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Question écrite n° 6-2173

de Lionel Bajart (Open Vld) du 15 janvier 2019

au vice-premier ministre et ministre des Finances, chargé de la Lutte contre la fraude fiscale, et Ministre de la Coopération au développement

Blockchain - Initial coin offerings (ICO - levée de fonds en cryptomonnaie) - Innovation financière - Réglementation et encadrement - Initiatives - Concertation avec le secteur financier

abus de marché
monnaie virtuelle
communauté virtuelle
émission de valeurs
émission monétaire
criminalité informatique
Financial Services and Markets Authority
réglementation financière
médias sociaux
chaîne de blocs
monnaie électronique
commerce électronique
Autorité européenne des marchés financiers

Chronologie

15/1/2019Envoi question (Fin du délai de réponse: 14/2/2019)
18/2/2019Réponse

Réintroduction de : question écrite 6-1637

Question n° 6-2173 du 15 janvier 2019 : (Question posée en néerlandais)

JJe me réfère à la question écrite n° 6-1429 relative aux monnaies virtuelles, que j'ai posée antérieurement, et à votre réponse détaillée, ainsi qu'à mes questions écrites n°s 6-1548 et 6-1547. L'Inspection économique est depuis peu habilitée à intervenir en la matière, ce qui est évidemment positif. Une campagne d'information serait également lancée sur ce thème. Des initial coin offerings (ICO) ont déjà été organisées dans plusieurs pays. Il s'agit d'opérations de levée de fonds auprès du grand public par émission de tokens (jetons) numériques.

L'Autorité française des marchés financiers (AMF) a lancé une nouvelle initiative concernant les ICO ; elle envisage l'instauration d'un cadre réglementaire pour l'utilisation de la blockchain en cas d'offre au public. Dans ce cadre, le public, les entreprises et les communautés de start-up ainsi que les institutions financières seront consultés.

Il s'agit d'une bonne initiative pouvant permettre de séparer le bon grain de l'ivraie. Les ICO sérieuses sont un stimulant pour les entreprises débutantes tandis que les personnes malhonnêtes qui organisent des ventes pyramidales de monnaies virtuelles font juste des victimes et salissent l'image de la blockchain.

Quant au caractère transversal de la question : les différents gouvernements et maillons de la chaîne de sécurité se sont accordés sur les phénomènes qui doivent être traités en priorité au cours des quatre prochaines années. Ceux-ci sont définis dans la Note-cadre de Sécurité intégrale et dans le Plan national de sécurité pour la période 2016-2019 et ont fait l'objet d'un débat lors d'une Conférence interministérielle à laquelle les acteurs de la police et de la justice ont également participé. La cybercriminalité est une des priorités transversales. Les placements dans la « cryptomonnaie » en font partie. Il s'agit dès lors d'une compétence régionale transversale où les Régions interviennent surtout dans le volet préventif.

Je souhaiterais dès lors vous poser les questions suivantes :

1) Existe-t-il actuellement une réglementation spécifique en ce qui concerne le lancement d'une ICO ? Dans l'affirmative, pouvez-vous l'expliquer ? Dans la négative, n'est-il pas indiqué de prévoir une réglementation afin de prévenir d'éventuelles fraudes et de favoriser les ICO régulières ?

2) Que pensez-vous de l'initiative de l'Autorité française des marchés financiers (AMF), et l'Autorité des services et marchés financiers (FSMA - Financial Services and Markets Authority) entreprendra-t-elle des démarches similaires ? Dans l'affirmative, qui sera consulté et quel est le calendrier prévu ? Dans la négative, notre pays ne perd-il pas des opportunités en ce qui concerne les applications blockchain et l'innovation financière ?

3) La FSMA a-t-elle déjà pris des initiatives (réglementation ou encadrement) en ce qui concerne les ICO ? Dans l'affirmative, pouvez-vous les expliquer ? Une enquête publique a-t-elle été organisée ? Dans la négative, pourquoi ?

4) Entrevoyez-vous le potentiel économique de ces ICO et vous êtes-vous déjà concerté à ce sujet avec Febelfin et/ou d'autres acteurs économiques ? Pouvez-vous, le cas échéant, fournir des précisions concrètes ?

