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Question écrite n° 6-2304

de Lionel Bajart (Open Vld) du 25 janvier 2019

au vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères et européennes, et de la Défense, chargé de Beliris et des Institutions culturelles fédérales

Tchétchénie - Lesbigays (personnes homosexuelles, lesbiennes, bisexuelles) - Violation des droits de l'homme - Conseil de sécurité des Nations unies (NU)

identité de genre
question de la Tchétchénie
minorité sexuelle
droits de l'homme
Russie

Chronologie

25/1/2019Envoi question (Fin du délai de réponse: 28/2/2019)
20/5/2019Réponse

Aussi posée à : question écrite 6-2303

Question n° 6-2304 du 25 janvier 2019 : (Question posée en néerlandais)

Plusieurs organisations de défense des droits de l'homme, notamment le Russian LGBT Network et Amnesty International, tirent la sonnette d'alarme face à une nouvelle vague d'arrestations de lesbigays en Tchétchénie. Cette nouvelle traque aux hommes et femmes homosexuels a fait, selon les activistes des droits de l'homme, au moins deux morts et quarante blessés. Quarante personnes auraient également été incarcérées dans un bâtiment gouvernemental dans la ville d'Argun.

Depuis 2017, il nous revient régulièrement que les autorités tchétchènes emprisonnent des supposés lesbigays et les soumettent à la torture. La Tchétchénie est une république autonome de la Fédération de Russie, qui est réputée pour être extrêmement conservatrice. Depuis plus de douze ans déjà, Ramzan Kadyrov y dicte sa loi, comme dirigeant autoritaire, avec le soutien du président russe, Vladimir Poutine.

Malgré des protestations internationales répétées, la Tchétchénie persévère dans la répression violente de la communauté homosexuelle.

Depuis le 1er janvier 2019, la Belgique siège au Conseil de sécurité des Nations unies (NU) pour une période de deux ans. C'est l'instance tout indiquée pour examiner les faits d'agression constatés et pour imposer des sanctions en cas de nouvelles violations des droits de l'homme.

Cette question concerne une matière transversale - Communautés. La prévention de l'homophobie se fait entre autres par le biais de l'enseignement et des médias, qui sont des matières communautaires. Je vous renvoie par ailleurs au plan d'action interfédéral contre les violences homophobes et transphobes. Depuis les accords de la Saint-Michel, conclus en 1993, les Communautés sont compétentes pour les aspects extérieurs de leurs domaines de compétence en vertu du principe " in foro interno, in foro externo ". En outre, cette question concerne également l'égalité des chances et la non-discrimination, qui sont aussi des matières transversales.

Je souhaiterais dès lors vous poser les questions suivantes :

1) Comment le ministre réagit-il au fait que des lesbigays sont systématiquement incarcérés et torturés en Tchétchénie ? Pense-t-il comme moi que cela constitue une violation internationale des droits de l'homme ? Dans la négative, pourquoi, et peut-il préciser sa réponse ? Dans l'affirmative, peut-il indiquer quelles sont les étapes à venir ?

2) Le ministre est-il disposé à se concerter avec les Communautés de manière à exprimer une position commune ? Peut-il fournir des précisions en ce qui concerne le contenu et le calendrier ?

3) Le ministre est-il disposé à convoquer à bref délai l'ambassadeur russe à ce sujet ? Dans la négative, pourquoi ?

4) Peut-il indiquer s'il compte mettre cette question à l'ordre du jour du prochain Conseil de sécurité des Nations unies étant donné que cela fait déjà plus de deux ans que ces faits sont perpétrés et que les condamnations de la communauté internationale n'ont guère eu d'effets sur le terrain ? Est-il disposé, le cas échéant, à proposer les sanctions comme solution ultime ? Dans l'affirmative, peut-il détailler sa réponse ? Dans la négative, pourquoi ?

Réponse reçue le 20 mai 2019 :

1) La dégradation des droits de l’homme en Fédération de Russie et en Tchétchénie, en ce compris les discriminations croissantes que subissent les personnes LGBTQI (lesbienne, gay, bisexuel, transgenre, queer, intersexe), est une préoccupation majeure de la Belgique.

Cette question est suivie de près par nos postes à Moscou et St-Pétersbourg, ainsi que par mes services à Bruxelles. Des contacts suivis ont été établis avec la société civile russe, dont plusieurs organisations qui luttent contre les discriminations à l’encontre des personnes LGBTQI. Notre soutien se manifeste également au travers d’actions concrètes comme la participation de nos services aux événements organisés à l’occasion de la Journée internationale contre l'homophobie et la transphobie.

