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Sénat de Belgique

SESSION DE 1995-1996

14 NOVEMBRE 1995


Proposition de loi visant à accélérer la procédure devant la Cour de cassation


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE LA JUSTICE PAR M. VANDENBERGHE


SOMMAIRE


  1. Exposé introductif de l'auteur principal de la proposition de loi
  2. Point de vue du ministre
  3. Discussion générale
  4. Discussion des articles
    ­ Intitulé
    ­ Article 1er
    ­ Article 2
    ­ Article 3
    ­ Article 4
    ­ Article 5 (article 4 du texte adopté)
    ­ Article 6 (article 5 du texte adopté)
    ­ Articles 7 à 16 (articles 6 à 15 du texte adopté)
    ­ Article 17 (article 16 du texte adopté)
    ­ Article 18 (article 17 du texte adopté)
    ­ Article 19 (article 18 du texte adopté)
    ­ Article 20 (article 19 du texte adopté)
    ­ Article 21 (article 20 du texte adopté)
    ­ Article 22 (article 21 du texte adopté)
    ­ Article 23 (article 22 du texte adopté)
    ­ Article 24 (article 23 du texte adopté)
    ­ Article 25
    ­ Article 26 (article 24 du texte adopté)
    ­ Article 27 (article 25 du texte adopté)
    ­ Article 28 (article 26 du texte adopté)
    ­ Article 29 (article 27 du texte adopté)
    ­ Articles 30 et 31 (articles 28 et 29 du texte adopté)
  5. Vote final
    Annexe

I. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE L'AUTEUR PRINCIPAL DE LA PROPOSITION DE LOI

La proposition à l'examen avait déjà, lors de la précédente législature, été adoptée par le Sénat (doc. Sénat, 948-1 et 2, 1993-1994) et transmise à la Chambre des représentants, où elle n'avait pu être discutée en raison de la dissolution des Chambres.

Le texte en a donc été redéposé.

Il résulte pour une part du souci de la Cour de cassation elle-même, qui s'inquiète de l'arriéré considérable qui est le sien, et qu'elle n'est pas à même de maîtriser de façon satisfaisante.

L'augmentation de cet arriéré résulte d'un ensemble de causes énumérées dans l'exposé des motifs, et notamment de l'accroissement du nombre des affaires portées devant la Cour de cassation.

Selon une note déposée par le procureur général près cette Cour, les statistiques révèlent qu'entre 1970 et 1994, le nombre des affaires pénales introduites est passé de 951 à 1 555, et celui des affaires civiles de 272 à 839.

En 1970, l'arriéré des affaires non pénales restant à juger en fin d'année était de 326.

En 1994, ce chiffre est passé à 1 037.

Il en résulte que le temps d'examen des dossiers peut atteindre plusieurs mois, voire plusieurs années, ce qui contribue à créer une insécurité juridique.

L'une des explications de cet arriéré peut sans doute être trouvée pour partie dans la multiplication des normes et des pouvoirs habilités à légiférer.

Cette multiplication accroît la tâche de la Cour, alors même que les effectifs de celle-ci en magistrats n'ont plus été adaptés depuis 1970, au contraire des cours d'appel, dont les cadres ont été augmentés en 1974, 1984, 1989 et 1990.

C'est pourquoi un certain nombre de mesures sont proposées, parmi lesquelles figure une augmentation minimale du nombre de magistrats et de greffiers de la Cour de cassation.

En ce qui concerne les magistrats, la proposition prévoyait une augmentation de cinq unités, soit trois magistrats néerlandophones et deux magistrats francophones.

Pour le parquet, l'augmentation pourrait être de deux unités, soit un francophone et un néerlandophone.

Enfin, un poste supplémentaire de greffier, et un de commis-greffier pourraient être créés.

Il s'agit là d'une adaptation limitée, qui n'est nullement proportionnelle à l'accroissement du volume de travail.

La seconde mesure proposée concerne la création d'un cadre de référendaires, prévue dans l'accord de gouvernement du 9 mars 1992.

Il s'agirait d'un corps de fonctionnaires qualifiés, qui pourraient préparer les tâches judiciaires des magistrats : recherches et études de doctrine et de jurisprudence, documentation, introduction et mise à jour de l'informatique et de la bureautique, vérification des traductions en collaboration avec les attachés du service de la concordance des textes, publication des arrêts.

Il convient de souligner qu'un grand nombre de juridictions ont recours à des fonctionnaires de ce type.

Ainsi, le Hoge Raad des Pays-Bas possède un corps de référendaires regroupant 47 personnes.

La Cour de cassation française dispose de 37 référendaires et de 18 auditeurs.

En un premier temps, le nombre de référendaires alloués à la Cour de cassation serait limité à cinq, le système des magistrats délégués étant par ailleurs maintenu.

La proposition réalise également certaines réformes de procédure :

a) La possibilité pour la Cour de faire traiter les affaires simples par une chambre de formation restreinte composée de trois magistrats.

Une réforme similaire a été introduite, selon d'autres modalités, dans d'autres juridictions, telle la Cour d'arbitrage.

Cette procédure pourrait s'appliquer lorsque le président de la chambre et le conseiller-rapporteur s'accordent sur la solution du pourvoi, qu'il s'agisse d'accueillir ou de rejeter celui-ci.

b) La possibilité pour la Cour de condamner le demandeur au paiement d'une amende civile en cas de pourvoi téméraire ou vexatoire.

Il s'agit de la transposition, au niveau de la Cour, de dispositions qui ont été introduites dans le Code judiciaire et le Code d'instruction criminelle.

D'autres mesures ont été envisagées, mais n'ont finalement pas été introduites dans la proposition de loi.

L'on avait notamment songé à organiser une procédure permettant de demander l'avis de la Cour de cassation dans certains types de litiges.

Cette procédure, qui s'apparente quelque peu à une question préjudicielle, existe en France, non seulement à la Cour de cassation, mais aussi au Conseil d'État. L'avis rendu à cette occasion est consultatif.

Il a finalement été décidé de ne pas introduire de procédure de ce type au niveau de notre Cour de cassation.

II. POINT DE VUE DU MINISTRE

Le ministre déclare que, comme son prédécesseur, il peut se rallier globalement aux quatre mesures proposées, tout en sachant qu'il existe également à d'autres niveaux, notamment dans les cours d'appels, un arriéré qui devra être comblé.

La proposition qui vous est soumise s'inscrit dans une tentative plus large de garantir l'efficacité de l'appareil judiciaire.

Il faut fournir à la Cour de cassation les moyens nécessaires en matière de documentation et d'études, de sorte qu'elle puisse continuer à assurer l'unité et la qualité de son interprétation.

Le ministre profite de l'occasion pour répéter que l'on poursuivra les efforts fournis en matière de documentation, non seulement quant à la disponibilité de la jurisprudence de la Cour sur ordinateur individuel, mais aussi quant à l'informatisation en général.

