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30 AVRIL 1996
Proposition de loi modifiant la loi du 6 août 1931 établissant les incompatibilités et interdictions concernant les ministres, anciens ministres et ministres d'État ainsi que les membres et anciens membres des Chambres législatives
L'auteur des propositions déclare que celles-ci s'insèrent dans le contexte de la réforme de l'État de 1993. Dans le cadre de cette réforme, on a, à bon droit, instauré à différents niveaux de pouvoir une incompatibilité entre les fonctions législatives et les fonctions exécutives. Au niveau fédéral, l'article 50 de la Constitution prévoit l'impossibilité de siéger comme membre d'une des Chambres législatives tout en exerçant la fonction de ministre ou de secrétaire d'État du Gouvernement fédéral. De même, les Conseils de la Communauté française et de la Région wallonne et le Conseil flamand ont fait usage de la possibilité qui leur était ouverte par l'article 49, § 2, de la loi spéciale du 8 août 1980 pour instaurer la même incompatibilité à leur niveau.
Dans tous les cas, il a été prévu, comme au niveau fédéral, que dès que l'intéressé cesse de siéger comme ministre, il réintègre son assemblée et reprend ses fonctions de parlementaire.
Il se trouve que l'on a réglé la situation des parlementaires qui deviennent membre du gouvernement de l'entité dont relève leur assemblée (État fédéral, communauté ou région) mais pas celle des parlementaires qui deviennent ministre à un autre niveau (parlementaire fédéral devenant ministre communautaire ou régional ou membre d'un conseil devenant ministre fédéral).
Cette lacune est d'ailleurs à l'origine d'un certain nombre d'autres problèmes, par exemple, au niveau du dossier de pension des parlementaires qui sont dans ce dernier cas et qui doivent dès lors définitivement abandonner leur mandat parlementaire.
Cet état de choses ne semble pas se justifier. D'où l'initiative de déposer, avec d'autres, une proposition de loi spéciale.
La réforme de 1993 consiste fondamentalement à introduire dans notre législation la logique de la séparation des pouvoirs et l'interdiction de cumul de mandats à différents niveaux de pouvoir. Ces deux interdictions ne semblent pas devoir être absolues et radicales, mais fonctionnelles. Le système de remplacement temporaire l'illustre, tout comme le fait que le législateur n'a pas prévu une interdiction absolue, pour un parlementaire fédéral, d'accepter un mandat de ministre régional ou communautaire ou inversement.
La réforme n'est donc pas marquée par une séparation radicale des niveaux de pouvoir et, dès lors, il est indiqué de tendre à une certaine logique dans l'ensemble de la réforme en instaurant le système du remplacement temporaire, pour la durée de leur mandat ministériel, des parlementaires fédéraux qui deviennent ministre de communauté ou de région ou des membres des conseils qui deviennent ministre fédéral.
En ce faisant, on établirait en quelque sorte une symétrie dans les situations de façon à permettre de facto la rotation du personnel politique telle qu'elle fonctionne d'ailleurs in concreto à l'heure actuelle. Dans un pays comme le nôtre et compte tenu des interrelations qui existent entre le personnel politique et les différentes assemblées, il semble utile de le faire.
La proposition de loi spéciale tend donc à substituer une incompatibilité de fonction à l'incompatibilité absolue de mandat qui résulterait de la radicalisation du régime existant. Elle complète la loi existante prévoyant le retour du parlementaire concerné à son assemblée d'origine lorsque la source de l'incompatibilité a disparu.
La proposition de loi ordinaire règle l'application de la disposition insérée dans la loi spéciale. Il faut donc relever que, contrairement à ce que stipule l'article 1er de cette proposition, celle-ci relève de l'article 77 de la Constitution et donc du bicaméralisme intégral (art. 77, 3º). Elle vise à uniformiser les règles relatives à la désignation du remplaçant temporaire, en ce compris la disposition transitoire pour les membres d'un gouvernement démissionnaire.
Un membre constate que la proposition de loi spéciale revient sur des choix opérés lors de la révision de la Constitution de 1993.
Pour garantir l'indépendance du pouvoir législatif par rapport au pouvoir exécutif, l'on a, en 1993, prévu dans les différentes assemblées l'incompatibilité entre un mandat législatif et un mandat exécutif, tout en prévoyant la réintégration, dans son assemblée, du parlementaire devenu ministre mais qui cesse de l'être.
