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Question écrite n° 5-8723

de Martine Taelman (Open Vld) du 16 avril 2013

au ministre des Finances, chargé de la Fonction publique

Monnaie numérique - Bitcoin - Utilisation - Valeur - Fraude

devise
monnaie électronique
banque centrale
blanchiment d'argent
fraude fiscale
monnaie virtuelle
Eurosystème

Chronologie

16/4/2013Envoi question
31/7/2013Réponse

Aussi posée à : question écrite 5-8724

Question n° 5-8723 du 16 avril 2013 : (Question posée en néerlandais)

Le bitcoin, la monnaie numérique entièrement indépendante par rapport aux autorités ou aux banques centrales, subit une variation de prix qui n'est pas sans rappeler la “crise de la tulipe” du XVIIe siècle. On parle dès lors souvent de la nouvelle tulipomanie.

Début 2011, cette monnaie ne valait qu'un quart d'euro, contre quelque 35 euros un mois plus tard. En début de semaine, elle atteignait le niveau record de 230 dollars, puis son cours s'est effondré : environ 70 dollars vendredi matin, c'est-à-dire une chute de 70 %. L'anonymat total de cette monnaie virtuelle contribue à son succès.

Je souhaiterais donc poser les questions suivantes au ministre :

1) Peut-il évaluer l'utilisation du bitcoin dans notre pays pour ce qui est des acheteurs et du montant total investi ? A-t-on procédé à une estimation de la valeur des bitcoins détenus par des compatriotes ?

2) Quelle est, de façon générale, sa position et celle de la Banque nationale de Belgique (BNB) concernant l'utilisation et l'apparition de monnaies parallèles ?

3) Des contrôles et/ou des recherches sont-ils effectués concernant l'utilisation éventuelle de bitcoins pour blanchir de l'argent criminel ou amasser de l'argent en noir ? Dans l'affirmative, qui contrôle et quels résultats ont-ils été engrangés jusqu'à présent ? Dans la négative, ne faudrait-il pas s'y atteler d'urgence ?

4) A-t-on déjà, dans notre pays, découvert de l'argent d'origine criminelle converti en bitcoins ? Dans l'affirmative, peut-il expliquer les types de délits et les montants ? Dans la négative, comment cela se fait-il et nos services de contrôle connaissent-ils suffisamment le phénomène ?

5) Est-il disposé à aborder ce phénomène à l'échelon international et, dans l'affirmative, peut-il donner des précisions concernant le contenu, les partenaires et le calendrier ?

Réponse reçue le 31 juillet 2013 :

1. En ce qui concerne la question de savoir si mon attention a déjà été attirée par ce phénomène, je tiens à préciser que le sénateur Tommelein a déjà posé une question sur le même sujet à laquelle mon prédécesseur a déjà répondu (5-4972).  

La Banque nationale de Belgique (BNB) est au courant du système Bitcoin et le suit. Compte tenu de l'importance économique actuellement limitée du système Bitcoin, le suivi de la BNB reste limité. Les initiatives suivantes ont déjà été prises : 

(http://www.ecb.int/pub/pdf/other/virtualcurrencyschemes201210en.pdf). 

Les conclusions les plus importantes de cette étude sont que les « monnaies virtuelles » telles qu’entre autres Bitcoin : 

En outre, la BNB a procédé ces derniers mois à des consultations avec la Cellule de traitement des informations financières (CTIF), la « Federal Computer Crime Unit » (FCCU) et la Direction de la lutte contre la criminalité économique et financière (OCDEFO) de la Police judiciaire fédérale. 

La CTIF a suivi également et très attentivement, en tant qu’organe national de coordination pour la lutte contre le blanchiment d’argent, l’évolution récente des nouveaux systèmes de paiement en général et du système Bitcoin en particulier. Dans ce contexte, ce sont les risques du blanchiment de fonds par le biais de tels systèmes de paiement qui ont fait l’objet d’une analyse toute particulière. 

Sur le plan international, il y a eu une collaboration en la matière avec les « Financial Intelligence Units » (FIU) étrangères, pendants de la CTIF, et ce tant au niveau bilatéral que dans le cadre de la « Financial Action Task Force » (FATF), un groupe intergouvernemental indépendant créé pour protéger le système financier contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.  

Déjà en 2006, la FATF publiait un premier « Report on New Payment Methods » qui évaluait le risque de blanchiment d’argent pour les différents systèmes de paiement. En 2008, la CTIF dirigeait un groupe de travail de la FATF qui s’est penché plus spécifiquement sur les systèmes de paiement par le biais d’internet. A cette époque, le monde virtuel «Second Life» était très populaire et le groupe de travail examinait la vulnérabilité au blanchiment d’argent ou au financement du terrorisme des sites de jeux ou autres sites commerciaux sur internet (« Money Laundering & Terrorist Financing Vulnerabilities of Commercial Websites and Internet Payment Systems »). En 2010, enfin, la FATF a actualisé la première étude de 2006 dans le rapport « Money Laundering using New Payment Methods », dans lequel l’attention a été portée sur les cartes de débit prépayées, les paiements par GSM et les systèmes de paiement par le biais d’internet. À la suite de cette dernière étude, la CTIF a examiné fin 2011 la situation en Belgique sur le plan des nouveaux systèmes de paiement. Pour cette analyse, il y a eu une collaboration avec un certain nombre d’autres services belges concernés par la matière: DJF Ecofin (FCCU et OCDEFO), DJP Terrorisme et Sectes de la Police Judiciaire Fédérale, BNB. 