Il importe toutefois d'être bien conscient de l'incidence budgétaire de cette réforme : lors de la discussion précédente, on a cité le chiffre approximatif de 41 millions.

On doit s'efforcer de rester dans cet ordre de grandeur.

Le ministre essaye, dans le cadre des discussions budgétaires, de maintenir le montant précité.

En ce qui concerne le nombre des référendaires, le ministre constate qu'on se contente, dans une première phase, d'en recruter cinq.

La proposition prévoit cependant aussi que c'est la Cour qui nomme les référendaires, ce qui suppose qu'elle détermine également leur nombre.

Abstraction faite de l'incidence budgétaire de pareille réglementation, comme du fait que le Gouvernement perd toute possibilité de contrôle sur celle-ci, se pose également le problème de la nomination, à laquelle le Roi devrait procéder ­ de l'avis du ministre ­ sur la présentation du procureur général près la Cour de cassation et du premier président de celle-ci.

Le ministre estime que la nomination par la Cour remet inutilement en cause l'équilibre établi de longue date entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire.

Par ailleurs, la responsabilité du ministre ne pourrait être engagée pour ces nominations.

Le système prévu dans la proposition s'inspire à tort de celui existant à la Cour d'arbitrage, laquelle ne fait pas partie du pouvoir judiciaire, où la nomination par le Roi constitue la règle générale.

Le Roi devrait également pouvoir déterminer le nombre des référendaires, de sorte que leur nomination se ferait par étapes et sans devoir modifier la loi.

C'est pourquoi le ministre annonce le dépôt d'amendements qui seront commentés lors de la discussion des articles.

Enfin, en ce qui concerne la possibilité d'infliger une amende pour recours téméraire et vexatoire, il ressort des statistiques que cette mesure n'est que très rarement appliquée par les cours d'appel.

Le ministre a fait faire une étude sur l'application de l'article 1072bis du Code judiciaire.

Il ressort de celle-ci que le nombre des cas ayant nécessité l'application de cette disposition, depuis le 1er janvier 1993, est le suivant :

­ Cour d'appel de Bruxelles : 10;

­ Tribunal du travail de Bruxelles : 3;

­ Cour d'appel d'Anvers : 10;

­ Cour d'appel de Gand : 1;

­ Tribunal du travail de Gand : 0;

­ Mons : pas encore connu;

­ Cour d'appel de Liège : 2.

Quoique le ministre soit en principe d'accord sur le système d'amendes projeté, et compte tenu de la situation décrite ci-dessus, il estime nécessaire de réfléchir à d'autres possibilités pour sanctionner les pourvois téméraires et vexatoires.

III. DISCUSSION GÉNÉRALE

Un membre constate tout d'abord que, lorsqu'il était membre de la Commission de la Justice de la Chambre, il a souvent entendu parler d'extension de cadre.

La proposition de loi à l'examen porte sur un des aspects de celle-ci.

Or, parmi les arguments les plus importants en faveur de ce type d'extension, l'on a invoqué l'arriéré judiciaire et la promesse ­ faite parfois par les chefs de corps eux-mêmes au sein du Parlement ­ que cette extension résoudrait le problème.

L'on constate qu'au cours des premiers mois suivant une extension de cadre, la situation s'améliore effectivement.

Après un certain temps, le délai de fixation au rôle commence toutefois à s'allonger, de sorte que l'on en revient en fin de compte au même rythme.

L'on peut également se demander pourquoi le phénomène de l'arriéré judiciaire se manifeste surtout dans les cours d'appel, bien que la Cour de cassation soit confrontée, elle aussi, à un grand arriéré.

L'intervenant ne voit pas d'objection à ce que de nombreux magistrats de la Cour remplissent également d'autres tâches scientifiques, parce qu'il lui semble souhaitable que ces magistrats continuent à oeuvrer dans la pratique.

Il partage l'opinion du ministre selon laquelle il n'appartient pas à la Cour de cassation de déterminer elle-même le nombre de ses référendaires. C'est l'affaire du pouvoir exécutif.

L'intervenant souhaiterait toutefois que le ministre lui garantisse qu'avant de procéder à de futures extensions, l'on apporte la preuve que la nomination des premiers référendaires a bel et bien contribué à un fonctionnement plus efficace de la Cour de cassation, en démontrant que l'arriéré a été réduit.

S'il devait s'avérer que la situation n'a pas évolué dans le sens positif, il faudrait en conclure que l'arriéré est dû à d'autres causes qu'un manque de personnel.

En ce qui concerne l'amende pour pourvoi téméraire ou vexatoire, l'intervenant estime qu'il est quelque peu délicat d'instaurer semblable mesure à l'échelon de la Cour de cassation.

Dans la plupart des cas, abstraction faite des matières pénales et fiscales, la partie demanderesse demandera l'avis d'un avocat à la Cour de cassation avant d'introduire une procédure devant celle-ci.

Si cet avocat conseille d'introduire un pourvoi et que la partie demanderesse soit, en fin de compte, condamnée à payer une amende pour pourvoi téméraire ou vexatoire, l'avocat ne pourrait-il pas être tenu pour responsable de cette condamnation ?

L'intervenant se demande enfin si, abstraction faite du caractère non démocratique de ce système, la procédure devant la Cour de cassation ne se trouve pas ralentie en raison du nombre limité d'avocats pouvant plaider devant celle-ci.

Autoriser un plus grand nombre d'avocats à plaider devant la Cour abaisserait probablement aussi le prix d'un pourvoi en cassation.

Il est vrai qu'actuellement l'on ne paie pas de droit de mise au rôle pour les affaires portées devant les tribunaux et les cours du travail; les différents barreaux prévoient en outre des honoraires assez peu élevés lorsque l'on instruit la procédure devant ces dernières juridictions.

Si quelqu'un n'obtient pas gain de cause devant la cour du travail, alors que la cause est intéressante du point de vue juridique, et qu'il souhaite aller en cassation, il doit payer 40 000 francs avant de recevoir un avis concernant le pourvoi en cassation.

D'après l'intervenant, pareil système privilégie les utilisateurs institutionnels de la justice et les sociétés et défavorise le citoyen ordinaire.

Une autre règle contestable est que, dans les matières pénales, le prévenu n'est pas obligé de prendre un avocat, alors que la partie civile s'y voit contrainte.

Dans les matières fiscales, l'on n'est pas davantage obligé de se faire représenter par un avocat.

Il conviendrait de rectifier toutes ces anomalies.

Nonobstant les remarques précitées, l'intervenant votera la proposition de loi, comme son groupe l'avait déjà fait avant la dissolution des Chambres.

Un autre membre rappelle que la commission avait mené un débat intéressant, au cours de la législature précédente, sur le fonctionnement de la Cour de cassation, débat qui a fait l'objet d'un rapport de la commission (Doc. Sénat, nº 948-2, 1993-1994).

Bien qu'il y ait un consensus sur certains points, l'intervenant souhaiterait examiner à nouveau quelques aspects de la proposition, parce que ceux-ci peuvent susciter quelque inquiétude.

