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Question écrite n° 7-874

de Peter Van Rompuy (CD&V) du 24 novembre 2020

au vice-premier ministre et ministre des Finances, chargé de la Coordination de la lutte contre la fraude

Crise du coronavirus - Secteur indépendant - Crédits avec mandat hypothécaire - Conversion obligatoire en hypothèque - Statistiques - Procédures - Aide publique (Covid-19)

industrie culturelle
épidémie
profession indépendante
crédit commercial
hypothèque
banque
établissement de crédit
aide de l'État
industrie de la restauration

Chronologie

24/11/2020Envoi question (Fin du délai de réponse: 24/12/2020)
28/1/2021Rappel
22/3/2021Rappel
25/5/2021Réponse

Question n° 7-874 du 24 novembre 2020 : (Question posée en néerlandais)

Nous connaissons bien les graves conséquences financières que la crise du coronavirus et les mesures qu'elle a générées ont entraînées pour différents secteurs. Différentes autorités prennent donc diverses mesures pour soutenir ceux qui rencontrent des difficultés. Certains secteurs sont touchés particulièrement durement par les indispensables mesures prises pour combattre la propagation du virus. Nous pensons entre autres au secteur de l'événementiel, au secteur culturel et à l'horeca. Les différentes mesures prises par les autorités et assorties des moyens nécessaires visent à préserver le pouvoir d'achat et à soutenir notre économie.

Certains indépendants contractent un emprunt auprès d'une banque pour pouvoir lancer leur activité. Pour réduire les frais liés à l'emprunt, les banques recommandent de garantir une partie du crédit par un mandat hypothécaire (c'est-à-dire sans garantir l'ensemble du crédit par une hypothèque). Cela réduit notamment les frais de notaire obligatoires, ce qui est intéressant pour des indépendants qui lancent leur affaire. Ces dernières semaines et ces derniers mois, plusieurs établissements (horeca) ont été recontactés par leur banque qui leur annonçait sa décision de convertir partiellement ou totalement le mandat hypothécaire en hypothèque. Une telle décision entraîne bien sûr des frais supplémentaires pour les entrepreneurs, ce que ce secteur voudrait absolument éviter à l'heure actuelle. La conversion s'opère souvent sans concertation préalable et les indépendants se retrouvent donc, en l'espace d'un mois, face à des coûts imprévus considérables.

1) Au cours de l'année écoulée, pour combien d'emprunts contractés par des indépendants, les mandats hypothécaires ont-ils été (partiellement ou totalement) convertis en hypothèques? Je souhaiterais obtenir des statistiques mensuelles, par secteur, par province et, si possible, par banque.

2) À combien le produit financier de cette conversion se monte-t-il pour la/les banque(s)?

3) Comment le ministre explique-t-il ces conversions? Comment analyse-t-il ces faits?

4) Pour combien d'emprunts contractés par des indépendants, les mandats hypothécaires ont-ils été (partiellement ou totalement) convertis en hypothèques en 2017, 2018 et 2019? Je souhaiterais obtenir des statistiques mensuelles, par secteur, par province et, si possible, par banque.

5) Pour quelles raisons une banque peut-elle procéder unilatéralement à la conversion totale ou partielle d'un mandat hypothécaire en hypothèque? Quelles sont les procédures à suivre dans ce cas? Les règles ou modalités sont-elles différentes pour les entrepreneurs, les indépendants, les particuliers, etc.?

L'autorité fédérale a élaboré une législation offrant aux indépendants une exonération temporaire d'une partie des coûts inévitables liés à ces conversions (droits de timbres, droits d'enregistrement, etc.) (voir: loi du 29 mai 2020 portant diverses mesures fiscales urgentes en raison de la pandémie du COVID-19, Moniteur belge du 11 juin 2020, pp. 42500-42510; arrêté royal du 26 juin 2020 prolongeant l'article 7, alinéa 1er de la loi du 30 avril 2020 portant des dispositions diverses en matière de justice et de notariat dans le cadre de la lutte contre la propagation du coronavirus COVID-19, Moniteur belge du 30 juin 2020, p. 48567). Selon les dernières informations dont je dispose, ces exonérations «Corona» ne s'appliquent plus aux mandats hypothécaires et ne vaudraient plus que pour les procurations traditionnelles.

