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7 JANVIER 1997
L'on reconnaît depuis assez longtemps que la destruction de la forêt tropicale constitue un problème écologique mondial important.
La gestion durable des ressources forestières fut un thème important de la C.N.U.E.D., mais on dut se contenter, au cours de celle-ci, de tirer quelques conclusions vagues en raison de l'absence de consensus sur la manière de parvenir à une telle gestion. Les pays du tiers monde voulaient être sûrs qu'ils n'auraient pas à pâtir d'une gestion des ressources forestières respectueuse de l'environnement.
Depuis, l'on continue à déforester impunément les zones tropicales.
Selon la F.A.O., l'indice annuel de déforestation dans les pays tropicaux est passé, de 1980 à 1990, de 15,4 millions à 17 millions d'hectares. C'est surtout dans les pays du Sud-Est asiatique que l'on voit la forêt disparaître à un rythme fulgurant.
La gestion durable des ressources forestières n'est pas non plus une chose généralisée en Europe et, plus particulièrement, en Belgique. Dans la plupart des pays occidentaux, la déforestation est un problème moins grave que dans les pays tropicaux, parce que la surface boisée y a souvent été réduite à des proportions minimes (par exemple, en Flandre : 8 %). Chez nous, le problème est principalement d'ordre qualitatif : l'on continue à remplacer des forêts anciennes qui ont une valeur écologique déterminée par des plantations qui ont une valeur écologique moindre (par exemple, des peupliers) et l'on menace ainsi la biodiversité.
Pour ce qui est de ces pays, il convient d'arrêter, outre des règles qui doivent permettre de préserver la surface boisée existante, des règles strictes de gestion durable des ressources forestières.
En ratifiant la convention de Rio, la Belgique s'est engagée à oeuvrer dans le sens d'un développement durable dans tous les domaines et, en particulier, dans celui de la protection des forêts.
Dans un passé récent, le mouvement écologique a appelé l'Occident à boycotter le bois tropical pour mettre fin à la destruction des forêts dans les pays tropicaux.
Cet appel n'a malheureusement pas eu le résultat escompté, car les pays du tiers monde considèrent qu'en procédant de la sorte, l'Occident riche entrave leur développement économique sans leur offrir aucune contrepartie. Les appels de ce type sont ressentis comme une forme de colonisation écologique.
Au demeurant, les boycottages en question n'ont connu qu'un faible succès.
L'on a toutefois constaté qu'en Occident, l'on remplaçait de plus en plus le bois par d'autres produits comme le P.V.C. ou l'aluminium. Or, comme du point de vue écologique, cette opération est tout aussi nocive que l'utilisation de bois dur tropical, l'on s'est mis à chercher d'autres solutions plus efficaces.
Appliquer au niveau mondial les règles de base de la gestion durable des ressources forestières, c'est garantir au mieux la protection des forêts.
Voilà pourquoi l'on plaide de plus en plus pour l'utilisation d'un écolabel internationalement reconnu pour le bois récolté dans des forêts gérées de manière durable.
Il importe que l'utilisation d'un tel écolabel offre des garanties suffisantes aux consommateurs, pour qu'ils puissent être sûrs que le bois en question provient bel et bien d'une forêt gérée de manière durable.
Comme il n'existe aucune réglementation officielle en la matière actuellement, toutes sortes de faux labels envahissent le marché.
Outre créer un écolabel pour le bois, il faut s'attacher à protéger efficacement les forêts qui ont une grande valeur écologique, en créant un réseau international de réserves forestières.
Le F.S.C. (Forest Stewardship Council) est une organisation internationale qui a été créée en 1993 et au sein de laquelle siègent des représentants des organisations de défense de l'environnement (comme le W.W.F.-International, Greenpeace International), les organisations sociales (surtout des O.N.G. oeuvrant dans le tiers monde et des groupes qui défendent les droits des peuples indigènes) ainsi que des représentants de l'industrie du bois et de la sylviculture.
L'objectif prioritaire du F.S.C. est d'encourager la gestion durable des ressources forestières dans le monde entier en contrôlant la gestion forestière et en assurant aux produits provenant de forêts gérées de manière durable un accès particulier au marché du bois.
Pour ce faire, l'on prévoit de créer un écolabel pour le bois qui soit reconnu par le F.S.C. et qui fournisse au consommateur la garantie que le bois auquel il est appliqué a été coupé dans une forêt qui est gérée de manière durable, chose qui est attestée par un certificat.