En premier lieu, l'intervenant estime qu'en général l'idée s'impose qu'il faut instaurer une procédure permettant à une formation restreinte de trois conseillers d'examiner les causes simples.

La formule proposée à l'article 24 n'exclut pas que des causes très difficiles puissent également être renvoyées devant une formation de ce genre, puisqu'il n'est pas exclu que, même pour une cause difficile, la solution paraisse s'imposer, par exemple parce qu'il existe un précédent ou que le pourvoi est manifestement irrecevable.

Cette formule est également utilisée dans d'autres pays, comme la France, les Pays-Bas et l'Allemagne.

L'intervenant renvoie également au onzième Protocole de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relatif à la Cour européenne permanente des droits de l'homme, nouvellement créée, et demande au ministre quand la Belgique ratifiera ce protocole.

Il existe de fait un arriéré énorme à la Cour européenne de Strasbourg : y compris la procédure devant la Commission, il faut procéder entre 8 et 10 ans pour obtenir un jugement devant la Cour, qui est censée veiller au délai raisonnable en matière civile et pénale...

Le onzième Protocole prévoit également une procédure simplifiée à suivre pour l'examen de certaines causes.

Sur ce point, la proposition de loi s'inscrit donc dans le prolongement d'un consensus international.

L'intervenant est aussi partisan de la création d'un corps de référendaires près la Cour de cassation, comme on l'a fait pour la Cour d'arbitrage, puisque la Cour de cassation doit traiter une jurisprudence importante et a besoin de collaborateurs pour diminuer la charge de travail.

L'intervenant partage toutefois le point de vue du préopinant quant à la nécessité d'évaluer le système après un an ou deux.

En ce qui concerne le système de l'amende, l'intervenant rappelle qu'il était prévu à l'origine également en matière pénale, mais que la commission a finalement décidé de ne pas l'y appliquer.

On peut se demander s'il faut maintenir ce système en matière civile.

L'intervenant constate qu'il n'existe pas de système d'amende devant la Cour d'arbitrage, le Conseil d'État, la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg et la Cour de justice de Luxembourg.

Les juridictions suprêmes considèrent donc que l'introduction de recours en dernier ressort constitue l'aspect ultime de la liberté d'opinion et elles estiment que, dans le cadre de l'échange d'idées au prétoire, il convient de donner une place privilégiée à la liberté d'opinion, laquelle constitue le moteur de la vie juridique.

De plus, la notion de « procès téméraire et vexatoire » est interprétée différemment selon les époques.

En ce qui concerne le monopole qu'ont les avocats à la Cour de cassation, l'intervenant rappelle les raisons qui plaident, d'après lui, pour sa suppression.

Tous les avocats régulièrement inscrits au tableau peuvent plaider en matière pénale et fiscale devant la Cour de cassation; ces mêmes avocats peuvent plaider devant la Cour d'arbitrage et devant le Conseil d'État. Le formalisme que nécessitent les requêtes et les mémoires déposés devant ces juridictions exige sans aucun doute de la part des avocats des connaissances juridiques tout aussi solides que celles nécessaires pour la Cour de cassation. Or, la liberté d'accès aux juridictions précitées n'a pas empêché les avocats de jouer un rôle très important dans l'élaboration du droit dans notre pays.

À la Cour de justice de Luxembourg et à la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg ­ qui connaissent également de matières très spécialisées ­, l'accès pour les avocats est libre et il n'existe aucun corps particulier.

En effet, on a considéré un tel monopole comme une forme de corporatisme dépassé, d'autant plus qu'à de tels niveaux, on veut que la discussion juridique soit la plus large possible.

Lorsqu'on n'octroie, pendant de nombreuses années, le monopole des plaidoiries devant une juridiction déterminée qu'à quelques avocats, un « effet de bocal » se crée (vase clos).

Sans vouloir nier les connaissances étendues et les larges mérites de ces avocats, l'intervenant estime évident qu'une sclérose peut apparaître ­ à laquelle le formalisme et le caractère hermétique de la formulation des motifs de cassation ne sont assurément pas étrangers ­, en raison de l'insuffisance d'ouverture à la société contemporaine.

Il arrive que se forme à la base, dans la vie juridique, un mouvement qui va à l'encontre de la jurisprudence établie, mais qui n'a pas l'occasion de s'exprimer devant la Cour.

En outre, les avis sur les possibilités de cassation sont fonction de la jurisprudence de cassation, alors qu'il est fort possible que celle-ci soit contraire à la jurisprudence européenne.

La question n'est donc pas de savoir si un corps spécialisé d'avocats doit subsister à la Cour de cassation ­ ce que l'intervenant trouve justifié ­, mais bien si leur monopole doit être maintenu.

Il s'interroge également sur le fonctionnement concret du barreau près la Cour de cassation.

Il constate, en effet, que les membres de ce barreau ont largement tendance à s'associer et que bon nombre d'associations sont composées de deux avocats à la Cour spécialisés dans la même matière, ce qui pose au justiciable ordinaire le problème de la liberté de choix.

Si celui-ci veut consulter le spécialiste d'une matière déterminée, il est régulièrement confronté au fait que cet avocat est déjà le conseil ordinaire de l'un ou l'autre utilisateur institutionnel de la justice.

Certains affirment même qu'existeraient des instructions suivant lesquelles la conception classique du conflit d'intérêts ne s'imposerait plus aux avocats à la Cour de cassation.

Compte tenu des résultats des réformes de ces dix dernières années (le juge unique dans les affaires correctionnelles, le conseiller unique des cours d'appel, l'extension des chambres, etc.), un autre membre se demande si les extensions de cadre et les simplifications de procédure ont bel et bien une incidence considérable sur l'arriéré judiciaire et s'il ne faudrait pas exiger des résultats de la part de la magistrature, lorsqu'une réforme déterminée a été réalisée.

On pourrait procéder à une évaluation après un ou deux ans, par exemple en ce qui concerne la loi récente sur les tribunaux de police.

Le même intervenant marque son accord de principe sur la création d'un corps de référendaires, mais il se rallie à l'observation du ministre concernant la nomination de ces référendaires et la détermination de leur nombre.

Il est également d'accord, dans une large mesure, sur les remarques faites au sujet du pourvoi téméraire ou vexatoire. Il considère, en effet, qu'une certaine liberté doit exister au niveau des juridictions supérieures, qui se prononcent sur des questions fondamentales d'interprétation de la loi.

Il est donc souhaitable de donner au citoyen l'accès le plus large possible à ces juridictions.

En outre, un filtre existe déjà, puisque dans la plupart des cas ­ et moyennant le paiement d'honoraires élevés ­ la partie demanderesse sollicitera l'avis d'un avocat à la Cour avant de se pourvoir en cassation.

Enfin, les amendes fixées par la proposition de loi sont très fortes.

L'intervenant estime qu'il serait préférable d'introduire une mesure aussi dissuasive à d'autres stades de la procédure.

