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Question écrite n° 7-1432

de Tom Ongena (Open Vld) du 17 décembre 2021

à la ministre de l'Intérieur, des Réformes institutionnelles et du Renouveau démocratique

Drogues - Drogues liquides - Drogue à base de sirop pour la toux - Production et circulation - Chiffres et tendances - Lutte - Mesures - Jeunes - Protection

stupéfiant
jeune
médicament
pharmacie
toxicomanie

Chronologie

17/12/2021Envoi question (Fin du délai de réponse: 20/1/2022)
20/1/2022Réponse

Aussi posée à : question écrite 7-1430
Aussi posée à : question écrite 7-1431

Question n° 7-1432 du 17 décembre 2021 : (Question posée en néerlandais)

La police a récemment découvert une nouvelle drogue, que l'on appelle la «lean», lors d'un contrôle dans la commune de Hoeselt en province de Limbourg (cf. https://www.vrt.be/vrtnws/nl/2021/11/29/3 mannen tegengehouden in hoeselt met nieuwe drug lean op zak/). Juste avant le contrôle, les occupants du véhicule arrêté avaient jeté hors de l'habitacle deux autres bouteilles contenant cette drogue qu'ils avaient achetée à Hasselt.

La «lean» est aussi connue dans le milieu sous les noms de «purple drank» ou «syrup». Il s'agit d'une nouvelle drogue à base de sirop pour la toux dilué avec du soda ou auquel on ajoute des bonbons. La boisson peut avoir un effet euphorisant en raison de la codéine et de la prométhazine qu'elle contient.

Les médecins prescrivent parfois de la codéine et de la prométhazine. La codéine est un puissant analgésique et la prométhazine agit contre les allergies. Le problème est que les utilisateurs les mélangent parfois sans respecter les doses et peuvent par accident en absorber des quantités trop importantes (cf. https://www.drugsinfo.nl/overige middelen/wat is drug lean).

Ces substances procurent peu de sensations à un faible dosage. À un dosage élevé, en revanche, elles peuvent rendre rêveur et provoquer un état d'euphorie et de relaxation. Les consommateurs décrivent souvent qu'ils ressentent une sensation de chaleur, de bien-être et d'ébriété. Une dose (trop) élevée peut donner lieu à des situations dangereuses telles qu'une crise d'épilepsie.

La «lean» peut créer une dépendance, surtout lorsqu'elle est consommée quotidiennement. En cas d'arrêt brutal de la consommation, des sensations de manque peuvent survenir : le consommateur ne se sent pas bien, transpire, a des sueurs froides, la chair de poule, le nez qui coule, des crampes à l'estomac et des douleurs dans les bras et les jambes. Il peut aussi souffrir de vomissements et de diarrhée. Ces troubles peuvent apparaître après une consommation intensive.

Cette drogue est relativement nouvelle et peu connue en Belgique.

En ce qui concerne le caractère transversal de la question : les différents gouvernements et maillons de la chaîne de sécurité se sont accordés sur les phénomènes qui doivent être traités en priorité au cours des quatre prochaines années. Ceux-ci sont définis dans la Note-cadre de sécurité intégrale et dans le Plan national de sécurité pour la période 2016-2019 et ont fait l'objet d'un débat lors d'une conférence interministérielle à laquelle les acteurs de la police et de la justice ont également participé. Cette question concerne dès lors une compétence partagée avec les Communautés, lesquelles interviennent surtout dans le volet préventif.

Je voudrais dès lors poser les questions suivantes au ministre :

1) Dans quelle mesure connaissez-vous la problématique des drogues à base de sirop pour la toux et de la «lean» en particulier ? Avez-vous déjà reçu des signalements à ce sujet ou des dossiers ont-ils déjà été portés devant la justice ? Si oui, de combien de cas s'agit-il et qu'en avez-vous fait ? Veuillez étayer votre réponse.

2) Dans quelle mesure savez-vous que cette drogue est en circulation ? Avez-vous déjà pris des mesures en la matière ? Si oui, lesquelles et quel en est le coût ? Des résultats concrets ont-ils déjà été enregistrés ?

