensions, les indemnités de maladie ou d'accident et un certain nombre d'autres indemnités que la loi désigne par le terme « revenus de remplacement » donnent droit à diverses déductions qui varient non seulement en fonction de la nature de ces revenus et de leur importance par rapport à l'ensemble des revenus, mais aussi et surtout suivant que leurs ayants droit sont des personnes mariées ou des cohabitants de fait. Il est curieux que l'on ait laissé subsister un vestige de l'ancien système en dépit de la modification fondamentale des modalités de calcul de l'impôt. Cette situation rend les choses particulièrement difficiles.
Pour calculer les déductions, l'on pratique le cumul en ce qui concerne ce type de revenus. Ce faisant, la réforme pèche contre ses propres principes de base.
C'est ainsi que l'on continue à cumuler les pensions et les autres revenus de remplacement dont bénéficient les contribuables mariés en vue de déterminer le revenu commun imposable, alors que les revenus professionnels des salariés mariés font l'objet d'un traitement fiscal séparé. En d'autres termes, la logique du décumul des revenus professionnels n'a pas été étendue totalement aux couples mariés dont les revenus se composent uniquement de pensions et d'autres revenus de remplacement, ce qui fait que les contribuables mariés ne bénéficient que d'une seule réduction de leur impôt de base pour les pensions et les autres revenus de remplacement qu'ils touchent, alors que les contribuables cohabitants bénéficient chacun d'une réduction.
La base légale sur laquelle repose la distinction qui précède figure à l'article 150 du C.I.R. 1992 (Sous-section III - Réduction pour pensions et revenus de remplacement) qui prévoit que « lorsque la cotisation est établie au nom des deux conjoints et que ceux-ci bénéficient chacun de revenus, ces revenus sont cumulés par espèce et par catégorie pour déterminer la réduction prévue par la présente sous-section ».
Ce cumul est désavantageux à deux points de vue. Tout d'abord, parce que les déductions en question ne peuvent être appliquées qu'une seule fois dans le cas de personnes mariées bénéficiant d'un revenu de remplacement. Ensuite, parce que le montant des déductions est réduit lorsque les revenus cumulés des deux conjoints dépassent un certain plafond. Deuxièmement, la tranche est différente pour l'une et l'autre catégories de revenus. Il s'agit du dernier « bastion » du cumul qui fait que les chômeurs, les (pré)pensionnés et les personnes frappées d'incapacité de travail continuent à avoir intérêt à cohabiter sans être mariées.
Prenons l'exemple d'un couple marié de pensionnés dont le mari a un revenu de 400 000 francs et la femme un revenu de 300 000 francs. Ils paieront ensemble 52 571 francs d'impôt (revenus de 1995, exercice d'imposition 1996), en tant que couple.
En supposant qu'ils soient non pas mariés, mais seulement cohabitants, ils paieront ensemble 0 franc, soit 52 571 francs de moins que s'ils étaient mariés.
Présentation schématique :
Exercice d'imposition 1996/Revenus de 1995
Homme Man |
Femme Vrouw |
|
Pensions. Pensioenen | 400 000 | 300 000 |
Revenu net. Netto inkomen | 400 000 | 300 000 |
Revenu imposable globalement. Gezamenlijk belastbaar inkomen :
Revenus de remplacement + pensions. Vervangingsinkomsten + pensioenen |
400 000 | 300 000 |
Revenu imposable globalement. Gezamenlijk belastbaar inkomen | 400 000 | 300 000 |
Revenu imposable globalement du ménage. Gezamenlijk belastbaar inkomen gezin | 700 000 | |
Homme Man |
Femme Vrouw |
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I. Couple marié. Gehuwd echtpaar. | ||
Montant exonéré d'impôts. Belastingvrije som | 154 000 | 154 000 |
Impôt de base. Basisbelasting | 113 850 | 77 350 |
Réduction pour minimum exonéré. Vermindering vrijgesteld minimum | - 38 500 | - 38 500 |
Différence. Verschil | 75 350 | 38 850 |
Impôt. Belasting | 114 200 | |
Réduction pour revenus de remplacement. Vermindering vervangingsinkomsten | - 66 839 | |
Impôt de base réduit. Verminderde basisbelasting | 47 361 | |
Taxe communale : 8 p.c. de 47 361. Gemeentebelasting : 8 pct. op 47 361 | 3 789 | |
Cotisation complémentaire de crise : 3 p.c. de 47 361. Aanvullende crisisbijdrage : 3 pct. op 47 361 | 1 421 | |
À payer. Te betalen | 52 571 | |
II. Cohabitants. Samenwonend | ||
Montant exonéré d'impôts. Belastingvrije som | 196 000 | 196 000 |
Impôt de base. Basisbelasting | 113 850 | 77 350 |
