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Question écrite n° 5-9149

de Cindy Franssen (CD&V) du 24 mai 2013

au vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et des Affaires européennes

La violence sexuelle contre les femmes en Inde

Inde
violence sexuelle

Chronologie

24/5/2013Envoi question
15/10/2013Réponse

Requalification de : demande d'explications 5-3463

Question n° 5-9149 du 24 mai 2013 : (Question posée en néerlandais)

Le viol collectif mortel d'une femme de 23 ans dans un bus en Inde a permis de conscientiser de très nombreuses personnes, non seulement au sein de la population indienne mais aussi dans le monde. Depuis cet événement, il est de plus en plus fait mention d'autres viols. La culture de la violence sexuelle dans la société indienne semble bien plus largement répandue et bien plus enracinée que beaucoup ne le pensaient. La situation ne s'est d'ailleurs pas améliorée au cours de ces dernières années. Il ressort de chiffres récents qu'une femme est victime de violence sexuelle en moyenne toutes les vingt minutes. Il apparaît en outre que le nombre de viols a plus que doublé entre 1990 et 2008.

Ce n'est toutefois que le sommet de l'iceberg puisque de nombreuses femmes n'osent toujours pas faire une déposition. En Inde, le viol reste indissociablement lié à la honte et l'humiliation ultime. Il a souvent pour conséquence la répudiation par la famille ou par la communauté, voire le suicide. Le système de castes joue en outre un rôle crucial. Alors que les victimes sont la plupart du temps issues des castes inférieures, les auteurs appartiennent le plus souvent aux castes supérieures, ce qui explique en grande partie l'indifférence des policiers et de l'appareil judiciaire. En 2011, 635 plaintes ont été déposées à New Dehli: une condamnation n'est tombée que dans une seule affaire. Il ressort en outre d'un rapport récent de Human Rights Watch (2013) que de nombreuses victimes de viol sont mineures.

Pendant ce temps, de nombreuses personnes partent en voyage en Inde. Une touriste suisse y a récemment été victime de violence sexuelle.

En janvier 2013, le parlement européen a adopté une résolution contre la violence contre les femmes en Inde. De nombreuses organisations des droits de l'homme ont condamné la législation indienne, complètement archaïque, relative à la violence sexuelle et insisté sur un élargissement de la notion de viol et sur des soins adéquats apportés aux victimes. Cette résolution demande dès lors instamment des réformes rapides dans le respect des droits de l'homme fondamentaux et des principes démocratiques, plus particulièrement en ce qui concerne l'État de droit et les droits de la femme.

J'aimerais poser les questions suivantes au ministre.

1) Avez-vous déjà abordé cette problématique avec les responsables gouvernementaux indiens lors de contacts bilatéraux? Quelle a été leur réaction? Sont-ils disposés à collaborer à ce sujet?

2) De quelle manière notre pays placera-t-il le problème de la violence sexuelle en Inde à l'ordre du jour de l'Union européenne et de l'ONU?

3) Cette question a-t-elle déjà été abordée au conseil européen des ministres des Affaires étrangères? Dans l'affirmative, quelle position a-t-il adoptée?

4) Vous êtes peut-être au courant de la résolution adoptée en janvier par le parlement européen. Que pensez-vous des recommandations qui y figurent et plus particulièrement de celle visant à donner la priorité aux programmes de lutte contre la violence contre les femmes en Inde? De quelle manière notre pays appliquera-t-il ces recommandations?

5) Quels conseils relatifs à la violence sexuelle contre les femmes le ministère des Affaires étrangères donne-t-il à nos compatriotes qui voyagent en Inde?

Réponse reçue le 15 octobre 2013 :

1. Comme vous le savez, la lutte contre la discrimination sur base du genre et la violence sexuelle est une priorité pour la politique des droits de l’Homme de la Belgique. Nos diplomates me tiennent régulièrement au courant de la situation des droits des femmes en Inde, maintiennent des contacts avec des organisations indiennes qui luttent pour le droit des femmes et participent activement à des réunions de coordination organisées par la délégation de l’Union européenne. Dans un pays comme l’Inde, les droits de l’Homme sont le mieux défendus dans un cadre européen. En effet, la voix unie des 27 États membres sous la direction de la délégation UE forme un instrument de lobby plus puissant que lorsqu’on agit de manière divisée. Récemment, le parlement indien a voté deux lois concernant la réforme du droit pénal en matière de viol et d’harcèlement sexuel au travail. Malgré les lacunes de ces lois, c’est un pas prudent dans la bonne direction.

2. Dans le cadre des réunions mensuelles à New Delhi du groupe de travail de l’UE en matière de droits de l’Homme, le droit des femmes se retrouve systématiquement à l’agenda. Conformément à notre politique, la Belgique plaide pour que les droits des femmes, y compris la violence sexuelle, soient traités prioritairement à l’agenda. En ce qui concerne l’agenda de l’Organisation des Nations unies (ONU), je peux dire que lors du dernier Universal Periodic Review de l’Inde, nous avons recommandé que les autorités indiennes continuent à travailler avec des procédures spéciales et en particulier, qu’elles acceptent les demandes de visites des rapporteurs spéciaux. C’est comme cela que le Rapporteur spécial pour la violence faite envers les femmes, Mme. Rashida Manjoo, a accompli une mission de 10 jours, après quoi elle a jugé que les lois récemment adoptées en Inde pour la prévention et la pénalisation du viol, sont encore insuffisantes.

3. La question n’a pas encore été abordée au Conseil Affaires étrangères.

4. J’ai en effet pris connaissance de la résolution du Parlement européen du 17 janvier dernier concernant la violence contre les femmes en Inde et de la recommandation de donner la priorité aux programmes de lutte contre la violence à l’encontre des femmes. A ce sujet, je peux vous dire que dans la stratégie des pays en matière de droits de l’Homme de l’UE pour l’Inde, dans lequel notre pays a été actif depuis la création, le progrès pour et la défense des femmes ont été repris comme actions prioritaires.

5. Dans l’avis de voyage, qui a été actualisé à la suite du viol de décembre 2012, une rubrique est spécialement dédiée aux femmes qui voyagent seules. Il leur est conseillé de prendre un certain nombre de mesures de précaution concernant l’habillement, le comportement (une certaine retenue vis-à-vis des indiens est conseillée) et les déplacements (déconseillés à la tombée de la nuit). De plus, l’avis de voyage contient un nombre de conseils afin d’éviter ou de limiter au maximum des contacts ou des rencontres non désirées (comme le conseil de prendre un taxi-hôtel plutôt qu’un taxi dans la rue).