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19 MARS 1996
Compléter le chapitre « Moyens », section III Sécurité dans l'Union européenne, par ce qui suit :
« 5. L'absence d'information systématique du Parlement belge sur les discussions en cours au niveau européen peut constituer l'une des causes de la paralysie actuelle de la construction européenne dans le cadre du troisième pilier.
Il faut que l'information régulière du Parlement belge sur tous les débats en cours dans les instances européennes soit garantie, le cas échéant par une réforme institutionnelle, à l'instar du système de la « réserve parlementaire » appliqué notamment aux Pays-Bas et en France.
Il convient non seulement que l'agenda des réunions au niveau européen et les documents qui s'y rapportent soient transmis en temps utile au Gouvernement belge, mais aussi que ce dernier porte sans délai les informations à la connaissance du Parlement.
6. On ne voit pas suffisamment comment se déroule actuellement la coopération européenne en matière de justice et à quels résultats elle a ou non conduit. Il n'y a pas d'accès aux textes qui ont été élaborés dans le cadre du troisième pilier. Comment pourrait-on se prononcer sur l'amélioration de cette coopération si l'on n'a pas une vue claire de la manière dont celle-ci fonctionne actuellement ?
Quels résultats concrets les gouvernements escomptent-ils de la coopération européenne en matière de justice ? Comment cette dernière doit-elle être conçue en fonction desdits objectifs ?
Plus spécifiquement, comment envisage-t-on la coopération en matière pénale ? Quelle est à cet égard la position au sujet de l'extradition des ressortissants vers d'autres États membres de l'Union européenne ? Comment veut-on organiser, au niveau européen, la lutte contre le trafic de la drogue ? Qu'en est-il d'Europol ? Et de l'immigration ? L'organisation (transformation) institutionnelle de la coopération européenne en matière de justice devra se faire en fonction de la réponse à ces questions. Il est donc important de connaître les objectifs concrets des gouvernements en la matière.
Un transfert de compétences dans le domaine de la justice doit se faire avec toute la circonspection voulue, car la justice est une composante essentielle de l'État de droit démocratique. Tout transfert de compétences en la matière doit être lié au respect des principes propres à un État de droit et à la mise en place d'un contrôle démocratique sérieux, qui devra être à la fois politique et juridique.
Pour améliorer le contrôle politique, il est nécessaire que le Parlement soit associé plus étroitement à la préparation de la décision européenne. Plus concrètement, avant tout sommet européen ayant à son ordre du jour des questions relevant de la justice, un débat préalable doit pouvoir être organisé au Parlement national, en vue d'un apport éventuel sur le plan du contenu. D'une manière plus générale, les gouvernements devraient veiller à fournir aux parlements une information suffisante sur les questions en discussion dans le cadre européen et à leur faire rapport à ce sujet. En outre, il doit y avoir aussi un contrôle du Parlement européen, complémentairement à celui exercé par les parlements nationaux. Un système de collaboration et d'échange d'informations entre ces parlements pourrait être mis au point.
Il faudrait conférer un pouvoir de pleine juridiction à la Cour européenne de justice afin de permettre une application uniforme et correcte du droit européen en matière judiciaire. À cet égard, il paraît indispensable que l'Union européenne adhère à la Convention européenne des droits de l'homme, de sorte que toutes les personnes protégées par la convention puissent bénéficier des garanties offertes par celle-ci. La composition de la Cour de justice doit être réexaminée, compte tenu de ce nouveau transfert de compétence. Dans le même ordre d'idées, il faut prendre en considération l'octroi de compétences pénales à l'Union européenne (par exemple, dans le cadre de la lutte contre la « fraude C.E. »).
Le manque de transparence comme la complexité qui caractérisent à la fois le mode d'élaboration de la réglementation et son contenu accroissent le déficit démocratique existant. Sur ce point également, il convient de proposer des initiatives concrètes.
Quant à la communautarisation préconisée, les matières du troisième pilier pourraient être scindées en trois groupes. Un premier groupe comporterait des matières telles que le franchissement des frontières extérieures, la politique d'asile et d'immigration et la politique à l'égard des ressortissants de pays tiers. Comme ces matières sont étroitement liées à la libre circulation des personnes et des biens, elles doivent nécessairement être transférées au premier pilier, mais d'une manière pragmatique et progressive.
Un deuxième groupe concerne la coopération dans les affaires civiles et pénales, ainsi que la coopération en matière de police. La communautarisation de ces matières pourrait faire l'objet d'une contestation par certains États membres de l'Union européenne. Une étude de ce qui existe déjà sur ce plan (par exemple, le fonctionnement souple et correct du système scandinave en matière de collaboration policière) pourrait apporter des données utiles.
Le troisième groupe, enfin, est constitué par les autres matières, qui doivent être considérées isolément. La fraude douanière, par exemple, pourrait être transférée au premier pilier, puisque la douane proprement dite relève de celui-ci. Il en va de même de la lutte contre le trafic illégal de stupéfiants, par exemple, étant donné sa corrélation avec la libre circulation des marchandises (cf. l'unité drogue européenne qui a été créée dans le cadre du premier pilier).
Il importera principalement, d'une part, de décider quelle est la finalité d'une coopération européenne en matière de justice, et comment et dans quelles conditions elle doit se concrétiser, et, d'autre part, d'assortir cette coopération d'un bon contrôle politique et juridique, lequel fait entièrement défaut actuellement.
7. Le problème de la coopération entre États en matière de justice se pose aujoud'hui de façon cruciale. L'impuissance affichée par l'Union européenne sur ce point doit cesser au plus tôt.
De toute évidence, cette impuissance provient des importantes et profondes différences de vues entre les divers États membres de la Communuté.
Il semble que ces divergences de vues ne pourront être surmontées par de simple négociations internationales, longues et innombrables, dont l'expérience a démontré les limites.
Il est indispensable de rechercher toutes les formes de coopération européenne capables de surmonter les effets des règles imposant l'unanimité telles qu'elles sont imposées par le traité. Le mécanisme de la majorité qualifiée semble être actuellement la meilleure solution de rechange.
La construction européenne requiert de nouveaux modèles et notamment, dans certains domaines, celui d'une Europe plus restreinte « à deux vitesses », dont la création devrait être étudiée de façon plus systématique et plus déterminée. »
Hugo VANDENBERGHE. Hugo COVELIERS. Lydia MAXIMUS. Claude DESMEDT. |