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Question écrite n° 5-8492

de Fatiha Saïdi (PS) du 14 mars 2013

au ministre des Finances, chargé de la Fonction publique

La Cellule de traitement des informations financières

Cellule de traitement des informations financières
blanchiment d'argent
terrorisme

Chronologie

14/3/2013Envoi question
16/4/2013Réponse

Requalification de : demande d'explications 5-2870
Aussi posée à : question écrite 5-8493

Question n° 5-8492 du 14 mars 2013 : (Question posée en français)

Un journal francophone vient de publier des chiffres étonnants et alarmants sur des flux financiers considérés comme problématiques par le CTIF. Cet organisme a transmis 925 dossiers de blanchiment de capitaux d'origine criminelle ou de financement du terrorisme pour un total de 1,850 milliard d'euros. Ce montant, détecté en 7 mois seulement, soit sur la période du 1er janvier 2012 au 31 juillet 2012, a triplé par rapport aux montants détectés en 2011.

De son analyse, il apparaît que trois sous-catégories de fraude sont en expansion:

- le blanchiment lié à la corruption publique ou privée,

- le blanchiment lié au trafic illicite de biens et de marchandises,

- le blanchiment lié à la fraude fiscale grave et organisée.

Toujours selon la même source, seuls 4 des 27 parquets prêtent attention à ces dossiers, attention somme toute relative, dans la mesure où la majorité de ces dossiers sont classés sans suite.

A une question parlementaire, vous répondiez, en octobre 2012, qu'en ce qui concerne l'argent du terrorisme, il était nécessaire d'adapter notre dispositif de lutte. Cette augmentation des fraudes détectées ne peut donc être la conséquence des améliorations apportées.

Sur ce constat, pourriez-vous, Monsieur le Ministre, m'informer de cette augmentation très substantielle des cas de fraudes décelés? Le sont-ils en raison de moyens techniques ou financiers supplémentaires affectés à cette lutte, et si oui lesquels? Pourriez-vous, également, Madame la Ministre, me faire connaître les raisons du peu d'empressement des parquets à poursuivre systématiquement les dossiers de fraude?

Réponse reçue le 16 avril 2013 :

En effet le nombre de dossiers transmis par la CTIF aux autorités judiciaires depuis 2008 ainsi que les montants de blanchiment ou de financement du terrorisme concernés par ces transmissions est en augmentation.

 

2008

2009

2010

2011

2012

Nombre de dossiers transmis

937

1.020

1.259

1.345

1.506

Montant

711,30

2.141,42

594,93

671,09

2.254,91

Montants en millions euros

Comme le montre le tableau ci-dessous, l’augmentation des transmissions ne résulte pas du nombre de personnes travaillant pour la CTIF (celui-ci est stable depuis 2009), ni des moyens financiers et techniques mis à sa disposition.

 

2008

2009

2010

2011

2012

Nombre de dossiers transmis

937

1.020

1.259

1.345

1.506

Nombre d’analystes

traitant les déclarations.

17

23

23

24

24

2012 = Janvier à octobre

Toutes les déclarations adressées à la CTIF font l’objet d’un examen et sont analysées. Plusieurs déclarations peuvent être regroupées dans un même dossier parce qu’elles concernent un même intervenant ou parce qu’elles concernent des opérations liées entre elles. C’est un total de +/- 5 000 déclarations qui sont annuellement communiquées aux autorités judiciaires.

Lorsque la CTIF identifie des indices sérieux de blanchiment ou de financement du terrorisme, elle a l’obligation de communiquer les opérations suspectes de blanchiment ou de financement du terrorisme au procureur du Roi compétent ou au procureur fédéral. La CTIF n’a pas de pouvoir d’appréciation comme les parquets et le procureur fédéral qui peuvent en fonction de la gravité de l’affaire décider de ne pas poursuivre.

L’augmentation des transmissions résulte :

 

2008

2009

2010

2011

2012

Nbre de décl. reçues

15.554

17.170

18.673

20.001

21.000

La forte augmentation en 2012 en termes de montants blanchis résulte de la transmission de plusieurs dossiers importants portant au total sur un montant de plus de un milliard d'euros de blanchiment via le secteur de l’or.

Parmi les autres tendances 2012, l’augmentation de la fraude fiscale grave et organisée en termes de montants blanchis est à souligner.

 

2008

2009

2010

2011

2012

Nombre de dossiers transmis

62

55

123

71

59

Montant

168,5

107,47

192,67

97,73

190,25

Montants en millions d'euros

Cette augmentation résulte entre autres de la mise au jour de plusieurs cas de blanchiment en rapport avec des opérations frauduleuses à la TVA de type carrousel dans le secteur de l’or.

En matière de blanchiment de la corruption, les chiffres de 2012 connaissent également une forte croissance en termes de montants blanchis.

 

2008

2009

2010

2011

2012

Nombre de dossiers transmis

-

4

9

23

15

Montant

-

1,69

5,96

23,35

84,32

Montants en millions d'euros

L’augmentation résulte de plusieurs facteurs :

En matière de trafic illicite de biens et de marchandises, si le nombre de dossiers est plus ou moins constant, on relève une augmentation sensible en termes de montants blanchis.

 

2008

2009

2010

2011

2012

Nombre de dossiers transmis

135

90

92

136

164

Montant

142,00

26,71

142,00

112,78

264,38

Montants en millions d'euros

L’augmentation constatée résulte en partie de la détection d’un certain nombre d’opérations de réception de fonds de type money remittance par des ressortissants étrangers justifiées par des activés commerciales réalisées en dehors de toute structure officielle.

Les faits de blanchiment issu d’escroqueries (fraude bancaire (phishing), scam dating .. ) restent relativement stables si on exclut des 422 millions communiqués de janvier à octobre 2012 un montant de 375 millions relatif à un transfert international frauduleux qui n’a jamais été exécuté. Mais les montants concernés par ces faits d’escroquerie portent aujourd’hui sur des montants de plus en plus petits pour échapper à la vigilance des banques et des titulaires de compte.

En matière de terrorisme et de financement du terrorisme, les chiffres sont relativement stables.

 

2008

2009

2010

2011

2012

Nombre de dossiers transmis

21

13

19

22

20

Montant

6,6

0,42

6,29

1,97

1,90

Montants en millions d'euros

Il faut souligner que la matière du financement du terrorisme est plus difficile à détecter pour diverses raisons (montants beaucoup moins importants ou significatifs, origine illégale ou légale des fonds, souvent difficile de mettre les fonds en lien direct avec un acte terroriste particulier, financement du terrorisme mais également de l’extrémisme et du radicalisme qui n’est pas facile à mettre directement en rapport avec le terrorisme).

Il faut également souligner que dans ce domaine la CTIF dépend grandement de l’échange d’informations entre services en charge de lutter contre le terrorisme et son financement (police, sûreté civil et militaire, OCAM…) .

Pour remédier à cette situation, le gouvernement va mettre prochainement en place un organe de coordination de la lutte contre le financement du terrorisme au sein du collège du renseignement et de la sécurité. Cet organe est une obligation récente du GAFI (Recommandation 2 du GAFI adoptée à Paris le 16 février 2012).

Il faut finalement rappeler que le financement du terrorisme peut passer par le financement d'activités extrémistes et radicales pour  lesquelles la CTIF n'est pas compétente légalement.

Une proposition de loi visant à étendre les compétences de la CTIF au financement de l’extrémisme a été formulée récemment à ce sujet (proposition de loi Taelman et consorts).