5) Selon vous, quelles possibilités votre politique offre-t-elle de prendre des initiatives en matière d'innovation financière et de blockchain afin de renforcer le secteur financier et les communautés de start-up ?

Réponse reçue le 18 février 2019 :

1 et 3) En réponse à vos questions, je puis vous indiquer que la Banque nationale de Belgique (BNB) et l’Autorité des services et des marchés financiers (FSMA) suivent attentivement les développements des cryptomonnaies et qu’elles ont déjà publié en 2014 et en 2015 des mises en garde conjointes en vue d’attirer l’attention des consommateurs financiers sur les risques liés aux cryptomonnaies telles que le Bitcoin. Dans ces mises en garde, la BNB et la FSMA précisent que les cryptomonnaies ne constituent pas un moyen de paiement légal ni une forme d’argent électronique. Les deux autorités de contrôle rappellent par ailleurs qu’il n’existe actuellement ni contrôle financier ni surveillance des cryptomonnaies, et recommandent dès lors aux consommateurs financiers de faire preuve de la plus grande prudence.

Je précise par ailleurs, que la FSMA a interdit dès 2014 la commercialisation auprès des clients de détail des produits financiers dont le rendement dépend directement ou indirectement d’une cryptomonnaies[1], et qu’en juillet 2016, compte-tenu de l’attention croissante portée à la prétendue cryptomonnaie OneCoin, la FSMA réitérait sa mise en garde portant sur les cryptomonnaies.

La FSMA a également publié le 13 novembre 2017 une mise en garde pour attirer l’attention du public sur les risques liés aux investissements dans des Initial Coin Offerings (ICO) et sur les indices pouvant laisser présager une escroquerie. Ces investissements sont généralement effectués au moyen d’une cryptomonnaie.

Malgré ses précédentes mises en garde, la FSMA continue de recevoir de nombreuses plaintes de consommateurs ayant donné suite à des offres frauduleuses d’investissement dans les cryptomonnaies. La FSMA a donc publié en 2018 de nouvelles mises en garde en vue d’attirer l’attention du public sur ces arnaques. Dans ce cadre, la FSMA a publié sur son site web la liste des plateformes de trading de cryptomonnaies à l’égard desquelles elle a pu constater des indices de fraude.

En ce qui concerne le cadre réglementaire, permettez-moi de me référer au « statement » publié le 13 novembre 2017 par l’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) ainsi qu’à la communication de la même date de la FSMA dans lesquels sont précisés les règles[2] (nationales et européennes) potentiellement applicables aux ICO, les risques importants encourus par les investisseurs et les obligations qui pourraient être imposées aux promoteurs de tokens.

L'ESMA a pour le moment constaté que, en fonction de sa structuration, une ICO pourrait être soumise à différentes réglementations financières : le règlement Prospectus, la directive concernant les marchés d'instruments financiers (MiFID), la directive sur les gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs (AIFMD), le règlement sur les abus de marché (MAR), la 4e directive relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme (AMLD4). Il n’est pas exclu que soient également applicables d’autres réglementations telles que les règles concernant les normes comptables, les obligations fiscales, l’argent électronique ou la réglementation prudentielle.

Pour les offres qui sont faites en Belgique, outre les réglementations européennes susmentionnées, les lois et le règlement suivants pourraient trouver à s’appliquer en Belgique:

le règlement de la FSMA du 3 avril 2014 concernant l'interdiction de commercialisation de certains produits financiers auprès des clients de détail. Ce règlement stipule qu’il est interdit de commercialiser en Belgique, à titre professionnel, auprès d'un ou de plusieurs clients de détail, des produits financiers dont le rendement dépend directement ou indirectement d'une monnaie virtuelle.

