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Question écrite n° 7-408

de Willem-Frederik Schiltz (Open Vld) du 12 mars 2020

à la ministre de l'Emploi, de l'Economie et des Consommateurs, chargée de la Lutte contre la pauvreté, de l'Egalité des chances et des Personnes handicapées

Consommateurs - Commerce équitable - Billets d'entrée à des événements - Pratiques abusives - Escroquerie - Statistiques - Lutte - Mesures nouvelles

protection du consommateur
manifestation culturelle
manifestation sportive
fraude

Chronologie

12/3/2020Envoi question (Fin du délai de réponse: 16/4/2020)
20/4/2020Réponse

Question n° 7-408 du 12 mars 2020 : (Question posée en néerlandais)

Depuis le 1er octobre 2013, la revente organisée de billets d'entrée est interdite. Cette interdiction découle d'un constat: par le passé, des consommateurs ont souvent été victimes de pratiques abusives et ont dû payer beaucoup plus que le prix initial du billet. Afin de protéger le consommateur, on a donc interdit de faire commerce dans la revente de billets d'entrée.

Celui qui doit inopinément renoncer à assister à un concert et souhaite revendre son billet d'entrée peut le faire sans problème: la revente occasionnelle est autorisée aux particuliers, à condition de ne pas faire de bénéfice et de ne pas revendre un billet obtenu gratuitement ou gagné à un concours.

Les infractions sont punissables. Les étrangers qui revendent sur le marché belge sont eux aussi tenus de respecter la législation belge.

En vertu de la réglementation européenne, les entreprises qui revendent des tickets doivent fournir des informations suffisantes au consommateur, sans quoi il peut être question de pratique commerciale déloyale. Les informations qui doivent toujours être mentionnées de manière claire et non équivoque sont:

– la qualité du vendeur: le consommateur doit savoir clairement qu'il ne traite pas avec le vendeur officiel de tickets;

– la nature du ticket proposé: le consommateur doit être clairement informé qu'il s'agit d'un ticket revendu et, le cas échéant, que le prix à payer est supérieur à la valeur indiquée sur le ticket;

– le risque: le consommateur doit être informé qu'il est possible que l'accès lui soit refusé avec le ticket proposé s'il a été «blacklisté»;

– les modalités de remboursement en cas:

- de ticket déclaré non valable,

- d'événement reporté ou annulé.

Nous apprenons que certaines entreprises achètent des billets en grandes quantités pour les revendre ensuite sur internet. La plupart du temps, ces entreprises sont établies à l'étranger afin d'échapper à la législation en vigueur.

Les sites de revente, dont la présentation peut faire penser qu'ils sont eux-mêmes à l'origine de l'organisation du concert, se livrent à la spéculation. Ils profitent du fait que la livraison des tickets aura lieu plusieurs mois après le paiement, le plus souvent quelques jours avant l'événement. Ils prennent le risque d'être dépassés par la demande et de ne pas disposer des tickets au moment venu, et le consommateur, lui, risque de ne pas pouvoir assister au concert tant attendu. Au mieux, le revendeur légitime remboursera le consommateur; au pire, si le site était un faux site, le fraudeur aura eu le temps de transférer ses recettes et même de disparaître de la circulation.

Les fraudeurs sont particulièrement rusés. Ils enregistrent un nom de domaine qui donne l'impression d'être un point de vente officiel pour les tickets de concert. Ce nom de domaine peut être général ou choisi spécifiquement en fonction d'une tournée particulière.

Les fraudeurs se concentrent sur les grands concerts populaires dont les billets sont très vite «sold out» (vendus en deux heures à peine). Ils opèrent juste après l'annonce du concert ou de la tournée, avant le début des préventes, et donc le plus souvent des mois avant que le concert ait effectivement lieu.

Par la suite, des techniques d'optimalisation des termes de recherche et des publicités sponsorisées font en sorte que les consommateurs en quête de tickets pour ces concerts sur internet soient attirés sur ces sites web frauduleux, qui apparaissent souvent avant celui du vendeur officiel dans les résultats des moteurs de recherche.

Le consommateur commande les tickets sur le site frauduleux, les paie immédiatement par carte de crédit et reçoit un courriel de confirmation d'apparence professionnelle, mais n'aura jamais ces tickets, ou recevra dans de nombreux cas un ticket falsifié ou non valable.

Depuis 2013, les vendeurs ne peuvent plus facturer que le prix initial et des frais administratifs limités. Il n'est de même plus permis de proposer des billets avant le début de la vente officielle. Il est même interdit de revendre avec bénéfice des billets gagnés ou reçus gratuitement. Or, nous constatons que des billets sont vendus jusqu'à six ou sept fois plus cher rien que parce qu'une poignée d'acheteurs ont acquis tous les billets et les ont mis sous embargo jusqu'à susciter une attente insupportable et à mettre les billets sur le marché à un prix abusif. C'est pour éviter cela que j'ai élaboré une proposition de loi visant à empêcher le commerce de billets de concert à des prix abusifs, qui a été adoptée en 2013 (doc. Chambre, n° 53 0656/1 à 9). La revente de titres d'accès à des événements est réglementée depuis le 1er octobre 2013 par la loi du 30 juillet 2013 relative à la revente de titres d'accès à des événements.

La revente de manière habituelle est interdite. La revente de manière occasionnelle à un prix supérieur au prix définitif communiqué par le vendeur initial est interdite.

La présente question porte sur une compétence transversale, partagée avec les Communautés. En Belgique, les Communautés sont compétentes pour les matières personnalisables comme la culture et, plus spécifiquement, l'emploi des langues, les arts, le patrimoine culturel, les musées, les bibliothèques, les médias et le sport. La répression de la vente de billets de concert à des prix abusifs est une compétence fédérale.

