Tribunaux du travail - Arrêt 125/2011 du 7 juillet 2011 de la Cour constitutionnelle - Conséquences - Risque d'augmentation de l'arriéré - Mesures d'aide éventuelles
ouvrier
Cour constitutionnelle (Belgique)
question préjudicielle
statut professionnel
employé
lutte contre la discrimination
égalité de traitement
29/7/2011 | Envoi question |
14/9/2011 | Réponse |
Le 7 juillet 2011, la Cour constitutionnelle a rendu un arrêt sur plusieurs questions préjudicielles relatives à la différence de traitement entre les travailleurs selon leur statut. Elle a décidé de laisser deux ans au législateur pour abolir les différences de délais de préavis pour les ouvriers et les employés ayant la même ancienneté. Le jour de carence a également été jugé discriminatoire par la Cour.
D'ici l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions prévues pour le 8 juillet 2013, de nombreux autres ouvriers licenciés pourraient décider d'aller en justice en se basant sur cet arrêt en vue de faire valoir leurs droits.
Les magistrats des tribunaux du travail sont-ils inquiets à cet égard ? Si une augmentation importante du nombre de dossiers s'avérait exacte, des dispositions seraient-elles mises en place en vue d'aider les tribunaux du travail déjà débordés avec les dossiers de surendettement ?
L’arrêt du 7 juillet 2011 développe longuement les motifs pour lesquels l’effet des dispositions jugées discriminatoires doivent être maintenus jusqu’au 8 juillet 2013 au plus tard.
Selon le point B.5.4.de l’arrêt, « Il appartient à la Cour de rechercher, dans les affaires qui lui sont soumises, un juste équilibre entre l’intérêt de remédier à toute situation contraire à la Constitution et le souci de ne plus compromettre, après un certain temps, des situations existantes et des attentes qui ont été créées. Bien que le constat d’une inconstitutionnalité dans un arrêt préjudiciel soit déclaratoire, les principes de la sécurité juridique et de la confiance légitime peuvent dès lors justifier de limiter l’effet rétroactif qui peut découler d’un tel constat.
Dans l’arrêt Marckx du 13 juin 1979, la Cour européenne des droits de l’homme, se référant à l’arrêt Defrenne de la Cour de justice de l’Union européenne (CJCE 8 avril 1976, Gabrielle Defrenne c. Sabena, point 71) ainsi qu’au droit constitutionnel comparé, a observé que « les conséquences pratiques de toute décision juridictionnelle doivent être pesées avec soin », mais qu’« on ne saurait […] aller jusqu’à infléchir l’objectivité du droit et compromettre son application future en raison des répercussions qu’une décision de justice peut entraîner pour le passé » et que le principe de sécurité juridique permet, dans certaines circonstances, de dispenser de remettre en cause les actes ou situations juridiques antérieurs au prononcé d’un arrêt constatant une violation de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH, 13 juin 1979, Marckx c. Belgique, § 58; voir aussi l’arrêt n° 18/91 du 4 juillet 1991, B.10).
La Cour européenne des droits de l’homme a notamment admis qu’au regard du principe de la sécurité juridique, une cour constitutionnelle peut laisser un délai au législateur pour légiférer à nouveau, ce qui a pour conséquence qu’une norme inconstitutionnelle reste applicable pendant une période transitoire (CEDH, décision, 16 mars 2000, Walden c. Liechtenstein).
Dans la ligne des considérations précédentes, la cour estime ( point B.5.5) que « le maintien des effets doit être considéré comme une exception à la nature déclaratoire de l’arrêt rendu au contentieux préjudiciel. Avant de décider de maintenir les effets d’un tel arrêt, la Cour doit constater que l’avantage tiré de l’effet du constat d’inconstitutionnalité non modulé est disproportionné par rapport à la perturbation qu’il impliquerait pour l’ordre juridique.
En ce qui concerne les différences de traitement soumises à la Cour, le constat, non modulé, d’inconstitutionnalité entraînerait dans de nombreuses affaires pendantes et futures une insécurité juridique considérable et pourrait engendrer des difficultés financières graves pour un grand nombre d’employeurs. Par ailleurs, il convient de rappeler qu’un tel constat d’inconstitutionnalité pourrait faire obstacle aux efforts d’harmonisation que la Cour, dans son arrêt n° 56/93, a incité le législateur à réaliser. »
L’arrêt étant très clair sur le maintien des effets de la législation en vigueur jusqu’au jour où le législateur se conformera à l’arrêt de la cour et au plus tard jusqu’au 8 juillet 2013, Il n’y a dès lors pas lieu de craindre une augmentation du contentieux.