Les sondages montrent que s'ils avaient le choix, 80 % des consommateurs achetant des produits du bois se tourneraient vers les produits « verts ».
L'on a défini 10 critères généraux de gestion durable des ressources forestières. Les voici :
1. une gestion des ressources forestières conforme à la législation nationale et à l'ensemble des traités internationaux, d'une part, et aux règles nationales de gestion durable des ressources forestières reconnues par le F.S.C., d'autre part;
2. le respect des droits de propriété et des droits fondamentaux;
3. le respect des droits des peuples indigènes à la terre et aux matières premières;
4. une gestion forestière contribuant à l'amélioration de la situation sociale et économique de la population locale;
5. une exploitation efficace de la forêt qui produit une plus-value écologique et sociale;
6. le respect de la diversité biologique et de la vulnérabilité des écosystèmes et des ressources naturelles que sont l'eau et le sol;
7. l'élaboration et l'actualisation d'un programme de gestion forestière axé sur des objectifs à long terme;
8. une surveillance et une évaluation régulière de la gestion des ressources forestières qui permette de suivre l'évolution de la forêt;
9. la protection nécessaire des forêts primaires et des zones boisées qui ont une grande valeur écologique, sociale ou culturelle;
10. la création et la gestion de plantes selon des critères spécifiques.
Le respect des critères de base d'une gestion durable des ressources forestières est nécessaire surtout pour que l'on puisse préserver la forêt tropicale. Il faut néanmoins, pour que l'on puisse compter sur la collaboration des pays du tiers monde, que les pays occidentaux appliquent également des règles strictes en matière de gestion des ressources forestières.
Le F.S.C. contrôle les certificateurs et soutient les initiatives nationales qui visent à transposer les directives générales concernant la gestion des ressources forestières en règles nationales et à introduire le label F.S.C. sur le marché national.
En tout cas, l'assemblée paritaire A.C.P.-C.E.E. a approuvé, le 26 septembre 1996, à Luxembourg, une résolution dans laquelle elle encourage les États membres de l'Union européenne et les signataires de la convention de Lomé à reconnaître le label F.S.C. et à prendre les mesures nécessaires pour promouvoir l'application des critères du F.S.C.
Dans une quinzaine de pays, l'on a déjà créé des groupes de travail F.S.C. nationaux chargés :
de définir des critères nationaux de gestion durable des ressources forestières;
d'examiner quelles sont les forêts pour lesquelles l'on pourrait attribuer, sur la base de ces critères, un certificat permettant de mettre le bois provenant de ces forêts sur le marché avec le label F.S.C.;
de promouvoir le label F.S.C. de manière que le bois F.S.C. importé ait davantage de chances sur le marché.
Des groupes de travail F.S.C. travaillent dans ce sens en Suède, en Finlande, au Canada, en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas, en Autriche, aux États-Unis, en Australie, en Allemagne, au Mexique, en Suisse, en Bolivie, en Irlande, en Papouasie Nouvelle-Guinée, au Danemark, et en France.
Le label F.S.C. de « gestion durable des ressources forestières » vaut déjà pour 3,5 millions d'hectares de forêt et 3,5 millions de m3 de bois portant le label F.S.C. sont mis sur le marché international chaque année.
L'application d'un tel système a certaines conséquences économiques, notamment en raison des frais supplémentaires à exposer en vue de l'amélioration de la gestion des ressources forestières, de l'agrément des forêts et du contrôle des labels par des instances internationalement reconnues. Elle présente toutefois un avantage, à long terme en ce sens qu'elle permet d'éviter la dégradation des forêts et, ainsi, de garantir la production de bois pour l'avenir.
Grâce à elle, l'on pourra sans doute aussi obtenir un meilleur prix pour ces produits « verts » sur le marché et certains produits du bois qui ne sont pas concurrentiels actuellement auront plus facilement accès à certains marchés.
La demande accrue de bois provenant de la sylviculture durable freinera le remplacement du bois par le P.V.C. et l'aluminium et améliorera la situation globale du secteur du bois sur le marché.
À côté de cela, la gestion durable des ressources forestières présente évidemment d'autres avantages non économiques importants qu'il est difficile de chiffrer : elle permet de préserver la biodiversité, de réduire la dégradation des forêts, de prévenir l'érosion et les inondations, et elle a un effet positif pour ce qui est de la stabilisation du climat, de la préservation et de l'augmentation de la capacité d'emmagasiner l'eau, de la protection des espèces animales et végétales, de la protection de l'environnement des peuples indigènes, de l'amélioration des conditions sociales dans le secteur de l'exploitation du bois.