Selon un commissaire, il ne semble pas opportun que la Cour de cassation fixe unilatéralement le nombre des référendaires.

En ce qui concerne la nomination de ces derniers, il rappelle que la Cour d'arbitrage choisit elle-même les candidats.

L'intervenant ne s'oppose pas à la suggestion du ministre sur ce point, même s'il faut bien se rendre compte qu'elle constituerait une modification importante de la philosophie de la proposition de loi.

On devrait à tout le moins donner à la Cour la possibilité de proposer des candidats ou d'émettre un avis.

À propos de l'amende frappant les pourvois téméraires et vexatoires, un tel système est effectivement contestable. En fait, les dispositions applicables aux cours d'appel ont été transposées à la Cour de cassation.

On ne peut toutefois pas sous-estimer l'incidence de cette mesure sur l'attitude du barreau.

L'on ne peut pas non plus perdre de vue que la proposition doit être considérée dans le contexte d'un arriéré dont le volume croît constamment, car nul ne niera que le nombre des pourvois en cassation a triplé en matière civile.

En outre, le filtre que constitue l'avis préalable d'un avocat en cassation ne joue pas pour toutes les affaires.

Quant à l'extension du cadre, il est exact qu'elle ne suffira pas à résorber l'arriéré.

Elle constitue pourtant une condition sine qua non si l'on veut accélérer la procédure.

Le rôle des chefs de corps et la dynamisation de la magistrature sont aussi des éléments importants qui ne peuvent être gérés par la loi.

La Cour de cassation doit maintenir son autorité intellectuelle, faute de quoi notre système juridique perdrait une référence de la plus grande importance.

Pour le reste, l'intervenant n'est pas partisan, dans le cadre de la proposition de loi en discussion, d'un débat sur l'existence d'un barreau particulier près la Cour de cassation.

En effet, il estime que le législateur ne peut pas joindre ce débat à celui sur l'arriéré judiciaire sans se contredire.

Il est incontestable que la plupart des avocats à la Cour de cassation sont des juristes éminents, qui enseignent souvent à l'université et dont le prestige est reconnu.

Ils sont rompus au travail intellectuel et à la technique spécifique du pourvoi en cassation, si bien qu'ils apportent une contribution notoire à la formulation des arrêts.

L'intervenant craint donc que sans ce barreau spécialisé, l'arriéré de la Cour ne s'accroisse encore.

Il suggère de discuter, dans le cadre de la réunion périodique avec les chefs de corps, de l'évaluation des résultats de l'extension de cadre accordée, ainsi que des solutions possibles à l'arriéré.

L'un des intervenants précédents fait observer que s'il est exact que la préparation d'une procédure dans les matières complexes jugées par la Cour de cassation peut être importante pour la cadence à laquelle celle-ci peut conclure ses affaires et si l'on veut conserver les avocats à ladite Cour, il faut les faire plaider exclusivement devant elle, afin qu'ils ne galvaudent pas leur savoir-faire en s'occupant d'affaires banales.

En ce qui concerne l'arriéré judiciaire, le ministre affirme que ce point constituera l'une des priorités de la note de politique générale et qu'il formulera un certain nombre de propositions en vue d'entreprendre des actions, principalement dans les cours d'appel.

Il s'agira non seulement de la mise à disposition d'un certain nombre de personnes, mais aussi d'un débat sur les abus de procédure. L'examen sur ce plan sera d'autant plus facile que l'automatisation des cours d'appel progresse bien. L'une des propositions du ministre serait de modifier l'article 1072bis du Code judiciaire.

Il constate qu'un certain nombre de membres ont exprimé des réserves quant à l'article 1111bis inséré par la proposition en discussion.

Le ministre propose de globaliser la discussion relative aux amendes pour procès téméraire ou vexatoire et d'examiner s'il est possible d'aboutir à une nouvelle procédure commune, dont le fonctionnement serait plus simple et plus efficace et qui s'appliquerait tant aux tribunaux de première instance qu'aux cours d'appel et à la Cour de cassation.

En ce qui concerne les amendements qu'il a annoncés aux articles 3 et 6 de la proposition, le ministre souligne que la nomination serait faite par le Roi après que les candidats auraient passé un examen organisé par la Cour de cassation.

Il propose également de formuler plus clairement le quatrième alinéa de l'article 259quinquies proposé (voir infra , le point A de son amendement à l'article 6).

Il déclare ensuite qu'il faut également consacrer un débat aux moyens permettant de filtrer les affaires.

Le danger est naturellement que l'on risque d'appliquer des méthodes de sélection qui entravent l'accès à la justice, précisément pour les personnes qui en ont besoin.

Toutefois, au vu de l'arriéré qui ne cesse de s'aggraver, des mesures différentes s'imposent.

Le système des amendes pour pourvoi téméraire ou vexatoire est un filtre a posteriori , mais il a démontré qu'il ne fonctionne pas bien.

Des propositions ont également été formulées en vue d'organiser en quelque sorte une chambre de sélection, mais le ministre n'est pas enclin provisoirement à y donner suite.

D'autres propositions suggèrent de majorer les indemnités de procédure et les intérêts.

La médiation extrajudiciaire, système appliqué aux États-Unis, est aussi une piste possible.

Un sénateur se réjouit d'abord de constater que, grâce à la proposition en discussion, dont il est cosignataire, l'initiative parlementaire bénéficie de la priorité et aboutira peut-être à une loi, ce qui lui semble être la mission principale du Sénat.

Il croit pouvoir interpréter l'amendement du ministre concernant la nomination des référendaires en ce sens que la Cour organisera d'abord un concours et que, pour la nomination, on suivra l'ordre déterminé par les résultats de celui-ci.

S'il en est ainsi, l'intervenant ne s'opposera pas à cet amendement.

Cela signifie aussi que si un candidat ne donne pas satisfaction, c'est le ministre qui, sur proposition du procureur général ou du premier président de la cour, révoque l'intéressé.

En ce qui concerne les amendes pour pourvoi téméraire ou vexatoire, l'intervenant trouve inacceptable que de telles amendes puissent être infligées en matière pénale, mais la version actuelle de la proposition limite cette possibilité aux affaires civiles, où elles pourraient quand même, selon lui, faire office de filtre.

Le filtre principal à la Cour de cassation est néanmoins l'existence d'un barreau spécifique.

L'intervenant estime que la discussion à ce sujet, qui serait mieux à sa place hors du cadre de la présente proposition, doit être jointe à celle relative au parquet général près la Cour : ce parquet doit-il subsister et, dans l'affirmative, garder son rôle actuel, qui nous a déjà valu à plusieurs reprises des problèmes devant les juridictions internationales ?

Un commissaire souligne qu'il n'existe pas de cadres linguistiques à la Cour de cassation. C'est pourquoi il demande, lui aussi, si le recrutement des référendaires se fait suivant les résultats du concours.

Cela signifierait, par exemple, que cinq néerlandophones ou cinq francophones pourraient occuper les cinq premières places.

