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Sénat de Belgique

SESSION DE 1996-1997

14 DÉCEMBRE 1996


Proposition de loi insérant un article 61bis dans le Code d'instruction criminelle


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE LA JUSTICE PAR M. DESMEDT


SOMMAIRE


  1. Procédure
  2. Exposé introductif de l'auteur de la proposition
  3. Discussion générale
    1. Considérations sur la procédure
    2. Point de vue du ministre
    3. Observations sur la portée et l'application de l'article 61bis proposé
  4. Discussion des articles
  5. Vote sur l'ensemble
  6. Texte adopté par la commission

La commission de la Justice a examiné la présente proposition de loi au cours de ses réunions des 22 et 23 octobre, 20 et 27 novembre et 3 et 14 décembre 1996.

I. Procédure

Le ministre s'étonne de la décision de la commission d'entamer l'examen de la présente proposition alors que le Conseil d'État vient d'émettre son avis, officieux il est vrai, sur l'avant-projet de loi relative à l'amélioration de la procédure pénale au stade de l'information et de l'instruction, rédigé à la demande du Gouvernement par la commission pour le droit de la procédure pénale (la commission dite Franchimont) (1).

Cette démarche risque de compliquer le travail parlementaire étant donné que la proposition de M. Erdman et l'avant-projet du Gouvernement font double emploi en ce qui concerne le droit de consulter le dossier répressif.

En effet, le Gouvernement a déclaré à plusieurs reprises que le projet de loi relative à l'amélioration de la procédure pénale au stade de l'information et de l'instruction serait déposé à la Chambre des représentants tandis que le projet de loi instituant le collège des procureurs généraux et créant la fonction de magistrat fédéral serait examiné par le Sénat. Ce dernier projet a d'ailleurs été déposé au Sénat le 26 octobre 1996 (Doc. Parl., Sénat, 1996-1997, nº 1-447/1).

Après son adaptation aux observations du Conseil d'État, le projet de loi concernant la procédure pénale sera déposé à la Chambre vers la mi-novembre.

Considérant que la proposition de loi de M. Erdman et consorts porte sur un des articles-clé du projet concernant la procédure pénale, à savoir le droit de consulter le dossier répressif, la décision de la commission d'examiner cette problématique en dehors de la réforme globale proposée par le Gouvernement, présente de sérieux inconvénients.

Pour ces raisons, le Gouvernement propose de reporter l'examen de la proposition de M. Erdman et consorts et de traiter la problématique lors de l'examen de son projet à la Chambre.

Le président fait observer que la commission a décidé à l'unanimité d'entamer l'examen de la proposition de M. Erdman et consorts au motif que l'ampleur du projet du Gouvernement nécessitera un examen de longue durée. L'incertitude quant à la durée de cet examen justifie que l'on ne retarde pas la discussion de la proposition de M. Erdman et consorts.

II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE L'AUTEUR DE LA PROPOSITION

La proposition de loi à l'examen s'inspire des conclusions et des propositions de la Commission d'enquête parlementaire de la Chambre des représentants, chargée d'examiner la manière dont la lutte contre le banditisme et le terrorisme est organisée (cf. rapport de la Commission d'enquête, Doc. Parl., Chambre, 1988, nº 59/8-10).

En ce qui concerne le ministère public, l'on a formulé la proposition suivante : d'un point de vue général, toutes les parties concernées par une instruction (inculpé, victime, plaignant et partie civile) devraient être régulièrement informées de l'évolution du dossier, et plus précisément des mesures et des décisions qui peuvent être communiquées (cf. op. cit., p. 378).

Pour ce qui est du juge d'instruction, l'on a proposé que la défense et la partie civile puissent demander l'exécution de certains devoirs au juge d'instruction. Ce dernier devrait répondre à une telle demande par une ordonnance motivée (cf. op. cit., p. 379).

Ces propositions ont été accueillies favorablement pour deux raisons.

Tout d'abord, l'on a accepté le principe selon lequel les parties à un procès doivent disposer d'armes égales dans leur lutte juridique.

En l'état actuel de notre droit, le ministère public occupe une position dominante par rapport au juge d'instruction. Le parquet peut requérir le juge d'instruction de poser certains actes d'instruction. Si ce dernier refuse de donner suite à la réquisition, un recours est possible auprès de la chambre des mises en accusation.

Ensuite, l'on était déjà convaincu à l'époque de la nécessité, qui est aujourd'hui tout à fait d'actualité, de mettre l'inculpé et la victime sur un pied d'égalité, et en particulier, de la nécessité d'accorder la possibilité à la partie civile, c'est-à-dire la victime ou son ayant droit, d'intervenir dans les différentes phases de la procédure pénale.

La proposition de loi à l'examen a un double objectif :

a) Tout d'abord, l'inculpé et la partie civile pourront demander au juge d'instruction d'avoir accès au dossier judiciaire qui les concerne. En outre, ils pourront lui demander d'obtenir copie de leurs propres déclarations faites au cours de l'enquête.

Vu les critiques sévères qui ont été formulées à l'encontre des autorités judiciaires à propos de la manière laxiste et inefficace dont différentes instructions judiciaires ont été menées et, en particulier, le refus d'informer les parents d'enfants disparus ou assassinés au cours de l'instruction judiciaire, cet objectif est considéré généralement comme une priorité.

Comment le droit de consulter le dossier est-il actuellement réglé ?

En ce qui concerne l'inculpé, il faut faire une distinction selon qu'il se trouve en détention préventive ou non.

L'inculpé qui est en état d'arrestation, ainsi que son conseil, peuvent prendre connaissance du dossier chaque fois que le premier doit comparaître devant la chambre du conseil qui statue sur son maintien ou non en détention préventive.

L'inculpé qui n'est pas en état d'arrestation, par contre, ne peut prendre connaissance du dossier judiciaire que lorsqu'il doit comparaître devant la chambre du conseil en vue du règlement de la procédure, c'est-à-dire une fois l'instruction judiciaire clôturée. Il est victime en l'espèce d'une double discrimination par rapport à l'inculpé en état d'arrestation et au parquet qui, eux, peuvent consulter le dossier à tout moment.

Pour ce qui est de la partie civile, on applique les mêmes règles que celles valables pour les inculpés qui ne sont pas en état d'arrestation.

La victime qui ne s'est pas constituée partie civile est privée du droit d'accès au dossier, à moins que le procureur général n'en autorise l'accès en application de l'article 125 de l'arrêté royal du 28 décembre 1950 portant règlement sur les frais de justice en matière répressive.

L'aperçu qui précède montre clairement qu'il n'existe aucune égalité de moyens entre les parties au procès.

C'est pourquoi il est proposé que tant les inculpés qui ne sont pas en état d'arrestation que la partie civile puissent demander à intervalles réguliers au juge d'instruction de pouvoir prendre connaissance du dossier judiciaire. Pour éviter que l'instruction judiciaire ne subisse des retards, cette demande ne peut être introduite qu'après l'expiration d'un délai d'un mois, pour l'inculpé, à compter de l'inculpation, et pour la partie civile, à compter de sa constitution. La demande ne pourra être renouvelée qu'après l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la dernière décision définitive sur une demande similaire.

Une différence importante avec la procédure en matière de maintien en détention préventive, où l'inculpé a accès à l'ensemble du dossier, réside dans la possibilité, pour le juge d'instruction, d'ôter certaines pièces du dossier. La restriction apportée au droit de consultation se justifie par la nécessité de préserver le caractère secret et le déroulement efficace de l'instruction judiciaire.

b) L'inculpé et la partie civile peuvent demander au juge d'instruction d'accomplir un acte d'instruction complémentaire.

En soi, le droit de consultation ne représente en effet pas grand-chose s'il n'est pas conçu de manière fonctionnelle et adéquate. En prenant connaissance du dossier, les parties concernées peuvent aider à la conduite de l'instruction judiciaire en demandant des actes d'instruction complémentaires, tant à charge qu'à décharge. Si ces actes d'instruction n'étaient accomplis qu'à la fin de l'instruction, à la suite de questions posées lors du règlement de la procédure, ils n'auraient sans doute que peu ou pas d'utilité.

En pratique, un juge d'instruction consciencieux accomplira, selon toute probabilité, les actes d'instruction appropriés dès qu'il obtiendra des indications ou informations nécessaires à cet effet en cours d'instruction. Le désavantage de cette procédure est que les juges d'instruction disposent, en la matière, d'une compétence d'appréciation exclusive, sans préjudice du droit dont bénéficie le ministère public d'introduire un recours contre une décision contraire du juge d'instruction qui refuse de donner suite à la demande du ministère public d'accomplir certains actes d'instruction.

C'est pourquoi il est proposé, qu'à l'instar du ministère public, l'inculpé et la partie civile puissent également demander au juge d'instruction d'accomplir des actes d'instruction complémentaires. Si ce dernier ne satisfait pas à leur demande, ils peuvent également interjeter appel.

Enfin, il convient de s'arrêter un moment à la genèse de la proposition de loi à l'examen.

L'objectif d'accorder à l'inculpé et à la partie civile un droit de regard dans le dossier judiciaire a déjà été formulé par l'auteur dans les propositions de loi qu'il a déposées successivement les 26 mars 1991 et 29 janvier 1992 (cf. Doc. Sénat, 1990-1991, 1285-1 et S.E. 1991-1992, 118-1).

Le fait que des sénateurs, tant de la majorité que de l'opposition, ont chaque fois cosigné ladite proposition témoigne du large consensus qui existe à ce propos.

C'est une des raisons pour lesquelles la Commission pour le droit de la procédure pénale (la Commission « Franchimont ») a intégré la proposition, moyennant quelques modifications, dans son avant-projet de loi relative à l'amélioration de la procédure pénale au stade de l'information et de l'instruction.

Dans son premier rapport concernant cet avant-projet de loi, la commission a d'ailleurs dit clairement que l'article 61bis du Code d'instruction criminelle qu'elle propose et qui concerne le droit de regard de l'inculpé et de la partie civile « s'est principalement inspiré de la proposition de loi du sénateur Erdman du 26 mars 1991 » (Commission pour le droit de la procédure pénale, rapport de la commission sur l'avant-projet de loi relative à l'amélioration de la procédure pénale au stade de l'information et de l'instruction, Maklu/Éd. Collection scientifique de la Faculté de droit de Liège, 1994, page 43).

De cette façon, le droit de regard a été incorporé dans une réforme approfondie de l'information et de l'instruction.

Il convient cependant de nuancer la remarque selon laquelle le droit de regard constitue un des points clé de cette réforme et ne peut dès lors en être dissocié.

En effet, l'avant-projet de loi élaboré par la Commission Franchimont concerne principalement l'organisation légale de l'information et de l'instruction. Le droit de prendre connaissance du dossier judiciaire, dont dispose l'inculpé et la partie civile, en constitue certes un aspect important, mais qui n'est pas de nature telle qu'il ne puisse pas faire l'objet d'un examen distinct.

La réforme proposée par la Commission Franchimont d'une partie importante du droit de la procédure pénale a fait l'objet d'une discussion au cours d'un colloque qui s'est tenu le 26 mai 1994. Les critiques parfois violentes que l'avant-projet de loi a suscitées ont amené la commission à réexaminer son premier rapport. « Les grandes orientations ont été maintenues, mais d'importantes adaptations ont été apportées. Il s'agit de réformes ponctuelles, mais néanmoins fondamentales. » (Commission pour le droit de la procédure pénale, Réforme de la procédure pénale, avant-projet de loi relative à l'amélioration de la procédure pénale au stade de l'information et de l'instruction, remanié après consultations (1995), Maklu/Éditions Collection scientifique de la Faculté de Droit de Liège, 1995, p. II).

En ce qui concerne spécifiquement le droit de regard, cette révision a eu pour conséquence de réduire la portée de la réglementation proposée à l'origine.

C'est ainsi que l'inculpé et la partie civile sont privés de la possibilité d'interjeter appel contre la décision du juge d'instruction qui refuse de donner suite à la demande de consulter le dossier judiciaire (art. 61ter , § 5, C.I.C.) (cf. op cit., p. 123).

On désire de cette manière éviter les effets dilatoires exagérés et l'accumulation de recours qui pourrait en résulter. Étant donné que l'ordonnance du juge d'instruction doit être motivée, le requérant pourra, en cas d'abus du juge d'instruction, contester l'ordonnance au moment du règlement de la procédure et devant les juridictions de fond, sur base d'une violation éventuelle des droits de la défense.

En tant qu'auteur de la proposition de loi qui se trouvait à la base de l'article précité, l'intervenant ne peut pas accepter le texte précité. Étant donné que le ministère public continue à bénéficier de la possibilité d'interjeter appel sans aucune restriction, la modification proposée porte atteinte au principe de l'égalité des armes. L'on peut se demander si la Cour d'arbitrage ne considérerait pas que cette inégalité constitue une violation du principe d'égalité et de non-discrimination, visé aux articles 10 et 11 de la Constitution.

La jurisprudence de la Cour nous laisse supposer que sa réponse sera affirmative. L'on peut renvoyer, à cet égard, à l'arrêt nº 82/94 du 1er décembre 1994, aux termes duquel l'article 135 du C.I.C. viole les règles établies par les articles 10 et 11 de la Constitution dans la mesure où, lu en combinaison avec l'article 539 du même Code, il limite le recours offert à l'inculpé contre une ordonnance de renvoi aux seules exceptions d'incompétence, alors que cette limitation n'est pas applicable au ministère public et à la partie civile lorsqu'ils interjettent appel d'une ordonnance de non-lieu fondée sur l'irrégularité d'une mesure d'instruction (cf. Cour d'arbitrage, 1er décembre 1994, nº 82/94, R.W., 1994-1995, p. 1224-1227, avec note de R. Declercq, ainsi que l'arrêt nº 22/95 du 2 mars 1995).

L'intervenant déclare en outre que l'on peut réduire à néant l'argument invoqué des effets dilatoires en précisant que l'appel contre un refus du juge d'instruction suspend la prescription.

La possibilité dont disposent l'inculpé et la partie civile d'interjeter appel suscite une deuxième objection, selon laquelle l'accumulation des recours entraînerait une surcharge de la chambre des mises en accusation.

Cet argument est démenti par les faits mêmes. En effet, l'expérience a montré que toute législation nouvelle donne lieu, dans un premier temps, à une vague de contestations. Au fil des ans, l'utilisation des voies de recours se raréfie à mesure que l'on élabore une jurisprudence constante sur l'interprétation et l'application de la réglementation concernée.

Pour conclure, l'auteur de la proposition souligne qu'en cette période difficile pour la justice, la population attend une réponse à deux questions fondamentales.

Elle souhaite d'abord que l'auteur des délits et la victime soient traités sur un pied d'égalité. La proposition de loi à l'examen répond à cette demande. L'égalité de moyens s'applique en effet à toutes les parties de la procédure pénale, à savoir l'inculpé, la partie civile et le ministère public.

