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Question écrite n° 6-2048

de Lionel Bajart (Open Vld) du 10 janvier 2019

au ministre de la Sécurité et de l'Intérieur

Mariages d'enfants - Mariages forcés - Directives - Enregistrement - Coopération - Poursuites

mariage forcé

Chronologie

10/1/2019Envoi question (Fin du délai de réponse: 14/2/2019)
12/2/2019Réponse

Réintroduction de : question écrite 6-2014

Question n° 6-2048 du 10 janvier 2019 : (Question posée en néerlandais)

Chaque jour, selon les chiffres de l'Organisation mondiale de la Santé, 40 000 filles mineures se marient, soit 28 à la minute. Surtout asiatique et africain autrefois, ce phénomène se rencontre désormais aussi dans notre pays, en raison de l'expansion de l'immigration.

les mariages forcés d'enfants sont aussi une réalité en Belgique, comme l'a confirmé une journée d'étude organisée par l'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes, Plan Belgique et l'International Centre for Reproductive Health (ICRH) de l'Université de Gand.

" Beaucoup de gens croient, à tort, qu'il s'agit d'une pratique désuète ", affirme Liesbet Stevens, directrice adjointe de l'Institut. " Une stratégie globale est nécessaire ".

Une organisation non gouvernementale (ONG) bruxelloise a identifié dix cas de mariages forcés d'enfants en 2013. Un steward qui s'occupe de Roms à Saint-Nicolas déclare que, sur soixante familles romes suivies, cinq ont fait venir une fiancée mineure de l'étranger. Cette problématique se constate tant chez les minorités ethniques installées depuis longtemps dans notre pays que chez les nouveaux immigrants, en particulier les Roms et les Afghans.

Entre 2010 et 2013, la police a enregistré 56 plaintes relatives à un mariage forcé. " Mais, comme souvent dans les cas de violences envers les femmes et les enfants, on peut parler de sous-signalement ", ajoute le professeur Els Leye de l'ICRH. Par crainte ou par loyauté à l'égard de la famille et/ou de la communauté, il est rare qu'on se décide à porter plaine. Cette crainte est toutefois lourde de conséquences : problèmes psychologiques, violence, isolement, difficultés financières, problèmes d'intégration.

L'étude de l'ICRH montre en outre que les professionnels se sentent insuffisamment formés à déceler les mariages forcés. La législation existante est mal connue et son application demeure difficile.

Le Plan d'action national (PAN) établi par l'Institut contient un certain nombre de recommandations. Le projet de plan d'action national de lutte contre toutes les formes de violence basée sur le genre 2015-2019, rédigé par l'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes après consultation des ONG et de la société civile, formule une bonne vingtaine de recommandations pour lutter contre les mariages forcés et les mariages d'enfants.

Il faudrait entre autres développer des instruments concrets permettant d'identifier rapidement et adéquatement les mariages forcés.

La présente question concerne l'égalité des chances, compétence du Sénat conformément à l'article 79 du règlement, et une matière communautaire transversale. La question s'inspire aussi du rapport d'information, approuvé à l'unanimité, concernant le suivi de la mise en œuvre de la Plateforme d'action de la quatrième Conférence mondiale des Nations unies sur les femmes (Pékin) (doc. Sénat 6-97), et plus spécifiquement à la répression des violences sexuelles sur les jeunes filles (et garçons).

Voici mes questions :

1) Pour chacune des trois dernières années, combien de plaintes relatives à un mariage forcé la police a-t-elle enregistrées ? Est-il question de sous-signalement ? Pouvez-vous commenter ?

2) Pour chacune des trois dernières années, combien de plaintes relatives à un mariage d'enfant la police a-t-elle enregistrées ? Est-il question de sous-signalement ? Pouvez-vous commenter ? Disposez-vous de données chiffrées à ce sujet ?

3) Quelles démarches concrètes a-t-on déjà accomplies afin de développer des instruments concrets permettant d'identifier rapidement et adéquatement les mariages forcés, par analogie avec la circulaire antérieure relative aux mariages blancs ? Quels sont le calendrier et le contenu de la circulaire ? Quelles en sont les lignes de force ?