Il faudra chercher, le cas échéant, des stimulants à court terme qui permettent de surmonter les difficultés liées à la première reconversion et les conséquences négatives de celle-ci (par exemple, par le biais des programmes internationaux d'aide en faveur de la gestion durable des ressources forestières).
La Belgique a environ 630 000 ha de forêts, dont la majeure partie se trouve en Wallonie. La Flandre n'a que 120 000 ha de forêts qui recouvrent quelque 8 % de son territoire.
Les forêts ne sont pas toutes gérées de manière durable. Ni les forêts de pins sylvestres de Wallonie ni les plantations de peupliers et certaines des forêts de pins de Flandre ne sont des exemples idéaux de forêts ayant une valeur écologique. L'introduction de critères de gestion durable des ressources forestières chez nous n'est donc pas non plus un luxe superflu.
Grâce à la délivrance de certificats F.S.C. pour les forêts gérées durablement, l'on pourra se faire une meilleure idée de la valeur écologique réelle de nos forêts. Par ailleurs, elle incitera le secteur privé à recourir davantage à la gestion durable des ressources forestières.
La transposition des principes F.S.C. en des critères de gestion efficaces applicables pour ce qui est des forêts de notre pays devrait permettre de consacrer les principes de base suivants : l'ensemble des lois et des décrets existants doivent être respectés (régime forestier, aménagement du territoire, environnement, etc.), et ce, également sur le plan social (pas de travail au noir, salaires décents, mesures de protection efficaces des travailleurs du secteur du bois).
Pour ce qui est de la gestion, il y a lieu d'appliquer le principe de la multifonctionnalité de la forêt. Il faut réserver une place plus grande à la protection de la nature, à la protection du sol et aux loisirs dans le cadre des objectifs de gestion.
D'une manière générale, il faut principalement assurer la survie de la forêt, préserver la biodiversité, favoriser les interventions à petite échelle et l'utilisation d'espèces indigènes et adaptées à l'environnement local.
À l'initiative du W.W.F.-Belgique, l'on a créé un groupe F.S.C. belge, au sein duquel l'on trouve des représentants des pouvoirs publics, de l'industrie du bois, des propriétaires de forêts et des organisations écologiques et sylvicoles.
Au sein de ce groupe de travail, l'on tente de s'accorder sur les principes à respecter dans notre pays dans le cadre de la gestion durable des ressources forestières.
Jusqu'à présent, l'on n'a encore fixé (en coopération avec l'administration compétente) que des critères F.S.C. concrets applicables en Flandre.
La consommation de bois en Belgique s'élève à 11,4 millions de mètres cubes par an, dont seulement 4,3 millions (ou 38 %) de mètres cubes de bois national, ce qui signifie que notre pays est loin de l'autosuffisance en la matière et qu'il doit importer 62 % de sa consommation (15 % d'autres régions tempérées, 41 % des régions boréales et 6 % des régions tropicales).
Le secteur du commerce du bois réagit assez positivement aux propositions du W.W.F. visant à mettre sur le marché en Belgique du bois portant un écolabel reconnu et 70 entreprises (qui représentent plus de la moitié du bois commercialisé en Belgique) se sont déjà affiliées au « club 97 », créé dans le but de mettre effectivement sur le marché, à partir du 1er janvier 1997, du bois portant le label F.S.C.
Les importateurs se sont engagés à faire pression sur leurs fournisseurs locaux (par exemple, sur ceux des pays du tiers monde) pour qu'ils livrent du bois provenant de forêts pour lesquelles le label a été décerné.
Il importe évidemment que la Belgique applique également, dans la mesure du possible, ses propres principes de gestion durable des ressources forestières, sinon elle perdra toute crédibilité vis-à-vis des pays exportateurs de bois.
L'on peut comprendre aisément que le secteur du bois ait accueilli favorablement l'initiative en question : en effet, le consommateur est sensible au problème, et la création d'un écolabel est, pour le secteur, une solution préférable et moins risquée que celles qui impliquent le boycottage du bois importé des régions tropicales. En outre, l'on espère pouvoir freiner quelque peu ainsi l'avancée du P.V.C.
Étant donné la répartition des compétences, la matière en question doit être traitée tant au niveau fédéral qu'au niveau régional.