3) Avez-vous des contacts à ce sujet avec les pays voisins ? Si oui, avez-vous reçu des informations concrètes concernant cette problématique au cours de l'année écoulée ? Quelles suites y avez-vous données ? Veuillez détailler votre réponse.

4) Pouvez-vous fournir des statistiques pour les trois dernières années sur le nombre d'arrestations dont des drogues liquides de ce type constituaient le motif principal ? Veuillez, si possible, ventiler ces statistiques par Région ? Y a-t-il des tendances à observer ?

5) Comment peut-on protéger au mieux les jeunes contre cette nouvelle drogue ? Selon vous, comment les écoles peuvent-elles aborder le problème concrètement ? L'approche de sensibilisation actuelle suffit-elle selon vous ou doit-elle être quelque peu adaptée ? Le cas échéant, que faudrait-il adapter et vous concertez-vous à ce sujet avec les Communautés ?

6) Comment peut-on informer les pharmaciens à ce propos ? Le département de la Santé publique émet-il déjà des directives concernant la codéine et la prométhazine, ainsi que la possibilité de les détourner de leur usage normal pour produire de la drogue ? Si oui, pouvez-vous les décrire en détail ?

7) Des cas de dépendance à la «lean» ou à d'autres drogues liquides similaires ont-ils déjà été signalés par des centres de désintoxication ? Si oui, combien de cas au cours des trois dernières années et dans quelles Régions ? Observe-t-on des tendances particulières ?

8) Selon vous, est-il possible que cette nouvelle drogue produite à partir de médicaments délivrés par des pharmaciens donne lieu à une modification de la législation actuelle sur les drogues ? Si oui, pouvez-vous expliquer votre point de vue en détail ? Si non, pour quelle raison ?

9) Y a-t-il des signes indiquant que cette drogue est produite et distribuée localement ou qu'elle est importée de l'étranger ? Dans le second cas, de quel pays provient-elle, comment aboutit-elle en Belgique et comment lutter contre son importation ?

Réponse reçue le 20 janvier 2022 :

1) En 2021, la section DJSOC (Direction centrale de la lutte contre la criminalité grave et organisée)/Drogues a reçu cinq rapports concernant des liquides suspects qui pourraient être liés à du «Lean».

Deux rapports ont été reçus de la zone de police de Gand, un de la zone de police des Ardennes flamandes, un de la zone de police de Blankenberge/Zuienkerke et un de la zone de police de Damme/Knokke-Heist.

Dans l’un de ces cas (ZP Gand), après analyse par l’Institut national de criminalistique et de criminologie (INCC), aucun produit illégal ou réglementé n’a été trouvé dans le liquide.

L’analyse de deux autres cas a révélé la présence de prométhazine et de codéine.

Dans un cas, un mineur a déclaré qu’il avait utilisé du «Lean». Il avait fait un mélange de sirop contre la toux, de boisson gazeuse et de Xanax. Le produit lui-même n’a pas été trouvé.

Enfin, un rapport s’est avéré être basé sur des informations provenant de Gand, où il était question de commerce de «Lean» à Gand. Cependant, cela n’a pas donné lieu à une enquête plus approfondie en raison du manque d’éléments.

Jusqu’à présent, on peut donc dire que les rapports sur le «Lean» sont restés assez limités et qu’ils sont apparus de manière plutôt sporadique.

2) DJSOC/Drogues a contacté l’Agence fédérale des médicaments et des produits de santé (AFMPS) et Sciensano dès qu’il a reçu le premier rapport sur le «Lean». À cette époque, l’AFMPS n’avait pas encore reçu de rapports de pharmaciens faisant état d’une demande accrue de sirop antitussif contenant de la prométhazine ou de la codéine.

Sciensano ne semblait pas non plus avoir reçu de rapports d’incidents impliquant le «Lean».