La population en général et les parents des petites filles disparues en particulier se plaignent aussi fréquemment du fait qu'à aucun moment, ils n'ont été autorisés à consulter le dossier judiciaire et qu'ils n'ont jamais eu l'occasion d'émettre des suggestions concernant le déroulement de l'instruction, par exemple en vue de faire accomplir certains actes d'instruction.

La proposition de loi comble là encore une lacune de notre législation.

Il a déjà été souligné que la loi proposée tire sa ratio des conclusions rédigées en 1988 par la commission d'enquête de la Chambre chargée d'enquêter sur la manière dont la lutte contre le banditisme et le terrorisme est organisée (cf. supra ).

À l'époque déjà, les familles des victimes des « tueurs du Brabant » avaient exprimé le désir d'être associées plus étroitement à l'instruction. Ce n'était pas la première fois qu'étaient formulées de telles demandes, mais l'affaire avait alors ému l'opinion publique à un point tel que la commission sur le banditisme a jugé utile d'indiquer, dans ses conclusions, qu'il fallait répondre à ces souhaits en modifiant la législation.

Le fait que les parents des petites filles assassinées dans l'affaire Dutroux ont à nouveau incriminé l'appareil judiciaire parce qu'il les avait complètement tenus à l'écart de l'instruction, constitue un signal qui montre clairement que l'on ne peut plus reporter une initiative législative en la matière.

Il est donc du devoir du Sénat de trouver, le plus rapidement possible, en partant de la présente proposition de loi, une réponse appropriée à la demande de la population visant à accorder, aux victimes d'infractions ou à leurs ayants droit, le droit de consulter le dossier d'instruction.

Compte tenu de cette perspective, il n'apparaît pas souhaitable d'attendre le projet de loi du Gouvernement relatif à l'enquête préliminaire et à l'instruction judiciaire.

En premier lieu, il faut encore adopter l'avant-projet de la commission Franchimont aux observations du Conseil d'État. En second lieu, la complexité de ce futur projet de loi fera que le Parlement, lui aussi, mettra un certain temps à l'examiner.

III. DISCUSSION GÉNÉRALE

A. Considérations sur la procédure

Le président se rallie à la décision de la commission d'examiner sans tergiverser la présente proposition, à moins que le Gouvernement n'accepte que l'avant-projet de la commission Franchimont, après avoir été modifié en fonction des observations du Conseil d'État, soit déposé comme projet au Sénat. Dans ce cas, la commission de la Justice serait disposée à y donner la priorité absolue.

En effet, le Gouvernement doit se rendre compte que l'ordre du jour surchargé de la commission de la Justice de la Chambre, dont la plupart des membres siègent en outre dans diverses commissions d'enquête parlementaire, ne lui permettra pas de terminer à court terme l'examen approfondi d'un projet d'une telle ampleur.

Au cas où la présente proposition serait adoptée par le Sénat avant que l'examen du projet de loi relatif à la procédure pénale ne soit achevé à la Chambre, elle pourrait y servir comme document de travail.

Concernant la remarque faite par l'auteur de la proposition de loi qui estime que sa proposition est inspirée des conclusions de la commission sur le banditisme de 1988, un commissaire signale que la problématique du droit de consultation de l'inculpé et de la partie civile a déjà été évoquée bien plus tôt.

Il ressort des commentaires de la commission Franchimont sur l'article 61bis C.I.C. qu'elle propose, que le projet de loi Van den Heuvel de 1902 proposait déjà d'accorder, à l'inculpé et à la partie civile, le droit de prendre connaissance des pièces du dossier d'instruction (commission pour le Droit de la procédure pénale, Rapport de la commission sur l'avant-projet de loi relative à l'amélioration de la procédure pénale au stade de l'information et de l'instruction, Éd. Collection scientifique de la Faculté de droit de Liège, Maklu, 1994, p. 42-43).

L'intervenant est d'avis qu'à une époque où l'appareil judiciaire fait l'objet de vives critiques, il y a lieu de prendre des mesures qui soient de nature à restaurer la confiance. La proposition de loi à l'examen est une excellente occasion de le faire.

Le fait que les articles 61bis (version 1994) ou 61ter (version 1995) proposés par la présente proposition de loi et par la commission Franchimont soient très similaires, constitue à cet égard un avantage.

Le membre juge que le Gouvernement a tort de craindre que l'examen de la présente proposition de loi ne nuise au projet de loi qui sera déposé sur la base de l'avant-projet de la commission Franchimont. La proposition de loi à l'examen permet de répondre très rapidement à une demande très répandue qui fait l'objet d'un large consensus.

En examinant la loi proposée, le Sénat émettra un signal qui indiquera que les exigences formulées à l'occasion de la Marche blanche ont été entendues.

Il s'agit dès lors d'adopter une méthode de travail rapide, ce que l'opinion publique appréciera certainement. Une telle méthode n'hypothèque nullement le scénario de l'examen, par la Chambre, de l'avant-projet de loi Franchimont que le Gouvernement doit encore déposer.

Si le Sénat devait adopter la proposition de loi de M. Erdman, la Chambre pourrait, soit l'intégrer dans le projet de loi Franchimont si le Gouvernement l'a déjà déposé, soit l'examiner séparément s'il ne l'a pas encore fait.

Quant au fond, l'intervenant déclare approuver entièrement la loi proposée, et ce non seulement parce qu'elle instaure le droit de consultation du dossier pour la partie civile et l'inculpé, mais aussi parce qu'elle permet de requérir des actes d'instruction complémentaires.

L'enquête menée par la commission sur le banditisme a montré que l'une des principales frustrations éprouvées par les parties civiles était qu'elles ne disposaient d'aucune voie de recours pour demander que l'on suive certaines pistes dans le cadre de l'instruction.

Dans la pratique, les conseils des parties civiles écrivent au procureur du Roi pour lui demander de vérifier certaines pistes ou pour lui soumettre des informations nouvelles pour vérification. Ces demandes sont généralement suivies d'effet, mais les intéressés ne disposent d'aucune sécurité juridique à ce sujet. Ils ne savent pas quels sont les actes d'instruction qui sont accomplis et ignorent de quelle manière sont traitées les informations qu'ils communiquent.

Bref, il leur manque les instruments juridiques nécessaires pour suivre le déroulement de l'instruction et, éventuellement, le corriger.

Le rapporteur se rallie à ces observations.

Quant à la synchronisation de l'examen de la présente proposition par le Sénat et de celui du projet de loi Franchimont par la Chambre, il se réfère au communiqué du conseil des ministres du 22 octobre 1996 selon lequel « fin novembre, début décembre au plus tard, un conclave ministériel spécial prendra des décisions concernant notamment la procédure pénale (projet de loi Franchimont) avec une attention particulière pour un meilleur équilibre entre les positions respectives de la victime et de l'accusé ».

Cela signifie que l'élaboration définitive du projet de loi Franchimont par le Gouvernement ainsi que son examen par la Chambre entraîneront un parcours législatif qui ne sera pas terminé avant six mois.

Dans ces circonstances, l'intervenant se déclare partisan d'un examen rapide et approfondi de la proposition de M. Erdman, qui répond aux besoins de l'opinion publique. Vu la date à laquelle cette proposition a été déposée pour la première fois, à savoir le 26 mars 1991, il déplore que l'ordre du jour trop chargé de la commission de la Justice ainsi que le fait que trop d'initiatives législatives parlementaires traînent anormalement, aient retardé son examen.

Si la présente proposition est adoptée par le Sénat dans un délai raisonnable, le projet pourra facilement être intégré dans l'examen global du projet de loi Franchimont.

En effet, à part la question du recours contre la décision du juge d'instruction, les deux textes sont proches l'un de l'autre.

En ce qui concerne ce recours, l'intervenant estime que l'argumentation de l'auteur de la proposition, basée sur la jurisprudence de la Cour d'arbitrage, est plus que convaincante et justifie, contrairement à ce que prévoit l'avant-projet de loi-Franchimont, amplement le maintien du recours.

Un autre membre souscrit à la remarque qu'il est indispensable, en cette matière, de donner un signal à la population.

Quand on constate que la présente proposition a déjà été déposée en 1991, sans qu'elle ait jamais fait l'objet d'un débat, on se sent coupable de ne pas avoir mené à bien une telle proposition qui, faut-il le rappeler, trouve son origine dans les crimes perpétrés par « les tueurs du Brabant-wallon ».

En ce moment, on se trouve à nouveau confronté aux mêmes attentes auxquelles on n'a pas répondu entre-temps. Dans cette perspective, il importe d'entamer sans délai l'examen de la présente proposition.

Après cet échange de vues, la commission maintient sa décision d'examiner la présente proposition.

Il appartiendra à la Chambre des représentants de décider si cette proposition, après son adoption par le Sénat, sera intégrée ou non dans le projet de loi-Franchimont.

B. Point de vue du ministre

Le ministre déclare que le Gouvernement prêtera sa collaboration entière à l'examen de la proposition qui, sur le fond, ne soulève aucune objection.

Quant au retard encouru dans l'élaboration définitive du projet de loi-Franchimont, il rappelle que l'avant-projet, rédigé par la commission pour le droit de la procédure pénale, a déjà été soumis au Conseil d'État par le Gouvernement précédent.

Étant donné qu'un délai d'un an et demi s'est écoulé avant qu'un avis officieux ne soit émis, il ne faut pas attribuer le retard qu'a subi ce projet au présent Gouvernement. Dans ces circonstances, il va de soi que le Gouvernement souhaite avancer le plus vite possible.

En ce qui concerne le contenu de la proposition, le ministre fait observer qu'une des objections formulées contre la procédure proposée portait sur le droit de l'inculpé et de la partie civile d'interjeter appel contre la décision du juge d'instruction refusant la communication du dossier.

Il rappelle que la première version de l'avant-projet de loi-Franchimont de 1994 avait été critiquée par des magistrats et des praticiens en raison de la multiplication des appels. Ils estimaient que confronté à ces appels, le juge d'instruction ne serait plus en mesure de mener à bien un dossier à l'instruction.

Bien que cette crainte des magistrats et praticiens soit probablement exagérée, il y a tout de même lieu de chercher la juste mesure en ce sens que chaque fois que le juge d'instruction prend une mesure, il convient de veiller à la praticabilité de la procédure.

En tout cas, le Gouvernement marque son accord sur la possibilité d'un appel contre la décision du juge d'instruction qui refuserait à l'inculpé et la partie civile de consulter le dossier judiciaire les concernant. Sinon, comme vient de l'indiquer le Conseil d'État dans son avis officieux sur l'avant-projet de loi-Franchimont, les droits de la partie civile ne seraient pas suffisamment garantis.

C. Observations sur la portée et l'application de l'article 61bis proposé

Un membre se demande si le pourvoi en cassation est vraiment indispensable pour résoudre une question de fait. Ce recours supplémentaire ne risque-t-il pas d'alourdir et de prolonger l'instruction ?

Une autre remarque porte sur la disposition selon laquelle, en cas de décision favorable, le dossier est mis à la disposition du requérant et de son conseil pendant au moins deux jours ouvrables (nouvel art. 61bis, § 3, deuxième alinéa, du Code d'instruction criminelle).

L'intervenant souhaite connaître la pratique actuelle en ce qui concerne la délivrance de copies de documents du dossier judiciaire. Par exemple, le procureur du Roi et le juge d'instruction disposent-ils d'une copie de l'ensemble du dossier ?

En effet, une des objections majeures à la proposition concerne l'hypothèse où vingt parties civiles demandent de pouvoir consulter le dossier pendant deux jours. Il est inacceptable du point de vue d'une bonne administration de la justice que faute de copie, le juge d'instruction soit amené à arrêter son enquête parce que le dossier est mis à la disposition des parties civiles et de leurs conseils. Afin de ne pas paralyser l'instruction, on devrait l'autoriser à disposer d'une copie sans valeur officielle, ce qui lui permettrait de poursuivre ses investigations.

Le ministre confirme que lorsqu'un dossier judiciaire est mis à la disposition de l'inculpé ou de la partie civile, les juges d'instruction ont pris l'habitude d'en garder une copie.

Pour ce qui est du pourvoi en cassation, l'auteur déclare que s'il a inclus cette voie de recours dans sa proposition, c'est parce que le ministère public dispose d'un recours identique lorsque le juge d'instruction refuse d'accéder à sa demande d'effectuer un acte d'instruction complémentaire et que la chambre des mises en accusation a rejeté son recours.

Comme la Cour de cassation se prononce exclusivement sur des points de droit, le pourvoi en cassation ne saurait en aucune manière retarder la procédure.

Il se réjouit également de constater que, dans son avis, en vertu du principe de l'égalité des moyens, le Conseil d'État s'est prononcé en faveur de la possibilité d'un recours. La commission Franchimont avait d'ailleurs inclus cette possibilité dans la première version de son avant-projet de loi.

La remarque selon laquelle la consultation du dossier par l'inculpé et les parties civiles pourrait retarder l'instruction judiciaire présente de nombreux points communs avec les objections formulées lors de l'examen du projet de loi qui est devenu la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive.

À l'époque, l'on a objecté également que si l'on introduisait une possibilité d'appel, le dossier judiciaire devrait être transmis par la chambre du conseil à la chambre des mises en accusation, de sorte que le juge d'instruction en serait privé pendant un certain temps.

L'on peut remédier facilement au problème en faisant des copies de l'ensemble des pièces. Il faut donc constituer des dossiers identiques pour le juge d'instruction et le ministère public.

C'est volontairement que l'intervenant ne fait pas mention de « dossiers parallèles », car l'expression pourrait donner l'impression que l'on va constituer un deuxième dossier, officieux, contenant des pièces qui ne figurent pas dans l'original.

Enfin, il souligne qu'un dossier, mis à la disposition de l'inculpé et de la partie civile, reste d'habitude au cabinet du juge d'instruction jusqu'à ce que les intéressés se présentent au greffe.

Ce n'est qu'alors que le dossier est communiqué aux intéressés pour consultation. Le juge d'instruction et le procureur du Roi ne sont donc pas nécessairement totalement privés du dossier pendant deux jours ouvrables.

En outre, le dossier ne peut être consulté qu'aux heures d'ouverture du greffe. Après la fermeture, le dossier est à nouveau à la disposition du juge d'instruction.

L'intervention souligne qu'en matière de droit de consultation, il ne faut pas faire de distinction selon que l'inculpé est ou non en état d'arrestation.

Cela implique qu'en vertu du principe de l'égalité des moyens, la partie civile doit avoir le droit de consulter le dossier pendant 48 heures, dans les mêmes conditions que l'inculpé.

Les intéressés et leurs conseils ne monopoliseront probablement pas le dossier pendant toute la durée du délai imparti. Si le juge d'instruction a besoin d'urgence du dossier, ils seront suffisamment raisonnables pour le lui remettre.

La déraison ne se manifeste que lorsque l'on n'accorde pas les mêmes droits à l'inculpé et aux parties civiles.