Toutefois, l'on a également opté, en 1993, pour des élections séparées pour la constitution du parlement fédéral et des parlements régionaux. Or, ce qu'on propose ici porte atteinte à la séparation entre les mandats (législatifs ou exécutifs) au niveau fédéral et les mandats (exécutifs ou législatifs) au niveau des régions ou des communautés. Cela revient incontestablement, dans une certaine mesure, à une forme de récupération de la structure fédérale mise en place par une approche unitaire.
Selon l'intervenant, ce qui est proposé est contraire à la logique de la structure normale d'un État fédéral, dans laquelle on opte, en tant que mandataire, pour un niveau de pouvoir déterminé et qui ne permet en aucun cas le cumul entre des fonctions ou des mandats exercés à deux niveaux différents. C'est en vain que l'on en chercherait un exemple dans un autre État fédéral.
On a déjà dérogé à cette logique fédérale dans notre pays en acceptant que celui qui pose sa candidature pour des élections à un niveau déterminé et fait donc savoir à l'électeur qu'il est candidat à l'exercice éventuel d'une responsabilité politique à ce niveau, assume après les élections une fonction à un autre niveau.
La confusion et la mystification dont est victime l'électeur s'aggraveront encore si l'on adopte les propositions, a fortiori, lorsque les élections pour les différents niveaux ne coïncideront plus. En effet, on se trouvera confronté au phénomène suivant : ou bien la personne qui a assumé une responsabilité politique se soumettra non pas à ceux à l'égard desquels elle l'a fait, mais à d'autres électeurs, ou bien un ministre fédéral, communautaire ou régional sanctionné à ce niveau par l'électeur pourra tout simplement récupérer son mandat parlementaire à l'autre niveau, comme si rien ne s'était passé. Cette situation est intolérable. Ou bien l'on opte pour un système fédéral et en accepte les conséquences, ou bien l'on y renonce.
Il est clair que si l'on s'engage dans la voie proposée, il en résultera fatalement des entremêlages, des calculs peu souhaitables, une valse de portefeuilles et de mandats. Est-ce cela ce que l'on veut ?
Finalement, le risque de voir disparaître tout lien ou toute cohérence entre les différentes assemblées est, dans notre système, contrecarré par la présence des sénateurs de communauté dont le rôle consiste justement à représenter leur communauté au sein du Parlement fédéral.
En ce qui concerne plus spécialement la proposition de loi spéciale, le membre fait encore observer que celle-ci ne prévoit rien pour les membres du Conseil de la Communauté germanophone. Ne devraient-ils être traités de la même façon que les membres des autres conseils ? D'autre part, il y aurait lieu de revoir et d'uniformiser les renvois contenus dans les différents articles. De même, la notion d'assemblée parlementaire n'est pas encore définie dans notre législation. Finalement, la rétroactivité qui est proposée ne constitue pas un exemple d'une bonne administration et est à proscrire, certainement pour une loi spéciale et pour la matière dont il s'agit.
Le membre et le groupe dont il fait partie ne peuvent donc en aucune façon se rallier à ce qui est proposé, ni quant au fond ni quant à la forme. Cela vaut aussi bien pour la proposition de loi spéciale que pour la proposition de loi ordinaire qui est son corollaire.
L'auteur de la proposition fait observer que déjà à l'heure actuelle, un parlementaire peut accepter une fonction à un niveau pour lequel il n'a pas élé élu. Par ailleurs, il n'y a pas d'interférence de pouvoirs puisque l'incompatibilité est de fonction. La réalité dans notre pays est qu'il y a une rotation continue du personnel politique entre les différents niveaux. Pour le reste, on ne modifie en rien les principes qui valent déjà à l'heure actuelle.
Un membre constate que l'on ca créer une nouvelle catégorie de sénateurs « provisoires ».
Un membre déclare que son groupe soutiendra les deux propositions qui s'inscrivent dans un ensemble de propositions soutenues par les différents groupes, même si on peut formuler des réserves quant au fond.
On se trouve en fait placé devant la situation où des mandataires élus au niveau fédéral deviennent membre d'un gouvernement de communauté ou de région, ou inversément. À terme, ce n'est certainement pas l'idéal. Dans une véritable construction ou conception fédérale, il est normal que l'on siège ou exerce le cas échéant un mandat exécutif au niveau de l'entité où l'on se présente aux élections. Si le groupe dont fait partie l'orateur soutiendra donc par loyauté les propositions pour régler les cas précis qui se sont posés, ce genre de situations devrait être évité l'avenir.