DJSOC/Drogues a diffusé une alerte via les CIC (centres d’information et de communication de l’arrondissement) à tous les services de police.

3) Aux Pays-Bas, le «Lean» fait également son apparition dans certains environnements, mais là aussi, on ne parle pas d’un problème majeur.

Grâce à nos collègues néerlandais, nous avons obtenu une fiche d’information sur le «Lean», qui a été distribué aux forces de police via les CIC. Cette fiche «Lean» a également été envoyée pour information à l’AFMPS, Sciensano, les douanes et l’INCC.

4) La Banque de données nationale générale (BNG) est une base de données policières dans laquelle sont enregistrés les faits sur base de procès-verbaux résultant des missions de police judiciaire et administrative. Elle permet de réaliser des comptages sur différentes variables statistiques telles que le nombre de faits enregistrés, les modus operandi, les objets liés à l’infraction, les moyens de transport utilisés, les destinations de lieu, etc.

Le tableau ci-dessous reprend le nombre de faits enregistrés par les services de police en matière de drogues (selon une répartition par classe) auxquels l’objet Codéine/médicament (classé stupéfiant) est couplé dans la BNG, tels qu’ils sont enregistrés sur base des procès-verbaux, pour les années 2018-2020 et le premier semestre 2021, aux niveaux national (tableau 1) et régional (tableau 2). Les données proviennent de la banque de données clôturée à la date du 22 octobre 2021.

Tableau 1: nombre de faits enregistrés en matière de drogues (selon une répartition par classe) auxquels l’objet Codéine/médicament (classé stupéfiant) est couplé dans la BNG, au niveau national




2018

2019

2020

2021 Sem.1

Drogues

Détention

Codéine/médicament (classé stupéfiant)

5

4

5

2

Drogues

Importation et exportation

Codéine/médicament (classé stupéfiant)

 

4

 

 

Drogues

Commerce

Codéine/médicament (classé stupéfiant)

1

3

6

1

Drogues

Autres

Codéine/médicament (classé stupéfiant)

 

 

1

 

Tableau 2: nombre de faits enregistrés en matière de drogues (selon une répartition par classe) auxquels l’objet Codéine/médicament (classé stupéfiant) est couplé dans la BNG, au niveau régional





2018

2019

2020

2021 Sem.1

Région de Bruxelles-Capitale

Drogues

Importation et exportation

Codéine/médicament (classé stupéfiant)

 

1

 

 

Drogues

Autres

Codéine/médicament (classé stupéfiant)

 

 

1

 

Région flamande

Drogues

Détention

Codéine/médicament (classé stupéfiant)

4

2

4

2

Drogues

Importation et exportation

Codéine/médicament (classé stupéfiant)

 

2

 

 

Drogues

Commerce

Codéine/médicament (classé stupéfiant)

1

2

5

1

Région wallonne

Drogues

Détention

Codéine/médicament (classé stupéfiant)

1

2

1

 

Drogues

Importation et exportation

Codéine/médicament (classé stupéfiant)

 

1

 

 

Drogues

Commerce

Codéine/médicament (classé stupéfiant)

 

1

1

 

Les chiffres sont trop faibles pour parler de réelles tendances, la hausse la plus notable étant toutefois constatée pour la classe «Commerce», passant de 1 à 6 faits de 2018 à 2020 au niveau national, hausse par ailleurs observée essentiellement en Région flamande (1 à 5 faits de 2018 à 2020).

S’agissant des chiffres relatifs au nombre d’arrestations, je dois informer l’honorable membre que celles-ci ne sont pas reprises dans la BNG.

5), 7) & 8) Ces questions parlementaires ne relèvent pas de mes compétences mais de la compétence du ministre de la Santé publique.

6) L’AFMPS a été informée par DJSOC/Drogues dès le premier rapport et a fait le nécessaire au sein de son propre réseau.

9) Le «Lean» est en soi assez facile à produire et peut être produit localement. Pour l’instant, il n’y a pas d’indication ou d’élément permettant de conclure à un commerce organisé de ce produit.