Un membre revient sur la question de savoir s'il est nécessaire d'accorder à la partie civile le droit de consulter un dossier dont dispose l'inculpé en détention préventive.

En application de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, le dossier est mis à la disposition de l'inculpé et de son conseil avant que la chambre du conseil ne statue sur le maintien en détention (cf. les articles 21, § 3, et 22, troisième alinéa).

La partie civile est privée de ce droit.

L'auteur de la proposition de loi estime-t-il le principe de l'égalité des moyens tellement important qu'il faille viser à un parallélisme également dans le cadre de la détention préventive ?

L'on peut objecter qu'au sens strict, la question du maintien en détention préventive ne concerne pas la partie civile.

Cependant, l'inculpé peut prendre connaissance de l'ensemble des aspects du dossier judiciaire. Par conséquent, il peut non seulement examiner les éléments qui concernent spécifiquement la question du maintien en détention préventive, mais également évaluer la portée de l'instruction dans son ensemble. Ainsi dispose-t-il d'un avantage sur la partie civile.

Pour quelle raison cette dernière devrait-elle dès lors demander au juge d'instruction l'autorisation de pouvoir consulter le dossier alors que l'inculpé y a accès d'office ?

L'auteur de la proposition de loi répond qu'il peut y avoir quatre parties à une procédure pénale : l'inculpé en état d'arrestation, qui peut consulter le dossier judiciaire dans le cadre de la procédure relative au maintien en détention préventive, l'inculpé qui n'est pas en état d'arrestation, qui ne reçoit la première communication de son dossier qu'au moment où l'on règle la procédure, la partie civile, et la victime qui ne s'est pas constituée partie civile.

La proposition de loi à l'examen vise à mettre l'inculpé qui n'est pas arrêté et la partie civile sur un pied d'égalité.

Contrairement à l'inculpé en détention préventive, qui a accès d'office au dossier judiciaire à intervalles réguliers au cours de la procédure, les inculpés qui ne sont pas arrêtés et la partie civile devront démontrer au juge d'instruction qu'ils ont un intérêt à prendre connaissance du dossier judiciaire.

Celui qui a subi un dommage causé par une infraction et souhaite avoir accès au dossier doit se constituer partie civile en application de l'article 3 du Titre préliminaire du Code d'instruction criminelle.

Néanmoins, l'intervenant estime qu'il est excessif de vouloir mettre sur un pied d'égalité la partie civile et l'inculpé en état d'arrestation pour ce qui est du droit de consultation.

L'inculpé peut consulter le dossier, non pas tellement pour orienter l'instruction judiciaire, mais en vue d'obtenir la levée de sa détention préventive.

Bien que le préopinant estime que ce point de vue soit défendable, la question reste ouverte de savoir si la partie civile doit toujours demander l'autorisation du juge d'instruction pour consulter le dossier judiciaire ou si, en vertu du principe de l'égalité, elle a accès à ce dossier aux mêmes conditions que l'inculpé en état d'arrestation.

L'intervenant aimerait ensuite savoir si, dans l'avant-projet de loi de la Commission Franchimont, on accorde le droit à la partie civile de comparaître à l'audience de la chambre du conseil au moment de la procédure de maintien de la détention préventive.

Le ministre répond par la négative. La règle qui veut que l'inculpé en état d'arrestation puisse consulter son dossier est motivée par le fait qu'il doit être en mesure de se défendre devant la chambre du conseil.

Étant donné qu'il va faire l'objet d'une décision judiciaire, il doit pouvoir, en vertu du principe de l'égalité des armes, prendre connaissance des arguments qui seront invoqués pour justifier le maintien de la détention préventive.

Faut-il automatiquement associer à ce droit de l'inculpé, le droit de la partie civile de consulter le dossier, ou est-il suffisant de lui en offrir la possibilité ?

L'intervenant estime qu'il n'existe pas de nécessité immédiate à ce propos. Si les parties civiles peuvent consulter le dossier aux mêmes conditions que l'inculpé en état d'arrestation, ce dossier deviendra, pour ainsi dire, un livre ouvert. Il sera quasi impossible, pendant un certain temps, d'encore accomplir certains actes d'instruction sans que ceux-ci ne soient immédiatement rendus publics.

De cette façon, l'on porte atteinte au secret de l'instruction et l'on compromet son efficacité.

Le préopinant remarque que cette constatation s'impose également lorsque seuls les inculpés en état d'arrestation ont accès au dossier.

Le ministre répond que c'est pour cette raison qu'ils sont souvent mis en liberté, à la demande du juge d'instruction, pour éviter qu'ils ne puissent encore consulter le dossier au cours de l'instruction.

L'intervenant peut comprendre le point de vue selon lequel l'on n'accorde pas à la partie civile le droit inconditionnel de consulter les dossiers. Mais si la possibilité de les consulter leur est ouverte, on se trouve confronté à la question de savoir si les raisons que le juge d'instruction pourrait invoquer pour leur refuser la consultation du dossier sont adéquates, compte tenu du fait que l'inculpé en état d'arrestation a d'office accès au dossier.

Il convient, dans le cadre de cette discussion, de considérer l'exigence des parents des jeunes filles assassinées d'être entendus par la chambre du conseil au moment du débat concernant la mise en liberté éventuelle des inculpés en état d'arrestation. La partie civile ne peut pas prendre part, en connaissance de cause, à ce débat, si elle n'a pas pu consulter le dossier.

L'auteur de la proposition de loi déclare que les questions soulevées par le préopinant sont pertinentes, mais dépassent le cadre de sa proposition.

La proposition ne vise pas à ouvrir le débat concernant l'intervention de la partie civile dans la procédure devant la chambre du conseil à propos du maintien de la détention préventive. Ce débat donnerait une toute nouvelle dimension à notre procédure pénale.

L'on ne peut perdre de vue que, contrairement à ce qui se passe dans d'autres systèmes juridiques, l'on peut, en droit belge, associer l'action civile à l'action publique, à condition que l'action publique soit uniquement exercée par le ministère public (art. 1er du Titre préliminaire du Code d'instruction criminelle).

L'intervenant s'oppose à ce que la partie civile intervienne dans l'exercice de l'action publique. Elle peut cependant surveiller l'administration de la preuve en ce qui concerne les faits sur lesquels se fonde sa demande en indemnité. Elle peut, à cet égard, prendre éventuellement des initiatives. Il n'est pas dérogé à ce principe.

Quant à la procédure relative au maintien de la détention préventive, l'intervenant estime qu'il est justifié de faire une distinction entre, d'une part, l'inculpé en état d'arrestation qui a accès, d'office, au dossier judiciaire, et, d'autre part, la partie civile pour laquelle le dossier reste fermé.

Pour l'inculpé en état d'arrestation qui est censé être innocent, le droit de regard lui garantit que la privation de liberté qu'il subit à la suite de la détention préventive ne se fonde pas sur des raisons arbitraires et peut être contestée devant une instance judiciaire indépendante, à savoir la chambre du conseil ou la chambre des mises en accusation.

Dans une autre remarque, l'intervenant constate que, dans de nombreux cas, le débat qui a lieu devant la chambre du conseil ne porte plus sur les motifs de l'arrestation, mais sur le fond de l'affaire. L'on fait ainsi abstraction de la question fondamentale qui devrait régir le débat et qui est celle de savoir si l'inculpé devait ou non être arrêté et s'il faut maintenir la détention préventive.

L'on peut quelque peu comprendre ce glissement lorsque l'inculpé conteste toute implication dans le fait qui lui est imputé. Ce glissement est cependant contraire à la directive prévue à l'article 16, § 1er , deuxième alinéa, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, aux termes de laquelle « cette mesure (l'arrêt) ne peut être prise dans le but d'exercer une répression immédiate ou toute autre forme de contrainte ».

Toute partie civile, ayant une attitude émotionnelle vis-à-vis de l'affaire, a tendance à dire que l'inculpé doit être arrêté. Compte tenu des principes précités, elle doit cependant se rendre compte qu'elle n'a rien à voir avec le débat concernant le problème du maintien de la détention préventive. Il appartient à la chambre du conseil et à la chambre des mises en accusation de se prononcer à ce sujet. À cet égard, le ministère public veille aux intérêts de la collectivité.

Si l'on abandonne cette procédure, l'on opte pour un débat contradictoire devant la juridiction d'instruction, débat auquel seront également associées les victimes.

Une autre conséquence serait le rejet du principe du caractère secret de l'instruction judiciaire. L'on a fait référence ci-avant à la pratique qui consiste à ne pas arrêter ou mettre en liberté des inculpés afin de ne pas mettre le déroulement de l'instruction en danger.

Dès lors, il faudrait envisager, lorsque la partie civile demande à prendre connaissance du dossier, de permettre au juge d'instruction d'ôter certaines pièces du dossier, pour des raisons d'ordre public et pour ne pas compromettre le bon déroulement de l'instruction. Néanmoins, une telle mesure restrictive ne pourrait être prise à l'égard de l'inculpé arrêté. Ce dernier doit pouvoir prendre connaissance de l'ensemble du dossier pour être à même de contester sa privation de liberté devant la juridiction d'instruction.

Un membre déclare qu'il n'est pas tout à fait convaincu par l'argumentation développée ci-dessus.

En vertu de l'article 21, § 4, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, la chambre du conseil doit examiner si le mandat d'arrêt est conforme aux dispositions de cette loi. Elle statue en outre sur la nécessité d'un maintien en détention selon les critères prévues à l'article 16, § 1er .

Cet article dispose ce qui suit : « En cas d'absolue nécessité pour la sécurité publique seulement, et si le fait est de nature à entraîner pour l'inculpé un emprisonnement correctionnel principal d'un an ou une peine plus grave, le juge d'instruction peut décerner un mandat d'arrêt.

Cette mesure ne peut être prise dans le but d'exercer une répression immédiate ou toute autre forme de contrainte.

Si le maximum de la peine applicable ne dépasse pas quinze ans de travaux forcés, le mandat ne peut être décerné que s'il existe de sérieuses raisons de craindre que l'inculpé, s'il était laissé en liberté, commette de nouveaux crimes ou délits, se soustraie à l'action de la justice, tente de faire disparaître des preuves ou entre en collusion avec des tiers. »

D'un point de vue humain, il est compréhensible que la partie civile souhaite examiner si la détention préventive répond aux critères précités. Les victimes de préjudices graves argumenteront souvent que l'inculpé arrêté constitue un danger pour la société et ne peut dès lors être mis en liberté.

L'intervenant estime que les conditions prévues à l'article 16, § 1er , ne mettent pas en péril la présomption d'innocence de l'inculpé. Elles ne concernent que la sécurité publique et le bon déroulement de l'instruction judiciaire.

Étant donné que la partie civile a un intérêt indéniable en la matière, on peut défendre la thèse selon laquelle elle doit pouvoir faire valoir, dans le débat, ses arguments contre la remise en liberté.

Le ministre souligne que les parties civiles ont exprimé le souhait, à son avis légitime, de ne pas être tenues totalement à l'écart de l'instruction judiciaire. Cela ne signifie pas qu'elles souhaitent suivre l'instruction pas à pas. Elles n'insistent que sur la nécessité de mener l'instruction de manière efficace. Cela suppose qu'on leur donne la possibilité de prendre connaissance du dossier et de réagir au déroulement de l'enquête, éventuellement en demandant des actes d'instruction complémentaires.

La proposition de loi à l'examen répond aux souhaits exprimés ci-avant.

Le préopinant fait remarquer que les arguments en faveur de la thèse selon laquelle les parties civiles ne sauraient être impliquées dans la procédure de maintien en détention préventive ne sont pas convaincants aux yeux de la population lorsqu'il s'agit d'aborder la question de la mise en liberté d'un individu tel que Dutroux.

Se fondant sur les échanges de vues qui précèdent, la commission estime que la proposition de loi à l'examen concerne exclusivement le droit d'accès au dossier pour les inculpés qui ne sont pas en détention et pour les parties civiles, ainsi que la possibilité pour ces dernières d'obtenir une copie de leurs déclarations et de faire accomplir des actes complémentaires d'instruction.

L'on ne touche pas à la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive. On n'aborde donc pas en l'occurrence la problématique très sensible de la participation de la partie civile aux débats devant la chambre du conseil concernant le maintien en détention préventive.

Dans l'avant-projet de loi de la commission pour le droit de la procédure pénale (version 1994), à l'article 61bis du Code d'instruction criminelle, l'on émet explicitement une réserve : sans préjudice des dispositions de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, toute personne contre laquelle existent des indices sérieux de culpabilité et qui n'est pas détenue pour cette cause, ainsi que la partie civile, peuvent demander de consulter le dossier.


Un membre s'étonne des déclarations du ministre, selon lesquelles les suspects ne sont parfois pas arrêtés ou, en cas d'arrestation, sont remis en liberté pour éviter qu'ils puissent prendre connaissance de leur dossier.

L'intervenant voit en l'espèce une contradiction flagrante entre la loi et la pratique. L'opinion publique n'acceptera pas que l'on n'applique pas les dispositions en matière de détention préventive dans le seul but d'empêcher le suspect d'avoir accès à son dossier judiciaire (voir l'article 16, § 1er précité).

Un autre point concerne l'obligation pour la victime de se constituer partie civile si elle souhaite être associée à la procédure pénale.

Il faut se rendre compte que les victimes ne souhaitent pas toujours être indemnisées pour les préjudices qu'elles ont subis, mais souhaitent uniquement, dans certains cas, avoir accès au dossier.

Doit-on maintenir, en pareil cas, la condition de la constitution de partie civile avec tous les frais qui s'ensuivent, comme par exemple la caution et les honoraires du conseil ? Cela ne revient-il pas à relever le seuil d'accès à la justice ?

Le ministre répond qu'il faut, en cette matière, établir une distinction entre les cas où l'action publique est intentée par le ministère public et ceux où elle ne l'est pas.

Lorsque la personne lésée intente l'action elle-même, soit par le biais d'une citation directe devant la juridiction de jugement (art. 64, 2e alinéa, du Code d'instruction criminelle), soit en déposant plainte et en se constituant partie civile devant le juge d'instruction (art. 63 du Code d'instruction criminelle), elle sera tenue, en tant que partie civile, de verser une caution afin de couvrir les frais présumés de la procédure.

Le montant de la caution est fixé par le juge d'instruction (article 108 de l'arrêté royal du 28 décembre 1950 portant règlement général sur les frais de justice en matière répressive). Le juge en fixe le montant en tenant compte de plusieurs facteurs, comme la question de savoir s'il sera nécessaire de désigner des experts. Pour les affaires complexes, il n'est pas rare que la caution atteigne 200 000 francs.

Le juge d'instruction et le ministère public pourront éventuellement réclamer des provisions supplémentaires pour l'accomplissement de certains actes d'instruction tels que la vérification d'une comptabilité et la réalisation d'analyses scientifiques.

Les victimes défavorisées qui se sont constituées partie civile peuvent bénéficier, pour le paiement de la caution, de l'assistance judiciaire (art. 672 du Code judiciaire).

