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Question écrite n° 6-2175

de Lionel Bajart (Open Vld) du 15 janvier 2019

au ministre de la Sécurité et de l'Intérieur

Police prédictive - Prévention des troubles et prédiction de la criminalité - Projets pilotes en Belgique - Vie privée - Protection

police
lutte contre le crime
analyse de l'information
protection de la vie privée
collecte de données

Chronologie

15/1/2019Envoi question (Fin du délai de réponse: 14/2/2019)
12/2/2019Réponse

Réintroduction de : question écrite 6-1677

Question n° 6-2175 du 15 janvier 2019 : (Question posée en néerlandais)

La police prédictive consiste à prévoir les comportements criminels et déviants au moyen d'un monitoring à grande échelle et d'analyses de données intelligentes, et ce, principalement en vue de prévenir la criminalité. Selon des experts de police, la police prédictive est la prochaine étape dans le travail policier, les analyses prédictives étant à la base de la prise de décisions relatives au travail de police.

Dans ce contexte, je me réfère aux récentes échauffourées qui ont eu lieu à Bruxelles. La police prédictive peut permettre à l'avenir de prévoir et donc de prévenir ce genre de troubles. La police néerlandaise travaille avec le Nederlands Forensisch Instituut (Institut médicolégal néerlandais) à une dizaine de projets de police prédictive. Le ministre de la Justice sortant, Ard van der Steur, pense que la police prédictive jouera un rôle dans l'interpellation de terroristes et la prévention d'actes de terrorisme.

Un projet de police prédictive est déjà mis en œuvre aux Pays-Bas, à l'échelle nationale. La police va y développer le Criminaliteits Anticipatie Systeem (CAS - Système de prévision de la criminalité), qui prévoit où et quand auront lieu des délits tels que des vols à la tire et des cambriolages.

Selon la police néerlandaise, 40 % des cambriolages et 60 % des vols à la tire peuvent être prévus.

Lors du développement de la police prédictive, on doit prendre garde aux conséquences néfastes telles que le profilage ethnique et les atteintes graves à la vie privée. C'est lorsque l'on peut recueillir un maximum de données que la police prédictive fonctionne le mieux (plus elles sont nombreuses, mieux c'est). De nombreux experts plaident en faveur du principe juridique de la limitation des finalités. Cela signifie que l'information ne peut être utilisée et traitée que pour un objectif défini, explicitement décrit et justifié. La police prédictive intervient à la frontière entre le comportement punissable et la pensée (non punissable). Bref, si les avantages de la police prédictive sont considérables, les risques le sont aussi.

Les différents gouvernements et les chaînons du système de sécurité sont d'accord sur les phénomènes contre lesquels il faudra lutter en priorité ces quatre prochaines années. Ils sont définis dans la note-cadre relative à la sécurité intégrale et dans le Plan national de sécurité pour la période 2016-2019, et ont été débattus lors d'une conférence interministérielle à laquelle les acteurs de la police et de la justice ont également participé. La présente question porte donc sur une compétence transversale régionale, le rôle des Régions étant surtout lié au volet préventif.

1) Des projets concrets ont-ils déjà été élaborés dans notre pays en ce qui concerne la police prédictive au sein de certaines zones de police ou au niveau national ? Si oui, lesquels ? Quel est leur but ? Quand ont-ils été développés et quel en est le résultat ? Dans la négative, pourquoi ? Êtes-vous disposé à lancer, dans le futur, des projets de police prédictive ? Dans l'affirmative, sur quel plan, dans quelle zone, et pouvez-vous me communiquer le budget et le calendrier prévus ?

2) Selon vous, quel potentiel la police prédictive offre-t-elle ? Pourrait-elle jouer un rôle, comme aux Pays-Bas, en matière de terrorisme et de prévention des troubles ? Pouvez-vous expliciter votre réponse ?

3) La police prédictive comporte également des risques, entre autres en ce qui concerne les atteintes à la vie privée et le profilage ethnique. Êtes-vous disposé à vous concerter avec le secrétaire d'État à la Protection de la vie privée en vue de mettre au point un cadre régulateur qui fonctionnerait, entre autres, sur la base du principe juridique de la limitation des finalités, et à élaborer un protocole ? Dans la négative, pourquoi ?

4) Vous paraît-il indiqué que la Commission de la protection de la vie privée (CPVP) se penche sur la question de la police prédictive ? Dans la négative, pourquoi, et pouvez-vous expliciter votre réponse ?

5) Comment évaluez-vous le Criminaliteits Anticipatie Systeem néerlandais (CAS - Système de prévision de la criminalité), et des projets similaires sont-ils en cours dans notre pays ?

Réponse reçue le 12 février 2019 :

1) La predictive policing (prévision policière) peut viser différents objectifs : il s'agit de tout type de stratégie ou de tactique policière qui utilise de l'information et une analyse avancée de celle-ci pour prévenir la criminalité. Elle peut viser à prédire les lieux et les moments de la criminalité, le risque élevé pour les individus de commettre ou non un crime, l'identification de profils de suspects, l'identification de groupes ou d'individus présentant un risque accru de victimisation. De telles méthodes sont également connues au sein de la police intégrée belge.

Je donne deux exemples au sein de la police fédérale : l’analyse tactique et les behaviour detection officers.

Analyse tactique : cette initiative s'inscrit dans le droit fil des recommandations de la commission d'enquête parlementaire « attentats » et a pour objet de déceler de nouvelles perspectives et une plus grande cohérence grâce aux informations policières et autres existantes et de fournir les mesures appropriées. Elle est développée en collaboration avec des partenaires nationaux et étrangers. Avec Europol, la Belgique a présenté une demande de financement européen dans le cadre du projet Horizon 2020.

Behaviour detection officers (BDO) : la formation des policiers à distinguer, sur la base du comportement des personnes, qui entre en compte en priorité dans la commission de certaines infractions.

2) Avec ces initiatives, la police fédérale essaye d'aller au-delà d'une extrapolation purement linéaire des chiffres et des données historiques (policières). C'est ce qui est fait dans les projets énumérés. Dans les deux cas, l'information et l'expertise provenant de disciplines autres que la police et du milieu universitaire sont également combinées. Les initiatives susmentionnées sont élaborées et appliquées, entre autres, dans le domaine de la lutte contre le terrorisme.

3) & 4) Cela fait déjà l'objet d'une consultation ouverte et approfondie avec des représentants du monde universitaire et de la Commission de la protection de la vie privée (CPVP).

5) Je m'abstiens d'évaluer le produit néerlandais. J'ai expliqué ci-dessus les initiatives que la police fédérale prend dans ce domaine. Je voudrais également ajouter qu'au niveau de la police, des réflexions et des expériences sont échangées entre la Belgique et les Pays-Bas.