Face aux nombreux rapportages de violations des droits humains en Tchétchénie, nous consultons aussi avec d’autres pays, dont nos partenaires de l’Union européenne (UE), afin de voir quels instruments internationaux nous pouvons utiliser dans le cadre des Nations unies, du Conseil de l’Europe ou de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) pour nous assurer que la Fédération de Russie met en œuvre ses obligations internationales en matière de droits humains sur l’ensemble de son territoire, en ce compris dans le Nord Caucase. Dans le contexte de l’UE, cela se fait via les lignes directrices visant à promouvoir et garantir le respect de tous les droits fondamentaux des personnes LGBTQI.

Au sein de l’OSCE plusieurs initiatives ont été entreprises à cet effet. Le Mécanisme de Vienne a finalement été activé en août 2018. Vu le manque de suivi des procédures du Mécanisme de Vienne, un groupe de seize pays – dont la Belgique – a décidé de lancer le Mécanisme de Moscou lors du Conseil permanent de l’OSCE du 1er novembre 2018. Un expert a été désigné afin d’investiguer et de faire des recommandations concernant les violations et les abus des droits de l’homme en Tchétchénie.

L’expert de l’OSCE, M. Wolfgang Benedek, a publié son rapport fin décembre qui est disponible sur le site de l’OSCE. La Belgique s’est ralliée à la déclaration conjointe des seize États participants.

Par le biais de cette déclaration, la Belgique et ses partenaires prennent acte de la publication du rapport et expriment leurs préoccupations face à la confirmation des allégations de violations et d’atteintes graves des droits de l’homme en Tchétchénie. La déclaration souligne que ce rapport est une contribution importante à la poursuite du dialogue et des initiatives afin que la Fédération de Russie respecte et défende les engagements souscrits dans le cadre de l’OSCE. Le sujet reste à l’agenda de l’OSCE et actuellement plusieurs pistes de suivi du rapport Benedek sont envisagées. Mes services suivent activement ces développements.

Une déclaration de l’UE a été délivrée lors du Comité des ministres du Conseil de l’Europe du 30 janvier. L’Union européenne et ses États membres ont rappelé leur grande inquiétude par rapport aux récents rapports qui font état des nouveaux cas d’arrestations, tortures et meurtres de Tchétchènes à cause de leur orientation sexuelle. Elle appelle la Russie à mener rapidement une enquête indépendante pour que les auteurs de tels actes soient réellement jugés. L’Union européenne exhorte la Russie à se conformer à ses obligations en tant que membre du Conseil de l’Europe et plus précisément en ce qui concerne les articles 2, 3, 5 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme.

La Belgique est aussi active au sein de l’« Equal Rights Coalition » (ERC) qui a publié en janvier 2019, comme elle l’avait déjà fait en 2017, une déclaration sur la situation actuelle en Tchétchénie. Elle exhorte à nouveau les autorités russes à prendre des mesures urgentes pour réagir à cette vague de violations des droits des personnes LGBTQI en Tchétchénie. Elle appelle à la libération immédiate de toute personne détenue à cause de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre et réclame une enquête impartiale, minutieuse et rapide sur la persécution menée afin de tenir responsable les personnes qui ont ordonné et commis ces actes. Enfin, elle rappelle à la Russie son obligation d’assurer l’égalité de traitement et la protection de ses citoyens LGBTQI.

2) Comme vous le savez, un nouveau Plan d’action Interfédéral contre la discrimination et la violence à l’égard des personnes LGBTI (2018/2019) est en vigueur depuis juin 2018 (https://lgbti.be/fr/). Avec ce Plan d’action Interfédéral, le gouvernement fédéral et les entités fédérées souhaitent prévenir et combattre la discrimination et la violence à l’égard des personnes sur base de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre, de leur expression de genre ou de leur condition intersexuée / DSD.

Nous joignons nos forces où cela est nécessaire afin de faire de la Belgique un des pays luttant le plus pour les droits des personnes LGBTI.

Une consultation des Communautés n’est donc pas nécessaire vu que les actions qui ont été convenues et menées par les Affaires étrangères sont clairement articulées et reprises dans le Plan d’action. Il s’agit entre autre de défendre et de promouvoir les droits humains des personnes LGBTI vis-à-vis des pays qui ne les respectent pas et de mettre en place et de renforcer la politique LGBTI européenne.

3) J’ai eu l’occasion de soulever à diverses reprises nos inquiétudes en matière des droits humains en Russie et en particulier en Tchétchénie, y compris les droits LGBTQI, lors de mes entretiens avec mon homologue russe et je continuerai à le faire.

4) Le Conseil de sécurité des Nations unies à la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationale et ne couvre que des questions qui la menacent.

Compte tenu de la nature intra-Russe de la violence en Tchétchénie, le Conseil de sécurité n’est pas l’instance appropriée pour cette question.