Si l'action est intentée par le ministère public, la victime peut, par son action civile, s'y associer sans être tenue de payer une caution. La victime peut se constituer partie civile devant le juge d'instruction, devant les juridictions d'instruction ou devant les juridictions de jugement de première instance.

Pour ce qui est de la question de savoir si le droit de consultation est attribué sensu lato à toutes les victimes d'une infraction, indépendamment du fait qu'elles se soient constituées ou non partie civile, l'auteur de la proposition déclare que l'on pourrait établir une distinction entre la partie civile et la future partie civile.

C'est l'approche que le Gouvernement a adoptée dans l'amendement qu'il a déposé à la proposition de loi tendant à la délivrance gratuite d'une copie de toutes les pièces du procès en matière pénale (Doc. Sénat, 1996-1997, nº 1-17/1 et 3, amendement nº 6).

Ainsi, le texte de l'article 674bis , § 1er , du Code judiciaire, qui est proposé par cet amendement, dispose que « l'inculpé, la partie civilement responsable, la partie civile et la future partie civile peuvent demander l'assistance judiciaire en vue d'obtenir copie de pièces du dossier judiciaire ».

L'intervenant n'a rien à objecter quant au fond au sujet de la notion de future partie civile, mais il ne voit pas très bien comment on pourra la concrétiser d'un point de vue juridique et technique.

Il s'oppose cependant à la proposition visant à associer d'emblée la personne lésée potentielle à l'action pénale en tant que partie. Cette personne doit entreprendre une démarche en ce sens, à savoir se constituer partie civile, et indiquer de la sorte son intention de prendre part, en tant que partie au procès, aux débats contradictoires.

Il n'est pourtant pas partisan d'un système qui permettrait à certaines personnes d'intervenir dans le débat en se constituant partie civile, dans le seul but de satisfaire une curiosité malsaine.

Il faut se souvenir, dans ce débat, que l'article 63 du Code d'instruction criminelle dispose que toute personne qui se prétendra lésée par un crime ou délit, pourra déposer plainte et se constituer partie civile devant le juge d'instruction compétent. D'après une jurisprudence constante, la personne qui, en vue de se constituer partie civile, se prétend lésée par un délit, c'est-à-dire qui justifie qu'elle a pu être la victime dudit délit, ne doit pas pour autant démontrer qu'elle a été lésée.

Le même intervenant insiste une fois de plus sur le fait que, dès lors que le ministère public a déjà intenté l'action pénale, la personne lésée peut se constituer partie civile à tout moment, sur simple déclaration auprès du greffe. Elle n'est pas tenue de verser une caution en pareil cas. Cette procédure garantit que la démarche de la constitution de partie civile s'effectuera en respectant un minimum d'exigences de forme.

Un autre membre déclare que l'on ne devrait pas aboutir à une situation où l'on ouvrirait entièrement l'accès au dossier judiciaire. Il faut éviter que des personnes ou des associations, qui sont motivées uniquement par la curiosité ou par un intérêt moral, puissent accéder au dossier et exploiter cet accès à des fins publicitaires ou en vue de mener toutes sortes d'actions.

Si l'on va trop loin dans cette voie, l'on risque de trahir la confiance du juge d'instruction et de ses collaborateurs ainsi que celle des juridictions d'instruction.

Un autre intervenant dit partager l'avis du préopinant, mais il se demande s'il ne faudrait pas distinguer entre les personnes qui prétendent à la légère avoir été lésées par un délit, d'une part, et, par exemple, des parents qui se constituent partie civile après le meurtre de leur enfant, d'autre part. Le deuxième groupe de personnes a indéniablement intérêt à pouvoir consulter le dossier afin d'avoir la possibilité d'émettre des observations sur certains éléments qui pourraient avoir échappé au juge d'instruction. On ne peut assimiler ces personnes-là aux personnes qui ne paraissent pas effectivement lésées.

Le ministre invoque deux arguments supplémentaires.

Tout d'abord, il ne faudrait pas exclure l'hypothèse suivant laquelle la victime ou la partie civile elles-mêmes font l'objet de suspicions, ce qui se produit fréquemment. Il faut tenir compte de cette circonstance au moment d'examiner une demande visant à pouvoir consulter le dossier judiciaire.

Deuxièmement, le dossier judiciaire doit refléter le déroulement intégral de l'instruction. Si l'on ne permet pas au juge d'instruction et aux services de police de mener l'instruction judiciaire sans qu'il soit donné publicité à tous les éléments, certains renseignements risquent de ne plus être joints au dossier, de peur que leur publication ne porte préjudice à la poursuite de l'instruction.

Ainsi apparaît un dossier parallèle qui est beaucoup plus complet, mais dont l'existence ne peut pas être reconnue officiellement. Il est évident que c'est là un élément préjudiciable non seulement à l'inculpé, mais aussi à la transparence de la procédure pénale.

Ces deux arguments plaident donc en faveur du maintien d'un verrouillage du dossier, qui permet d'en fermer l'accès.

Lorsque le juge d'instruction refuse à une partie civile la consultation du dossier judiciaire, par exemple parce qu'elle est elle-même suspectée ou ne peut justifier d'un intérêt suffisant, elle peut, en vertu de l'article 61bis , § 4, du Code d'instruction criminelle, faire appel de cette décision devant la chambre des mises en accusation.

Aux termes de l'avant-projet de loi Franchimont (version 1995), et contrairement à la version 1994, aucun recours n'est ouvert contre le refus du juge d'instruction. Cela implique que ce dernier décide en quelque sorte souverainement du droit de regard.

Si l'on part du principe qu'il doit motiver sa décision, il peut y avoir un problème. En effet, il n'est pas exclu qu'il ne veuille pas faire connaître tous les motifs de son refus, parce que sinon, il divulguerait des éléments dont le caractère confidentiel revêt une importance essentielle pour le déroulement de son instruction.

S'il y a une obligation de motivation, la partie civile doit pouvoir présenter sa requête à la chambre des mises en accusation, qui jugera, sur la base du dossier qui lui est soumis, si le refus du juge d'instruction est pertinent ou non.

Il a déjà été dit précédemment qu'il ne se justifie pas, dans le cadre de la détention préventive, d'accorder à la partie civile le droit de regard dont dispose l'inculpé. Il a été objecté par ailleurs qu'un droit de regard conçu trop largement paralyserait l'instruction judiciaire et pourrait éventuellement entraîner la constitution de dossiers parallèles.

L'auteur de la proposition de loi plaide en faveur de la possibilité de recours, parce que la juridiction d'appel doit pouvoir contrôler les motifs qui poussent le juge d'instruction à refuser la consultation.

Il renvoie, à cet égard, à l'arrêt nº 22/95 de la Cour d'arbitrage du 2 mars 1995, selon lequel les articles 135 et suivants du Code d'instruction criminelle violent les articles 10 et 11 de la Constitution, parce que la possibilité de recours accordée à l'inculpé contre une ordonnance de renvoi est limitée aux seuls déclinatoires de compétence, alors que le ministère public et la partie civile peuvent produire en appel tous les moyens contre une ordonnance de non-lieu de la chambre du conseil.

Le Conseil d'État se serait également prononcé, dans son avis relatif à l'avant-projet de loi Franchimont, en faveur de la possibilité de recours.

En ce qui concerne la motivation du refus, l'intervenant reconnaît que sa proposition ne comporte aucun critère précis. Il ne voit toutefois aucun inconvénient à ce que le refus soit motivé sur la base des mêmes critères que ceux figurant à l'article 16, § 1er , de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive.

Ainsi, le juge d'instruction pourrait refuser la consultation dans l'intérêt de la sécurité publique. Il pourrait préciser ce refus sous le contrôle et la surveillance d'une instance d'appel, sans divulguer le dossier. Il en va de même lorsque la communication du dossier engendrerait de sérieuses raisons de craindre que l'inculpé commette de nouveaux crimes ou délits, se soustraie à l'action de la justice, tente de faire disparaître des preuves ou entre en collusion avec des tiers (en essayant par exemple d'influencer des témoins).

Ces critères qui, aux termes de l'article 16, § 1er , susvisé, justifient l'arrestation d'un inculpé, peuvent a fortiori être invoqués par le juge d'instruction pour motiver le refus de mettre le dossier judiciaire à la disposition de la partie civile.

Il appartient, dans ce cas, à la chambre des mises en accusation d'examiner si la motivation est fondée ou non sur des éléments du dossier.

Une telle procédure favorise la transparence de l'instruction. En effet, le juge d'instruction et les services de police n'ont aucun intérêt à dissimuler des pièces sensibles de crainte que leur communication à l'inculpé ou à la partie civile n'hypothèque l'instruction. Certains verront là une limitation de la marge de manoeuvre du juge d'instruction. On peut y opposer qu'en cas de recours devant la chambre des mises en accusation, ce dernier pourra précisément produire les pièces en question à l'appui de sa décision de refuser la consultation du dossier ou de ne la permettre que partiellement.

Un membre se dit favorable à la suggestion d'utiliser comme élément d'appréciation principal les critères figurant à l'article 16, § 1er , de la loi relative à la détention préventive pour des décisions concernant la consultation du dossier judiciaire, étant entendu qu'ils ne peuvent être conçus de manière limitative.

Il faut donc examiner s'il n'existe aucune autre raison susceptible d'étayer une décision de refus. Par exemple, lorsque le requérant ne peut faire valoir aucun intérêt, souhaite satisfaire sa curiosité sans la moindre nécessité, ou veut s'immiscer dans l'instruction.

Certains soulignent que la proposition de loi comporte déjà un frein, en ce sens que la partie civile doit respecter un certain délai d'attente. En vertu de l'article 61bis, § 1er , proposé du Code d'instruction criminelle, elle ne peut faire une première demande de consultation du dossier qu'après l'expiration d'un délai d'un mois à compter de sa constitution. En outre, la demande ne peut être renouvelée qu'après l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la dernière décision définitive sur une demande de consultation.

En ce qui concerne la motivation de la décision du juge d'instruction, le ministre fait observer que l'article 61bis , § 2, premier alinéa, du Code d'instruction criminelle proposé se limite à prévoir que le juge d'instruction prend une décision motivée, sans indiquer les critères qui peuvent étayer un refus.

L'article 61ter , § 3, du Code d'instruction criminelle de l'avant-projet de loi-Franchimont (version 1995), par contre, stipule que le juge d'instruction peut interdire la communication du dossier ou de certaines pièces, si les nécessités de l'instruction le requièrent ou lorsque la communication présente un danger pour les personnes.

L'intervenant n'a toutefois aucune objection contre la suggestion de l'auteur de la proposition de prendre comme élément principal d'appréciation les critères prévus à l'article 16, § 1er , de la loi du 20 juillet 1990 sur la détention préventive.

À la lumière de l'objectif de la présente proposition, à savoir établir une certaine égalité d'armes entre les parties, le rapporteur estime que la proposition sera un coup d'épée dans l'eau si l'on permet au juge d'instruction de refuser souverainement la demande de pouvoir consulter le dossier, sans possibilité de recours.

Quant à l'argument qu'il n'est pas exclu que la partie civile elle-même soit soupçonnée, il faut tout de même admettre que cette situation se présente rarement et encore dans un type d'affaires bien particulier.

Si l'on veut que la présente proposition réponde à l'inquiétude de la population, il faut un degré d'appel, sinon, le texte sera vidé de toute substance.

Certains membres soulignent que les questions et observations formulées ci-avant ne contiennent pas une critique fondamentale de la proposition de loi, mais visent précisément à tenir compte des objections éventuelles qui seront formulées à l'avenir. Grâce à une bonne connaissance de la portée de la proposition de loi et de ses applications, il sera possible de la situer dans le cadre de notre procédure pénale.


Un membre souhaite savoir de quelle manière l'article 61bis du Code d'instruction criminelle proposé sera appliqué lorsque, comme dans le cas de la disparition de Loubna Ben Aïssa, le 5 août 1992, le procureur du Roi n'a pas désigné un juge d'instruction ou lorsqu'il y a une instruction en cours, et que l'inculpé n'a pas encore été identifié, comme c'était initialement le cas pour la disparition de Julie et Mélissa et de An et Eefje.

L'auteur de la proposition de loi répond qu'il n'est pas nécessaire qu'un inculpé soit identifié au moment où une instruction est ouverte.

Les victimes qui se sont constituées partie civile (par exemple les parents de Julie et Mélissa et de An et Eefje) pourraient dès lors, en vertu de l'article 61bis proposé du Code d'instruction criminelle, demander au juge d'instruction d'avoir accès au dossier, une fois passé le délai d'un mois. Le fait que l'instruction soit ouverte à l'origine contre inconnu n'a aucune importance.

Dans l'hypothèse où le ministère public n'a pas ouvert d'instruction, comme ce fut le cas pour la disparition de Loubna Ben Aïssa, il y a un problème. Étant donné que le ministère public n'a pas saisi le juge d'instruction de l'affaire par une demande, les victimes qui souhaitent faire ouvrir une instruction et consulter le dossier n'ont pas d'autre possibilité que de déposer une plainte chez le juge d'instruction, éventuellement contre inconnu, et de se constituer partie civile.

En se constituant partie civile, on introduit l'action publique. Le juge d'instruction est dès lors obligé de s'occuper de l'affaire.

Comme il a déjà été dit précédemment, la partie civile doit, dans ce cas, déposer une caution. Dans certains arrondissements, on applique cependant le principe selon lequel cette somme n'est pas due lorsqu'une information est en cours et que le parquet a déjà accompli certains actes d'instruction, sans qu'un juge d'instruction ait été requis.

Un membre estime que dans le cas de la disparition de Loubna Ben Aïssa, le parquet de Bruxelles a commis une faute grave en ne saisissant pas un juge d'instruction.

Sans préjuger des conclusions de la commission d'enquête parlementaire sur cette affaire, le ministre ne partage pas l'opinion du rapporteur. Le fait de ne pas mettre un dossier à l'instruction, ne peut être considéré comme une faute dans le chef du ministère public. La mise à l'instruction s'impose lorsque des actes d'instruction doivent être posés.

L'intervenant précédent invoque que la disparition d'un être humain justifie amplement la désignation d'un juge d'instruction. Le fait que cela n'a pas été le cas dans l'affaire de Loubna Ben Aïssa, démontre à son avis clairement que l'enquête a été menée de manière peu approfondie.

Le ministre rétorque que si l'on estime que toute disparition nécessite une instruction judiciaire, cette obligation doit être inscrite dans la loi.

Un autre membre fait observer que la désignation d'un juge d'instruction n'est pas non plus la panacée absolue. Il faut se rendre compte qu'il vaut parfois mieux que le parquet se charge d'une affaire plutôt qu'un juge d'instruction. Outre la question concernant la capacité d'un juge de maîtriser les instructions qui lui sont confiées, force est de constater que les parquets sont souvent mieux structurés. Cet aspect de notre procédure pénale, et notamment la position du juge d'instruction, méritent d'être examinés avec attention. On ne peut nier que les enquêtes menées par certains juges d'instruction laissent à désirer à raison de leur volume de travail, de leur manque d'expérience, etc.


