Version à imprimer bilingue Version à imprimer unilingue

Question écrite n° 7-703

de Willem-Frederik Schiltz (Open Vld) du 9 novembre 2020

à la vice-première ministre et ministre des Affaires étrangères, des Affaires européennes et du Commerce extérieur, et des Institutions culturelles fédérales

Hong Kong - Droits de l'homme - Démocratie - Nouvel arrêté-loi - Répression

Chine
droits de l'homme
Hong Kong
répression

Chronologie

9/11/2020Envoi question (Fin du délai de réponse: 10/12/2020)
24/12/2020Réponse

Réintroduction de : question écrite 7-624

Question n° 7-703 du 9 novembre 2020 : (Question posée en néerlandais)

Selon le ministère chinois des Affaires étrangères, la Chine prendra les contre-mesures appropriées face à l'ingérence étrangère dans la nouvelle loi sur la sécurité nationale à Hong Kong.

Le porte-parole du ministère a ainsi réagi à une menace du président américain Trump, qui avait annoncé envisager des sanctions contre des entreprises ou des responsables chinois, dès lors que la Chine entend renforcer son emprise sur le territoire autonome de Hong Kong.

La nouvelle législation permet notamment le déploiement de services de sécurité chinois à Hong Kong. Elle met fin aux libertés civiles dans la ville-État.

Une coalition de 191 parlementaires et décideurs de 23 pays a publié une déclaration condamnant «l'instauration unilatérale de lois sur la sécurité nationale à Hong Kong» et appelant les gouvernements sympathisants à s'unir contre cette «violation flagrante de la déclaration conjointe sino-britannique».

L'initiative a été dirigée par l'ancien gouverneur de Hong Kong, Chris Patten, et par l'ancien ministre britannique des Affaires étrangères, Sir Malcolm Rifkind.

En vertu de la nouvelle loi sur la sécurité, les habitants de la ville-État peuvent être extradés vers la Chine s'ils enfreignent la nouvelle loi et si Pékin le juge nécessaire. C'est ce qu'a déclaré le seul représentant de Hong Kong lors de la principale concertation législative organisée en Chine.

La loi sur la sécurité énumère quatre types de délits: les activités visant à la sécession, à la sédition, au terrorisme et à la collusion avec des forces étrangères.

Le G7 a déjà exhorté la Chine à annuler la loi, mais cet appel a été rejeté.

Le Royaume-Uni prendra des mesures supplémentaires voire des sanctions contre la Chine si la clause d'extradition est effectivement instaurée. En effet, ni l'accord réciproque ni les droits de la population hongkongaise ne sont respectés.

La présente question porte sur une compétence régionale transversale. Les positions prises par le gouvernement flamand et défendues aux Nations unies font l'objet d'une coordination systématique avec les autorités fédérales. Dans les domaines relevant de leurs compétences internes, les entités fédérées contribuent à déterminer la position de la fédération. La politique étrangère de la Belgique est coordonnée au sein de la Conférence interministérielle de la Politique étrangère, où les différents niveaux de pouvoir sont représentés.

Je souhaiterais donc poser les questions suivantes:

1) Comment réagissez-vous à la déclaration commune de 191 parlementaires de 23 pays? Y souscrivez-vous et pouvez-vous expliquer votre réponse?

2) Pouvez-vous expliquer en détail quelles sont les conséquences de cet arrêté-loi et de sa clause d'extradition pour la démocratie à Hong Kong? Ne craignez-vous pas qu'il signifie la fin du principe «Un pays, deux systèmes»?

3) Avez-vous des informations concrètes sur de récentes violations des droits de l'homme à Hong Kong?

4) Avez-vous déjà fait part à la Chine de votre mécontentement quant à la clause d'extradition et de l'arrêté-loi concernant Hong Kong? Dans l'affirmative, pouvez-vous expliquer votre réponse? Dans la négative, êtes-vous disposé à le faire, et pouvez-vous préciser quand et comment vous comptez procéder?

5) Avez-vous déjà eu des contacts avec vos collègues de l'Union européenne pour condamner conjointement les atteintes toujours plus graves aux droits garantis par la Chine à la population hongkongaise?

6) Êtes-vous prêt à prendre l'initiative de condamner à l'échelon international la rupture de l'accord entre la Chine et Hong Kong? Si oui, comment comptez-vous procéder? Sinon, pourquoi pas?

7) Si la clause d'extradition devait être votée par le Congrès chinois, êtes-vous prêt, à l'instar du Royaume-Uni, à revoir conjointement, dans un contexte européen, les accords bilatéraux conclus avec les États membres de l'Union européenne?

8) Avez-vous actuellement connaissance d'éventuelles sanctions ou d'autres mesures envisageables à l'échelon européen? Dans l'affirmative, pouvez-vous expliquer votre réponse? Dans la négative, comment l'expliquez-vous?