Un autre commissaire répond que le choix des lauréats de l'une ou de l'autre langue se fera en fonction des nécessités du fonctionnement de la Cour.

Si celle-ci a besoin, par exemple, de trois néerlandophones, ce seront les trois premiers lauréats néerlandophones qui seront choisis.

Le ministre souhaite encore soumettre à la commission les deux points suivants :

1. en vertu de l'article 17 de la proposition de loi, c'est le Roi qui détermine les congés, les vacances et les absences pour cause d'incapacité de travail des référendaires. Le ministre estime que cela n'incombe pas au Roi et qu'il conviendrait de lui accorder au moins un pouvoir de délégation à l'administration ou à la Cour;

2. la proposition prévoit pour les référendaires un régime disciplinaire dans le cadre de la magistrature. On aurait aussi pu le faire dans le cadre de l'administration.

Le ministre a l'intention de déposer des amendements concernant ces deux points.

Un commissaire fait observer qu'en vertu de l'article 23 de la proposition de loi (art. 22 du texte adopté), la Cour peut décider qu'une suspension par mesure d'ordre comportera retenue provisoire, totale ou partielle du traitement.

Il renvoie à l'arrêt du Conseil d'État en cause de Reyniers, qui a condamné le Ministère de la Justice à rembourser tous les arriérés retenus sur le traitement. L'intervenant suggère d'examiner la disposition de l'article proposé à la lumière des considérants de l'arrêt et, notamment, des références au droit européen.

IV. DISCUSSION DES ARTICLES

Intitulé

La commission retient l'intitulé néerlandais suivant :

« Wetsvoorstel strekkende tot de bespoediging van de procedure voor het Hof van Cassatie. »

Article 1er

Un membre se demande si la commission doit mettre aux voix l'article 1er d'une proposition de loi qui fait référence à un article de la Constitution.

Il y a en effet lieu de se demander s'il ne faudrait pas saisir la commission de concertation au cas où la référence serait inexacte. Par conséquent, tout vote relatif à l'article 1er serait avant tout un vote symbolique.

La commission constate ensuite qu'il y a lieu d'améliorer la rédaction de l'article 1er .

Cet article doit faire référence à l'article 77 de la Constitution, sans plus.

Pour le reste, l'article ne donne lieu à aucune observation.

Il est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

Article 2

Un membre suggère de remplacer les mots « dans les cas prévus par la loi » par les mots « dans les cas prévus par l'article 1105bis du Code judiciaire ».

En effet, la proposition de loi prévoit en son article 24 l'insertion d'un article 1105bis dans le Code judiciaire.

La commission décide de ne pas retenir cette suggestion, parce qu'elle estime qu'il convient de donner une formulation plus large à l'article 2.

L'article 2 est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

Article 3

Le Gouvernement dépose un amendement à cet article (cf. doc. Sénat, nº 1-52/2, S.E. 1995, amendement nº 1).

Un membre demande au ministre de confirmer que l'intention est bien de nommer au départ cinq référendaires et de procéder, au bout d'un an, à une évaluation afin de vérifier dans quelle mesure le retard aura été comblé. Ce n'est que s'il est évident que le retard s'amenuise grâce à leur intervention que l'on pourrait augmenter le nombre des référendaires.

Le ministre confirme que telle est bien l'intention. Il note que l'on s'est également demandé, en ce qui concerne le nombre de conseillers (à savoir 27), s'il ne faudrait pas prévoir la possibilité d'une évolution.

Le préopinant met en garde contre le risque que l'adoption du texte puisse être interprétée comme la création d'un cadre.

Dans cette hypothèse, les intéressés pourraient faire valoir qu'un arriéré subsiste parce que leur cadre n'est pas au complet.

Le ministre concède que ce risque existe, mais il rappelle qu'il est favorable à une certaine flexibilité même pour ce qui est du nombre des conseillers.

Un membre souligne que l'évaluation de la situation à la Cour ne peut être significative que si l'aide dont elle bénéficie actuellement (notamment celle des magistrats délégués) est maintenue et si les référendaires constituent une aide supplémentaire.

La commission et le ministre partagent ce point de vue.

L'amendement du ministre et l'article amendé sont adoptés à l'unanimité des 10 membres présents.

Toutefois, le texte néerlandais proposé par l'amendement doit être modifié et rédigé comme suit :

« Hun aantal wordt door de minister van Justitie bepaald. »

Article 4

Le ministre donne lecture à la commission d'une lettre du procureur général et du premier président de la Cour, dont voici le texte :

« (...)

Il conviendrait à notre avis de supprimer cet article dès lors que le système des magistrats délégués est maintenu, et non pas supprimé comme le prévoyait la proposition de loi de 1993. C'est en raison de ce maintien au demeurant que n'ont pas été reprises dans la proposition de loi de 1995 les dispositions des articles 5, 15, 18 et 21 de la proposition de loi de 1993.

Par ailleurs, il est à noter que, sur ce point, les développements de la proposition de loi de 1995 correspondent au texte de la proposition de loi de 1993, mais non à celui de la proposition de loi de 1995. »

Le rapporteur rappelle que, dans le cadre de la discussion de la précédente version de la proposition, la commission avait décidé de supprimer les dispositions relatives aux magistrats délégués, parce qu'elles étaient superflues.

Un membre note que, si l'on supprime l'article 4, l'article 136 du Code judiciaire et, en particulier, le dernier alinéa de celui-ci (qui vise les magistrats délégués et les attachés) subsistera dans sa rédaction actuelle.

Un autre membre souligne que la suppression du système des magistrats délégués ne pourra être envisagée que lorsque le cadre des référendaires sera au complet.

À la suite de cet échange de vues, M. Lallemand dépose un amendement visant à supprimer l'article 4 (cf. doc. Sénat nº 1-52/2, S.E. 1995, amendement nº 6).

Cet amendement est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

Article 5 (article 4 du texte adopté)

M. Lallemand dépose un amendement à cet article (cf. doc. Sénat nº 1-52/2, S.E. 1995, amendement nº 7).

Cet amendement et l'article amendé sont adoptés à l'unanimité des 8 membres présents.

Article 6 (article 5 du texte adopté)

Le Gouvernement dépose un amendement à cet article (cf. doc. Sénat nº 1-52/2, S.E. 1995, amendement nº 2).

Le ministre précise que le point A de l'amendement affine le système de désignation des membres du jury.

Le texte, tel qu'il est rédigé dans la proposition, pourrait être interprété en ce sens que le procureur général doit approuver la présentation du premier président et ce dernier la présentation du procureur général, formule qui ne semble pas devoir fonctionner correctement.

Le point B constitue, toutefois, l'élément essentiel de l'amendement. Il dispose notamment que le référendaire est nommé par le Roi.

Un membre se pose des questions au sujet de la logique à laquelle correspondrait l'ordre de succession des chapitres de la deuxième partie, livre Ier , titre VI, du Code judiciaire, si l'on faisait des articles 259quinquies à septies un nouveau chapitre Vter .