En ce qui concerne l'opportunité de l'ouverture d'une instruction dans des cas de disparition, un membre remarque que l'opinion publique, ou du moins une partie de celle-ci, est convaincue que d'autres délits aussi, tel que la violence conjugale et sexuelle, ne sont pas toujours considérés avec le sérieux nécessaire par les services de police et les parquets. L'on peut heureusement constater un revirement dans ce domaine, tant en ce qui concerne l'accueil par les services de police des plaintes des victimes que l'examen ultérieur de celles-ci par les parquets.

L'intervenant aimerait savoir quelles démarches la victime ou la personne lésée doivent entreprendre pour qu'une procédure pénale soit ouverte et de quelle façon elles peuvent suivre l'enquête ou être informées de celle-ci.

La proposition de loi tient-elle compte des exigences qui ont été formulées à cet égard par les parents de Julie et Mélissa et de An et Eefje ?

L'auteur de la proposition de loi décrit le déroulement de la procédure pénale.

Lorsqu'une personne lésée dépose plainte auprès d'un service de police ou, exceptionnellement, auprès du parquet, le procureur du Roi décidera en première instance si l'affaire fera ou non l'objet d'un examen. Il dispose en effet du pouvoir de classer la plainte sans suite à moins qu'il ne s'agisse d'une plainte pour laquelle la victime s'est constituée partie civile.

En vertu de certaines instructions, le procureur est obligé, pour certains délits, d'informer la personne lésée des suites qu'il donne à sa plainte.

Si la plainte est classée sans suite, la victime peut soit introduire une demande en indemnité devant un tribunal civil, soit se constituer partie civile auprès du juge d'instruction pour ouvrir ainsi l'action publique. Le juge d'instruction signale ce fait au procureur du Roi, qui ne peut pas s'y opposer. Dès que le juge d'instruction est chargé de l'instruction, il décide de quelle façon celle-ci se poursuivra.

Lorsque le juge d'instruction estime son instruction terminée, il transmet le dossier au procureur du Roi.

Si celui-ci juge que l'instruction n'est pas complète, il renvoie le dossier au juge d'instruction en lui demandant d'accomplir des actes d'instruction complémentaires.

S'il juge que l'instruction est complète, il dresse, par écrit, ses réquisitions finales, ce qui aura pour conséquence que l'affaire sera portée devant la chambre du conseil, qui décide soit le non-lieu, soit le renvoi de l'inculpé devant une juridiction de jugement.

Si le parquet décide d'examiner une plainte, il devra parfois faire appel au juge d'instruction, parce que celui-ci est seul compétent pour prendre certaines mesures de coercition (par exemple le mandat d'amener, le mandat d'arrêt, la perquisition, la saisie, l'écoute téléphonique). Par le simple fait de requérir un juge d'instruction, l'on ouvre l'instruction et l'action publique. À partir de ce moment, c'est le juge d'instruction qui procède à l'instruction.

Si le ministère public n'estime pas nécessaire de faire intervenir un juge d'instruction, il poursuivra son information en chargeant la police de certaines missions (par exemple l'interrogatoire de l'inculpé, l'audition de témoins). Dans ce cas, l'enquête reste entièrement entre les mains du parquet. Si l'enquête a permis de réunir suffisamment de charges contre l'inculpé et que l'intervention d'un juge d'instruction n'est pas nécessaire, le procureur du Roi citera l'inculpé à comparaître directement devant la juridiction du jugement.

Enfin, il convient également de mentionner qu'en vertu de l'article 64, deuxième alinéa, du Code d'instruction criminelle, la partie lésée peut directement citer l'auteur présumé de délits et de contraventions devant la juridiction du jugement. (cf. art. 145 et 182 du Code d'instruction criminelle). L'on ne peut donc pas utiliser ce procédé pour saisir une juridiction dans le cas de crimes qui relèvent de la compétence de la cour d'assises, même s'il arrive qu'ils soient correctionnalisés par déqualification. L'on ne peut davantage utiliser ce procédé pour saisir une juridiction lorsque la responsabilité pénale d'un magistrat est mise en cause.

IV. DISCUSSION DES ARTICLES

Article premier

Cet article est libellé comme suit :

« Article premier. ­ La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution. »

Il ne suscite aucune observation, et est adopté à l'unanimité des 8 membres présents.

Article 2

Cet article est libellé comme suit :

« Dans le Code d'instruction criminelle est inséré un article 61bis libellé comme suit :

« Article 61bis. ­ § 1er . L'inculpé et la partie civile peuvent demander, par écrit, au juge d'instruction :

1º l'autorisation de consulter le dossier judiciaire les concernant;

2º une copie des déclarations qu'ils ont faites en cours d'instruction;

3º l'accomplissement d'un acte d'instruction complémentaire.

La demande visée au 1º du présent paragraphe peut être introduite, pour la première fois, après l'expiration d'un délai d'un mois :

­ pour l'inculpé, à compter de l'inculpation;

­ pour la partie civile, à compter de sa constitution.

La demande visée au 2º du présent paragraphe peut être introduite à chaque stade de l'instruction.

La demande visée au 3º du présent paragraphe doit être motivée et doit contenir, à peine d'irrecevabilité, la description la plus précise de l'acte d'instruction demandé.

Les demandes visées au présent paragraphe ne pourront être renouvelées qu'après l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la dernière décision définitive sur une demande similaire.

§ 2. Pour les demandes visées au § 1er du présent article, le juge d'instruction prend une décision motivée dans les huit jours de leur réception.

Le greffier notifie cette décision, au requérant et à son conseil, par télécopieur ou par lettre recommandée à la poste, dans les deux jours ouvrables qui suivent celui où elle a été prise.

§ 3. La décision sur une demande visée au 1º du § 1er mentionne le lieu où et la période pendant laquelle le dossier peut être consulté.

Le dossier est mis à la disposition du requérant et de son conseil pendant au moins deux jours ouvrables.

Lorsqu'un acte d'instruction complémentaire a été sollicité, le juge d'instruction peut demander des renseignements complémentaires au requérant. Le délai dans lequel le juge d'instruction doit prendre sa décision est suspendu par cette demande de renseignements complémentaires.

§ 4. Le requérant peut appeler devant la chambre des mises en accusation de la décision du juge d'instruction qui rejette une demande visée au § 1er .

L'appel doit être interjeté dans un délai de deux jours ouvrables qui court à compter du jour de la réception de la notification de la décision.

La déclaration d'appel est faite au greffe du tribunal de première instance du juge d'instruction qui a pris la décision, et est consignée au registre des appels en matière correctionnelle.

La chambre des mises en accusation statue dans les huit jours à compter de la formation de l'appel en tenant compte des circonstances de la cause au moment de sa décision.

§ 5. Les arrêts sont signifiés dans les deux jours ouvrables au requérant et à son conseil, dans les formes prévues au § 2.

Ces arrêts peuvent faire l'objet d'un pourvoi en cassation, selon les modalités prévues à l'article 417 du Code d'instruction criminelle, dans un délai de huit jours ouvrables qui court à compter du jour où l'arrêt est signifié au requérant.

Le dossier est transmis au greffe de la Cour de cassation dans les deux jours ouvrables à compter du pourvoi.

Les moyens de cassation peuvent être proposés soit dans l'acte de pourvoi, soit dans un écrit déposé à cette occasion, soit dans un mémoire qui doit parvenir au greffe de la Cour de cassation au plus tard le huitième jour après la date du pourvoi.

La Cour de cassation statue dans un délai de quinze jours à compter de la date du pourvoi.

Après un arrêt de cassation portant renvoi, la chambre des mises en accusation à laquelle la cause est renvoyée doit statuer dans les quinze jours à compter de la réception de l'arrêt de la Cour de cassation. »

Paragraphe 1er

L'auteur principal de la proposition de loi déclare que la comparaison entre le projet Franchimont et la proposition à l'examen fait apparaître un premier point de divergence au 1º du § 1er , où la proposition utilise le terme « verdachte », alors que le projet Franchimont parlait, dans sa première version, de « iedereen tegen wie ernstige aanwijzingen van schuld bestaan », et, dans sa seconde version, de « niet aangehouden inverdenkinggestelde », la notion de « inverdenkingstelling » étant par ailleurs définie.

Deux solutions sont dès lors possibles :

­ soit l'on maintient l'actuelle terminologie de « verdachte », et la proposition, une fois adoptée par la Commission de la Justice du Sénat, sera jointe à la discussion du projet Franchimont, une coordination de la terminologie étant alors opérée;

­ soit l'on reprend la terminologie du projet Franchimont, avec cette difficulté que la définition de cette terminologie n'existe pas encore juridiquement.

L'intervenant est donc partisan de maintenir le terme « verdachte », qui se retrouve dans le Code.

Le second point à souligner concerne la « partie civile », terminologie préférée à celle de « victime ». À cet égard, il y a lieu de se référer à la discussion générale.

On vise la partie civile, parce que l'on se trouve dans le contexte d'une procédure pénale, où il faut éviter qu'intervienne toute personne qui se déclarerait préjudiciée, sans s'être officiellement constituée partie civile.

Un membre se rallie à la suggestion du précédent intervenant à propos du terme « verdachte ». On ne peut en effet adopter un texte reprenant des notions qui n'existent pas encore sur le plan légal. Toutes les définitions devront du reste être adaptées lors de l'adoption du projet Franchimont.

Un autre membre fait observer que deux corrections de forme doivent être apportées au § 1er de l'article 61bis proposé :

­ au 4e alinéa, les mots « la description la plus précise » doivent être remplacés par les mots « une description précise »;

­ au 5e alinéa, le mot « rendue » doit être inséré après les mots « décision définitive ».

À propos du 2e alinéa du § 1er de l'article 61bis proposé, l'auteur de la proposition fait remarquer que, par l'emploi des termes « à compter de l'inculpation » ­ « vanaf de inverdenkingstelling », on s'inscrit déjà dans le projet Franchimont (mais sans définition) dans le cadre de la procédure normale, où le juge d'instruction fait savoir à un prévenu qu'il est inculpé du chef de telle ou telle infraction, et ce dans le respect d'un certain formalisme.

Le § 1er de l'article 61bis proposé vise clairement à éviter les manoeuvres en vue de retarder systématiquement la procédure, et la multiplication des demandes les plus invraisemblables.

Le texte proposé tend également à permettre un certain « recul », ce qui explique que le moment où la demande peut être introduite varie selon les diverses hypothèses visées par le texte proposé.

Ainsi, une demande de copie des déclarations faites en cours d'instruction peut être introduite à chaque stade de l'instruction.

Par contre, on ne peut réitérer, à quelques jours d'intervalle, une même demande tendant à l'accomplissement d'un acte d'instruction complémentaire.

Un intervalle d'un mois est requis, et de nouveaux motifs doivent être invoqués.

Un membre demande de quelle disposition du texte proposé découle cette dernière exigence.

L'auteur principal de la proposition répond qu'elle découle de la combinaison de l'avant-dernier et du dernier alinéa du § 1er de l'article 61bis .

Un membre demande comment s'articulent la proposition de loi à l'examen et les dispositions de la loi sur la détention préventive, en particulier celles relatives au droit d'accès au dossier de l'inculpé détenu.

Un autre intervenant renvoie au projet Franchimont, qui stipule explicitement « sans préjudice des dispositions de la loi du 20 juillet 1990 sur la détention préventive ».

Ainsi, dans le calcul des délais fixés pour introduire une demande de consultation, il faut tenir compte, notamment, des consultations de dossier qui ont été possibles dans le cadre de la détention préventive.

L'auteur principal de la proposition répond que le texte proposé s'applique à l'inculpé non arrêté.

On ne peut cependant viser explicitement ce dernier dans la phrase liminaire du § 1er , car les 2º et 3º de ce paragraphe s'appliquent indistinctement à tous les inculpés, détenus ou non.

D'autre part, l'insertion des mots « sans préjudice des dispositions de la loi du 20 juillet 1990 sur la détention préventive » susciterait la question de savoir si ces dernières dispositions se cumulent avec celles de la proposition à l'examen.

Ce cumul est exclu.

Un membre déclare qu'en fait, seul le 2º proposé ajoute un élément par rapport aux droits dont dispose l'inculpé détenu.

En effet, si un juge d'instruction peut toujours, en théorie, refuser l'accomplissement d'un acte d'instruction complémentaire demandé par le canal de l'avocat de l'inculpé, il ne le fait pour ainsi dire jamais; un tel refus signifierait en effet une violation des droits de la défense.

L'auteur principal de la proposition répond que le juge d'instruction n'est effectivement jamais obligé de faire droit à une telle demande.

Par contre, si le ministère public demande un acte d'instruction complémentaire, celui-ci doit être exécuté et, en cas de refus, la décision ­ motivée ­ peut faire l'objet d'un recours.

L'intervenant souligne que le texte proposé impose au juge d'instruction de motiver sa décision. Il dépose un amendement ainsi libellé (Doc. part., Sénat, nº 1-9/2, amendement nº 2) :

« Compléter le § 1er , 1º, de l'article 61bis proposé par ce qui suit :

« dans la mesure où cette autorisation ne découle pas de l'application de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive. »

Cet amendement est adopté à l'unanimité des 8 membres présents.

Le ministre demande qui est « la partie civile, à compter de sa constitution ».

En effet, ce n'est que pendant la procédure au fond qu'il sera statué sur cette constitution. Dès lors, n'y a-t-il pas un risque que n'importe qui puisse se constituer partie civile dans le seul but d'accéder au dossier ?

Un membre déclare qu'un premier contrôle s'exerce par le juge d'instruction, qui appréciera l'existence d'un lien véritable entre la demande de la partie civile et le prévenu. La partie civile doit-elle motiver sa demande de copies ?

L'auteur principal de la proposition répond que l'article 63 du Code d'instruction criminelle est très large en ce qui concerne la reconnaissance de la qualité de partie civile, et la recevabilité de sa constitution.

La Cour de cassation a, à cet égard, une jurisprudence constante.

Aucun dommage ne doit être prouvé. Il suffit que la partie civile prétende être lésée pour pouvoir se constituer.

Ceci rejoint la remarque faite plus haut à propos de l'usage des termes de « partie civile », au lieu de celui de « victime ».

Par ailleurs, le projet Franchimont parle de « demande tendant à consulter le dossier judiciaire ». Le 1º du texte proposé vise le dossier judiciaire « les concernant ».

Cette formulation permet au juge d'instruction de limiter l'accès au dossier d'une partie civile constituée.

Ainsi, dans un dossier comportant vingt-cinq sous-dossiers relatifs, par exemple, à vingt-cinq cambriolages, la partie civile n'a accès qu'au sous-dossier qui traite du cambriolage la concernant.

