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Question écrite n° 7-520

de Philippe Courard (PS) du 27 avril 2020

au ministre des Affaires étrangères et de la Défense

Crise du coronavirus - Situation dans les pays en guerre ou à régime autoritaire - Activité des extrémistes religieux - Recrudescence - Appel au cessez-le-feu d'António Guterres, secrétaire général de l'ONU - Réponses de la Belgique (Covid-19)

épidémie
maladie infectieuse
guerre
régime autoritaire
extrémisme
intégrisme religieux
Syrie
Afghanistan
Italie
Madagascar
Organisation mondiale de la santé
courant migratoire
ONU
radicalisation

Chronologie

27/4/2020Envoi question (Fin du délai de réponse: 28/5/2020)
22/7/2020Réponse

Question n° 7-520 du 27 avril 2020 : (Question posée en français)

Le monde entier est actuellement touché de plein fouet par le coronavirus et partout sur terre, les chiffres d'hospitalisations et décès s'affolent. Dans le même temps, le nombre de malades ne cesse de croître. Le nombre de cas détectés a dépassé les 2,5 millions pour plus de 170 000 décès. Au-delà de l'inquiétude en matière de santé publique, les conséquences économiques et sociales seront terribles et frapperont durement les citoyens un peu partout dans le monde. Les premiers effets sont d'ores et déjà visibles.

Nous n'y échapperons pas: ce confinement bien nécessaire va engendrer des pertes d'emplois, du chômage et de nombreuses faillites. Un grand nombre de ménages belges, déjà en difficultés, risque de plonger dans le surendettement malgré les aides proposées par les différents gouvernements.

S'il s'agit de notre presqu'exclusive préoccupation bien compréhensible, je voudrais toutefois tirer la sonnette d'alarme sur ce qui se passe ailleurs et dont on ne parle plus du tout pour le moment.

Les populations des pays en guerre vivent une double peine: en plus de tâcher de survivre au quotidien dans une contrée en guerre, ils doivent lutter contre un virus, sans aide et sans système hospitalier comme celui dont nous bénéficions. Je pense par exemple à la Syrie et l'Afghanistan.

On adopte une position égoïste où la solidarité nécessaire des États se commue en repli sur soi dans la plupart des pays de la zone européenne. La répartition des masques en Europe en est un bel exemple. Heureusement, nos citoyens ne témoignent pas de la même indifférence à l'égard de leurs compatriotes. Les gestes de solidarité se multiplient chez nous au quotidien et cela fait chaud au cœur.

Cette question relève bien de la compétence du Sénat de par sa transversalité. L'exécution des politiques en matière coopération internationale et de traités internationaux relèvent de la compétence des entités fédérées, notamment encadrée par la loi spéciale du 5 mai 1993 sur les relations internationales des Régions et des Communautés.

Mes questions sont donc les suivantes:

1) Quelles solutions s'offrent à ces populations confinées dans des zones de guerre? Qui pourra les aider quand on voit l'immobilisme dont nous avons fait preuve avant d'apporter de l'aide à nos amis italiens du nord, violemment frappés?

Qui pense à ces millions d'enfants et parents syriens, afghans ou africains qui sont livrés à eux-mêmes?

Mesure-t-on les conséquences de cet abandon pour demain?

2) Les régimes forts et autoritaires font n'importe quoi au nom de la pandémie. Ils renforcent leur pouvoir par la violence, arrêtent les processus électoraux et réduisent encore plus leur population au silence et à la pauvreté. Des vidéos circulent en masse sur les réseaux sociaux.

À Madagascar, on distribue un médicament susceptible d'anéantir le virus chez les enfants. Cette plante utilisée pour combattre le paludisme a été recyclée pour lutter contre le Covid-19. Ce remède n'est pas validé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). S'agit-il d'une propagande locale?

Très peu d'enfants en souffriront à Madagascar puisque le virus ne touche a priori pas les enfants chez nous, ou très peu (0,1 % d'après plusieurs experts). Mais, dans l'inconscient collectif, le président malgache aura sauvé sa nation.

3) Disposez-vous d'informations quant à l'activité des extrémistes religieux qui sévissent notamment au Sahel?

Demain, nous serons confrontés à des flux migratoires à gérer et à la violence de fanatiques religieux en recrudescence qui profitent de cette période pour se réorganiser. Nous tirerons aussi le bilan des reculs démocratiques dans le monde et l'anéantissement des nombreux efforts consentis ces dernières années…

4) Il est nécessaire aussi de souligner l'appel du secrétaire général de l'Organisation des Nations unies (ONU), António Guterres, qui déclarait: «L'heure est venue de laisser les conflits armés derrière nous pour concentrer nos efforts sur le véritable combat de nos vies.» Il ajoutait : «Posez les armes, faites taire les canons, mettez fin aux frappes aériennes.» La démarche est essentielle pour «établir des couloirs d'aide humanitaire qui sauveront des vies». «Mettons un terme au fléau de la guerre et luttons contre la maladie qui ravage notre monde. Cela commence par l'arrêt des combats. Partout. Tout de suite.»

Disposez-vous d'informations sur les actes que la Belgique souhaite poser pour répondre à l'appel du secrétaire général de l'ONU?

