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Question écrite n° 6-2170

de Lionel Bajart (Open Vld) du 15 janvier 2019

au vice-premier ministre et ministre des Finances, chargé de la Lutte contre la fraude fiscale, et Ministre de la Coopération au développement

Belfius - Introduction partielle en Bourse - Belfius Art Collection - Protection du patrimoine culturel - Œuvres se trouvant à Bruxelles

banque publique
privatisation
cotation boursière
patrimoine culturel
peinture
protection du patrimoine

Chronologie

15/1/2019Envoi question (Fin du délai de réponse: 14/2/2019)
12/2/2019Réponse

Réintroduction de : question écrite 6-1587

Question n° 6-2170 du 15 janvier 2019 : (Question posée en néerlandais)

L'introduction partielle de Belfius en Bourse est imminente. Dans ce contexte, il importe que l'autorité fédérale et les entités fédérées adoptent un point de vue commun sur le statut de la « Belfius Art Collection » et sur l'extension de la protection de certaines œuvres d'art à l'instar de celle prévue par le décret flamand du 24 janvier 2003 portant protection du patrimoine culturel mobilier présentant un intérêt exceptionnel (décret relatif aux pièces maîtresses). Lorsque l'État fédéral et les autres autorités ont injecté des moyens financiers dans la Banque, qui s'appelait alors Dexia, des accords ont été conclus en vue de rendre cette collection accessible.

La collection d'œuvres d'art contient entre autres deux très rares esquisses à l'huile de Pierre Paul Rubens, de niveau mondial, à savoir « L'Enlèvement des Sabines » et « La Réconciliation des Romains et des Sabines ». Ces œuvres ont été réalisées pour le compte du Roi d'Espagne et sont les seules qui subsistent, les autres peintures ayant été détruites dans un incendie en 1734. Je peux également vous présenter une série de pièces maîtresses antérieures à 1830.

La collection se concentre sur trois périodes.

Les maîtres flamands des 16e et 17e siècles, tels qu'Antoine van Dyck, Jacob Jordaens, Pieter Pourbus, Frans Snijders, Jan Breughel et Pierre Paul Rubens. Ensuite, la collection d'art moderne de 1830 à 1960 regroupe entre autres des œuvres de James Ensor, René Magritte et Rik Wouters. La collection d'art contemporain est représentée notamment par des œuvres de Roger Raveel, Berlinde De Bruyckere et Jan Fabre.

Il est question de 4.300 œuvres au total. À ce jour, la Flandre a inscrit trois œuvres sur la liste des pièces maîtresses visées par le décret de 2003. Différentes œuvres de la « Belfius Art Collection » se trouvent à Anvers. Mais il y en a également un grand nombre à Bruxelles, région où le décret flamand sur les pièces maîtresses n'est toutefois pas en vigueur. Les œuvres y bénéficient néanmoins d'une protection, étant donné que l'autorité fédérale peut prendre des décisions relatives aux œuvres d'art. Les œuvres situées à Bruxelles relèvent donc de la compétence fédérale, alors que celles qui se trouvent à Anvers, en particulier à l'Astridhuis, relèvent de la compétence flamande.

Le décret sur les pièces maîtresses vise à la protection du patrimoine culturel mobilier qui, selon la Communauté flamande, doit être conservé en Flandre en raison de sa valeur archéologique, historique, historico-culturelle, artistique ou scientifique particulière.

Il existe depuis 2012 un accord culturel avec la Communauté française. Une plateforme de négociation a été mise sur pied avec toutes les autorités concernées tout spécialement pour les pièces maîtresses et ces collections.

Étant donné qu'en 2012, on avait envisagé de vendre une partie de la collection Belfius et que l'on procédera à une privatisation partielle et à une introduction en Bourse de la banque, il importe d'ancrer juridiquement cette collection. Tout d'abord, l'autorité fédérale peut octroyer une protection définitive aux pièces maîtresses qui se trouvent à Bruxelles. Ensuite, puisque l'État est actionnaire à 100 % de la Banque Belfius, il peut transférer les œuvres d'art dans une fondation distincte avant de procéder à une introduction en Bourse. On peut également élaborer une forme de droit de préemption en collaboration avec la Communauté française et la Région flamande.

En ce qui concerne le caractère transversal de la question: la Flandre a déjà inscrit sur la liste du patrimoine culturel mobilier visée par son décret sur les pièces maîtresses quelques pièces maîtresses de la collection Belfius. L'autorité fédérale est compétente pour les œuvres d'art qui se trouvent à Bruxelles. La collection appartient à 100 % à la Banque Belfius, à son tour détenue à 100 % par l'autorité fédérale. Il s'agit dès lors d'une compétence communautaire transversale.

Je souhaite poser les questions suivantes en ce qui concerne cette collection :

1) Êtes-vous disposé à sortir la « Belfius Art Collection » de l'introduction partielle en Bourse annoncée, compte tenu de l'intérêt culturel que présente cette collection pour le pays, la Région flamande et la Communauté française ? Dans l'affirmative, comment vous y prendrez-vous ? Dans la négative, pourquoi et pouvez-vous expliquer votre réponse ?

2) Pouvez-vous me préciser si vous avez entrepris des démarches concrètes pour sauvegarder les pièces maîtresses de la collection Belfius, eu égard à la prochaine introduction en Bourse et ce, sous la forme de droits de préemption, en concertation ou non avec les entités fédérées ? Dans l'affirmative, pouvez-vous expliquer votre réponse ? Dans la négative, pourquoi, et pouvez-vous préciser comment vous assurerez la protection des pièces maîtresses de cette collection, à moins que cela ne vous paraisse pas nécessaire ?

