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Question écrite n° 5-6112

de Jacky Morael (Ecolo) du 24 avril 2012

au vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et des Affaires européennes

L'accord commercial anti-contrefaçon (ACTA)

Internet
protection de la vie privée
contrefaçon
propriété intellectuelle
droit d'auteur
ratification d'accord
accord commercial (UE)

Chronologie

24/4/2012Envoi question
18/6/2012Réponse

Requalification de : demande d'explications 5-1921

Question n° 5-6112 du 24 avril 2012 : (Question posée en français)

L'Accord commercial anti contrefaçon (ACTA en anglais) a été négocié de 2007 à 2010 entre la Commission européenne, mandatée par ses États membres, l'Australie, le Canada, la République de Corée, les Etats-Unis d'Amérique, le Japon, le Royaume du Maroc, les États-Unis mexicains, la Nouvelle Zélande, la République de Singapour et la Confédération suisse.

Son principal objectif est d'établir un cadre international complet pour lutter contre la violation des droits en matière de propriété intellectuelle. Le texte balaye un grand nombre de domaines, allant de la contrefaçon de médicaments, à la piraterie informatique en passant par le téléchargement sur Internet.

Outre les critiques qui ont été formulées par de nombreux acteurs concernant le manque de transparence du processus de négociation, j'y reviendrai, le fond du texte est dénoncé, notamment par le Parlement européen qui a, en septembre 2010, voté une résolution plutôt hostile au Traité. Le Parlement européen et les parlements nationaux ont jusqu'au 1er mai 2013 pour se prononcer sur ce Traité.

Une part importante du traité ACTA porte sur les échanges culturels sur Internet. À ce titre, il m'intéresse particulièrement car vous n'êtes pas sans savoir que ma collègue Freya Piryns et moi-même, à la suite de du sénateur Benoit Hellings, avons déposé une proposition de loi visant à adapter la perception du droit d'auteur à l'évolution technologique tout en préservant le droit à la vie privée des usagers d'Internet (doc. Sénat n° 5-590/1 - 2010/2011). Le précédent ministre en charge, monsieur Vincent Van Quickenborne, a décidé de solliciter l'avis du Conseil de la propriété intellectuelle à l'égard de notre proposition, ainsi qu'à propos de celle du sénateur Miller portant sur la même thématique (doc. Sénat n° 5-741/1 - 2010/2011). Nous sommes toujours dans l'attente de cet avis. L'ACTA entrainera par ailleurs des implications sur la manière dont la Belgique pourra choisir sa solution afin de préserver la liberté d'expression et la vie privée sur Internet tout en protégeant la capacité de création de contenus.

L'objet de ma question écrite porte aujourd'hui essentiellement sur la forme et les procédures qui ont conduit à la rédaction de cet Accord ainsi que sur les procédures d'assentiment par les États membres, dont la Belgique, qui suivront.

Ce texte a en effet été négocié en plusieurs phases de manière extrêmement discrète : votre prédécesseur précisait à cet égard que ni le contenu du mandat de la Commission, ni les documents relatifs aux négociations ACTA, n'ont été rendu publics. Certes, la Commission a régulièrement rendu compte de l'avancement des négociations ACTA aux États membres de l'Union européenne, qui ont été consultés sur les différents chapitres au sein du comité de la Politique commerciale du Conseil et dans des groupes de travail compétents pour des aspects plus spécifiques tels que les mesures aux frontières. In fine, la position belge aura été déterminée dans le cadre des réunions de concertation organisées régulièrement, entre tous les interlocuteurs compétents, par la direction générale Coordination et Affaires européennes de son département. Les Parlements ont donc jusqu'à présent été tenus à l'écart de cet important Traité.

Cela étant, un grand nombre de pays membres de l'Union a déjà signé ce Traité: la Belgique en fait partie.

Pouvez-vous m'expliquer les raisons pour lesquelles ce Traité a été négocié avec si peu de transparence ?