Il propose que l'on inscrive ces derniers articles au chapitre V.

Cela permettrait notamment de mettre en lumière la collaboration entre les divers éléments de la Cour.

La commission décide de ne pas retenir ces suggestions.

L'amendement gouvernemental est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

L'article amendé est adopté par 8 voix et 1 abstention.

Articles 7 à 16 (articles 6 à 15 du texte adopté)

Ces articles ne donnent lieu à aucune observation et sont adoptés à l'unanimité des 11 membres présents.

Article 17 (article 16 du texte adopté)

Le ministre rappelle l'observation qu'il a faite au sujet de la nécessité de prévoir une réglementation souple pour les matières visées à l'article 353bis proposé.

Il estime qu'il faudrait revoir les dispositions relatives à ces matières, aux divers endroits du Code judiciaire, chaque fois qu'il y est question de la politique du personnel.

L'article 17 est adopté à l'unanimité des 11 membres présents.

Article 18 (article 17 du texte adopté)

Un membre demande quelle est, en termes de traitement, la fonction de magistrat qui correspond à celle de référendaire.

Il craint, en effet, qu'il y ait un écart sensible entre le traitement des référendaires et celui de certaines catégories de magistrats.

Le ministre répond que le traitement des référendaires à la Cour de cassation correspond au traitement des référendaires au Conseil d'État.

Le ministre distribue également un tableau comparatif concernant la fonction de référendaire au Conseil d'État, à la Cour d'arbitrage et à la Cour de cassation (cf. annexe 1).

Un membre constate qu'un référendaire à la Cour de cassation a un traitement supérieur à celui d'un juge du tribunal de première instance.

Un autre intervenant rappelle que le législateur a adopté, au terme d'un long débat, un régime identique pour les référendaires à la Cour d'arbitrage, et ce afin de garantir la qualité des corps dont ils font partie.

Initialement, le traitement des référendaires à la Cour d'arbitrage était comparable à celui des substituts du procureur du Roi.

Un autre membre déclare qu'il veut profiter de l'occasion pour plaider une nouvelle fois en faveur de l'instauration du système de la carrière plane dans la magistrature.

Abstraction faite des « incitants » qui peuvent à certains niveaux s'avérer nécessaires pour les magistrats qui, à l'instar des juges d'instruction, effectuent un travail supplémentaire, l'intervenant estime que le traitement ne peut dépendre du lieu où ils statuent ou participent au prononcé d'un jugement.

L'intervenant fait référence au système italien dans lequel les juges de paix touchent un traitement supérieur à celui des conseillers à la Cour de cassation, simplement parce qu'ils ont plus d'ancienneté. Ce système semble bien fonctionner.

L'article 18 est adopté par 8 voix et 3 abstentions.

Article 19 (article 18 du texte adopté)

Cet article ne donne pas lieu à discussion.

Il est adopté à l'unanimité des 11 membres présents.

Article 20 (article 19 du texte adopté)

L'article est adopté par 9 voix et 2 abstentions.

Un membre justifie son abstention en déclarant qu'à son avis, le texte entraîne une discrimination par rapport aux conseillers de la Cour de cassation, qui peuvent siéger après l'âge de 65 ans.

Article 21 (article 20 du texte adopté)

Un membre demande quel est le type de contrôle que l'article 402bis proposé instaure (contrôle partiel, contrôle conjoint, ...).

On rappelle que certains référendaires sont attachés au parquet général et d'autres à la Cour.

Il est normal que le procureur général exerce un contrôle sur le premier groupe et le premier président sur le second groupe.

Le ministre ajoute que l'article 21 doit être interprété à la lumière de l'article 3 de la proposition de loi.

L'article 21 est adopté à l'unanimité des 11 membres présents.

Article 22 (article 21 du texte adopté)

Cet article ne donne lieu à aucune observation et est adopté à l'unanimité des 11 membres présents.

Article 23 (article 22 du texte adopté)

Le ministre constate que cet article définit le régime disciplinaire des référendaires et prévoit à cet effet un statut ad hoc en partant de l'idée que, puisque c'est la Cour qui procède aux nominations, c'est elle aussi qui intervient en matière disciplinaire et prononce les sanctions en la matière.

On peut se demander s'il ne serait pas plus logique d'appliquer les règles générales, puisque le texte amendé de la proposition de loi charge le Roi de nommer les référendaires.

Le ministre suggère donc de faire référence à la section 3 du chapitre II du titre V, livre II, deuxième partie, du Code judiciaire.

Un membre estime que le problème est plus complexe, la Cour d'arbitrage émettant déjà des objections à l'encontre de la procédure appliquée en matière disciplinaire aux greffiers.

De plus, il y a des directives de la Cour européenne concernant certaines mesures telles que la retenue de traitement, qui ne respectent pas nécessairement les règles de base de la C.E.D.H.

L'intervenant propose donc de suspendre la discussion de ce point afin de permettre au ministre de faire la comparaison avec le régime disciplinaire appliqué aux greffiers.

L'article 414bis proposé dispose, par exemple, que les référendaires doivent d'abord avoir été entendus ou dûment appelés, ce qui n'est pas le cas pour les greffiers.

Un autre membre réplique que ce n'est pas parce que le statut des greffiers demande à être amélioré que la discussion et le vote de cette proposition doivent être différés, d'autant que le régime disciplinaire proposé pour les référendaires est, par hypothèse, meilleur que celui des greffiers.

Le préopinant maintient qu'un problème se pose concernant la retenue de traitement, que la Cour européenne considère comme contraire à la C.E.D.H.

Un membre ajoute que, selon une jurisprudence constante du Conseil d'État, une sanction disciplinaire, qui serait un acte administratif, est soumise à sa juridiction. Cette thèse a notamment été développée dans l'affaire Reyniers. Tant qu'il n'y a pas de condamnation définitive, on peut, selon le Conseil d'État, suspendre l'exercice de la fonction, mais pas opérer de retenue de traitement.

En effet, cette dernière sanction préjugerait de la culpabilité de l'intéressé.

L'article 414bis proposé confère à la Cour de cassation une compétence disciplinaire à l'égard des référendaires.

La Cour ne se prononcera pas par voie d'arrêt, mais bien par voie de mesure administrative.

Si l'on suit l'interprétation du Conseil d'État, ce dernier serait donc compétent pour connaître de cette décision.

Une disposition légale qui prévoirait la possibilité d'opérer une retenue de traitement irait donc radicalement à l'encontre de cette jurisprudence du Conseil d'État.

L'intervenant plaide pour que quiconque exerce une fonction publique soit jugé le plus rapidement possible et pour qu'en attendant ce jugement, on n'applique pas de retenue de traitement.

Si la faute de l'agent a causé un dommage, la personne lésée peut toujours se constituer partie civile à une audience correctionnelle et réclamer une partie du salaire.

