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Question écrite n° 6-2126

de Lionel Bajart (Open Vld) du 14 janvier 2019

au vice-premier ministre et ministre des Finances, chargé de la Lutte contre la fraude fiscale, et Ministre de la Coopération au développement

Monnaies virtuelles - Placements - Nanotec - Vente pyramidale - Inspection économique - Autorité des services et marchés financiers (FSMA) - Condamnations - Personnes lésées - Nombre

commerce électronique
monnaie électronique
placement de capitaux
abus de confiance
délit économique
fraude
Financial Services and Markets Authority
jeu de hasard
criminalité informatique

Chronologie

14/1/2019Envoi question (Fin du délai de réponse: 14/2/2019)
12/2/2019Réponse

Réintroduction de : question écrite 6-1428

Question n° 6-2126 du 14 janvier 2019 : (Question posée en néerlandais)

Quant au caractère transversal de la question : les différents gouvernements et maillons de la chaîne de sécurité se sont accordés sur les phénomènes qui doivent être traités en priorité au cours des quatre prochaines années. Ceux-ci sont définis dans la Note-cadre de Sécurité intégrale et dans le Plan national de sécurité pour la période 2016-2019 et ont fait l'objet d'un débat lors d'une Conférence interministérielle à laquelle les acteurs de la police et de la justice ont également participé. La cybercriminalité est une des priorités transversales. Les placements dans la “cryptomonnaie” en font partie. Il s'agit dès lors d'une compétence régionale transversale où les Régions interviennent surtout dans le volet préventif.

Il ressort d'informations détaillées, publiées par la presse en avril 2017, que dans diverses salles du pays, toutes sortes de clubs de placement et d'investissement tentent de vendre des monnaies numériques en recourant à des techniques de vente agressives (cf. Lars Bové et Pieter Suy dans De Tijd du 15 avril 2017, pp. 1, 6 et 7). Cela concerne entre autres les “Nanotec”, les “Octa Premium Coin”, les “Crypto888” et les “Onecoin”. Par le bouche à oreille et lors de fêtes ou d'événements sportifs, comme à Alost, on incite les gens à effectuer des placements dans les nouvelles “Nanotec”.

D'après les concepteurs de la monnaie numérique “Nanotec”, on pourrait rapidement obtenir, sur base mensuelle, des rendements de dizaines de pour cent, indépendamment des commissions que l'on se voit verser lorsque l'on présente des gens au Nanoclub. D'après De Tijd, certaines personnes empruntent même de l'argent pour pouvoir ensuite le placer dans les “Nanotec”.

Il se dit que “Nanotec” est dans le collimateur de l'Autorité des services et marchés financiers (FSMA - Financial Services and Markets Authority), l'autorité de contrôle financier. Celle-ci affirme qu'elle dispose d'indications selon lesquelles les activités de Nanoclub, qui prétend proposer des monnaies virtuelles, sont de nature frauduleuse et s'exercent entre autres sous la forme d'un jeu de pyramide.

Les régulateurs étrangers surveillent également Nanoclub. En Suède, la police a ouvert une enquête après un avertissement lancé par la commission locale des jeux de hasard qui voyait dans l'activité en question un jeu de pyramide.

Pour toute clarté, je laisserai de côté les bitcoins qui fonctionnent avec la technologie blockchain et peuvent effectivement être utilisés comme moyen de paiement, mais j'évoquerai des monnaies numériques de facto sans valeur qui ne peuvent être acceptées nulle part comme moyen de paiement et qui ont plutôt les caractéristiques d'un jeu de Monopoly virtuel.

C'est pourquoi je vous pose les questions suivantes :

1) La FSMA peut-elle communiquer les démarches qu'elle a déjà entreprises pour éviter que des investisseurs candides et des consommateurs/épargnants ne placent leur épargne dans toutes sortes de monnaies numériques promettant soi-disant un rendement élevé alors que, selon toute vraisemblance, les fonds des épargnants sont dérobés à des fins de profit financier personnel par le biais de techniques de vente agressives ?

2) La FSMA peut-elle indiquer combien de plaintes elle a reçues annuellement, ces trois dernières années, concernant des offres pour des pseudo-placements en monnaies numériques ? Peut-elle indiquer combien de victimes ont déjà perdu leur épargne ?

3) N'est-il pas grand temps que vous-même ou l'inspection économique fassiez comprendre aux citoyens que ces placements en monnaies numériques comportent des risques importants ? Dans la négative, pourquoi ? Dans l'affirmative, pouvez-vous donner des précisions ? Quelles seront la teneur et le calendrier de vos initiatives ?

4) La FSMA dispose-t-elle d'instruments en suffisance pour intervenir contre ceux qui proposent ces monnaies numériques sans valeur ? Dans l'affirmative, quels instruments a-t-elle utilisés et avec quels résultats ? Dans la négative, pouvez-vous détailler votre réponse ?

