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Question écrite n° 7-879

de Peter Van Rompuy (CD&V) du 24 novembre 2020

à la ministre du Climat, de l'Environnement, du Développement durable et du Green Deal

Politique climatique - Royaume-Uni - Test de résistance climatique obligatoire - Émission d'une obligation verte - Projets similaires en Belgique

Royaume-Uni
politique en matière de changement climatique
réchauffement climatique
développement durable
étude d'impact
rapport d'activité
banque centrale
émission de valeurs
obligation financière

Chronologie

24/11/2020Envoi question (Fin du délai de réponse: 24/12/2020)
17/12/2020Réponse

Aussi posée à : question écrite 7-878

Question n° 7-879 du 24 novembre 2020 : (Question posée en néerlandais)

Justification du caractère transversal de la question écrite: le climat et les objectifs environnementaux constituent un défi commun et une responsabilité partagée.

Au Royaume-Uni (RU), le gouvernement a annoncé, par la voix du chancelier de l'Échiquier, Rishi Sunak, plusieurs mesures s'inscrivant dans une politique climatique ambitieuse. Les deux mesures les plus frappantes consistent en une espèce de test de résistance climatique et en l'émission d'une obligation verte.

D'ici à 2025, les grandes entreprises et institutions financières du RU devront publier un rapport sur l'incidence de leurs activités sur l'environnement et sur les efforts qu'elles fournissent en faveur du climat. En outre, le RU émettrait une obligation spécifique afin de financer ses investissements en faveur du climat.

Mes questions sont les suivantes.

1) Le ministre a-t-il connaissance des initiatives climatiques du Royaume-Uni?

2) Le gouvernement belge a-t-il des projets (similaires) d'instauration d'un test de résistance climatique pour les grandes entreprises et institutions financières?

a) Pour quelle raison?

b) Si oui, dans quel délai ces projets seront ils concrétisés?

3) Le gouvernement belge a-t-il des projets (similaires) d'émission d'une obligation destinée à financer les investissements en faveur du climat?

a) Pour quelle raison?

b) Si oui, dans quel délai ces projets seront ils concrétisés?

Réponse reçue le 17 décembre 2020 :

1) Le vice-premier ministre et ministre des Finances et moi-même sommes au courant des initiatives climatiques lancées au Royaume-Uni, qui est un précurseur dans le domaine du financement durable. Il existe des initiatives comparables dans l’Union européenne (UE), par exemple le règlement n2019/2088 sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers («Disclosures Regulation»), qui oblige les institutions financières à rendre compte de la manière dont elles intègrent les risques en matière de durabilité dans leurs décisions d’investissement et leurs produits financiers durables. Il existe en outre la directive 2014/95/UE en ce qui concerne la publication d’informations non financières («Non-Financial Reporting Directive», NFRD), qui oblige les grandes entreprises d’intérêt public à publier des informations sur l’impact de questions non financières – telles que le changement climatique – sur leurs propres activités, ainsi que des informations sur les incidences de leurs activités sur la société et l’environnement. En 2019, la Commission a publié des lignes directrices non contraignantes sur la meilleure façon dont ces entreprises peuvent rendre compte de leur impact sur le climat, conformément aux recommandations de la «Task Force on Climate-related Financial Disclosures» (TCFD). Souvent, les entités relevant de directive 2014/95/UE («Non Financial Reporting Directive») ne fournissent pas suffisamment d’informations quantitatives («disclosure») et ne décrivent pas suffisamment les risques et les informations concernant les questions climatiques et environnementales; c’est pourquoi la Commission européenne, dans le contexte du Green Deal européen, formulera dans les prochains mois une proposition visant à procéder à une révision et éventuellement à un renforcement de ladite directive. Seule une minorité d’entreprises fournit des informations pertinentes (qui facilitent la prise de décision) sur leur impact, leurs risques et leurs stratégies [1] [2].