2. Il n’existe pas de liste de firmes belges qui utilisent Bitcoin. 

Étant donné que Bitcoin ne tombe sous aucune forme de régulation ou contrôle financier, la BNB n’a pas de vue sur l’utilisation qui est faite de Bitcoin par les citoyens. Les Bitcoins ne sont généralement reconnus à travers le monde que dans une mesure très limitée comme moyen de paiement. En Belgique, il y a une poignée de commerçants qui ont saisi les médias parce qu'ils acceptent les paiements Bitcoin. 

La CTIF n’a pas reçu pour sa part de déclaration relative aux Bitcoins. Cela ne semble pas être dû au manque de connaissance ou de vigilance des déclarants, mais plutôt au fait que le système Bitcoin, malgré toute la publicité qui a été faite autour de ce système dans les médias, ne constitue dans la pratique qu’une partie marginale des opérations de paiement en Belgique. La chute récente du cours de la valeur des Bitcoins démontre la vulnérabilité du système. Pour le moment, la CTIF ne dispose donc pas d’éléments indiquant que le système de Bitcoins est utilisé à grande échelle pour blanchir de l’argent.  

3. En ce qui concerne les aspects financiers et économico-monétaires, on peut se référer aux résultats de l'étude de risques précitée de la Banque centrale européenne, qui conclut que les «pièces virtuelles » ne présentent actuellement aucun danger pour la stabilité des prix et le système financier, vu leur taille et leur valeur limitée.  

Sur la base de sa propre expérience et de l’échange d’informations avec les services partenaires nationaux et internationaux, la CTIF est arrivée quant à elle à la conclusion que les nouveaux systèmes de paiement ont un certain nombre de caractéristiques qui peuvent en effet être attrayantes pour les blanchisseurs d’argent et peuvent limiter les possibilités d’enquête pour les services de la police et les tribunaux : le degré élevé d’anonymat des utilisateurs, la vitesse et le caractère international des transactions, la fragmentation auprès de ceux qui proposent les systèmes (tant les acteurs du secteur financier que ceux du secteur des télécoms) et le caractère flou du cadre juridique applicable, sont les plus importantes.  

Ces facteurs sont certainement applicables au système Bitcoin, étant donné que le degré d’anonymat lors des transactions peut être complet et que les possibilités de régulation ou de contrôle font défaut. Le système Bitcoin comporte dès lors un réel risque d’abus pour le blanchiment d’argent. Ce risque a surtout trait à ce qu’on appelle le deuxième stade de blanchiment, la circulation des fonds. Le système Bitcoin permet en effet le transfert d’argent de façon anonyme entre les différents utilisateurs du système et rend le traçage de l’argent impossible. 

D’autre part, les risques du système Bitcoin lors du blanchiment d’argent ne doivent pas non plus être surestimés. Même si les Bitcoins peuvent être utilisés pour que des fonds circulent librement, il faut encore toujours utiliser des canaux financiers « traditionnels » pour la première phase - l’apport - et la troisième phase - l’investissement – du processus de blanchiment. L’argent doit en effet être converti d’une monnaie réelle en une monnaie virtuelle et inversement. Le système antiblanchiment préventif qui est basé sur les déclarations d’opérations suspectes par les institutions financières et un certain nombre de professions non financières, peut donc également être mis en place contre les opérations de blanchiment par le biais de Bitcoin. La conversion de montants importants en Bitcoins et leur apport dans l’économie légale devraient, en raison de la réputation douteuse du système de paiement online, donner lieu à une vigilance et une détection accrues. Les systèmes de paiement online constituent en outre une forme de concurrence pour les systèmes de paiement classiques des institutions financières, de sorte que celles-ci n’hésiteront certainement pas à déclarer dans ce cadre d’éventuels abus de leurs comptes. 

4. Compte tenu de la taille actuelle limitée du système Bitcoin, la nécessité d’intervenir à court terme semble jusqu’ici limitée. En outre, le système Bitcoin, étant donné son caractère global (international) et totalement décentralisé (non géré par une entité centrale ou une personne juridique) est difficile à soumettre à une certaine forme de réglementation et une approche sur le plan national ne présente que peu d’utilité.  

Cependant, la CTIF et la BNB suivent de près, en collaboration avec les partenaires nationaux et internationaux, l’évolution du système Bitcoin et d’autres « nouveaux » systèmes de paiement. 

Les initiatives législatives au sein de l'Union européenne sur les échanges de Bitcoin (où les Bitcoins peuvent être achetés et peuvent être convertis dans d'autres monnaies tels que l’euro ou le dollar) comparables à celles qui ont été prises récemment aux États-Unis, font partie des possibilités d’actions.