Réduction pour minimum exonéré. Vermindering vrijgesteld minimum | - 49 000 | - 49 000 |
Différence. Verschil | 64 850 | 28 350 |
Impôt. Belasting | ||
Réduction pour revenus de remplacement. Vermindering vervangingsinkomsten | - 59 653 | - 28 350 |
Réduction complémentaire. Aanvullende vermindering | - 5 197 | 0 |
Impôt de base réduit. Verminderde basisbelasting | 0 | 0 |
Taxe communale : 8 p.c. de 4 697. Gemeentebelasting : 8 pct. op 4 697 | 0 | 0 |
Cotisation complémentaire de crise : 3 p.c. de 4 697. Aanvullende crisisbijdrage : 3 pct. op 4 697 | 0 | 0 |
À payer. Te betalen | 0 | 0 |
Concrètement, cela signifie que la réduction d'impôt dont bénéficie un pensionné s'amenuise lorsque son conjoint bénéficie de revenus. Pour les bénéficiaires de revenus de remplacement, le mariage reste donc très défavorable du point de vue fiscal.
Cette discrimination aux dépens des bénéficiaires de revenus de remplacement est d'autant plus injuste qu'elle frappe un groupe, en principe, vulnérable et, qui plus est, qu'à l'intérieur de ce groupe, les personnes dont les revenus sont les moins élevés subissent la discrimination proportionnellement la plus forte par rapport aux cohabitants de fait. Il faut noter, au demeurant, qu'il ne s'agit pas d'un désavantage unique, puisque la différence d'imposition se répète chaque année.
Nature des revenus Aard van de inkomsten |
Réduction maximale de l'impôt Maximale belastingvermindering |
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Isolés Alleenstaanden |
Mariés Gehuwden |
|
I. Pensions, revenus de remplacement (autres que ceux qui sont visés au II et au III, allocations de chômage et prépensions (nouveau régime). Pensioenen, vervangingsinkomsten (andere dan die vermeld onder II en III hierna) en brugpensioenen (nieuw stelsel werkloosheidsuitkeringen) : | ||
Exercice d'imposition 1989. Aanslagjaar 1989 | 59 964 | 59 964 |
Exercice d'imposition 1990. Aanslagjaar 1990 | 51 299 | 60 049 |
Exercice d'imposition 1991. Aanslagjaar 1991 | 53 845 | 62 845 |
Exercice d'imposition 1992. Aanslagjaar 1992 | 55 744 | 64 994 |
Exercice d'imposition 1993. Aanslagjaar 1993 | 57 303 | 66 803 |
Exercice d'imposition 1994. Aanslagjaar 1994 | 59 653 | 69 653 |
Exercice d'imposition 1995. Aanslagjaar 1995 | 59 653 | 69 653 |
Exercice d'imposition 1996. Aanslagjaar 1996 | 59 653 | 69 653 |
II. Indemnités légales de maladie et d'invalidité : Wettelijke uitkeringen bij ziekte en invaliditeit : | ||
Exercice d'imposition 1989. Aanslagjaar 1989 | 74 361 | 74 361 |
Exercice d'imposition 1990. Aanslagjaar 1990 | 66 249 | 74 999 |
Exercice d'imposition 1991. Aanslagjaar 1991 | 69 355 | 78 355 |
Exercice d'imposition 1992. Aanslagjaar 1992 | 71 798 | 81 048 |
Exercice d'imposition 1993. Aanslagjaar 1993 | 73 826 | 83 326 |
Exercice d'imposition 1994. Aanslagjaar 1994 | 76 575 | 86 575 |
Exercice d'imposition 1995. Aanslagjaar 1995 | 76 575 | 86 575 |
Exercice d'imposition 1996. Aanslagjaar 1996 | 76 575 | 86 575 |
III. Prépensions (ancien régime) : Brugpensioenen (oud stelsel) : | ||
Exercice d'imposition 1989. Aanslagjaar 1989 | 98 316 | 98 316 |
Exercice d'imposition 1990. Aanslagjaar 1990 | 90 494 | 99 244 |
Exercice d'imposition 1991. Aanslagjaar 1991 | 85 296 | 104 296 |
Exercice d'imposition 1992. Aanslagjaar 1992 | 99 543 | 108 793 |
Exercice d'imposition 1993. Aanslagjaar 1993 | 103 615 | 113 115 |
Exercice d'imposition 1994. Aanslagjaar 1994 | 108 016 | 118 016 |
Exercice d'imposition 1995. Aanslagjaar 1995 | 108 016 | 118 016 |
Exercice d'imposition 1996. Aanslagjaar 1996 | 108 016 | 118 016 |
Dans le cadre du plan global, le Gouvernement a décidé de geler les montants des réductions d'impôt au niveau qu'ils avaient atteint à la fin de l'exercice 1994 et de les inscrire dans le C.I.R. 1992. Néanmoins, l'exonération de fait en faveur des contribuables qui bénéficient exclusivement d'un revenu de remplacement limité est maintenue. L'article 11 de la loi du 30 mars 1994 portant exécution du plan global en matière de fiscalité remplace l'article 147 du C.I.R. 1992 et prévoit la fixation des montants des réductions de l'impôt dans le Code des impôts sur les revenus. Si l'on multiplie les montants figurant au C.I.R. 1992 (art. 147) par le coefficient 1,0998, en application de l'article 178, § 3, C.I.R. 1992, l'on obtient les montants qui étaient applicables pour l'exercice 1994 et qui valent donc aussi pour les exercices fiscaux à venir.