2) La Banque nationale de Belgique (BNB) joue un rôle important dans ce dossier. Depuis quelques années, elle consacre une attention explicite, dans ses «Financial Stability Reports», aux risques pour la stabilité financière en lien avec le climat et la transition. La BNB collabore avec les autorités internationales au sujet de cette problématique; un certain nombre de scénarios et de méthodologies sont d’ailleurs en cours d’élaboration et les premiers exercices pilotes sont en train d’être effectués. L’Autorité bancaire européenne (ABE) réalise actuellement une analyse pilote de sensibilité, à laquelle il est possible de participer sur une base volontaire. Aucun établissement de crédit de notre pays ne s’est toutefois montré disposé à y collaborer. Sur la base des résultats de cette analyse, un test de résistance («stress test») plus poussé, auquel participeront également les grandes banques belges, sera effectué en 2021 ou 2022. La Banque centrale européenne (BCE) a récemment publié une série de lignes directrices sur la manière dont les banques doivent gérer et publier les risques climatiques. Les banques de la zone euro seront testées en 2022 au niveau de leur capacité à résister aux risques du changement climatique. À terme, les risques climatiques et environnementaux auront en effet un impact considérable sur les banques, l’économie réelle et la stabilité financière. La BCE a également constaté que les banques sont à la traîne au niveau de leurs déclarations environnementales et doivent s’améliorer en la matière. Seuls 3 % des banques publient des informations climatiques qui sont conformes aux recommandations. Dans le cadre de l’évaluation, pratiquement aucun établissement ne satisferait jusqu’à présent à un niveau minimum de publication d’informations («disclosure [3]»). Une analyse de sensibilité sur les risques de transition pour les entreprises européennes d’assurances est également en cours au sein de l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP).

Outre ces initiatives européennes, la Banque nationale de Belgique a principalement travaillé sur les risques de transition pour les expositions immobilières des institutions financières. Cependant, le manque d’informations sur l’efficacité énergétique des expositions immobilières des institutions financières rend cet exercice particulièrement difficile. Idéalement, les institutions devraient pouvoir accéder aux bases de données EPC régionales pour tous leurs crédits hypothécaires. En Région de Bruxelles-Capitale, l’accès à cette base de données est ouvert au public. En Région flamande, l’accès sera accordé mais uniquement pour les nouveaux crédits. En Région wallonne, il n’y a pour l’instant aucun accès à ces données.

3) En 2018, le gouvernement fédéral a émis une obligation verte, à savoir l’OLO verte (obligation linéaire / lineaire obligatie), qui a une maturité de quinze ans. Le rendement initial en 2018 était de 4,5 milliards d’euros. Après l’émission de l’obligation, il est apparu que l’offre totale des investisseurs intéressés s’élevait à 12,7 milliards d’euros [4]. Ce grand intérêt montre non seulement que les investisseurs recherchent des opportunités d’investissements «verts», mais a également eu un impact positif sur les coûts de financement. Le taux d’intérêt sur l’émission des OLO vertes en 2018 a en effet été estimé à 2,5 points de base inférieurs à celui d’une obligation d’État ordinaire [5]. L’OLO verte belge suit les normes des «Green Bond Principles» – édictés par l’ICMA («International Capital Market Association») – ainsi que les meilleures pratiques de marché pour les obligations d’État vertes. Les fonds levés de l’obligation verte sont uniquement utilisés pour les dépenses liées à la transition vers une économie durable. Lors de l’émission de 2019, la plupart des dépenses identifiées concernaient les transports publics [6]. À ce jour, il n’existe aucun plan concret de réémission d’une obligation verte, mais il s’agit là naturellement d’une piste intéressante pour le financement de la relance puisque les obligations vertes sont un excellent moyen de financer l’éventuelle dette publique supplémentaire liée aux investissements publics verts. Les besoins d’investissement pour la relance et la transition, tels que les bâtiments durables et efficients sur le plan énergétique, l’économie circulaire, la protection et la restauration des ressources biologiques, ainsi que la gestion durable des sols et les énergies renouvelables, peuvent être examinés dans ce cadre.

Pour terminer, j’aimerais souligner que dans son programme de travail pour 2021, la Commission européenne a annoncé qu’elle publierait une proposition de règlement pour un «EU Green Bond Standard» (norme européenne sur les obligations vertes) au cours du deuxième trimestre de l’année prochaine, afin de mieux uniformiser l’émission des obligations vertes.

[1] https://www.esma.europa.eu/sites/default/files/library/esma32-63-846_2019_activity_report.pdf.

[2] http://allianceforcorporatetransparency.org/news/landmark-research.html.

[3] ECB publishes final guide on climate-related and environmental risks for banks (www.europa.eu).

[4] Green OLO Allocation report 2018, https://news.belgium.be/sites/default/files/legacy/media/source27403/Green_OLO_-_Allocation_report_2018.pdf.

[5] Sénat, question écrite n6-2081 (www.senate.be).

[6] Green OLO allocation report 2019, https://www.debtagency.be/sites/default/files/content/download/files/green_olo_86_-_allocation_report_2019_en.pdf.