Réponse reçue le 24 décembre 2020 :

J’ai pris connaissance avec grand intérêt de la déclaration, cosignée par cent nonante-et-un parlementaires et décideurs politiques de vingt-trois pays, condamnant la nouvelle loi sur la sécurité nationale qualifiée d’agression contre l’autonomie, l’État de droit et les libertés fondamentales de Hong-Kong.

La nouvelle loi sur la sécurité nationale interdit les «actes de sécession, de subversion, de terrorisme et de collusion avec les forces étrangères» et a été imposée de force par Pékin, sans consultation préalable du Conseil législatif de Hong-Kong. La responsabilité de la mise en œuvre de cette loi relève de la compétence d’un «Conseil pour la sauvegarde de la sécurité nationale», contrôlé par Pékin. Il n’y a aucune garantie d’indépendance des juges car ils seront désignés par la Chief Executive («premier ministre») de Hong-Kong. Par ailleurs, la loi sera également d’application pour les ressortissants étrangers qui violeraient ses dispositions et elle a en outre une portée extraterritoriale. Cette loi de sécurité enfreint les normes internationales des droits humains, et constitue une violation, tant sur le plan de la procédure que sur le fond, de l’accord sino-britannique de 1984.

Elle risque fort d’avoir un impact négatif sur le maintien du statut spécifique de Hong-Kong («one country, two systems»), de son haut degré d’autonomie par rapport à la Chine, du respect des droits humains (notamment la liberté d’information, d’expression et de rassemblement pacifique), de l’État de droit et de l’indépendance de la justice. Le respect de ces principes est par ailleurs important pour le maintien de l’attractivité économique de Hong-Kong pour les compagnies belges et européennes.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi de sécurité nationale, des centaines d’arrestations ont été recensées (y compris de plusieurs leaders politiques). Une censure des manuels scolaires est annoncée ainsi qu’un renforcement du contrôle de la presse. Les journalistes étrangers qui dépasseraient certaines «limites» dans leur rapportage et interviews sur les questions d’indépendance pourraient être expulsés. Ces dernières semaines, des signaux clairs montrent que Pékin concentre aussi son attention sur l’indépendance de la justice à Hong-Kong.

La Belgique a exprimé, aussi bien bilatéralement que dans un contexte européen et dans des forums multilatéraux, ses préoccupations quant à la nouvelle loi de sécurité à Hong-Kong et son impact potentiellement négatif sur les droits humains, le maintien du «one country, two systems», de l’État de droit et de l’indépendance de la justice.

Du point de vue économique, l’opportunité de maintenir le statut spécifique de Hong-Kong – qui est le fondement de son attractivité pour les entreprises occidentales – a également été rappelée. Le 22 juin 2020, cette question a par ailleurs été abordée par les leaders européens et chinois lors du sommet virtuel Union européenne (UE)-Chine. De même, lors de la rencontre des leaders de l’UE et de la Chine le 14 septembre 2020, l’UE a réitéré ses inquiétudes quant aux violations des libertés fondamentales ainsi qu’au report des élections et la disqualification de candidats.

La Belgique a soutenu les différentes déclarations de l’UE sur Hong-Kong, notamment les déclarations du haut représentant Josep Borrell, publiées depuis le 1er juillet 2020.

Le Conseil Affaires étrangères a également approuvé à l’unanimité le 28 juillet 2020 des conclusions sur Hong-Kong qui prévoient notamment: des restrictions à l’exportation de produits et technologies sensibles; la facilitation visa; le renforcement des échanges universitaires; des implications pour les accords juridiques et une intensification du soutien à la société civile. En outre, la Belgique s’est également exprimée sur la situation à Hong-Kong dans les forums internationaux pertinents, notamment au Conseil des droits de l’homme (juin 2020) et à la Troisième Commission de l’Assemblée générale (octobre 2020).

Les réactions chinoises ont toujours consisté à rappeler le principe de non-ingérence extérieure dans le dossier de Hong-Kong qui, selon Pékin, est une «affaire intérieure» de la Chine.

Sur le plan bilatéral, mes services ont eu l’occasion de relayer auprès de l’ambassade de Chine les préoccupations européennes et belges, à savoir l’importance du respect par la Chine des droits humains, de ses engagements internationaux, de la Basic Law hongkongaise et du statut spécifique de Hong-Kong, tant pour maintenir une relation de confiance mutuelle que pour nos intérêts économiques et commerciaux.

L’évolution de la situation à Hong-Kong restera en haut de l’agenda de l’UE, qui reste le canal le plus efficace pour exprimer nos positions et examiner, en étroite coopération avec nos partenaires, les initiatives concrètes à prendre à court et à moyen termes.

Je puis vous assurer que cette situation continuera à faire l’objet de toute mon attention.