1) Combien de personnes et d'organisations les instances compétentes prennent-elles annuellement à faire le commerce illégal de billets d'accès à des festivals?

2) Combien de plaintes le service public fédéral (SPF) Économie a-t-il reçues annuellement, au cours des trois dernières années, au sujet de la vente de billets de concert à des prix abusifs et / ou de la vente frauduleuse de billets inexistants?

3) Quelles sont les conséquences pour ceux qui se font prendre? Pouvez-vous me dire si certains sites web ont été fermés et / ou si certaines organisations ou personnes ont déjà été condamnées? Dans l'affirmative, pouvez-vous détailler votre réponse?

4) Quels efforts fait-on concrètement pour poursuivre les vendeurs malhonnêtes de billets et mettre un terme à ces pratiques?

5) Dans quelle mesure vos services collaborent-ils avec les pays voisins pour agir systématiquement contre ces pratiques?

6) De nouvelles mesures sont-elles envisagées pour lutter contre ce commerce illégal de billets d'accès à des événements?

7) Pouvez-vous dire si le phénomène de la vente de billets de concert à des prix abusifs est en recrudescence ou si l'on observe une diminution dans notre pays? Pouvez-vous donner des explications détaillées à ce sujet?

8) Quelles sont, selon vous, les méthodes les plus utilisées par les vendeurs fraudeurs pour contourner notre législation? Comment comptez-vous lutter de manière plus cohérente contre ce phénomène?

Réponse reçue le 20 avril 2020 :

1) Le tableau ci-dessous reprend le nombre de procès-verbaux relatifs à la revente de titres d’accès à des événements pour les trois dernières années.

Année

Nombre de PV

2017

24

2018

13

2019

3

2) Le tableau ci-dessous reprend le nombre de signalements relatifs à la revente de titres d’accès à des événements pour les trois dernières années.

Année

Nombre de signalements

2017

619

2018

697

2019

835

3) En cas de non-respect de la législation en vigueur, une sanction de niveau 2 est d’application. Une sanction de niveau 2 équivaut à un montant de 26 à 10 000 euros (article XV.70 du Code de droit économique).

4) Mon administration a mis en œuvre tous les moyens mis à sa disposition afin d’enrayer la revente de tickets de concert qu’elle soit habituelle ou réalisée à un prix supérieur au prix officiel (demande de collaboration internationale via le réseau CPC, procès-verbaux transmis au parquet de Bruxelles, fermeture des sites web). En 2017, six sites web ont été fermés par l’Inspection économique. Pour quatre d’entre eux, exploités par deux entreprises néerlandaises, une action en cessation est en cours. Dans le cadre de celle-ci, une question préjudicielle a été posée à la Cour européenne de Justice. L’affaire est encore pendante, ce qui signifie que l’Inspection économique ne peut pas intervenir contre des revendeurs étrangers pour l’instant. En cas d’issue favorable, d’autres actions pourraient être envisagées. Pour ce qui est des contrevenants belges, l’Inspection économique poursuit sa mission et reste très attentive à cette problématique.

5) Les problèmes rencontrés avec les pays voisins concernent uniquement les Pays-Bas. Aux Pays-Bas, il n’existe pas de législation qui interdit la revente de tickets par principe. Aucun soutien ne peut donc être obtenu de l’autorité néerlandaise «Autoriteit Consument en Markt» pour faire respecter l’interdiction belge. Une action n’est possible aux Pays-Bas que si les sites web de revente de tickets contiennent des informations insuffisamment claires à propos de l’offre. Dans ce cas, il peut en effet être question de tromperie et cela peut éventuellement donner suite à des actions de l’autorité néerlandaise. Dans le cas où il s’agit d’un ticket revendu, le prix d’origine et certains risques sur le fait qu’il s’agit d’un ticket revendu, doivent être clairement mentionnés. Si ce n’est pas le cas, aux Pays-Bas cette pratique est également considérée comme contraire au droit des consommateurs.

6) La directive (UE) 2019/2161 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et les directives 98/6/CE, 2005/29/CE et 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne une meilleure application et une modernisation des règles de l’Union en matière de protection des consommateurs considère ceci [considérant (50)]:

«Il convient d’interdire aux professionnels de revendre aux consommateurs des billets d’entrée pour des manifestations culturelles et sportives qu’ils ont acquis en utilisant des logiciels robots («bots») leur permettant d’acheter une quantité de billets qui dépasse les limites techniques imposées par le vendeur principal ou de contourner tout autre moyen technique mis en place par ce dernier pour garantir l’accessibilité des billets à tous. Cette interdiction s’applique sans préjudice de toute autre mesure nationale que les États membres peuvent prendre pour protéger les intérêts légitimes des consommateurs ainsi que pour assurer la mise en œuvre de la politique culturelle et pour garantir un large accès aux manifestations culturelles et sportives pour tous, comme des mesures de régulation des prix de revente de billets d’entrée.»

Les États membres doivent appliquer les dispositions de cette directive à partir du 28 mai 2022.

7) Le nombre de signalements reçus ces dernières années montre une tendance à la hausse. Cette tendance à la hausse peut être expliquée par l’attention médiatique accordée à cette matière.

8) Étant donné que la législation est belge, un des moyens idéal pour contourner la législation est d’établir l’entreprise au-delà de nos frontières. Il est également possible de contourner la législation en faisant usage d’un accès VPN ou en achetant des tickets via des plateformes étrangères. Il faut également souligner que certains artistes et certains organisateurs d’évènements vendent directement une partie des tickets disponibles à des entreprises actives sur le marché secondaire.