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Question écrite n° 7-1620

de Latifa Gahouchi (PS) du 11 mai 2022

au vice-premier ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique

Égalité entre les femmes et les hommes - Inégalité dans la prise en charge médicale - Données - Étude éventuelle

soins de santé
égalité homme-femme
intégration des questions d'égalité entre les hommes et les femmes
politique de la santé
chirurgie

Chronologie

11/5/2022Envoi question (Fin du délai de réponse: 9/6/2022)
14/11/2022Réponse

Aussi posée à : question écrite 7-1621

Question n° 7-1620 du 11 mai 2022 : (Question posée en français)

Dans la mesure où la prise en compte des interactions du sexe et du genre dans le domaine de la santé a des retombées majeures en termes de connaissances et de recherche scientifiques, de prise en charge médicale, de traitement, de prévention et d'optimisation des coûts de santé, et partant concerne tant les compétences fédérales que celles des entités fédérées, le dépôt de la question au Sénat prend tout son sens.

Récemment, une étude canadienne a été publiée dans le «Journal de l'Association médicale américaine» (JAMA – Journal of the American Medical Association) (cf. Christopher J. D. Wallis et al., «Association of Surgeon-Patient Sex Concordance With Postoperative Outcomes», in JAMA Surgey, 2022, vol. 157, nº 2, p. 146-156). L'objectif était de comparer l'efficacité de la pratique des hommes et des femmes chirurgiens en fonction du genre du patient. Cette équipe médicale canadienne à la base de cette recherche a analysé les données de 1,3 million de patientes et de patients traités par près de trois mille chirurgiens sur plus de dix ans (de 2007 à 2019).

Selon les conclusions de cette étude, les chirurgiens en Ontario affichent des taux de mortalité postopératoires plus élevés que leurs homologues féminins. En d'autres termes, les femmes opérées par un chirurgien masculin sont beaucoup plus susceptibles de décéder (32 % de risques supplémentaires), de connaître des complications et d'être réadmises à l'hôpital que lorsqu'une femme pratique l'intervention.

Les analyses démontrent aussi que les résultats de l'opération sont pires chez les patientes traitées par des hommes. «Nous avons constaté que les patientes traitées par des chirurgiens masculins avaient 15 % de risques supplémentaires d'obtenir de moins bons résultats que les patientes traitées par des chirurgiens féminins», a déclaré au «Guardian» la docteur Angela Jerath, épidémiologiste clinique à l'Université de Toronto au Canada et co-auteure de l'étude. Pour cette dernière «Ces résultats sont préoccupants, car il ne devrait pas y avoir de différence entre les sexes dans les résultats des patients, quel que soit le sexe du chirurgien».

Les conclusions de cette étude sont tout à fait interpellantes dans la mesure où le Canada est au XXIe siècle un pays connu pour ses politiques d'égalité et d'inclusion.

Peut-t-on avoir des raisons de craindre que de tels chiffres puissent également être une réalité dans notre pays?

Lorsque l'on sait que les différences de santé entre les femmes et les hommes résultent d'interactions complexes entre des facteurs biologiques, socioculturels et économiques, le doute est permis. Si des spécificités anatomiques et physiologiques liées au sexe biologique participent de ces différences, elles ne sont pas exclusives. L'influence du genre, qui réfère à la construction sociale des identités et des rapports sociaux entre les sexes, est un facteur d'inégalité entre les femmes et les hommes dans la santé et dans la prise en charge médicale.

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a d'ailleurs rappelé plus d'une fois que les femmes subissaient de nombreuses inégalités face à la maladie et aux soins partout dans le monde.

1) Disposez-vous de données relatives à la prise en charge médicale des patientes et des patients selon leur sexe et leur genre?

2) Avez-vous connaissance d'une étude similaire réalisée chez nos voisins européens, car d'aucuns estiment que si nous comparons le Canada à la plupart des pays de l'Union européenne (UE) en termes de politiques et de programmes d'égalité des sexes, nous pouvons nous attendre à disposer de chiffres semblables en Europe?

3) Ne serait-il pas nécessaire de réaliser en Belgique un état des lieux concernant les inégalités entre les femmes et les hommes dans la prise en charge médicale à l'instar de cette étude canadienne?

Réponse reçue le 14 novembre 2022 :

La cellule Soins efficaces de l’Institut national d’assurance maladie-invalidité (INAMI) réalise l’analyse des variations de pratiques en continu depuis 2017. Les résultats des analyses sont publiés sur Internet (Vers une Belgique en bonne santé – partie Variations de pratiques médicales) selon un classement par système au fur et à mesure de leur disponibilité. Les variations de pratique dans les soins de santé peuvent s’observer selon une ou plusieurs perspectives. Une de ces perspectives est le genre. Les différences de taux de recours chez les hommes et chez les femmes sont a priori le reflet de l’épidémiologie de la pathologie sous-jacente. Une différence entre le sex-ratio de cette pathologie et celui du taux de recours doit éveiller l’attention sur la justification de cette approche thérapeutique différente selon le genre.

À ma connaissance, il s’agit de la première étude à le faire. Pour être clair, une association a été trouvée concernant de moins bons résultats chez les patientes femmes traitées par un homme chirurgien par rapport aux patientes femmes traitées par une femme chirurgienne. Ces résultats moins bons n’ont pas été constatés en comparant les patients hommes traités par une femme chirurgienne et les patients hommes traités par un homme chirurgien. Les résultats de cette étude doivent être interprétés avec prudence. Dans le même numéro du journal, un commentaire sur cet article souligne plusieurs hypothèses faites par les auteurs et juge incorrecte la méthode statistique utilisée dans l’article. Les chirurgiens masculins de leur ensemble de données sont beaucoup plus âgés et exercent depuis plus longtemps. Dans un système d’attribution des cas de soins de santé qui fonctionne bien, les cas les plus complexes trouveront leur chemin vers des chirurgiens plus expérimentés; en effet, les patients plus malades insisteront pour avoir des chirurgiens plus expérimentés. Les auteurs citent également une durée de séjour plus longue et des taux de complication plus élevés comme preuves supplémentaires que les chirurgiens masculins fournissent des soins de qualité inférieure, mais ces associations sont probablement le résultat du fait que les chirurgiens masculins s’occupent de patients plus malades. Il est intéressant de noter que dans le seul scénario où les cas peuvent être attribués indépendamment de l’expérience du chirurgien, à savoir la chirurgie d’urgence, les chirurgiens féminins et masculins ont obtenu des résultats indiscernables. Les auteurs notent ce fait, puis l’ignorent. Et enfin, les auteurs ont utilisé des équations d’estimation généralisées au lieu d’un modèle hiérarchique de maximum de vraisemblance en raison de «limitations informatiques».

Le future «Belgian Health Data Authority» (HDA) facilitera l’accès des chercheurs aux bases de données de santé, ainsi que les liens qui peuvent être établis pour que les chercheurs puissent mener de telles études et ce, dans le respect du GDPR et des législations actuelles en matière de recherche scientifique. Les liens qui peuvent être faits pour que les chercheurs puissent mener de telles études passeront donc par cette Autorité. Toutefois, les études doivent être menées de manière méthodologiquement solide afin de pouvoir tirer les bonnes conclusions.