Réponse reçue le 12 février 2019 :

1) & 3) En réponse à votre question, je puis vous indiquer que la Banque nationale de Belgique (BNB) et l’Autorité des services et des marchés financiers (FSMA) ont déjà publié en 2014 et en 2015 des mises en garde conjointes en vue d’attirer l’attention des consommateurs financiers sur les risques liés aux cryptomonnaies. Dans ces mises en garde, la BNB et la FSMA précisent que les cryptomonnaies ne constituent pas un moyen de paiement légal ni une forme d’argent électronique. Les deux autorités de contrôle rappellent par ailleurs qu’il n’existe actuellement ni contrôle financier ni surveillance des cryptomonnaies, et recommandent dès lors aux consommateurs financiers de faire preuve de la plus grande prudence.

Je précise par ailleurs, que la FSMA a interdit dès 2014 la commercialisation auprès des clients de détail des produits financiers dont le rendement dépend directement ou indirectement d’une cryptomonnaie [1], et qu’en juillet 2016, compte-tenu de l’attention croissante portée à la prétendue cryptomonnaie OneCoin, la FSMA réitérait sa mise en garde portant sur les cryptomonnaies.

À partir de fin 2017-début 2018, les consommateurs belges ont été approchés par un nouveau type d’offres d’investissement liées aux cryptomonnaies, via des plateformes de trading en ligne. À nouveau, la FSMA a mis en garde contre ces offres, le 22 février 2018. Cette mise en garde était accompagnée du témoignage d’un consommateur victime, ainsi que d’une liste des sites web pour lesquels la FSMA a relevé des indices de fraude. Cette liste a ensuite été mise à jour à six reprises, et compte, depuis le 18 décembre 2018, 113 sites web.

La FSMA a également participé à la campagne « Trop beau pour être vrai », lancée en juin 2018, dont un des volets était consacré aux arnaques aux cryptomonnaies.

Finalement, on notera que le site internet www.wikifin.be, le programme d’éducation financière de la FSMA, propose également des informations sur les risques associés aux cryptomonnaies.

2) Depuis 2015, la FSMA a reçu 380 plaintes ou questions en lien avec des pseudo-investissements dans les monnaies virtuelles (0 en 2015, 12 en 2016, 3 en 2017 et 351 en 2018). L’augmentation du nombre de questions ou plaintes reçues en 2018 est la conséquence du développement des offres d’investissement frauduleuses liées aux cryptomonnaies opérées par le truchement de plateformes de trading.

Quant aux pertes des consommateurs, la FSMA peut uniquement indiquer que dans le cadre des fraudes aux cryptomonnaies liées à des plateformes de trading touchant massivement le public belge (principalement francophone) depuis fin 2017, le montant des pertes déclarées tourne autour des 4,5 millions d’euros (tous consommateurs confondus) ou 3,5 millions d’euros (consommateurs belges). Toutefois, tous les consommateurs ne s’adressent pas à la FSMA, et lorsqu’ils le font, nombreux sont ceux qui ne précisent pas les montants de leurs pertes.

4) Les NanoTec telles que Nanoclub, OctaPartners et Crypto888 sont connues auprès de la FSMA comme des cas de fraude de type Ponzi (également appelés systèmes de type pyramidal) pour lesquels la FSMA n’est pas compétente. La fraude de type Ponzi est une forme d’escroquerie pure au sens de l’article 491 du Code pénal. Seules les autorités judiciaires sont compétentes pour intervenir dans ce cadre.

Cependant, la FSMA a publié le 23 septembre 2016 sur son site web une mise en garde au sujet de ce phénomène. Dans cette mise en garde, la FSMA formule un certain nombre de recommandations concrètes afin d’aider les investisseurs à reconnaître les cas de fraude (de type pyramidal) et leur indiquer ce qu’ils peuvent faire pour éviter de telles escroqueries. Elle invite également les investisseurs à signaler leurs soupçons de fraude, soit à la FSMA, soit à la DGIE.

Si la FSMA constate qu’une entreprise ou une personne soumise à son contrôle est impliquée dans le cadre d’un tel dossier ou s’il existe des indices d’infraction à la réglementation financière dont la FSMA doit veiller au respect, la FSMA peut prendre des mesures, et par exemple transmettre le dossier au parquet ou publier une mise en garde. Chaque année, la FSMA publie des dizaines de mises en garde au sujet d’appels irréguliers à l’épargne (celles-ci concernaient 150 entités ou sites web en 2018, 122 en 2017, 68 en 2016, 94 en 2015, et 59 en 2014).

[1] Règlement de l’Autorité des services et marchés financiers concernant l’interdiction de commercialisation de certains produits financiers auprès des clients de détail, approuvé par l’arrêté royal du 24 avril 2014.