Un autre membre estime que la question présente deux aspects. En effet, on peut dire que dans notre système fédéral, les membres des Chambres fédérales représentent malgré tout, jusqu'à un certain point, aussi leur propre communauté, par exemple par le biais des goupes linguistiques, des majorités spéciales, etc. Il n'empêche que l'on doit chercher à respecter une certaine logique. Lorsque l'on prétend vouloir exercer des responsabilités à un niveau déterminé, il faut s'en tenir à son choix par souci de clarté démocratique et de légitimité. Cette dernière considération semble devoir être prépondérante.
L'un des coauteurs des propositions constate que d'aucuns veulent dresser des barrières dans l'un des cas, mais souhaitent par contre manifestement associer l'élection et la nomination en qualité de membre d'un Gouvernement. Certes, le hasard a voulu que les différentes élections et la formation des différents Gouvernements aient cette fois coïncidé, mais il n'en sera plus ainsi à l'avenir. En outre, on ne perdra pas de vue que le mode de composition du Gouvernement fédéral diffère du mode de composition des Gouvernements communautaires et régionaux. De plus, la nomination en qualité de membre du Gouvernement est indépendante de toute élection par le corps électoral. Des personnes n'ayant pas participé à quelqu'élection que ce soit peuvent faire partie du Gouvernement. De quel droit pourrait-on alors exclure cette possibilité pour celui qui aurait bel et bien participé à une élection, fût-ce à un autre niveau, voire à un autre moment ?
Article premier
Cet article ne donne lieu à aucune observation. Il est adopté à l'unanimité des 11 membres présents.
Article 2
MM. Boutmans et Daras déposent quatre amendements à cet article (amendements nºs 1 à 4).
L'auteur de la proposition demande le rejet du premier amendement, qui vise à supprimer le 3º du § 2 de l'article 24bis de la loi spéciale du 8 août 1980. Il lui semble indiqué de grouper en une seule disposition toutes les fonctions ou mandats qui sont incompatibles avec le mandat de membre d'un Conseil de communauté ou de région.
Par contre, il marque son accord sur le deuxième amendement, qui ferait débuter le § 2bis nouveau de l'article par les mots : « Nonobstant le § 2, 3º ». Cela semble effectivement être une précision utile.
L'auteur de la proposition plaide enfin pour le rejet des troisième et quatrième amendements. L'article 50 de la Constitution ne prévoit pas le moindre délai pour la prise de cours de l'incompatibilité entre un mandat parlementaire et une fonction ministérielle au niveau fédéral.
Il ne semble donc pas opportun de prévoir un délai lorsqu'un membre d'un Conseil devient ministre fédéral, comme le propose le troisième amendement. De même, la rédaction proposée par le quatrième amendement s'écarte de la rédaction actuelle de l'article 50 de la Constitution.
L'amendement nº 1 est rejeté par 10 voix contre 1.
L'amendement nº 2 est adopté par 9 voix contre 2. La commission décide également, par souci d'uniformité avec les autres articles de la proposition, d'insérer le mot « immédiatement » dans le texte proposé.
Les amendements nºs 3 et 4 sont tous deux rejetés à l'unanimité des 11 membres présents.
L'article amendé est adopté par 9 voix contre 2.
Article 2bis (nouveau)
L'amendement nº 5 de MM. Boutmans et Daras visant à insérer un article 2bis est rejeté par 11 voix et 1 abstention.
Article 3
MM. Boutmans et Daras déposent quatre amendements à cet article (amendements nºs 6 à 9). Ceux-ci ont le même objet que les amendements nºs 1 à 4 qu'ils ont déposés à l'article 2.
L'amendement nº 6 est rejeté par 10 voix et 2 abstentions.
L'amendement nº 7 est adopté par 9 voix contre 2 et 1 abstention.
Les amendements nºs 8 et 9 sont rejetés par 10 voix et 2 abstentions.
La commission décide unanimement de procéder à une correction de texte et de rédiger le début du § 4 proposé de l'article 59 de la loi spéciale du 8 août 1980 comme suit :
« Un membre de la Chambre des représentants ou un sénateur visé à l'article 67, § 1er , 1º, 2º, 5º, 6º et 7º, élu... »
L'article ainsi amendé et modifié est adopté par 9 voix contre 2 et 1 abstention.