la loi du 16 juin 2006 relative aux offres publiques d'instruments de placement et aux admissions d'instruments de placement à la négociation sur des marchés réglementés et la loi du 11 juillet 2018 relative aux offres au public d'instruments de placement et aux admissions d'instruments de placement à la négociation sur des marchés réglementés. Ces lois rendent obligatoire l’établissement d’un prospectus soumis à l’approbation de la FSMA pour toute offre publique d'instruments de placement effectuée sur le territoire belge, prévoient un monopole d’intermédiation pour le placement d’instruments d’investissement sur le territoire belge et disposent que les communications à caractère promotionnel se rapportant à l’offre publique doivent être approuvées au préalable par la FSMA.

la loi du 18 décembre 2016 organisant la reconnaissance et l’encadrement du crowdfunding et portant des dispositions diverses en matière de finances. Cette loi fixe les conditions d’agrément de l’activité de plateforme de financement alternatif (c’est-à-dire la variante financière du crowdfunding) de même que les règles que les fournisseurs de services de financement alternatif doivent respecter.

Enfin, le 19 janvier 2019, lESMA a remis son avis relatif aux actifs cryptographiques et aux ICO aux institutions de l’Union européenne (UE) – la Commission, le Conseil et le Parlement. L'avis indique, d'une part, que les règles de l'UE en vigueur s'appliquent aux actifs cryptographiques dans la mesure où ils peuvent être considérés comme des instruments financiers, mais que des exigences plus spécifiques pourraient être nécessaires afin d’assurer une application effective des règles existantes. Par ailleurs, l’avis indique que si ces actifs cryptographiques ne peuvent pas être considérés comme des instruments financiers, l’absence de règles financières expose les investisseurs à des risques importants. L'ESMA est d'avis que les exigences en matière de blanchiment de capitaux (AML) devraient s'appliquer au minimum à tous les actifs cryptographiques et à toutes les activités liées aux actifs cryptographiques. Des règles de transparence suffisantes devraient s'appliquer aux risques, afin que les consommateurs puissent évaluer les risques potentiels de manière bien informée avant de procéder à des investissements dans des actifs cryptographiques. En tant que membre d’ESMA et présidente du Financial Innovation Standing Committee, la FSMA a activement participé à la préparation de cet avis.

2) Dans le monde entier, la diversité des approches est notable. Certains régulateurs ont choisi d'interdire les ICO et/ou le commerce des actifs cryptographiques ou des cryptomonnaies de manière permanente sur leur territoire (Chine, Vietnam, Algérie, Maroc) ou temporairement (Corée du Sud). Certains ont adopté leur propre cadre réglementaire destiné à attirer des projets fiables (Malte, Gibraltar). D'autres (Suisse, Canada, Brésil, Allemagne) proposent une approche au cas par cas en raison des divergences relatives à la qualification juridique des tokens. La France a opté pour un régime de licence volontaire, dans lequel l'émetteur de l’ICO choisit lui-même de soumettre ou non le projet à l’autorité de contrôle, l’Autorité des marchés financiers (AMF). En tant que ministre des Finances, je suis favorable à une approche harmonisée au niveau européen.

4 et 5) Le gouvernement soutient toute une série de mesures favorisant le développement des start-up; Dans ce cadre, il a notamment contribué au lancement de la plateforme B-Hive, qui a pour objectif de placer Bruxelles et la Belgique au centre de l’échiquier européen et mondial pour les entreprises de type start-ups et scale-up qui agissent dans le domaine de la FinTech.

Depuis le mois de juin 2016, la FSMA a pris l’initiative d’organiser un Portail Fintech qui offre aux parties prenantes actives dans les innovations financières de tout type (y compris distributed ledger technologie ou Blockchain) de présenter et éventuellement de soumettre un dossier. La Banque nationale a rejoint cette initiative en avril 2017 de telle sorte qu’il existe désormais un point de contact unique pour les Fintech.

[1] Règlement de l’Autorité des services et marchés financiers concernant l’interdiction de commercialisation de certains produits financiers auprès des clients de détail, approuvé par l’arrêté royal du 24 avril 2014.

[2] https://www.fsma.be/fr/news/initial-coin-offerings-ico-la-prudence-est-de-mise

https://www.fsma.be/sites/default/files/public/content/FR/circ/fsma_2017_20_fr.pdf

https://www.esma.europa.eu/press-news/esma-news/esma-highlights-ico-risks-investors-and-firms