3) Avez-vous déjà mis à l'ordre du jour de la plateforme de concertation avec la Communauté française et la Région flamande le futur statut de la collection Belfius ? Dans la négative, pourquoi, et allez-vous le faire rapidement étant donné la prochaine introduction en Bourse ? Dans l'affirmative, quels en ont été les résultats concrets et quelles mesures de protection ont-elles été définies ?

4) Avez-vous déjà entrepris des démarches concrètes en vue de protéger les pièces maîtresses de la collection Belfius qui se trouvent physiquement à Bruxelles et qui constituent un patrimoine culturel mobilier qu'il convient de conserver dans notre pays eu égard à sa valeur archéologique, historique, historico-culturelle, artistique ou scientifique, étant donné que seul l'État fédéral peut actuellement lui offrir une protection ?

5) Pouvez-vous m'indiquer à combien la collection d'œuvres d'art de Belfius est aujourd'hui estimée et ce, dans la perspective de la prochaine introduction en Bourse ? Dans la négative, pourquoi ?

6) Cette collection sera-t-elle évaluée dans la perspective de l'introduction en Bourse ou non ? Pouvez-vous expliquer de manière très détaillée pourquoi elle sera ou non évaluée lors de la prochaine introduction en Bourse ?

7) Pouvez-vous préciser l'impact juridique qu'aura la privatisation partielle de la Banque Belfius pour la « Belfius Art Collection » quant aux droits de propriété et à la vente éventuelle d'œuvres de cette collection à l'avenir ?

8) Les futurs actionnaires de la Banque Belfius seront-ils également copropriétaires de la « Belfius Art Collection » ? Pouvez-vous donner des explications claires et concrètes ?

Réponse reçue le 12 février 2019 :

1) Il n'est pas nécessaire de sortir la Belfius Art Collection de l'introduction en Bourse, compte tenu de la protection prévue pour l'ancrage de la Belfius Art Collection dans les statuts de la banque. Ce faisant, la Collection reste la propriété de la banque et toutes les garanties sont fournies pour son ancrage par le biais des statuts, dans le respect des engagements suivants : la gestion active de la Collection, la stratégie visant à continuer d'investir dans l'achat d'œuvres d'art belges et à rendre les œuvres de la Collection le plus possible accessibles au public par le biais de prêts et de ses propres expositions. Une clause a été intégrée qui nécessite une majorité spéciale pour toute modification en vertu de laquelle  l’accord du gouvernement est requis tant qu'il conserve 5% des actions de Belfius. En fonction de l'évolution future de Belfius à la suite de laquelle le gouvernement diminuerait considérablement sa participation, il serait encore possible de procéder à la création d'une Fondation. Cela est également prévu dans les statuts. Cependant, cette solution s'avère être moins favorable, car elle présente de nombreuses conséquences en termes de financement du fonctionnement de la Fondation et de la Collection, qui dans ce cas ne pourra plus être maintenu dans le budget de la banque.

2) La protection de la Belfius Art Collection est garantie par une modification des statuts de la banque. L’exercice éventuel d’un droit de préemption a été intégré dans la réglementation existante concernant les Pièces maîtresses en Communauté flamande ou dans des réglementations similaires en Communauté française.

3) Des concertations ont eu lieu avec le Comité ministériel des Affaires culturelles, au sein duquel toutes les régions sont représentées. Elles ont coordonné les travaux préparatoires à l’adaptation des statuts de la banque pour ancrer et sécuriser la Collection.

4) L’ancrage de la Collection en Belgique est garanti par les dispositions des statuts de la banque.

5) Il n'existe pas d'évaluation formelle de la Belfius Art Collection. L’évaluation de la Belfius Art Collection est un processus très difficile et complexe, entraînant un coût substantiel. Compte tenu de la taille de la Collection et de la multitude de lieux où elle est exposée et/ou stockée, un tel processus implique le déballage, le transport, la vérification, l'évaluation, etc. de toutes les œuvres. En outre, on estime à un an la durée moyenne de réalisation d'une évaluation. Pour l’instant, une évaluation n’est pas encore planifiée compte tenu des constructions de protection prévues pour la Collection. S'il faut procéder à une évaluation à un moment donné, cela n’aura de sens que si la Belfius Art Collection est examinée par au moins deux institutions respectées et de préférence également par une partie connaissant l’art belge.

6) Voir la réponse à la question 5.

7) La Belfius Art Collection reste la propriété de la banque, car la modification des statuts apporte toutes les garanties et les instruments nécessaires sont prévus pour ancrer la Collection en Belgique en cas de privatisation partielle.

8) Oui, puisque la Collection reste la propriété de la banque et que toutes les garanties d’ancrage sont prévues par les statuts, chaque actionnaire de la banque est, à proprement parler, un petit copropriétaire de la Collection, tout en respectant les dispositions suivantes des statuts : la gestion active de la Collection, la stratégie visant à continuer d'investir dans l'achat d'art belge et à rendre les œuvres de la Collection le plus possible accessibles au public par le biais de prêts et de ses propres expositions. Une clause a été intégrée qui nécessite une majorité spéciale pour toute modification en vertu de laquelle  l’accord du gouvernement est requis tant qu'il conserve 5% des actions de Belfius. En fonction de l'évolution future de Belfius à la suite de laquelle le gouvernement diminuerait considérablement sa participation, il serait encore possible de procéder à la création d'une Fondation. Cela est également prévu dans les statuts. Cependant, cette solution s'avère être moins favorable, car elle présente de nombreuses conséquences en termes de financement du fonctionnement de la Fondation et de la Collection, qui dans ce cas ne pourra plus être maintenu dans le budget de la banque.