On se rappellera par ailleurs que, dans le cadre de la discussion du projet de loi sur la détention préventive, le ministre avait émis l'idée que le juge d'instruction pourrait autoriser la consultation de certaines pièces, et non de l'ensemble du dossier.

Cette idée pourrait être reprise ici, si l'on craint qu'en cours d'instruction, telle ou telle pièce ne doive être soustraite à la consultation.

Cependant, ce système supposerait une décision autonome du juge saisi, ce qui pourrait s'avérer dangereux et, en tout cas, porterait atteinte à l'égalité entre les parties.

Un membre souligne les implications très concrètes du présent débat. En effet, le tribunal correctionnel est actuellement saisi d'une affaire « Assubel », où la matière en discussion trouve à s'appliquer. Les six dirigeants d'Assubel, qui viennent d'être cités devant le tribunal correctionnel, se trouveront face à un très volumineux dossier.

D'autre part, plusieurs dizaines de milliers de personnes risquent de se constituer partie civile.

Il faudrait à tout le moins que celles-ci disposent d'informations suffisantes pour apprécier s'il est ou non opportun, notamment sur le plan financier, de se constituer partie civile.

Un autre membre souligne que l'intervention du précédent orateur met en évidence la portée exacte du débat sur le sens des mots « le dossier judiciaire les concernant ».

Ces mots ne visent pas seulement les déclarations de l'intéressé, et celles où son nom est mentionné.

Ainsi, dans l'affaire Assubel, il peut y avoir des personnes titulaires d'une police d'assurance-vie, mais dont le nom n'apparaît nulle part dans le dossier. C'est la totalité du dossier qui les « concerne » alors.

La définition des termes « les concernant » est donc particulièrement délicate, mais il s'agit d'un élément essentiel.

Un membre estime qu'une constitution de partie civile opérée par une personne qui ne serait en rien concernée par le dossier, est un cas exceptionnel, en fonction duquel le législateur ne doit pas légiférer. En outre, comme cela a déjà été souligné, le juge d'instruction contrôle la demande, et peut donc rejeter celle-ci en motivant son refus par l'absence d'intérêt dans le chef du demandeur.

Enfin, dans les cas comme ceux de l'affaire Assubel, les constitutions de parties civiles massives se font généralement à l'audience du fond de sorte que dans cette hypothèse, le texte proposé, qui concerne le stade de l'instruction, ne trouve pas vraiment à s'appliquer.

Un intervenant précédent affirme que lorsqu'il statue sur la demande d'accès au dossier, le juge d'instruction doit pouvoir se fonder sur certains critères pour motiver son ordonnance en droit.

Lorsqu'il s'agit de dossiers criminels complexes, il ne faut pas oublier que les inculpés souhaiteront prendre connaissance du dossier pour se faire une idée claire de l'enquête.

L'intervenant craint que certains services de police ne diffèrent autant que possible l'inculpation ou l'arrestation afin d'éviter que le suspect et son conseil puissent consulter le dossier et risquent ainsi de rendre publiques des preuves pertinentes.

C'est pourquoi il se rallie à la proposition du ministre visant à définir les critères en fonction desquels il faut apprécier le problème de l'accès au dossier judiciaire, car, sinon, on laisserait la décision au pouvoir d'appréciation discrétionnaire du juge d'instruction.

Le fait qu'un recours soit ouvert contre l'ordonnance du juge d'instruction n'ôte pas à l'objection sa raison d'être. La chambre des mises en accusation pourra en effet contrôler en deuxième instance l'ordonnance du juge d'instruction.

L'auteur de la proposition de loi rappelle que le membre de phrase « le dossier judiciaire les concernant » constitue une restriction dont le juge d'instruction peut se prévaloir pour refuser la consultation du dossier ou de certaines pièces.

Cette restriction ne figure ni dans la version 1994, ni dans la version 1995 de l'avant-projet de loi Franchimont. Dans ce dernier, le droit de consultation porte sur la totalité du dossier judiciaire.

En rédigeant sa proposition, l'intervenant s'est demandé si la partie civile doit pouvoir prendre connaissance de l'ensemble des pièces, même de celles qui ne l'intéressent pas.

À son avis, la réponse est négative. Dès lors, il lui semble opportun que le juge d'instruction qui a la charge du dossier puisse en décider. C'est pourquoi il a complété les mots « le dossier judiciaire » par les mots « les concernant ».

Si l'on part du principe que le juge d'instruction doit pouvoir apprécier, de manière souveraine et sans aucun contrôle, s'il convient de mettre l'ensemble du dossier à la disposition de l'inculpé et de la partie civile, il est préférable de supprimer les mots « les concernant », avec tous les risques que cela implique.

Le préopinant objecte que si l'on supprime ces mots, le juge d'instruction ne pourra plus fonder sa décision sur aucun critère légal.

Un membre fait observer que les mots « le dossier judiciaire les concernant » permettent au juge d'instruction de statuer sur l'intérêt de la partie civile de consulter le dossier sans devoir se prononcer sur le bien-fondé de la constitution de partie civile. Le juge appréciera donc si la partie civile a un intérêt véritable à consulter le dossier.

L'intervenant évoque le problème de l'appréciation de la qualité de la partie civile par le juge d'instruction.

Par exemple, l'A.S.B.L. Marc et Corinne se constitue partie civile dans une affaire d'enlèvement d'enfant. Dans l'état actuel de notre droit, une pareille constitution sera déclarée irrecevable par la juridiction de fond au motif qu'une A.S.B.L. n'a qu'un intérêt indirect.

La question se pose de savoir si le juge d'instruction qui doit se prononcer sur la demande de l'A.S.B.L. de pouvoir consulter un dossier judiciaire, n'est pas préalablement tenu d'examiner la recevabilité de la constitution de partie civile.

De façon générale, si quelqu'un se constitue partie civile sans qu'existe ce lien de causalité entre le dommage et l'infraction, et demande à pouvoir consulter le dossier judiciaire, le juge d'instruction est-il habilité à se prononcer sur la recevabilité de la constitution de partie civile ?

Peut-il refuser l'accès au dossier en déclarant que le demandeur n'a pas qualité pour se constituer partie civile ? Ou bien, peut-il esquiver le problème en déclarant que le demandeur n'a pas d'intérêt à consulter le dossier, quelle que soit la recevabilité de sa constitution de partie civile ?

L'auteur principal de la proposition affirme que cette question ne se situe pas dans le cadre de la réglementation actuelle.

Selon le droit actuel, la victime qui se constitue partie civile n'a accès au dossier judiciaire qu'à l'occasion du règlement de la procédure devant la chambre du conseil. À cette occasion, la chambre du conseil ne statue pas sur la recevabilité de la constitution de partie civile. Dès lors, elle ne saurait refuser l'accès au dossier à cette dernière.

La proposition de loi à l'examen ne fait que déplacer la problématique vers une phase antérieure, à savoir celle de l'instruction judiciaire.

Le préopinant souligne qu'il y a néanmoins une différence importante.

Grâce à la proposition de loi à l'examen, la partie civile peut consulter le dossier au cours de l'instruction judiciaire et demander au juge d'instruction d'accomplir des actes d'instruction complémentaires. Ce droit de consultation est beaucoup plus large que celui dont la partie civile dispose actuellement. En effet, au moment du règlement de la procédure, l'on considère que l'instruction est terminée.

Un membre déclare qu'un autre problème se pose. Il se peut que dans une enquête pénale, l'on nomme une personne contre laquelle on intente également des poursuites.

Étant donné que le bien-fondé de la constitution de partie civile n'est examiné que par le juge du fond, cette personne pourrait se constituer partie civile. Ensuite, elle pourrait, en application de la présente proposition de loi, prendre connaissance du dossier dans lequel elle est citée en tant que suspect. Il va de soi que cela nuirait énormément à l'enquête.

C'est pourquoi certains services de police ont pris l'habitude de différer autant que possible l'arrestation ou certains actes d'instruction tels qu'une saisie, pour éviter que le suspect ait vent trop rapidement des éléments à sa charge dans le dossier, ou qu'il puisse prendre connaissance de son dossier.

L'intervenant craint que l'on recourre de plus en plus à cette pratique, qu'il considère comme non démocratique.

Le ministre déclare que l'on peut proposer deux remèdes à ces problèmes : soit, l'on va dans le sens de la présente proposition de loi et l'on accorde au juge d'instruction une liberté d'appréciation totale sans lui imposer de critères légaux. Cela ne le dispense néanmoins pas de l'obligation de motiver sa décision (l'article 61bis, § 2, premier alinéa, du Code d'instruction criminelle proposé).

Soit le juge d'instruction doit examiner la demande de consultation en fonction de certains critères définis par la loi, tels que l'intérêt de l'enquête, la vie privée de certaines personnes, la légitimité de la constitution de partie civile, etc.

L'intervenant précédent opte pour la dernière solution.

L'auteur principal de la proposition craint que l'on ne résolve pas ainsi les problèmes soulevés.

De plus, on institue une discrimination à l'égard des parties qui, au moment du règlement de la procédure, peuvent prendre connaissance de l'ensemble du dossier judiciaire. Néanmoins, le droit de consultation ne vaut pas pour l'enquête de recherche.

Troisièmement, les critères légaux constituent une restriction supplémentaire pour le juge d'instruction.

L'intervenant comprend qu'on lui fasse remarquer que les services de police souhaitent empêcher le plus longtemps possible les parties d'avoir accès au dossier, mais il argue qu'il s'agit en l'occurrence d'un problème de hiérarchie et de contrôle.

Lorsqu'un inculpé comparaît devant la chambre du conseil, le juge d'instruction et le ministère public ont la responsabilité de veiller à mettre à sa disposition le dossier complet, dans l'état où il se trouve. Ils doivent rappeler aux services de police qu'il ne peut être question de dissimuler des pièces et, si cela devait malgré tout se produire, de tels agissements doivent être sanctionnés.

Les mots « le dossier judiciaire les concernant » constituent donc une indication pour le juge d'instruction. Celui-ci peut refuser la communication parce que le dossier ou certaines pièces du dossier, soit ne concernent pas le requérant, soit ne présentent pas d'intérêt pour lui. Le requérant pourra alors contester ce refus devant la chambre des mises en accusation.

Un membre signale que l'article 61bis du Code d'instruction criminelle (version 1994) ainsi que l'article 61ter du même code (version 1995), proposés par l'avant-projet de loi Franchimont, ne contiennent aucune limitation vis-à-vis de la partie civile, qui, dès lors, a un accès complet au dossier.

D'après le commentaire de l'article 61bis proposé, de l'avant-projet de loi Franchimont (version 1994), « Le juge d'instruction devra, dans une première phase, vérifier si la requête est recevable, c'est-à-dire s'il existe des indices sérieux de culpabilité à l'égard du requérant, ou si elle s'est bien constituée partie civile. Ce contrôle de la qualité requise dans le chef du requérant devra être apprécié de manière stricte, pour éviter que cette disposition ne soit utilisée par des curieux ou des personnes qui craignent à tort d'être suspectées dans un litige pénal. Le juge d'instruction devra alors déclarer la requête irrecevable.

Ensuite, si le requérant possède la qualité exigée, le juge d'instruction pourra refuser l'accès au dossier lorsque les nécessités de l'instruction l'exigent.

Cette formule s'inspire du droit néerlandais qui connaît également une disposition selon laquelle lorsque l'intérêt de l'enquête le requiert, le juge d'instruction, pendant l'instruction, et le ministère public, pendant l'information, peuvent refuser au prévenu l'accès à certaines pièces de la procédure (art. 30, alinéa 2, Sv) » (Commission pour la procédure pénale, rapport de la Commission, avant-projet de loi relative à l'amélioration de la procédure pénale au stade de l'information et de l'instruction, Ed. Collection scientifique de la Faculté de Droit de Liège, Maklu, 1994, pp. 47 et 76-78).

L'intervenant ne voit pas pourquoi la proposition du sénateur Erdman devrait, sur ce point, s'écarter de l'avant-projet de loi Franchimont en inscrivant une limitation dans la loi.

Un troisième membre craint que la proposition de loi à l'examen n'accorde, au cours de l'instruction judiciaire, davantage de possibilités aux inculpés ou aux parties civiles qu'aux services de police mêmes. Les premiers peuvent obtenir communication de toutes les pièces, ce qui, sur le plan de la connaissance, leur donne un avantage sur les services de police qui, dans leur recherche de la vérité, ne connaissent bien entendu pas toujours ce que savent les inculpés.

Les enquêteurs qui travaillent sur des affaires complexes qui sont liées à la criminalité organisée se plaignent souvent de ce que la loi les oblige à opérer cartes sur tables alors que la partie adverse, elle, n'est pas tenue de le faire.

Il s'ensuit que, dans certains cas, les droits de la défense empiètent sur l'exigence de l'efficacité de l'instruction judiciaire.

D'après l'auteur principal de la proposition de loi, la problématique qui fait l'objet de celle-ci ne se poserait pas si, par impossible, l'on parvenait à adopter une loi qui imposerait l'obligation de porter les affaires devant la juridiction de jugement dans un délai de trois mois après leur mise à l'instruction.

Pour ce qui est de l'inégalité de moyens entre les services de police, d'une part, et les inculpés et parties civiles, d'autre part, il est d'avis qu'il faut peser les intérêts en présence.

Il y a, d'un côté, le parquet et les services de police qui, pendant une période qui s'étend parfois sur des années, ont la possibilité de poser des actes d'instruction.

Il y a, d'autre part, les victimes, leurs ayants droit et les personnes qui ont été interrogées et sur lesquelles pèsent des soupçons. Ces personnes restent parfois des années dans l'ignorance du déroulement de l'enquête et vivent en permanence dans l'incertitude.

Les dispositions proposées seraient superflues si toutes les procédures pouvaient être traitées dans un délai de trois mois.

L'intervenant se réfère à la situation qui prévaut au Royaume-Uni et aux Pays-Bas où les inculpés comparaissent devant une juridiction de jugement après quelques mois seulement d'enquête préliminaire.

M. Erdman dépose l'amendement suivant (Doc. parl. Sénat, nº 1-9/3, amendement nº 10, A) :

« Compléter le 4e alinéa du § 1er de l'article 61bis proposé par ce qui suit :

« Le juge d'instruction peut demander des précisions complémentaires au requérant. Le délai dans lequel le juge d'instruction doit prendre sa décision est suspendu par cette demande. »

L'insertion de ce texte constitue le corollaire de la suppression de l'alinéa 3 du § 3 de l'article 2.

Il y a lieu de se référer, à ce sujet, à la discussion de ce dernier paragraphe (voir infra , p. 48).

L'amendement est adopté à l'unanimité des 8 membres présents.

Le § 1er amendé est adopté suivant le même vote.