Le ministre déclare que l'ensemble de la problématique disciplinaire devra faire l'objet d'un débat auquel il s'intéresse également sur le plan politique, notamment en ce qui concerne la modernisation de la justice.

Indépendamment de cette question de principe, un problème concret se pose : faut-il prévoir un régime ad hoc pour les référendaires de la Cour de cassation ou faut-il renvoyer tout simplement aux règles générales énoncées dans le Code judiciaire ?

Le ministre se dit ouvert aux deux solutions, qui pourraient cependant toutes deux soulever des problèmes.

Une membre se prononce plutôt en faveur de l'application des règles générales aux référendaires, compte tenu de la nécessité d'une révision globale de la problématique disciplinaire.

De plus, il y a lieu de se demander si une retenue totale du salaire est légale.

Un autre membre suggère de supprimer la dernière phrase de l'article 414bis proposé. Une autre solution serait de supprimer uniquement le mot « total ».

Un autre membre estime que le texte proposé est, en tout cas, préférable à une référence au régime disciplinaire applicable aux greffiers.

La Cour d'arbitrage connaît d'ailleurs le même régime que celui prévu à l'article 414bis proposé.

L'article 23 est finalement adopté par 6 voix contre 2 et 2 abstentions.

Un membre demande au ministre s'il a l'intention, à l'avenir, d'instaurer le système des référendaires dans d'autres juridictions.

Personnellement, il est partisan d'une telle solution. Il plaide depuis longtemps pour faire des greffiers un corps purement administratif chargé du soutien logistique des juridictions et instituer en plus un corps de référendaires.

Le ministre répond que l'on pourrait débattre de ce point dans le cadre de la discussion de sa note de politique générale, dans laquelle il est question de la réorganisation globale de l'appareil judiciaire et de la revalorisation du personnel des greffes.

Pour l'instant, le ministre n'a pas l'intention d'introduire l'institution du référendaire jusqu'aux échelons les plus bas de l'appareil judiciaire.

Cela dépendra aussi de la manière dont on voudra répartir les choses entre le « management » et le travail juridique, répartition dont le ministre est partisan.

Il propose de faire d'abord des expériences au niveau des cours d'appel et de voir quelles leçons on peut tirer sur le plan d'une telle répartition.

Article 24 (article 23 du texte adopté)

Le Gouvernement présente un amendement (cf. doc. Sénat, nº 1-52/2, S.E. 1995, amendement nº 3).

Il est adopté à l'unanimité des 11 membres présents.

M. Erdman dépose également un amendement (doc. Sénat, nº 1-52/2, S.E. 1995, amendement nº 5).

Un membre rappelle la discussion antérieure sur l'application analogue du système de la Cour d'arbitrage à la Cour de cassation.

L'auteur de l'amendement répond que celui-ci ne se rapporte pas au débat antérieur, qui semble à présent tranché.

L'amendement se réfère certes à la procédure préalable de la Cour d'arbitrage qui prévoit deux modalités : sont soumis à cette procédure les recours en annulation ou les questions préjudicielles qui, soit sont manifestement irrecevables, soit ne relèvent manifestement pas de la compétence de la Cour (d'autres législations parlent d'un recours « manifestement non fondé »).

L'intervenant se demande quelle portée juridique on a voulu donner à l'expression « paraît s'imposer ».

Le rapporteur renvoie à la page 46 du premier rapport de la commission (doc. Sénat, 1993-1994, nº 948-2), où l'on peut trouver la discussion de ce point.

Le texte néerlandais était initialement rédigé comme suit : « Wanneer de beslissing in verband met het cassatieberoep geen problemen lijkt op te leveren. »

La commission a alors opté pour une autre formule, qui est effectivement plus large que celle de la Cour d'arbitrage, parce qu'elle ne veut pas exclure les cas où la cassation est évidente, en raison du fait que la décision de la cour d'appel est manifestement contraire à la loi.

Cette formule rejoint celle retenue, par exemple, en Allemagne et par le onzième Protocole de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Au vu de cette dernière explication, l'amendement est retiré.

Un membre fait remarquer que cette technique juridique est reprise du droit anglo-saxon, dans lequel la Supreme Court décide à cinq membres si l'affaire sera examinée ou non.

L'intervenant n'a pas d'objection à l'encontre de ce système; il espère toutefois que l'on retiendra également dans nos hautes juridictions le système de la dissenting opinion, qui prévaut dans le système anglo-saxon.

Le système de dissenting opinion permet, dans les cas semblables, de faire malgré tout examiner l'affaire ultérieurement par une chambre plénière, comme c'est notamment le cas pour la Supreme Court américaine.

Un membre fait remarquer que le système de la dissenting opinion exige une discussion générale et ne peut être instauré au niveau de la chambre restreinte créée par l'article 1105bis proposé.

Un membre ajoute qu'en cas de dissenting opinion en chambre restreinte, la proposition prévoit que l'affaire est automatiquement renvoyée à la chambre plénière.

L'article 24 est adopté à l'unanimité des 11 membres présents.

Article 25

Mme Milquet dépose un amendement tendant à supprimer cet article (cf. doc. Sénat, nº 1-52/2, S.E. 1995, amendement nº 4).

Subsidiairement, elle propose de ne conserver que le dernier alinéa de l'article.

Un membre fait remarquer que, dans certaines matières, par exemple le divorce, le pourvoi en matière civile est suspensif.

Un membre se déclare sensible à l'argumentation de Mme Milquet, parce que, en matière civile, il existe un filtre préalable, à savoir le mémoire obligatoire.

L'intervenant rappelle la question posée de savoir, lorsque l'avis de l'avocat de cassation est négatif et que le client demande malgré tout l'introduction du pourvoi, si l'avocat peut laisser paraître clairement dans son mémoire que c'est le client qui l'a demandé.

L'intervenant ne voit pas comment, dans ces conditions, un avocat introduirait un pourvoi en cassation, s'il sait a priori que son client court le risque d'être condamné pour cause de pourvoi téméraire et vexatoire.

Un autre membre se rallie aux arguments du préopinant et de l'auteur de l'amendement.

Il fait remarquer qu'il est question d'une « amende ».

Cela signifie-t-il que ce montant serait soumis aux décimes additionnels et multiplié par 200 ?

Il lui est répondu par la négative.

Un membre rejoint lui aussi l'argumentation développée dans l'amendement.

Il n'est pas partisan de la proposition subsidiaire de ne conserver que le dernier alinéa de l'article 25, puisque le défendeur peut toujours introduire une telle requête.

L'intervenant propose donc de supprimer l'ensemble de l'article.

La commission se rallie à cette suggestion, compte tenu du fait que la Cour s'estime d'ores et déjà compétente pour connaître d'une demande de dommages et intérêts pour cause de pourvoi téméraire ou vexatoire.

En conséquence, l'amendement est adopté à l'unanimité des 11 membres présents.

Article 26 (article 24 du texte adopté)

Cet article ne donne lieu à aucune observation et est adopté par les 11 membres présents.