Les critères d'agrément des forêts gérées durablement doivent être reconnus officiellement au niveau régional et il y a lieu d'officialiser, au niveau fédéral, l'ouverture du marché du bois au bois portant le label F.S.C., en reconnaissant ce label de manière que le consommateur ne puisse pas le confondre avec de faux labels.
Il faut une initiative législative, de préférence au niveau européen, pour ce faire.
Pour ce qui est de la consommation nationale, le gouvernement doit en tout cas s'engager dès à présent à utiliser exclusivement du bois portant un écolabel.
En outre, il y a lieu de promouvoir l'utilisation de bois portant le label F.S.C. au moyen de campagnes d'information sérieuses.
Il y a lieu aussi de dégager des moyens pour encourager la gestion durable des ressources forestières et l'application du système d'agrément des forêts dans les pays tropicaux, et, de préférence surtout, dans ceux qui exportent vers la Belgique, comme le Cameroun, la Malaisie, l'Indonésie et le Brésil.
Il convient, en outre, que le Gouvernement soutienne effectivement le groupe de travail F.S.C. belge, de manière que celui-ci puisse assumer pleinement sa mission coordinatrice.
L'on peut envisager de créer à terme une écotaxe sur le bois non agréé.
Vera DUA. |
Le Sénat,
Considérant qu'une gestion durable des ressources forestières est la meilleure manière de combattre la déforestation et la dégradation des forêts dans les pays tropicaux;
Considérant que, dans bien des pays occidentaux, dont la Belgique, la gestion des ressources forestières peut également être qualifiée souvent de non durable;
Considérant que l'organisation internationale Forest Stewardship Council (F.S.C.), qui se compose d'un groupe d'O.N.G. et de représentants du secteur de la sylviculture et de l'industrie du bois a défini des critères de gestion durable des ressources forestières et que ces critères ont été transposés, dans un grand nombre de pays, en principes de gestion adaptés aux forêts locales;
Considérant que le F.S.C. est actuellement l'unique organisation internationale qui possède un système international cohérent d'accréditation de bureaux de contrôle privés pouvant réaliser, en toute indépendance, une évaluation de la gestion des ressources forestières sur le terrain;
Considérant que la Belgique a ratifié officiellement la Convention de Rio et s'est engagée par là même à favoriser le développement durable dans divers secteurs;
Considérant que l'Assemblée paritaire A.C.P.-U.E. a adopté, le 26 septembre 1996, à Luxembourg, une résolution qui incite les États membres de l'Union européenne et les signataires de la Convention de Lomé à reconnaître le label F.S.C. et à prendre les mesures nécessaires pour promouvoir l'application des critères F.S.C.;
Considérant que de nombreux consommateurs demandent du bois dont on garantit qu'il provient de forêts gérées durablement mais que, dans notre pays, l'on n'a encore reconnu aucun label fournissant une réelle assurance à cet égard, ce qui justifie la méfiance des consommateurs à l'égard des campagnes de publicité en faveur du bois « écologique »;
Considérant que de nombreux vendeurs de bois belges sont disposés à mettre sur le marché du bois portant un écolabel internationalement reconnu, à condition que ce label soit accepté internationalement et garantisse que le bois est issu de forêts agréées et qu'il a été produit selon une méthode de gestion durable;
demande au gouvernement :
qu'il veille à ce que l'on reconnaisse officiellement le label F.S.C. pour le bois, de manière que les consommateurs et les vendeurs de bois aient toutes les garanties que le bois agréé provient de forêts gérées de manière durable;
qu'il veille à ce que l'on encourage par des campagnes d'information l'utilisation du bois ainsi agréé et que l'on dégage les moyens nécessaires pour ce faire;
qu'il s'engage, pour ce qui est de la consommation nationale de bois, à appliquer le principe du recours exclusif au bois agréé, à inscrire explicitement ce principe dans tous les cahiers des charges des pouvoirs publics et à envoyer une circulaire en ce sens à tous les services;
qu'il veille à apporter le soutien nécessaire au groupe de travail F.S.C. belge, qui coordonne l'application des principes F.S.C. en Belgique;
qu'il veille à ce que l'on dégage, au sein du département de la Coopération au développement, des moyens permettant d'encourager la gestion durable et l'agrément des forêts dans les pays tropicaux qui exportent du bois vers la Belgique (le Cameroun, la Malaisie, l'Indonésie, le Brésil, ...).
Vera DUA. |