6) Quelle différence existe-t-il concrètement entre les mandats hypothécaires et les procurations traditionnelles?

7) Pourquoi les exonérations «Corona» n'ont-elles pas été prolongées pour les mandats hypothécaires?

8) Cette législation sera-t-elle à nouveau adaptée prochainement dans le cadre de l'aide financière apportée aux indépendants du secteur de l'horeca notamment?

9) De quelle manière l'autorité fédérale compte-t-elle continuer à soutenir, en collaboration avec l'autorité flamande, les indépendants qui supportent toujours, en raison de ces conversions, des coûts supplémentaires dont ils se passeraient bien en ces temps difficiles?

Enfin, différents établissements (horeca) confrontés à ces conversions sont à nouveau contactés par leur agence bancaire qui leur propose de contracter un crédit de caisse destiné à couvrir leurs coûts éventuels et assorti d'un taux d'intérêt de 10 à 11 %.

10) Dans quelles circonstances les entreprises peuvent-elles contracter de tels crédits de caisse? Dans quelles circonstances les banques peuvent-elles consentir de tels crédits?

11) Comment les autorités veillent-elles à ce que des crédits de caisse à des taux supérieurs ne soient pas contractés pour couvrir la perte de ressources consécutive à la conversion du mandat hypothécaire en hypothèque?

12) Quelle analyse le ministre fait-il de ces pratiques?

Réponse reçue le 25 mai 2021 :

1) La demande de renseignements adressée à la fédération sectorielle Febelfin n'a donné aucun résultat. Febelfin ne dispose pas de ces chiffres.

2) Si une banque procède à la conversion d'un mandat hypothécaire en inscription hypothécaire, cela entraîne inévitablement des frais de notaire et des droits d'enregistrement en faveur des autorités compétentes (régions). La conversion ne génère aucune « recette financière » pour la banque elle-même.

3) Pour des raisons déjà indiquées par l'auteur de la question lui-même (économies de coûts de la part de l'emprunteur), il n'est pas exceptionnel que le prêt soit en (grande) partie basé sur un mandat hypothécaire. Souvent, pour les prêts aux entreprises, une inscription hypothécaire effective n'est prise que pour une (petite) partie du crédit accordé.

Dans la mesure où l'évaluation du risque de crédit le permet, les banques se contenteront donc d'un mandat hypothécaire pour le montant restant du crédit non couvert par l'hypothèque.

Attention: la technique du mandat hypothécaire (dans le cas des crédits commerciaux) permet à la banque de décider à tout moment, sans avoir à solliciter l'accord de l'emprunteur / mandant et même sans avoir à en justifier, de convertir le mandat en une hypothèque effective. La possibilité de procéder rapidement à une constitution d’hypothèque effective explique également la valeur intrinsèque du mandat hypothécaire en tant qu'instrument de sûreté.

En pratique, la décision de convertir est généralement prise lorsque la banque détermine que l'entreprise en question s'est retrouvée dans des conditions financières moins favorables. Bien qu'aucune motivation ne doive être donnée en cas de décision de conversion du mandat hypothécaire, la banque ne peut commettre d'abus de droit (voir, par exemple: Cass. 23 mars 2006). En pratique, la banque décidera de convertir si elle estime que le risque de crédit a augmenté.

Compte tenu de l'épidémie de Covid-19 et des problèmes (financiers) qui en résultent et des perspectives d'avenir (plus) limitées qui sont plus grandes dans certains secteurs que dans d'autres, il est compréhensible que les banques soient actuellement plus enclines à faire couvrir leur risque par une inscription hypothécaire efficace et décident donc de convertir les mandats hypothécaires.

Cela fait partie d'une pratique de crédit logique par laquelle la banque gère les risques de non-remboursement.

En outre, la mesure d'aide temporaire du Gouvernement wallon concernant la réduction du droit d'enregistrement à 0 % pour la conversion du mandat hypothécaire en inscription hypothécaire contribue à l'augmentation du nombre total de conversions.