Paragraphe 1er bis (nouveau)

Mmes Delcourt-Pêtre et Milquet déposent un amendement ainsi libellé (Doc. parl. Sénat, nº 1-9/3, amendement nº 4) :

« À l'article 61bis proposé, insérer un § 1er bis libellé comme suit :

« § 1er bis. L'inculpé ou la partie civile introduit la demande visée au premier paragraphe par voie de requête. Cette requête doit à peine de nullité être motivée et contenir élection de domicile. Elle est déposée au greffe du tribunal de première instance et est inscrite dans un registre ouvert à cet effet. Le greffier en communique sans délai une copie au procureur du Roi. Celui-ci fait connaître au juge d'instruction les réquisitions qu'il juge utiles. »

Justification

Cet amendement vise deux choses distinctes.

Tout d'abord, on exige que la requête de l'inculpé ou de la partie civile soit introduite par requête motivée. Cette motivation est nécessaire car elle permettra au juge d'instruction de cerner concrètement le souhait du requérant. En outre, cette motivation protégera également le requérant; car, en rendant sa décision, le juge d'instruction devra répondre aux arguments qu'il a soulevés.

Ensuite, afin que le procureur du Roi soit correctement informé des mesures demandées et décidées dans le cours de l'instruction, on prévoit que la requête lui sera transmise dès son introduction afin qu'il puisse la commenter ainsi qu'il le jugerait utile. De plus, le procureur du Roi pouvant interjeter appel de la décision du juge d'instruction, il convenait qu'il soit informé dès l'abord de toute requête.

Un membre se rallie à l'objectif poursuivi par cet amendement. Le procureur du Roi peut avoir des arguments à communiquer au juge d'instruction.

Il ne faut pas le contraindre à attendre la signification de la décision du juge pour les faire connaître, car ils peuvent avoir une incidence sur cette décision.

L'un des auteurs de l'amendement signale que lors de la rédaction de celui-ci, la question s'est posée de savoir si une requête ne devait pas revêtir une forme spécifique, ce qui risquait de freiner la démarche d'une partie civile.

L'auteur principal de la proposition répond par la négative.

Il suggère de vérifier s'il est exact qu'en matière sociale, les requêtes peuvent être formulées par simple lettre. Si ceci est expressément prévu dans la loi, on pourrait ici prévoir une disposition allant dans le même sens.

Un membre suggère de remplacer la 1re phrase du § 1er bis proposé par ce qui suit : « L'inculpé ou la partie civile introduit par écrit la demande visée au premier paragraphe. »

Compte tenu de la suite du texte du § 1er bis , la commission décide de ne pas suivre cette suggestion. Il est cependant souligné qu'une simple lettre peut constituer une requête au sens de ce paragraphe.

L'amendement de Mmes Delcourt-Pêtre et Milquet est modifié comme suit :

« Le greffier communique sans délai la demande au procureur du Roi. »

L'amendement ainsi modifié est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.

Paragraphe 2

L'on souligne que si le juge d'instruction décide d'accéder à la requête de l'inculpé ou de la partie civile, l'obligation qui lui est faite de motiver sa décision n'a pas le même poids que s'il refusait d'y accéder ou n'y accédait qu'en partie.

En ce qui concerne le délai de huit jours dans lequel le juge d'instruction doit prendre sa décision, l'auteur de la proposition signale que les versions 1994 et 1995 de l'avant-projet de loi Franchimont accordent respectivement un délai de dix jours et d'un mois au juge d'instruction. À son avis, un délai d'un mois est exagéré.

La terminologie utilisée dans le deuxième alinéa est tirée de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive. Il n'est pas exclu que le juge d'instruction puisse, à l'avenir, communiquer sa décision par lettre recommandée à la poste, par télécopie ou par courrier électronique.

Contrairement à ce que prévoit l'avant-projet de loi Franchimont, la décision est communiquée à la fois au requérant et à son conseil.

Un membre fait remarquer que suivant les dispositions de la loi proposée, ni le procureur du Roi, ni les autres parties ne sont informés de la demande formulée par l'une des parties en vue d'obtenir une copie des déclarations qu'elle a faites en cours d'instruction.

L'auteur de la proposition de loi répond que la logique du système est respectée. Lorsque, en vertu de l'article 125 de l'arrêté royal du 28 décembre 1950 portant règlement général sur les frais judiciaires en matière répressive, le procureur général accorde à une partie l'accès au dossier judiciaire, les autres parties n'en sont pas davantage avisées.

L'intervenant marque toutefois son accord sur l'obligation, pour le juge d'instruction, de communiquer sa décision non seulement au requérant et à son conseil, mais aussi au procureur du Roi. Ce dernier peut faire appel de cette décision.

Un membre s'étonne qu'il soit accordé une possibilité d'appel au procureur du Roi alors qu'initialement il n'était pas partie à la cause. Il est vrai que cette objection peut être rencontrée en obligeant le juge d'instruction à recueillir préalablement l'avis du procureur mais une telle condition risquera d'alourdir considérablemet la procédure.

Le préopinant répond que conformément aux dispositions du Code judiciaire, le procureur du Roi pourrait se pourvoir par tierce proposition contre la décision du juge d'instruction. Cela alourdit également la procédure.

S'il fait appel, la chambre des mises en accusation devra se prononcer avant que la décision du juge d'instruction ne soit exécutée. L'appel a donc un effet suspensif.

Selon un membre, une autre solution à ce problème consisterait à prévoir que la demande de communication du dossier serait d'abord transmise au ministère public de sorte qu'il puisse intervenir avant la décision du juge d'instruction. De cette façon, un appel n'est plus nécessaire.

L'intervenant précédent fait observer que la procédure qu'il a instituée est logique, parce que le procureur du Roi peut toujours faire appel de la décision du juge d'instruction, que ce dernier ait pris sa décision d'office ou sur requête du procureur du Roi.

Un commissaire se rallie à ce point de vue, parce que le parquet a, par définition, connaissance du dossier. C'est pourquoi il estime qu'il est rationnel que le juge d'instruction se prononce exclusivement sur la demande de consultation. Le parquet ne doit pas être consulté à ce sujet.

Il désire savoir par ailleurs quelles sont les conséquences juridiques de l'absence de décision du juge d'instruction dans les huit jours. Le requérant obtient-il d'office accès au dossier ou non ?

L'intervenant estime que la violation de cette obligation doit être sanctionnée de l'une ou l'autre façon. Il renvoie à cet égard à l'obligation, pour le juge, de se prononcer dans le mois qui suit la mise en délibéré de l'affaire. L'expérience nous apprend que cette obligation n'est pas toujours respectée.

Un autre commissaire fait observer qu'en vertu de l'article 61ter, § 6, du Code d'instruction criminelle tel qu'il est proposé par la commission Franchimont (version 1995), le requérant peut saisir la chambre des mises en accusation si le juge d'instruction ne s'est pas prononcé dans le mois de l'introduction de la demande.

L'auteur principal de la proposition déclare que l'on ouvre ainsi la voie à une pratique qui permet aux juges d'instruction de laisser expirer le délai de huit jours pour forcer le requérant à s'adresser à la chambre des mises en accusation.

L'intervenant se dit plutôt partisan d'une autre sanction dans le cadre de la protection des droits de la défense.

Aux termes de la discussion, on pourrait donner une suite différente à l'absence de décision du juge d'instruction dans les délais.

Ou bien la décision est réputée favorable s'il garde le silence.

Ou bien elle est censée constituer un refus contre lequel un recours est ouvert. Si la requête est envoyée au ministère public et que le juge d'instruction ne prend pas de décision dans le délai légal, le procureur peut faire appel devant la chambre des mises en accusation.

Si l'on donne la préférence à cette option, il faut également, selon un membre, prendre en considération les textes de lois relatifs au déni de justice. Ceux-ci prévoient que lorsqu'un juge ne respecte pas un délai, il se rend coupable de déni de justice. À l'heure actuelle, ce problème est trop facilement passé sous silence.

Au terme de cette discussion, les trois amendements suivants sont déposés :

A) Amendement nº 3 de M. Erdman (Doc. parl. Sénat, nº 1-9/2) :

« Au § 2, deuxième alinéa, de l'article 61bis proposé remplacer les mots « au requérant et à son conseil » par les mots « au procureur du Roi, au requérant et à son conseil .»

Cet amendement est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.

B) Amendement nº 7 de M. Bourgeois (Doc. parl., Sénat, nº 1-9/3) :

« Compléter le § 2 de l'article 61bis proposé par un alinéa libellé comme suit :

« Si le juge d'instruction s'abstient de prendre une décision en temps voulu, le requérant peut saisir la chambre des mises en accusation conformément au § 4. »

Justification

Si le juge d'instruction s'abstient de statuer sur la demande, les conséquences seront en fait les mêmes qu'en cas de rejet : la consultation, la copie ou l'acte d'instruction complémentaire ne pourront être obtenus.

Un recours contre le rejet de la demande est ouvert au requérant devant la chambre des mises en accusation. Il ne dispose, par contre, d'aucun recours contre l'absence de décision.

C'est la raison pour laquelle nous proposons qu'en l'absence de décision, le requérant puisse également porter l'affaire devant la chambre des mises en accusation.

C) Amendement nº 8 de Mme Delcourt-Pêtre (Doc. parl. Sénat, nº 1-9/3) :

« Insérer, à la fin du § 2 de l'article 61bis proposé, la phrase suivante :

« L'absence de décision dans le délai susmentionné vaut refus de la demande visée au § 1er . » (2)

Un membre se dit partisan de l'amendement de Mme Delcourt-Pêtre, qui permet de faire courir le délai d'appel à partir de l'échéance du délai dans lequel le juge d'instruction devait décider.

L'auteur principal de la proposition de loi ajoute qu'à défaut d'un tel texte, l'inertie d'un juge d'instruction ne pourrait être sanctionnée.

M. Bourgeois précise que son amendement s'inspire de la formulation du projet Franchimont (version 1994), selon laquelle « si le juge d'instruction n'a pas statué dans les 10 jours, le requérant peut saisir la chambre des mises en accusation (...) ».

Le précédent intervenant observe que ce texte ne précise pas quand le délai d'appel commence à courir.

Un membre ajoute que la version du projet Franchimont qui date de 1995 prévoit que l'appel doit être interjeté dans le mois, conformément à l'article 136quater .

Un autre membre renvoie à l'amendement nº 5 de Mmes Delcourt et Milquet, qui, au § 4 de l'article, mentionne « l'absence de décision du juge d'instruction dans le délai prévu au § 2 ».

Un autre membre encore déclare qu'il ne convient pas de se référer systématiquement au projet Franchimont qui, légalement, n'existe pas encore.

L'intervenant estime que le dernier alinéa du § 2 est superflu, au regard du texte précité du § 4.

Un membre admet que le dernier alinéa du § 2 peut paraître surabondant. Néanmoins, il n'est pas inutile de définir explicitement le statut de la non-décision.

Le précédent intervenant reste d'avis que prévoir, en matière pénale, que l'absence de décision d'un juge « vaut » refus est un procédé curieux. Il propose de dire plutôt que l'absence de décision est assimilée à un refus.

La commission opte finalement à l'unanimité des 9 membres présents, pour l'amendement nº 7 de M. Bourgeois, sous réserve du remplacement des mots « en temps voulu » par les mots « dans le délai requis » conformément à un sous-amendement déposé par M. Erdman (Doc. parl. Sénat, nº 1-9/3, amendement nº 13).

Enfin, un membre propose de formuler comme suit le 1er alinéa de ce paragraphe : « Le juge d'instruction prend une décision motivée sur les demandes visées au § 1er , dans les huits jours de leur réception ».

La commission se rallie à cette suggestion.

Le § 2 ainsi amendé et corrigé est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.

Paragraphe 3

L'auteur principal de la proposition fait observer que le texte néerlandais du 1er alinéa de ce paragraphe doit être aligné sur le texte français : les mots « het eerste lid » doivent être remplacés par les termes « het 1º ».

En ce qui concerne le troisième alinéa du même paragraphe, un autre membre propose de remplacer le mot « renseignements » par le mot « précisions ».

M. Erdman propose de placer l'alinéa ainsi corrigé après le quatrième alinéa du § 1er . Il dépose à cette fin un amendement, libellé comme suit (Doc. parl. Sénat, nº 1-9/3, amendement nº 10) :

« A) Compléter le quatrième alinéa du § 1er de l'article 61bis proposé par ce qui suit : « Le juge d'instruction peut demander des précisions complémentaires au requérant. Le délai dans lequel le juge d'instruction doit prendre sa décision est suspendu par cette demande ».

B) Supprimer l'alinéa 3 du § 3 du même article. »

Sur le point A) de l'amendement, voir supra, p. 42.

Le point B) de l'amendement et les 2 corrections de texte susmentionnées ainsi que le § 3 amendé, sont adoptés à l'unanimité des 10 membres présents.

Paragraphe 4

Mmes Delcourt-Pêtre et Milquet déposent un amendement libellé comme suit (Doc. parl. Sénat, nº 1-9/3, amendement nº 5) :

« Remplacer le paragraphe 4 de l'article 61bis proposé par ce qui suit :

« § 4. Le requérant et le procureur du Roi peuvent interjeter appel devant la chambre des mises en accusation soit de la décision du juge d'instruction qui rejette une demande visée au premier paragraphe, soit de l'absence de décision du juge d'instruction dans le délai prévu au paragraphe 2.

L'appel doit être interjeté dans un délai de deux jours ouvrables qui court à compter de la réception de la notification de la décision pour le requérant et du moment où l'ordonnance est portée à sa connaissance pour le procureur du Roi.

L'appel est introduit par voie de requête déposée au greffe du tribunal de première instance du juge d'instruction qui a rendu la décision, et est consignée au registre des appels en matière correctionnelle.

La chambre des mises en accusation statue dans les huit jours à compter du dépôt de la requête d'appel en tenant compte des circonstances de la cause au moment de la décision.

Le requérant qui succombe dans son appel est condamné aux frais. »

Justification

Cet amendement vise à énoncer expressément la possibilité d'appel du procureur du Roi, mais aussi et surtout à permettre un recours lorsque le juge d'instruction ne prend pas de décision dans le délai prévu de huit jours. Dans cet esprit, une absence de décision est considérée après l'écoulement du délai prévu comme un refus tacite permettant un appel devant la chambre des mises en accusation.

Relevons également que, in fine du § 4 nouveau, on prévoit que le requérant qui succombe à son appel est condamné aux frais, ce qui permettra peut-être de limiter les recours purement dilatoires. »

Plusieurs membres observent que le 2e alinéa du § 4 proposé doit être adapté, pour viser également l'hypothèse d'une absence de décision, envisagée à l'alinéa 1er .

Un membre estime que la notion d'appel d'une « non-décision » est juridiquement assez contestable. Une telle notion n'existe dans aucun texte légal. En l'occurrence, la chambre des mises en accusation se substitue au juge d'instruction.

Un précédent intervenant répond qu'une notion similaire existe, à propos de la non-décision du juge sur une réquisition du ministère public.

Il est fait également observer qu'en droit administratif, le silence de l'administration est interprété comme une décision de rejet de la demande.

