1-447/5

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Sénat de Belgique

SESSION DE 1996-1997

14 DÉCEMBRE 1996


Projet de loi instituant le collège des procureurs généraux et créant la fonction de magistrat national


TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION DE LA JUSTICE


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution.

CHAPITRE Ier

Du collège des procureurs généraux

Art. 2

Un article 143bis, rédigé comme suit, est inséré dans le Code judiciaire :

« Art. 143bis. ­ § 1er . Les procureurs généraux près les cours d'appel forment ensemble un collège, appelé collège des procureurs généraux, qui est placé sous l'autorité du ministre de la Justice. La compétence du collège s'étend à l'ensemble du territoire du Royaume et ses décisions engagent les procureurs généraux près les cours d'appel et tous les membres du ministère public placés sous leur surveillance et leur direction.

§ 2. Le collège des procureurs généraux décide, par consensus, de toutes les mesures utiles en vue :

1º de la mise en oeuvre cohérente et de la coordination de la politique criminelle déterminée par les directives visées à l'article 143ter, et dans le respect de leur finalité;

2º du bon fonctionnement général et de la coordination du ministère public.

Si aucun consensus ne peut être dégagé au sein du collège, et si l'exécution des directives du ministre relatives à la politique criminelle est ainsi mise en péril, le ministre de la Justice prend les mesures nécessaires pour assurer leur application.

§ 3. Le collège des procureurs généraux est en outre chargé d'informer le ministre de la Justice et de lui donner avis, d'initiative ou à sa demande, sur toute question en rapport avec les missions du ministère public.

À defaut de consensus, les avis expriment les différentes opinions exposées au sein du collège.

§ 4. Pour l'exécution de ses missions, le collège peut requérir l'aide de membres du ministère public près les cours d'appel.

§ 5. Le collège des procureurs généraux se réunit au moins une fois par mois, de sa propre initiative ou à la demande du ministre de la Justice.

Le ministre de la Justice, ou en cas d'empêchement, son délégué, assiste aux réunions du collège lorsqu'elles portent sur des compétences visées à l'article 143ter et lorsque le collège se réunit à sa demande dans le cadre de l'exercice des compétences mentionnées au § 2.

Le ministre préside les réunions du collège auxquelles il assiste.

Pour l'exercice des compétences du collège, et après concertation avec celui-ci, le Roi peut confier à chacun de ses membres des tâches spécifiques.

§ 6. Le Roi règle les modalités de collaboration entre le collège et les services placés sous l'autorité du ministre de la Justice.

§ 7. Le collège fait annuellement rapport au ministre de la Justice. Ce rapport contient la description de ses activités, l'analyse et l'évaluation de la politique des recherches et des poursuites pour l'année écoulée et les priorités pour l'année à venir.

Le rapport est communiqué aux Chambres législatives par le ministre de la Justice et est rendu public.

§ 8. La présidence est assurée, à tour de rôle, pour chaque année judiciaire, successivement par les procureurs près les cours d'appel d'Anvers, de Mons, de Bruxelles, de Gand et de Liège. Avec accord de tous les membres du collège, il peut être dérogé à l'alternance entre procureurs généraux appartenant à un même régime linguistique.

Le procureur général qui assume la présidence fixe l'ordre du jour et l'organisation des réunions. Sous son autorité, le secrétariat est dirigé par un directeur qui participe à toutes les réunions du collège. Celui-ci transmet les ordres du jour et les rapports des réunions du collège des procureurs généraux au ministre de la Justice, aux membres du collège, aux procureurs du Roi, aux auditeurs du travail et aux magistrats nationaux.

§ 9. En cas d'absence ou d'empêchement d'un membre du collège des procureurs généraux, il est remplacé conformément à l'article 324, alinéa 1er .

Sans préjudice de l'alinéa précédent, en cas d'absence ou d'empêchement du président, la présidence est assumée par le procureur général le plus ancien en rang du même régime linguistique. »

CHAPITRE II

De la politique criminelle

Art. 3

Un article 143ter , rédigé comme suit, est inséré dans le même Code :

« Art. 143ter. ­ Le ministre de la Justice arrête les directives de politique criminelle, y compris en matière de politique de recherche et de poursuite après avoir pris l'avis du collège des procureurs généraux.

Ces directives sont contraignantes pour tous les membres du ministère public.

Les procureurs généraux près les cours d'appel veillent à l'exécution de ces directives au sein de leur ressort. »

Art. 4

§ 1er . Les mots « Sans préjudice de l'application des articles 143bis et 143ter , » sont ajoutés au début de l'article 398 du même Code;

§ 2. Les mots « Sans préjudice de l'application des articles 143bis et 143ter , » sont ajoutés au début de l'article 399, premier alinéa, du même Code;

§ 3. Les mots « Sans préjudice de l'application des articles 143bis et 143ter , » sont ajoutés au début de l'article 399, deuxième alinéa, du même Code;

§ 4. Les mots « Sans préjudice de l'application des articles 143bis et 143ter , » sont ajoutés au début de l'article 400 du même Code.

CHAPITRE III

Du magistrat national

Art. 5

Un article 144bis , rédigé comme suit, est inséré dans le même Code :

« Art. 144bis . ­ § 1er . Le collège des procureurs généraux est assisté par des magistrats nationaux dont la mission s'étend à l'ensemble du territoire du Royaume.