Pouvez-vous nous faire part de la position du gouvernement à l'égard de ce Traité et des menaces en matière de respect des libertés privées qu'il contient ? Le premier ministre polonais a pour sa part déclaré dernièrement " S'il s'avère vrai que ACTA peut constituer un danger à la liberté, nous n'allons pas soumettre cet accord à la ratification au Parlement ".

Enfin, pouvez-vous nous préciser le processus et l'agenda de ratification de ce traité en Belgique ? La tenue d'un débat public, transparent et démocratique sur ce sujet d'importance semble plus qu'urgente.

Réponse reçue le 18 juin 2012 :

Je remercie l’honorable membre de me donner l’opportunité de m’exprimer sur cet accord qui semble provoquer une certaine agitation depuis quelques semaines.

S’agissant plus précisément de la procédure de négociation suivie dans le cadre de l’'Accord commercial anti contrefaçon (ACTA), celle –ci est celle habituellement suivie dans le cadre de négociations plurilatérales dans le domaine commercial. Au cours de ces négociations, les parties conviennent que les documents relatifs aux négociations ne sont rendus publics qu'avec l'accord unanime de toutes les parties. Dans le cas de l’ACTA, à la suite d’une demande de l’Union européenne (UE) et de ses États membres au cours du 8e cycle de négociation (Nouvelle Zélande, 12-16 avril 2010), les partenaires des négociations ont accepté de publier le texte du projet d’accord dès la fin de ce cycle et de répondre ainsi aux préoccupations exprimées au regard de la transparence. Le texte a donc été rendu public le 21 avril 2010.

Au niveau européen, les négociations ont été menées à la fois par la Commission européenne qui négociait au nom de l’UE et ses États membres, et dans une moindre mesure par la Présidence tournante du Conseil de l’UE en coopération étroite avec la Commission pour certains aspects spécifiques, la grande partie de l’accord relevant de la compétence exclusive de l’UE.

A toutes les étapes de la négociation, les États membres ont été associés. La position européenne était discutée, notamment au sein de groupes de travail, et régulièrement coordonnée au sein du Comité de la politique commerciale du Conseil de l’Union européenne. Chaque gouvernement a eu accès à l’ensemble des documents relatifs aux négociations. En outre, au cours du processus de négociation de l’ACTA, la Commission européenne a régulièrement informé le Parlement européen, les milieux intéressés et le public à propos des objectifs et des grandes lignes des négociations.

Comme vous l’avez relevé, au niveau belge, la position a été discutée et élaborée avec la participation de tous les acteurs compétents au cours de multiples réunions de coordinations organisées par de la Direction générale Coordination et Affaires européennes du Service public fédéral (SPF) Affaires étrangères.

A la lumière de ces éléments, il apparaît que les négociations relatives à l’ACTA n’ont conservé un caractère de confidentialité qu’en application des usages et pratiques habituels en matière de négociations commerciales, sans préjudice de l’information circonstanciée qui fut communiquée par la Commission et les États membres de l’UE.

L’ACTA a été adopté conformément à la procédure suivie dans le cadre de négociations commerciales internationales.

La suite du processus de ratification consiste à soumettre l’Accord au Parlement européen et aux parlements nationaux. Suite à l’accord du Parlement européen, les procédures de ratifications nationales peuvent débuter. En Belgique, la procédure de ratification des traités internationaux implique l’assentiment du Parlement fédéral et donc un contrôle parlementaire.

Au vu des remous que l’ACTA suscite, la Commission européenne a décidé de consulter la Cour de justice de l’UE sur la compatibilité de l’Accord avec le Traité de l’Union en matière de droits fondamentaux. La procédure vient d’être lancée ce 4 avril et celle-ci pourrait durer un certain temps.

Il apparait logique, dès lors, d’attendre l’avis de la Cour de justice de l’UE avant de soumettre l’Accord au Parlement fédéral.