Un membre ajoute que, dans le cadre de la présente proposition, une absence de décision du juge d'instruction peut être interprétée de deux façons : soit il s'agit d'un déni de justice ­ auquel cas le juge d'instruction doit être poursuivi ­ soit ce silence est interprété comme rejet de la demande.

L'intervenant opte pour la seconde solution.

L'auteur principal de la proposition fait remarquer que, dans ce cas, le sens de l'absence de décision doit être précisé in fine du § 2 de l'article 61bis proposé.

Par conséquent, Mme Delcourt-Pêtre dépose l'amendement et le sous-amendement suivants (Doc. parl. Sénat, nº 1-9/3, amendements nºs 8 et 9) :

1. Amendement (nº 8)

« Insérer à la fin du § 2 de l'article 61bis proposé, la phrase suivante :

« L'absence de décision dans le délai susmentionné vaut refus de la demande visée au § 1er . »

Sur la discussion de cet amendement, voir supra, p. 46.

2. Sous-amendement (nº 9) à l'amendement nº 5 de Mmes Delcourt-Pêtre et Milquet

« Compléter l'alinéa 2 du § 4 de l'article 61bis proposé par ce qui suit :

« En cas d'appel pour non-décision prévu au premier alinéa de ce paragraphe, le délai de deux jours ouvrables pour interjeter appel commence à courir à compter de l'expiration du délai prévu au § 2. »

M. Erdman dépose un sous-amendement tendant à supprimer le dernier alinéa du § 4, proposé par l'amendement nº 5 de Mmes Delcourt-Pêtre et Milquet (Doc. parl. Sénat, nº 1-9/3, amendement nº 11).

Cet alinéa prévoit que « le requérant qui succombe dans son appel est condamné aux frais ».

En effet, l'appel peut échouer sans pour autant être dilatoire.

Un membre demande de quel frais il s'agit en l'occurrence. S'il s'agit d'un droit de rôle, il aura déjà été payé et, s'il est fait droit à la demande, il ne sera pas remboursé. Le dernier alinéa du § 4 proposé par l'amendement est donc sans objet.

La commission se rallie à cette observation.

M. Lallemand dépose un sous-amendement (Doc. parl. Sénat, nº 1-9/3, amendement nº 14), tendant à formuler comme suit le deuxième alinéa proposé par l'amendement nº 5 :

« L'appel doit être interjeté, par le requérant dans un délai de deux jours ouvrables qui court à compter de la réception de la notification de la décision, et par le procureur du Roi, dans un délai de deux jours ouvrables à compter du moment où l'ordonnance est portée à sa connaissance ».

L'auteur principal de la proposition suggère d'utiliser, au 4e alinéa du § 4 proposé, le terme « demande » plutôt que celui de « requête », et le mot « introduite » plutôt que celui de « déposée », conformément au souci, exprimé au § 1er , d'éviter tout formalisme (Doc. parl. Sénat, nº 1-9/3, amendement nº 15).

Une adaptation similaire doit être apportée à l'alinéa 5 du même paragraphe.

La commission s'accorde avec ces suggestions.

L'amendement nº 5 de Mmes Delcourt-Pêtre et Milquet (Doc. parl. Sénat, nº 1-9/3), ainsi corrigé, et tel que sous-amendé par M. Erdman (Doc. parl. Sénat, nº 1-9/3, amendement nº 11) par Mme Delcourt-Pêtre (Doc. parl. Sénat, nº 1-9/3, amendement nº 9), par M. Lallemand (Doc. parl. Sénat, nº 1-9/3, amendement nº 14), et par M. Erdman (Doc. parl. Sénat, nº 1-9/3, amendement nº 15), est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

Paragraphe 4bis (nouveau)

Mmes Delcourt-Pêtre et Milquet déposent un amendement ainsi libellé (Doc. parl., Sénat, nº 1-9/3, amendement nº 6) :

« Insérer dans l'article 61bis proposé un § 4bis libellé comme suit :

« § 4bis. Lorsque la chambre des mises en accusation est appelée à se prononcer sur l'ordonnance rendue par le juge d'instruction dans les cas visés au premier paragraphe, elle statue à huis clos sans débat contradictoire et après avoir entendu le requérant puis le magistrat instructeur dans son rapport et ses motivations. »

Justification

L'introduction d'un recours contre la décision du juge d'instruction est nécessaire afin d'éviter la trop grande subjectivité des décisions dénoncée aujourd'hui.

Mais si le juge d'instruction doit expliquer les raisons de son refus lors de la procédure devant la chambre des mises en accusation, il ne pourra pas éviter de faire rapport sur le dossier lui-même en en explicitant le contenu.

Dans ces conditions, la décision de refus n'aurait aucun intérêt puisqu'en étant simplement présent lors de l'audience d'appel le requérant obtiendrait toutes les informations souhaitées relatives au contenu du dossier.

C'est pourquoi il a paru opportun de prévoir que les débats se passeraient à huis clos et que la chambre des mises en accusation entendrait séparément le requérant et le juge d'instruction sans les confronter directement.

L'auteur principal de la proposition demande quel est le sens des mots « à huis clos sans débat contradictoire ».

L'un des auteurs de l'amendement répond que ceci signifie que l'on se contente d'entendre le requérant et le magistrat instructeur. Le but est, ici encore, d'accélérer la procédure.

Le précédent intervenant fait observer que, devant la chambre de mises en accusation, on ne peut entendre le juge d'instruction, qui appartient à une juridiction d'un autre degré.

Ne peut-on dès lors supprimer les mots « contradictoire et après avoir entendu le requérant puis le magistrat instructeur dans son rapport et ses motivations » ? L'acte d'appel devant en tout état de cause être motivé, il n'est pas nécessaire d'entendre à nouveau le requérant.

M. Erdman dépose à cet effet un sous-amendement à l'amendement nº 6 de Mmes Delcourt-Pêtre et Milquet (Doc. parl., Sénat, nº 1-9/3, amendement nº 12). Ce sous-amendement est ainsi libellé :

« Au § 4bis proposé, supprimer les mots « contradictoire et après avoir entendu le requérant puis le magistrat instructeur dans son rapport et ses motivations. »

Un membre demande si la procédure ne risque pas de devenir fort expéditive, la chambre des mises en accusation statuant sur la base de la requête originaire, de la décision du juge d'instruction et de la requête d'appel.

L'auteur du sous-amendement répond que, tout d'abord, il est nécessaire que la procédure soit rapide. En outre, cette procédure peut être répétée dans les délais prévus. Enfin, en première instance, le juge d'instruction statue lui aussi sans débats.

On suit la même logique en appel.

L'amendement nº 6 de Mmes Delcourt et Milquet (Doc. parl., Sénat, nº 1-9/3), tel que sous-amendé par M. Erdman (Doc. parl., Sénat, nº 1-9/3, amendement nº 12), est adopté à l'unanimité des 11 membres présents.

Paragraphe 5

M. Mahoux dépose un amendement libellé comme suit (Doc. parl., Sénat, nº 1-9/2, amendement nº 1) :

« Au § 5 de l'article 61bis proposé, supprimer les alinéas 2 à 5. »

Justification

La décision du juge d'instruction est une décision de fond. Il n'y a pas lieu de prévoir un pourvoi en cassation pour cette décision spécifique du juge d'instruction; cette possibilité de pourvoi risquerait d'alourdir la procédure de manière injustifiée.

L'amendement de M. Mahoux (Doc. parl., Sénat, nº 1-9/2, amendement nº 1) est adopté à l'unanimité des 11 membres présents.

V. VOTE SUR L'ENSEMBLE

L'ensemble de la proposition de loi amendée est adopté à l'unanimité des 11 membres présents.

Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 9 membres présents.

Le Rapporteur,
Claude DESMEDT.
Le Président,
Roger LALLEMAND.

TEXTE DE LA PROPOSITION DE LOI TEXTE ADOPTÉ
PAR LA COMMISSION DE LA JUSTICE
Article premier Article premier
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution. La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2 Art. 2
Dans le Code d'instruction criminelle est inséré un article 61bis libellé comme suit : Dans le Code l'instruction criminelle est inséré un article 61bis libellé comme suit :
« Article 61 bis. ­ § 1er . L'inculpé et la partie civile peuvent demander, par écrit, au juge d'instruction : « Article 61bis . ­ § 1er . L'inculpé et la partie civile peuvent demander, par écrit, au juge d'instruction :
1º l'autorisation de consulter le dossier judiciaire les concernant; 1º l'autorisation de consulter le dossier judiciaire les concernant, dans la mesure où cette autorisation ne découle pas de l'application de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive;
2º une copie des déclarations qu'ils ont faites en cours d'instruction; 2º une copie des déclarations qu'ils ont faites en cours d'instruction;
3º l'accomplissement d'un acte d'instruction complémentaire. 3º l'accomplissement d'un acte d'instruction complémentaire.
La demande visée au 1º du présent paragraphe peut être introduite, pour la première fois, après l'expiration d'un délai d'un mois : La demande visée au 1º [...] peut être introduite, pour la première fois, après l'expiration d'un délai d'un mois :
­ pour l'inculpé, à compter de l'inculpation; ­ pour l'inculpé à compter de l'inculpation;
­ pour la partie civile, à compter de sa constitution. ­ pour la partie civile, à compter de sa constitution.
La demande visée au 2º du présent paragraphe peut être introduite à chaque stade de l'instruction. La demande visée au 2º [...] peut être introduite à chaque stade de l'instruction.
La demande visée au 3º du présent paragraphe doit être motivée et doit contenir, à peine d'irrecevabilité, la description la plus précise de l'acte d'instruction demandé. La demande visée au 3º [...] doit être motivée et doit contenir, à peine d'irrecevabilité, une description [...] précise de l'acte d'instruction demandé.
Le greffier communique sans delai la demande au procureur du Roi.
Le juge d'instruction peut demander des précisions ntmplémentaires au requérant.
Le délai dans lequel le juge d'instruction doit prendre sa décision est suspendu par cette demande.
Les demandes visées au présent paragraphe ne pourront être renouvelées qu'après l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la dernière décision définitive sur une demande similaire. Les demandes visées au présent paragraphe ne pourront être renouvelées qu'après l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la dernière décision définitive rendue sur une demande similaire.
§ 2. Pour les demandes visées au § 1er du présent article, le juge d'instruction prend une décision motivée dans les huit jours de leur réception. § 2. [...] Le juge d'instruction prend une décision motivée sur les demandes visées au § 1er dans les huit jours de leur réception.
Le greffier notifie cette décision, au requérant et à son conseil, par télécopieur ou par lettre recommandée à la poste, dans les deux jours ouvrables qui suivent celui où elle a été prise. Le greffier notifie cette décision au procureur du Roi , au requérant et à son conseil, par télécopieur ou par lettre recommandée à la poste, dans les deux jours ouvrables qui suivent celui où elle a été prise.
Si le juge d'instruction s'abstient de prendre une décision dans le délai requis, le demandeur peut saisir la chambre des mises en accusation conformément au § 4.
§ 3. La décision sur une demande visée au 1º du § 1er mentionne le lieu où et la période pendant laquelle le dossier peut être consulté. § 3. La décision sur une demande visée au 1º du § 1er mentionne le lieu où et la période pendant laquelle le dossier peut être consulté.
Le dossier est mis à la disposition du requérant et de son conseil pendant au moins deux jours ouvrables. Le dossier est mis à la disposition du requérant et de son conseil pendant au moins deux jours ouvrables.
Lorsqu'un acte d'instruction complémentaire a été sollicité, le juge d'instruction peut demander des renseignements complémentaires au requérant. Le délai dans lequel le juge d'instruction doit prendre sa décision est suspendu par cette demande de renseignements complémentaires. [...] (voir supra, § 1)
§ 4. Le requérant peut appeler devant la chambre des mises en accusation de la décision du juge d'instruction qui rejette une demande visée au § 1er . § 4. Le requérant et le procureur du Roi peuvent interjeter appel devant la chambre des mises en accusation soit de la décision du juge d'instruction qui rejette une demande visée au § 1er , soit de l'absence de décision du juge d'instruction dans le délai prévu au § 2.
L'appel doit être interjeté dans un délai de deux jours ouvrables qui court à compter du jour de la réception de la notification de la décision. L'appel doit être interjeté par le requérant dans un délai de deux jours ouvrables qui court à compter [...] de la réception de la notification de la décision, et par le procureur du Roi dans un délai de deux jours ouvrables à compter du moment où l'ordonnance est portée à sa connaissance.
En cas d'appel pour non-décision, prévu au premier alinéa, le délai de deux jours ouvrables pour interjeter appel commence à courir à compter de l'expiration du délai prévu au § 2.
La déclaration d'appel est faite au greffe du tribunal de première instance du juge d'instruction qui a pris la décision, et est consignée au registre des appels en matière correctionnelle. L'[...] appel est introduit par voie de demande formulée au greffe du tribunal de première instance du juge d'instruction qui a rendu la décision, et est consigné au registre des appels en matière correctionnelle.
La chambre des mises en accusation statue dans les huit jours à compter de la formation de l'appel en tenant compte des circonstances de la cause au moment de sa décision. La chambre des mises en accusation statue dans les huit jours à compter de la demande en tenant compte des circonstances de la cause au moment de la décision.
§ 5. Lorsque la chambre des mises en accusation est appelée à se prononcer sur l'ordonnance rendue par le juge d'instruction dans les cas visés au § 1er , elle statue à huis clos et sans débat .
§ 5. Les arrêts sont signifiés dans les deux jours ouvrables au requérant et à son conseil, dans les formes prévues au § 2. § 6 . Les arrêts sont signifiés dans les deux jours ouvrables au requérant et à son conseil, dans les formes prévues au § 2. »
Ces arrêts peuvent faire l'objet d'un pourvoi en cassation, selon les modalités prévues à l'article 417 du Code d'instruction criminelle, dans un délai de huit jours ouvrables qui court à compter du jour où l'arrêt est signifié au requérant. [...]
Le dossier est transmis au greffe de la Cour de cassation dans les deux jours ouvrables à compter du pourvoi.
Les moyens de cassation peuvent être proposés soit dans l'acte de pourvoi, soit dans un écrit déposé à cette occasion, soit dans un mémoire qui doit parvenir au greffe de la Cour de cassation au plus tard le huitième jour après la date du pourvoi.
La Cour de cassation statue dans un délai de quinze jours à compter de la date du pourvoi.
Après un arrêt de cassation portant renvoi, la chambre des mises en accusation à laquelle la cause est renvoyée doit statuer dans les quinze jours à compter de la réception de l'arrêt de la Cour de cassation. »

(1) Commission pour le droit de la procédure pénale, Réforme de la procédure pénale, avant-projet de loi relative à l'amélioration de la procédure pénale au stade de l'information et de l'instruction, remanié après consultations (1995), Éd. Collection scientifique de la Faculté de Droit de Liège, Maklu uitgevers, 1995.

(2) Sur cet amendement, voir également infra, p. 50.