§ 2. Les magistrats nationaux sont désignés par le Roi, sur proposition du ministre de la Justice et sur avis du collège des procureurs généraux, parmi les membres du ministère public ayant exercé des fonctions de magistrat du ministère public ou de juge d'instruction pendant au moins cinq ans. Ils sont désignés pour un terme de cinq ans, renouvelable, au maximum deux fois.

§ 3. Les magistrats nationaux sont placés sous l'autorité du collège des procureurs généraux. Ils sont chargés, sous la surveillance et la direction du membre du collège que le Roi aura désigné à cette fin après concertation avec le collège des procureurs généraux :

1º d'assurer la coordination de l'exercice de l'action publique et de faciliter la coopération internationale en concertation avec un ou plusieurs procureurs du Roi. Si nécessaire, ils peuvent donner à cet effet des instructions contraignantes à un ou plusieurs procureurs du Roi, après en avoir informé le procureur général territorialement compétent et sauf décision contraire de sa part;

2º de prendre toutes les mesures urgentes qui sont nécessaires en vue de l'exercice de l'action publique aussi longtemps qu'un procureur du Roi n'a pas exercé sa compétence légalement déterminée. Ces mesures sont contraignantes pour le procureur du Roi. »

CHAPITRE IV

Dispositions diverses

Art. 6

Il est inséré dans l'article 185 du même Code un deuxième alinéa, rédigé comme suit :

« Le Roi peut également, conformément aux dispositions de l'alinéa précédent, créer des grades de qualification particulière afin d'assurer le secrétariat du collège des procureurs généraux et celui des magistrats nationaux. Les fonctions exercées dans ces secrétariats sont considérées comme des fonctions exercées dans un parquet ».

Art. 7

L'article 186 du même Code, modifié par les lois des 7 juillet 1969 et 11 juillet 1994, est complété par un nouvel alinéa, rédigé comme suit :

« Le siège du collège des procureurs généraux et des magistrats nationaux est fixé à Bruxelles ».

Art. 8

Un article 327ter, rédigé comme suit, est inséré dans le même Code :

« Art. 327ter. ­ Les dispositions des articles 327, alinéa 5, et 327bis, alinéa 4, sont applicables aux magistrats nationaux ».

Art. 9

Un article 355bis, rédigé comme suit, est inséré dans le même Code :

Art. 355bis. ­ Les traitements des magistrats nationaux sont les mêmes que ceux fixés par l'article 355 pour les avocats généraux auprès des cours d'appel ».

Art. 10

À l'article 9 du Code d'instruction criminelle, modifié par les lois des 10 juillet 1967, 10 octobre 1967 et 11 février 1986, les mots « par les magistrats nationaux, » sont ajoutés après les mots « les procureurs du Roi et leurs substituts ».

Art. 11

Dans le même Code, livre 1er , est inséré un chapitre IVbis , intitulé « Des magistrats nationaux », comprenant un article 47bis , rédigé comme suit :

« Art. 47bis . ­ Sans préjudice de l'article 144bis , § 3, 1º du Code judiciaire, les magistrats nationaux sont chargés de prendre toutes les mesures urgentes qui sont nécessaires en vue de l'exercice de l'action publique aussi longtemps qu'un procureur du Roi n'a pas exercé sa compétence légalement déterminée.

Dans l'exercice des compétences visées à l'alinéa 1er , les magistrats nationaux disposent de tous les pouvoirs que la loi confère au procureur du Roi. Dans le cadre de ceux-ci ils peuvent procéder ou faire procéder à tous actes d'information ou d'instruction relevant de leurs attributions sur l'ensemble du territoire du Royaume. »

Art. 12

L'article 2 de la loi du 3 avril 1953 d'organisation judiciaire, abrogé par la loi du 10 novembre 1970, est rétabli dans la rédaction suivante :

« Le nombre des magistrats nationaux est fixé à 3 et peut être porté jusqu'à un maximum de 5 par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres ».

Art. 13

L'article 43bis , § 4, alinéa premier, de la loi du 15 juin 1935 concernant l'emploi des langues en matière judiciaire inséré par la loi du 10 octobre 1967 et modifié par la loi du 26 juin 1974, est remplacé par la disposition suivante :

« Nul ne peut être nommé procureur général près la cour d'appel de Bruxelles ou magistrat national, s'il ne justifie de la connaissance de la langue française et de la langue néerlandaise. Un magistrat national au moins doit justifier par son diplôme d'avoir subi les examens de docteur ou de licencié en droit en langue française et un magistrat national au moins doit justifier par son diplôme d'avoir subi ces examens en langue néerlandaise.

Ces nombres sont portés à deux si le nombre des magistrats nationaux est augmenté par arrêté royal conformément à l'article 2 de la loi du 3 avril 1953 d'organisation judiciaire ».

Art. 14

Le collège des procureurs généraux est présidé par le procureur général le plus ancien en rang, lors de l'année judiciaire pendant laquelle le collège des procureurs généraux est installé.

Art. 15

La présente loi entre en vigueur à la date fixée par le Roi et au plus tard six mois après sa publication au Moniteur belge.