4) La demande de renseignements adressée à la fédération sectorielle Febelfin n’a donné aucun résultat. Febelfin ne dispose pas de ces chiffres.

5) Comme déjà indiqué dans la réponse à la troisième question, les mandats hypothécaires permettent à la banque de transformer le mandat en hypothèque effective de sa propre initiative, sans motivation et sans l'accord préalable du mandant. L'emprunteur a donné son autorisation à la banque à cet effet lors de la conclusion de ce mandat hypothécaire. Une fois que la banque aura exercé cette procuration pour convertir le mandat hypothécaire, elle demandera au mandataire (désigné par l'emprunteur dans la procuration hypothécaire) de faire le nécessaire. Un notaire (souvent le notaire qui a passé la procuration hypothécaire) est alors contacté pour établir l'acte de constitution d’hypothèque. Dans ce contexte, la banque agit en tant que créancier hypothécaire et le mandataire désigné dans la procuration hypothécaire représentera l'emprunteur qui accorde l’hypothèque effective.

6) Un mandat hypothécaire est un mandat spécifiquement accordé en vue de l'octroi d'une hypothèque sur un ou plusieurs biens immobiliers. L'hypothèque devant être établie par acte notarié, le mandat doit également être donné sous la forme d'un acte notarié. Ceci est confirmé à l'art. 76 de la loi hypothécaire.

Avec une procuration traditionnelle, tout acte (juridique) peut être délégué par le mandant au mandataire. Cette procuration ne doit pas nécessairement être accordée par acte notarié.

L'article 7 de la loi du 30 avril 2020 portant des dispositions diverses en matière de justice et de notariat dans le cadre de la lutte contre la propagation du coronavirus COVID-19 est applicable jusqu'au 30 juin 2021 inclus. Aucune différenciation n'est faite en ce qui concerne les mandats hypothécaires.

7) Aucune mesure fédérale n'est prévue à court terme. Des mesures peuvent encore être prises en fonction de l'évolution de la situation sanitaire. Les régions sont compétentes pour prendre des mesures concernant les droits d'enregistrement dus pour la constitution d’hypothèque.

8) Toute aide destinée à couvrir les coûts fixes constitue une aide aux entreprises. Les aides aux entreprises sont une compétence des régions, qui prévoient déjà plusieurs mesures d'aide dans ce cadre.

9) En principe, la conclusion d’un crédit de caisse se fait selon les mêmes modalités que la souscription d’un autre crédit et nécessite donc l’accord du client et de la banque.

10) Certes, la conversion du mandat hypothécaire génère des coûts importants pour l’entreprise, mais, comme indiqué dans la réponse à la question 2, la conversion d'un mandat hypothécaire ne génère aucune « recette financière » directe pour la banque elle-même.

11) La possibilité de procéder rapidement à une constitution d'hypothèque effective explique la valeur intrinsèque d'un mandat hypothécaire en tant qu'instrument de sûreté. Si la banque constate, sur la base d'éléments objectifs, que l'entreprise en question se retrouve dans une situation financière moins favorable, il est logique qu'elle procède à la conversion du mandat hypothécaire. Cette possibilité unilatérale de conversion est en effet inhérente à la technique même du mandat hypothécaire. Dans le cas contraire, cet instrument de sûreté ne sera d'aucune utilité en tant qu'instrument de sûreté et, à l'avenir, la banque exigera toujours une inscription hypothécaire pour le montant total du crédit, ce qui entraînera des coûts supplémentaires pour l'emprunteur. Je suis d’avis toutefois que la simple situation de la crise de Covid-19 ne devrait pas être une raison pour la conversion d'un mandat hypothécaire. Je présume qu'une banque, sur la base d'éléments objectifs dans un dossier concret, évaluera si la situation financière d'une entreprise justifie la conversion et agira en bon père de famille à cet égard, sachant que la conversion du mandat hypothécaire entraîne des coûts supplémentaires pour une entreprise qui peut déjà être affectée par une forte diminution de son chiffre d'affaires.