Au cours de la discussion de la loi du 7 décembre 1988 portant réforme de l'impôt sur les revenus et modification des taxes assimilées au timbre, le problème a été soulevé tant à la Chambre qu'au Sénat. Le Gouvernement en a reconnu la réalité par la voix du ministre des Finances. S'il a renoncé à éliminer cette discrimination, c'est uniquement en raison du coût budgétaire d'au moins 16 milliards auquel il aurait fallu faire face (voir rapports de la Commission des Finances, doc. Sénat, 1988-1989, nº 440-2, p. 91, et doc. Chambre, 1988-1989, nº 597-7, p. 8).
Le 1er juillet 1991, le ministre des Finances a défini son point de vue dans une lettre adressée à un contribuable, et ce dans les termes suivants :
« Cette pénalisation est antérieure à la réforme fiscale, puisqu'elle existe depuis le remplacement des abattements sur revenus par des déductions d'impôt ... Personnellement, je trouve cela regrettable, car on maintient une situation inéquitable. Je suis décidé à relancer la discussion dès que la situation budgétaire le permettra. »
Le 3 juin 1992, MM. De Roo, Geens et Wintgens ont déposé au Sénat une proposition de loi (doc. Sénat, nº 374-1, S.E. 1991-1992) abrogeant l'article 150 du Code des impôts sur les revenus 1992 en ce qui concerne la réduction pour pensions, revenus de remplacement, prépensions, allocations de chômage et indemnités légales en matière d'assurance contre la maladie et l'invalidité. Une première discussion relative à cette proposition de loi a eu lieu le 20 janvier 1993. Elle a été suspendue au mois de mai de cette année-là en raison des répercussions budgétaires que la loi proposée aurait eues. La Commission des Finances du Sénat chargea le ministre des Finances de chiffrer les conséquences budgétaires de la loi proposée. Comme elle aurait eu un poids budgétaire important au cas où elle aurait été votée, le ministre demanda que l'on examine la possibilité d'appliquer progressivement la mesure aux diverses catégories de revenus de remplacement. Jusqu'à présent, la Commission des Finances du Sénat n'a pas été informée par le ministre des Finances des résultats de l'étude.
Sept ans plus tard, rien n'a encore été fait pour éliminer cette discrimination. La présente proposition de loi, qui trouve son origine dans la proposition de MM. De Roo et consorts, vise à étendre le bénéfice des avantages du décumul aux prépensionnés, aux pensionnés, aux chômeurs et aux personnes qui bénéficient d'un revenu qui leur est alloué dans le cadre de l'assurance maladie-invalidité.
La présente proposition vise à abroger l'article 50 du C.I.R. 1992, étant donné que cet article prévoit le cumul des revenus professionnels pour le groupe de contribuables précité (art. premier).
L'article 3 fixe la date d'entrée en vigueur.
Hugo VANDENBERGHE. |
Article premier
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
L'article 150 du Code des impôts sur les revenus 1992 est abrogé.
Art. 3
La présente loi entre en vigueur à la date fixée par le Roi et au plus tard le 31 décembre 1998.
Hugo VANDENBERGHE. André BOURGEOIS. Marc OLIVIER. |