Articles 4 et 5
MM. Boutmans et Daras proposent par voie d'amendement (amendement nº 10) un nouveau texte pour l'article 4, en remplacement des articles 4 et 5 de la proposition.
M. Lallemand en fait de même (amendement nº 19).
Ce dernier déclare pouvoir comprendre les objections soulevées par MM. Boutmans et Daras à l'encontre du texte initial. Le texte unique qu'ils proposent en remplacement des articles 4 et 5 est effectivement plus clair. Le texte que lui-même propose dans son amendement s'inspire dès lors du texte de MM. Boutmans et Daras, mais est plus conforme à la rédaction des articles 2 et 3 tels que ceux-ci ont été adoptés.
L'amendement nº 19 est adopté par 9 voix et 3 abstentions, moyennant l'insertion du mot « immédiatement » au premier alinéa du § 3 proposé (voir la discussion de l'article 2).
L'amendement nº 10 devient dès lors sans objet.
Un membre souligne que, s'il s'est abstenu au vote, c'est parce que le texte de l'amendement n'avait été disponible que tardivement et dans une seule langue.
L'amendement nº 11 de MM. Boutmans et Daras, qui a le même objet que les amendements nºs 2 et 7 (voir ci-dessus), est adopté par 9 voix contre 2 et 1 abstention.
L'amendement nº 12 de MM. Boutmans et Daras et l'amendement nº 16 de MM. Lallemand et Erdman deviennent sans objet à la suite de l'adoption de l'amendement nº 19.
Article 5bis (nouveau)
L'amendement nº 13 de MM. Boutmans et Daras visant à insérer un article 5bis est rejeté par 8 voix et 4 abstentions.
Article 6
L'article 6 de la proposition comporte une disposition transitoire.
MM. Boutmans et Daras proposent, par voie d'amendement (amendement nº 14), un nouveau texte pour celle-ci.
MM. Lallemand et Erdman proposent, quant à eux, de supprimer complètement la disposition transitoire (amendement nº 17), de sorte que la loi n'ait pas d'effet rétroactif.
L'amendement nº 17 est adopté par 9 voix et 3 abstentions.
L'amendement nº 14 devient dès lors sans objet.
MM. Lallemand et Erdman proposent ensuite, par l'amendement nº 18, un nouvel article 6, réglant la situation d'un membre d'une des deux Chambres législatives élu membre du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, problème que la proposition initiale n'envisageait pas. L'amendement est adopté par 9 voix contre 2 et 1 abstention.
Article 7 (nouveau)
L'amendement nº 15 de MM. Boutmans et Daras visant à compléter la proposition par un article 7 est rejeté par 11 voix et 1 abstention.
Vote sur l'ensemble
L'ensemble de la proposition amendée a été adoptée par 9 voix contre 2 et 1 abstention.
2. Proposition de loi nº 191/1
Article premier
M. Lallemand rappelle que la proposition règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution, et non pas à l'article 78 comme l'article 1er le mentionne erronément.
Par conséquent, les amendements nºs 1 de MM. Boutmans et Daras et 4 de M. Lallemand, qui visent à rectifier cette erreur matérielle, sont adoptés à l'unanimité des 12 membres présents.
Article 2
M. Lallemand propose de remplacer cet article par un nouveau texte (amendement nº 5). Il convient en effet de dire dans le texte que les secrétaires d'État régionaux ne sont pas membres du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale et que les membres des Gouvernements régionaux et communautaires sont élus et non pas nommés.
L'amendement est adopté par 9 voix contre 2 et 1 abstention.
L'amendement nº 2 de MM. Boutmans et Daras visant à compléter l'article 2 proposé est rejeté par 11 voix et 1 abstention.
Articles 3 et 4 (nouveaux)
MM. Boutmans et Daras proposent de compléter la proposition par un article concernant l'entrée en vigueur et par une disposition transitoire (amendement nº 3).
L'auteur de la proposition fait référence à la suppression des dispositions correspondantes dans la proposition nº 1-190/1 et demande que l'amendement soit rejeté.
Celui-ci est rejeté par 11 voix et 1 abstention.
Vote sur l'ensemble
L'ensemble de la proposition amendée a été adopté par 9 voix contre 2 et 1 abstention.
Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité.
Le Rapporteur,
Robert HOTYAT. |
Le Président,
Frank SWAELEN. |