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21 MARS 1996
La plupart des pays les moins développés se trouvent en Afrique. S'il est vrai que l'on constate sur le continent noir une amélioration de la situation par rapport à celle d'il y a trente ans, notamment dans le domaine de l'approvisionnement en eau potable, de l'espérance de vie, de la démocratisation, du taux d'alphabétisation et de la quantité de calories absorbées par personne, il n'en reste pas moins que le développement du continent africain est à la traîne par rapport à l'Asie et l'Amérique latine. Par rapport aux autres continents, c'est en Afrique que l'approvisionnement en eau potable est le moins développé, que l'espérance de vie est la plus faible, que la démocratisation est la plus fragile, que le taux d'alphabétisation est inférieur à la moyenne et que la malnutrition sévit le plus...
À cela s'ajoute encore que, souvent, l'Afrique ne fait la une de l'actualité qu'en raison d'événements plus dramatiques les uns que les autres : tensions ethniques et guerres civiles, présence de millions de réfugiés et de personnes déplacées, sécheresse et famine.
À la vue de toutes ces situations apparemment désespérées, certains commencent à se lasser de l'Afrique. Et ce, même en Belgique, bien que notre pays ait acquis pendant des années une grande expérience de l'Afrique, essentiellement au Zaïre, au Rwanda et au Burundi. Heureusement, de nombreux Belges réagissent encore contre cet afropessimisme et sont convaincus qu'il serait moralement tout à fait injuste d'abandonner à leur sort ces populations dans le besoin.
C'est ainsi qu'en février 1995, le Gouvernement précédent a publié la note politique intitulée : « La Belgique et l'Afrique subsaharienne : agenda pour un nouveau dialogue et une nouvelle coopération ». Le Gouvernement actuel, notamment dans la note de politique générale du secrétaire d'État à la Coopération au Développement (octobre 1995) et dans le cadre de la politique zaïroise, a poursuivi la concrétisation des options politiques définies à l'époque.
Le 14 février 1996, lors d'une réunion commune avec son homologue du Sénat, la Commission des Relations extérieures de la Chambre a organisé une audition consacrée à l'Afrique. Au cours de cette réunion, les commissions réunies ont entendu des représentants d'O.N.G. belges et africaines. Elles ont été informées de la campagne Vierkant voor Afrika (Carrément pour l'Afrique), une initiative commune des O.N.G. Entraide et fraternité, Coopibo, C.N.C.D.-11.11.11., Oxfam Magasins du monde, Îles de paix et Solidarité mondiale. Elles ont également reçu des informations sur la campagne du Centre national de coopération au développement (C.N.C.D.) relative au sommet alimentaire mondial de la F.A.O. Enfin, les commissions ont entendu les témoignages de six O.N.G. africaines. Chaque représentant de ces O.N.G. a présenté un plaidoyer poignant en faveur de la mise en place d'un partenariat durable entre les O.N.G. du nord et du sud, et ce, plus particulièrement, en vue de s'attaquer avec succès aux problèmes de la sécurité alimentaire. L'accent a également été fortement mis sur le rôle important de la femme africaine dans l'économie locale, rôle qui mérite qu'on lui accorde une attention particulière en vue d'éliminer les discriminations existantes dans le domaine de la scolarisation, du droit de propriété, de l'obtention de crédit, etc.
À l'occasion de cette audition, les parlementaires ont également été informés des revendications politiques de la campagne Vierkant voor Afrika (Carrément pour l'Afrique). Ces revendications politiques comportent trois volets :
1º remise de dettes et adaptation sociale des programmes d'ajustement structurel;
2º amélioration de la position de l'Afrique dans le commerce international (notamment par le biais d'adaptations et de compensations pour les pertes résultant des accords du G.A.T.T., de la diversification et les préférences commerciales ainsi que du contrôle des entreprises transnationales, par le refus d'utiliser des graisses en remplacement du beurre de cacao pour la fabrication du chocolat, par le biais de la promotion des exportations agricoles non traditionnelles, l'aide alimentaire et de la création des conditions garantissant la sécurité alimentaire);
3º soutien aux initiatives africaines pour la sécurité alimentaire et le développement par le biais de la Coopération au développement (notamment par le biais du renforcement de la quantité et de la qualité des instruments de la coopération au développement belge, de la résolution et de la prévention des conflits en Afrique centrale, de la création des conditions garantissant la sécurité alimentaire en Afrique australe, d'une attention accrue pour le rôle de la femme, de l'amélioration des conditions de travail dans l'agriculture africaine, d'une attention particulière pour la cohérence entre la politique de développement et la politique de pêche de l'Union européenne ainsi que d'une interdiction mondiale des mines antipersonnel).
On attend du Gouvernement belge qu'il fasse connaître sa réaction à ces revendications politiques d'ici la manifestation de clôture de Vierkant voor Afrika, qui aura lieu le 20 avril prochain.