Il faut être conscient de ces problèmes à venir. Et apporter notre soutien à toutes les organisations et associations qui soutiennent une volonté de politique démocratique et solidaire dans le monde. Le coronavirus vient de nous rappeler à souhait que le monde est bien un village.

Réponse reçue le 22 juillet 2020 :

1) Le monde entier est mobilisé contre la pandémie et actif sur tous les fronts. Dans les régions déjà lourdement affectées par des crises humanitaires - qu’elles soient du fait de l’homme ou de la nature, la crise sanitaire du COVID-19 vient frapper encore plus durement.

En ce qui concerne les plus vulnérables d’entre tous auxquels vous faites référence, je tiens à souligner la mobilisation extraordinaire des acteurs humanitaires : les acteurs locaux, les ONG internationales, ou encore la famille Croix-Rouge/Croissant Rouge, qui a le grand avantage d’être un réseau étendu de sociétés dites nationales composées de travailleurs humanitaires locaux.

Les agences onusiennes ont en quelques jours seulement bouclé un plan de réponse humanitaire, révisé leurs priorités, réorienté des programmes. Je vous invite à revoir les conférences de presse données par OCHA (Bureau de la coordination des affaires humanitaires) et l’OMS les 25 mars et 7 mai derniers. Ces plans sont le résultat d’une concertation intense avec les acteurs de terrain par les coordinateurs humanitaires dans les pays touchés. Ils prévoient la fourniture d’une aide vitale aux plus démunis. Ces populations que vous mentionnez ne sont donc pas oubliées par la communauté internationale et la Belgique participe à cet effort de solidarité.

2) Mes services suivent la situation à Madagascar de près. Nous suivons bien évidemment les normes, standards et recommandations de l’OMS concernant l’accès, l’utilisation et la qualité des produits médicaux (liés au Covid-19, ou non). L’OMS ne recommande aucune thérapie spécifique contre le Covid-19 (donc pas non plus l’artemisia), en dehors des essais cliniques. En outre, récemment, l’OMS a décidé de suspendre ses essais cliniques sur certains médicaments antipaludiques pour traiter le Covid-19.

3) La Belgique et l’Union européenne se sont massivement engagées aux côtés des pays du Sahel afin de répondre aux défis auxquels la région est confrontée. Je vous renvoie notamment vers la Déclaration conjointe des membres du Conseil européen et des États membres du G5 Sahel, à l’issue de la réunion par vidéoconférence UE-G5 du 28 avril 2020, qui soutient cet engagement. Cette réunion a également permis le lancement officiel de la Coalition internationale pour le Sahel, à laquelle la Belgique participe, qui vise à faciliter la coordination et les interactions entre les différents volets de l’action internationale venant en appui des pays du G5. J'ai participé d’ailleurs à la première réunion ministérielle de cette Coalition le 12 juin dernier.

Plus spécifiquement dans le contexte de la crise du Covid-19, la Belgique a, par son agence de coopération au développement ENABEL et grâce à des réaffectations budgétaires et actions programmées accélérées, fait des efforts en réponse à la crise sanitaire au Burkina Faso et au Niger (où la santé est un des secteurs de concentration de notre programme de coopération). Ces efforts incluent entre autres un soutien aux plans de riposte nationaux, l’achat de matériel médical, et un appui aux mesures de prévention et de contrôle. L’UE a quant à elle créé le « paquet Team Europe », un ensemble de mesures dont l’objectif est de combiner les ressources de l’UE, de ses États Membres, et de ses institutions financières afin de soutenir les pays partenaires dans la lutte contre la pandémie et ses conséquences.

La pandémie du Covid-19 a effectivement mené à un raidissement des relations entre un certain nombre de groupes religieux, sur divers continents et de diverses religions, défavorables au respect de mesures décidées par les autorités politiques et dénoncées comme une immixtion. La Belgique et ses partenaires sont conscients que certains groupes extrémistes violents tentent de profiter de la crise sanitaire pour augmenter la violence et étendre leur influence, dans un contexte d’absence croissante des services de l'État et, si la crise perdure, de possible réorientation des ressources dédiées à la sécurité vers d’autres priorités.

Il est toutefois important d’avoir conscience du caractère complexe de la violence au Sahel, dont le discours extrémiste religieux qui l’encourage est parfois un vernis pour des actions à caractère d’insurrection pour des motifs locaux, des violences intercommunautaires, ou des violences commises par des forces de défense et de sécurité. La relation entre l’action des groupes violents et la migration depuis ou par le Sahel est également une question complexe; notre coopération avec la région porte d’ailleurs également sur une meilleure gestion des migrations.

4) En tant que membre du Conseil de sécurité de l’ONU, la Belgique a explicitement soutenu, à plusieurs reprises, l’appel du Secrétaire général à un cessez-le-feu, et exhorté les autres pays à l’action, que ce soit lors de réunions restreintes ou publiques. Notre pays a activement contribué aux négociations sur la résolution « Covid » du CSNU. 

Le 1er juillet dernier, la résolution 2532, sur la pandémie du Covid-19, a été adoptée à l'unanimité.

Cette résolution appelle à cesser toutes les hostilités dans toutes les situations à l'agenda du CSNU et à une pause humanitaire d'au minimum 90 jours afin de permettre un accès humanitaire sans entrave.