Article 27 (article 25 du texte adopté)

Le ministre propose de remplacer respectivement, dans le texte néerlandais, les mots « zittende magistratuur » en « de staande magistratuur » par le mot « zetel » et les mots « het parket ».

Moyennant cette correction de texte, l'article est adopté à l'unanimité des 11 membres présents.

Article 28 (article 26 du texte adopté)

Cet article ne donne lieu à aucune remarque et est adopté à l'unanimité des 11 membres présents.

Article 29 (article 27 du texte adopté)

À la demande d'un membre, le ministre rappelle que le cadre est complété comme suit :

conseillers : + 5

avocats généraux : + 2

greffiers : + 1

commis-greffiers : + 1

Le ministre renvoie à sa remarque antérieure au sujet de la nécessité d'une évaluation, y compris à ce niveau.

L'article 29 est adopté à l'unanimité des 11 membres présents.

Articles 30 et 31 (articles 28 et 29 du texte adopté)

Ces articles ne donnent lieu à aucune observation et sont adoptés à l'unanimité des 11 membres présents.

V. VOTE FINAL

L'ensemble de la proposition de loi amendée a été adopté à l'unanimité des 11 membres présents.


Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 9 membres présents.

Le Rapporteur, Le Président,
Hugo VANDENBERGHE. Roger LALLEMAND.

ANNEXE


Voorwaarden
­
Conditions
Raad van State
­
Conseil d'État
Arbitragehof
­
Cour d'arbitrage
Hof van Cassatie
­
Cour de cassation
1) Leeftijd. ­ Âge 27 jaar. ­ 27 ans
(Wet, Raad van State, art. 71, § 1, 2e lid). ­ (Loi, Conseil d'État, art. 71, § 1er , alinéa 2)
25 jaar. ­ 25 ans
(Art. 36, wet van 6 januari 1989). ­ (Art. 36, loi du 6 janvier 1989)
30 jaar. ­ 30 ans
(Art. 4; 259quinquies ) (vergadering van de commissie : 25 jaar). ­ (Art. 4; 259quinquies) (réunion de la commission : 25 ans)
2) Diploma. ­ Diplôme Licentiaat/doktor in de rechten (Wet, Raad van State, art. 71, § 1, 2e lid). ­ Licencié/docteur en droit (Loi, Conseil d'État, art. 71, § 1er , alinéa 2) Licentiaat/doktor in de rechten (Art. 36, wet van 6 januari 1989). ­ Licencié/docteur en droit (Art. 36, loi du 6 janvier 1989) Licentiaat/doktor in de rechten (Art. 4; 259quinquies ). ­ Licencié/docteur en droit (Art. 4; 259quinquies)
3) Talenkennis. ­ Connaissances linguistiques Geen vereiste. ­ Aucune exigence Voldoende kennis van de tweede landstaal (Art. 35, wet van 6 januari 1989). ­ Connaissances suffisantes de la seconde langue nationale (Art. 35, loi du 6 janvier 1989) Bewijs van de kennis van de andere landstaal via bijzonder examen (Art. 32, 4e lid). ­ Justification de la connaissance de l'autre langue nationale par un examen spécial (Art. 32, alinéa 4)
4) Examen Vergelijkend examen (Wet, Raad van State, art. 71, § 1, 1e lid). ­ Concours (Loi, Conseil d'État, art. 71, § 1er , alinéa 1er ) Vergelijkend examen (Art. 37, wet van 6 januari 1989). ­ Concours (Art. 37, loi du 6 janvier 1989) Vergelijkend examen (Art. 4; 259quinquies ). ­ Concours (Art. 4; 259quinquies)
5) Stage Geen stage. ­ Pas de stage 3 jaar. ­ 3 ans
(Art. 38, wet van 6 januari 1989). ­ (Art. 38, loi du 6 janvier 1989)
3 jaar. ­ 3 ans
(Art. 4; 259sexies )
6) Ervaring. ­ Expérience 3 jaar nuttige beroepservaring (Wet, Raad van State, art. 71, § 1, 2e lid). ­ 3 ans d'expérience professionnelle utile (Loi, Conseil d'État, art. 71, § 1er , alinéa 2) Geen vereiste. ­ Aucune exigence Geen vereiste in wetsvoorstel
­ zelfs 30 jaar geeft geen garantie van ervaring
­ enkel wens in artikel 4 van de artikelsgewijze toelichting
Aucune exigence dans la proposition de loi
­ même l'âge (30 ans) ne donne aucune garantie en matière d'expérience
­ seul figure dans le commentaire des articles (art. 4) un souhait dans ce sens
Wedden
­
Salaires
Raad van State
­
Conseil d'État
Arbitragehof
­
Cour d'arbitrage
Hof van Cassatie
­
Cour de cassation
bezoldigingsregeling van toepassing op leden van het coördinatiebureau van de Raad van State. ­ régime pécuniaire applicable aux membres du bureau du coordination du Conseil d'État (in artikel 19 van artikelsgewijze toelichting wordt vermeld : hun wedde is gelijk aan die van de referendarissen bij het Arbitragehof). ­ (dans le commentaire des articles (art. 19), on lit : leur traitement est égal à celui des référendaires à la Cour d'arbitrage)
­ adjunct-referendaris. ­ référendaire adjoint ­ gedurende 3-jarige stage : bezoldigingsregeling van adjunct-referendarissen. ­ pendant le stage de 3 ans : régime pécuniaire applicable aux référendaires adjoints ­ gedurende 3-jarige stage. ­ pendant le stage de 3 ans
1 363 073 F 1 363 073 F 1 363 073 F
­ referendaris (na ten minste 2 jaar). ­ référendaire (après aux moins 2 ans) ­ 10 volgende jaren : bezoldigingsregeling van referendarissen. ­ pendant les 10 années suivantes : régime pécuniaire applicable aux référendaires ­ 10 volgende jaren. ­ pendant les 10 années suivantes
1 778 661 F 1 778 661 F 1 778 661 F
­ eerste referendaris. ­ premier référendaire ­ het 13e jaar volgend op de benoeming : bezoldigingsregeling van eerste referendarissen. ­ la 13e année suivant la nomination : régime pécuniaire applicable aux premiers référendaires ­ na het 13e jaar volgend op benoeming. ­ après la 13e année suivant la nomination
2 158 541 F 2 158 541 F 2 158 541 F
(Wet van 5 april 1955 inzake de wedden van ambtsdragers bij de Raad van State gewijzigd bij latere wetten). ­ (Loi du 5 avril 1955 relative aux traitements des titulaires d'une fonction au Conseil d'État, modifiée par des lois ultérieures) (Wet van 6 januari 1989 betreffende de wedden en pensioenen van de rechters, referendarissen en griffiers van het Arbitragehof : art. 1). ­ (Loi du 6 janvier 1989 relative aux traitements et pensions des juges, des référendaires et des greffiers de la Cour d'arbitrage (art. 1er ) (art. 19)