Les campagnes concernant l'Afrique menées actuellement par les O.N.G. sont la preuve de l'intérêt constant que nombre d'organisations belges portent à l'Afrique. Le Parlement belge peut soutenir cette mobilisation de la population pour une politique de développement et une politique commerciale axée sur l'Afrique en prenant position, dans le prolongement de cette action, par rapport au Gouvernement belge. Les signataires de la présente résolution entendent tracer les limites dans lesquelles doit être concrétisée une politique de développement ciblée et une politique africaine énergique.
Erika THIJS. |
A. Le Sénat rappelle :
1. l'audition concernant l'Afrique que la Commission des Affaires étrangères du Sénat et la Commission des Relations extérieures, du Commerce extérieur et de la Coopération au développement de la Chambre ont organisée en commun le mercredi 14 février 1996;
2. l'importance qu'elle attache aux grandes initiatives publiques en matière de coopération au développement, telles que la campagne « Vierkant voor Afrika » (Carrément pour l'Afrique), dans la mesure où ces initiatives permettent de sensibiliser l'opinion à la situation qui prévaut dans les pays en voie de développement, et plus particulièrement à la situation des pays et peuples d'Afrique;
3. la résolution de la Chambre des représentants demandant l'établissement d'un programme budgétaire pluriannuel en matière de coopération au développement [Doc. nº 575/3 91/92 (S.E.)].
Dans cette résolution, la Chambre insiste auprès du Gouvernement pour que les crédits afférents à la Coopération au développement ne soient pas soumis aux normes budgétaires classiques et pour que soit établi un plan pluriannuel prévoyant une croissance réelle des moyens affectés à ce département;
4. la résolution de la Chambre des représentants relative à la mise en oeuvre de la deuxième phase de l'application de la loi du 3 octobre 1983 portant création d'un « Fonds de survie pour le Tiers Monde » en vue d'assurer l'exécution des résolutions du Sénat et de la Chambre des représentants sur le manifeste-appel des Prix Nobel contre l'extermination par la faim et sur la contribution que la Belgique doit apporter à cette action (Doc. Chambre, nº 1313/1 93/94);
5. la résolution du Sénat relative à l'exécution de la deuxième phase du programme du Fonds belge de survie (Doc. nº 865/1 93/94);
6. les points de vue adoptés antérieurement par le Gouvernement belge, à savoir :
la note politique de février 1995 intitulée « la Belgique et l'Afrique subsaharienne : agenda pour un nouveau dialogue et une nouvelle coopération »;
la note de politique du secrétaire d'État à la Coopération au développement d'octobre 1995, qui donne explicitement la préférence à l'Afrique, étant donné que c'est sur ce continent que se trouvent la plupart des pays les moins développés;
le renforcement de la coopération bilatérale indirecte avec le Zaïre, décidé par le Conseil des ministres du 22 décembre 1995.
B. Le Sénat demande, en vue de la mise en oeuvre d'une politique du développement adéquate et, en particulier, d'une politique africaine énergique :
1. que le groupe de travail interdépartemental Coopération au développement examine de manière approfondie les exigences des O.N.G. en matière d'endettement, de commerce et de coopération au développement et qu'il en tienne compte lors de l'élaboration de ses propres propositions en matière de stratégie politique;
2. que le Gouvernement fasse rapport, chaque année, au Parlement sur les travaux du groupe de travail interdépartemental Coopération au développement. Le Parlement souhaite également être informé des décisions, points de vue, réalisations et évaluations des différents départements, qui présentent un intérêt pour la coopération au développement. Ce rapport devra également accorder une attention expresse à l'apport de la Belgique et de l'Europe dans des organisations internationales telles que le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et l'Organisation mondiale du commerce;
3. que le Gouvernement prenne des mesures en vue d'ameliorer la qualité de la coopération au développement de la Belgique, en se basant notamment sur la réflexion menée au Sénat en matière de coopération au développement et sur les recommandations formulées par la commission parlementaire chargée du suivi des problèmes de l'A.G.C.D., instituée à la Chambre des représentants;
4. que le Gouvernement accorde une attention constante à l'encadrement du fonds de survie, à l'accélération des dépenses de ce fonds ainsi qu'à la nécessité de faire rapport chaque année au Parlement sur les activités de ce fonds;
5. que le Gouvernement établisse, en respectant les impératifs budgétaires, un plan budgétaire pluriannuel contraignant qui prévoie une augmentation réelle des moyens consacrés à la Coopération au développement. Ce plan doit faire en sorte que notre pays atteigne la norme de 0,7 p.c. en l'an 2000 ou le plus rapidement possible après cette date, objectif qui est du reste également prévu par la note de politique générale du secrétaire d'État à la Coopération au développement. Le Gouvernement assurera ainsi la base financière d'une coopération qualitative avec les pays en voie de développement et, en particulier, avec l'Afrique.
Erika THIJS. Paula SÉMER. Bert ANCIAUX. |