4) Où en sont les directives concernant l'enregistrement par la police et par le parquet des mariages forcés et des mariages d'enfants ?

5) Qu'en est-il de la désignation des personnes de référence auprès de la police et du parquet ? Pouvez-vous préciser le calendrier ?

6) À quel stade en sont les projets innovants de coopération entre la police, le parquet, les services d'aide et les écoles visant à assurer la sécurité des victimes potentielles ? Quels sont les projets concrets en cours et lesquels va-t-on lancer ?

Réponse reçue le 12 février 2019 :

En Belgique, pour pouvoir se marier, il faut, selon le droit civil, suivre une procédure en deux étapes : l’annonce du mariage au fonctionnaire de l’état civil et la consécration effective du mariage. Il faut ajouter qu’un mariage doit respecter un certain nombre de principes de base en matière de droit contractuel de même qu’un certain nombre de conditions fondamentales, et il ne peut pas enfreindre les principes de l’ordre public. Selon l’article 146ter du Code civil, il n'y a pas de mariage lorsque celui-ci est contracté sans le libre consentement des deux époux ou que le consentement d'au moins un des époux a été donné sous la violence ou la menace.

En outre, en Belgique, chaque personne qui souhaite se marier doit avoir atteint l’âge de dix-huit ans.

De surcroît, dans ce cadre, forcer quelqu’un à se marier est également un délit punissable. Le mariage forcé (par exemple contraindre quelqu’un, par des violences ou des menaces, à contracter un mariage) est une infraction à l’article 391sexies du Code pénal. Cette infraction figure dans le Code pénal depuis le 25 avril 2007 (entrée en vigueur : 25 juin 2007).

La cohabitation légale forcée (par exemple contraindre quelqu’un, par des violences ou des menaces, à contracter une cohabitation légale) est également punissable. C’est une infraction à l’article 391septies du Code pénal. Cette infraction figure dans le Code pénal depuis le 2 juin 2013 (entrée en vigueur : 3 octobre 2013).

Étant donné qu’il s’agit d’infractions pénales, elles sont enregistrées dans la Banque de données nationale générale (BNG).

Le tableau ci-dessous reprend le nombre de faits enregistrés par les services de police en matière de mariage forcé et de cohabitation légale forcée, tels qu’ils sont enregistrés dans la BNG, sur base des procès-verbaux, pour les années 2015-2017 et le premier semestre de 2018, au niveau national. Ces données proviennent de la banque de données clôturée à la date du 26 octobre 2018.

Tableau: nombre de faits enregistrés en matière de mariage forcé et de cohabitation légale forcée


2015

2016

2017

SEM 1 2018

Mariage forcé

10

15

20

14

Cohabitation légale forcée


1

3


(Source : Police fédérale)

2) Comme mentionné ci-dessus, en Belgique, chaque personne désireuse de se marier doit avoir atteint l’âge de dix-huit ans. Dès lors, les fonctionnaires de l’état civil sont tenus de ne pas célébrer un mariage dans lequel un mineur est impliqué.

Considérés pénalement, les mariages d’enfants ne sont pas enregistrés en tant que tels dans la BNG. Ils ressortissent à d’autres délits comme ceux évoqués ci-dessus en matière de mariage forcé et de cohabitation légale forcée. Il n’est, par conséquent, pas possible, sur base des informations présentes dans la BNG, d’extraire ces faits de la banque de données.

3), 4), 5) & 6) J’informe l’honorable membre, qu’en réponse à ces questions, je me réfère aux réponses aux questions écrites nos 6-2015 et 6-2051 adressées à mes collègues, K. Geens, ministre de la Justice, et K. Peeters, vice-premier ministre et ministre de l'Emploi, de l'Économie et des Consommateurs, chargé du Commerce extérieur, de la Lutte contre la pauvreté, de l'Égalité des chances et des Personnes handicapées.