Pilule du lendemain - Efficacité - Influence éventuelle de l'obésité - Raisons
contraception
maternité
maladie de la nutrition
8/7/2011 | Envoi question |
11/10/2011 | Réponse |
Selon les résultats d'une analyse publiée sur le site Internet de la revue Contraception, l'obésité aurait une influence négative sur la contraception d'urgence. Ces résultats seraient sans équivoques et démontreraient que les femmes à l'indice de masse corporel (IMC) égal ou supérieur à 30 ont un risque de grossesse sous pilule du lendemain multiplié par 4,41 par rapport aux femmes dont l'IMC est inférieur à 25.
Le chiffre est moins élevé avec la pilule du lendemain prescrite sur ordonnance, car plus dosée, le risque de grossesse serait quand même multiplié par 2,62.
Cette étude est-elle fiable ? Quelles seraient les raisons du manque d'efficacité sur ces femmes ? Un autre médicament efficace, pour les femmes dont l'IMC est supérieur à 30, est-il sur le marché ? Les professionnels de la santé (médecins, pharmaciens, gynécologues) sont-ils assez sensibilisés à ce problème ?
Les données utilisées dans cette analyse proviennent de deux études cliniques randomisées contrôlées, dont aucune n’avait pour objectif initial d’étudier l’influence de l’indice de masse corporelle (IMC) sur l’efficacité de la contraception d’urgence. Cette méta-analyse a également ses limites de par l’intégration de seulement deux études cliniques dont le nombre de femmes ayant un IMC caractéristique d’une obésité était faible et le nombre de grossesses dans ce groupe était extrêmement faible. A notre connaissance et selon les auteurs, c’est la première étude qui analyse l’influence du poids sur la contraception d’urgence. En effet, les femmes obèses sont généralement exclues des études sur l’efficacité de la contraception hormonale en raison des critères d’inclusion de l’étude et du risque élevé de thrombo-embolies veineuses chez ces patientes. Par conséquent, les données sont limitées. Bien que les résultats de cette analyse suggèrent une association entre l’IMC et l’échec de la contraception d’urgence, d’autres études dédicacées à l’investigation d’un lien entre l’obésité et l’efficacité de cette contraception seraient nécessaires.
Il ressort d’une récente revue systématique (Hormonal contraceptives for contraception in overweight or obese women. Lopez et al. Cochrane Database Syt Rev. 2010 ;7), et de larges études de cohorte en Europe (Oral contraceptive effectiveness according to body mass index, weight, age, and other factors, Dinger et al, Am J Obstet Gynecol, 2009;201:263) et aux États-Unis (Effectiveness of oral contraceptive pills in a large US cohort comparing progestogen and regimen. Dinger et al, Obstet Gynecol 2011 ; 117 :33-40) que l’IMC et le poids auraient peu, voire pas d’impact sur l’efficacité de la contraception hormonale.
Cette faible diminution d’efficacité des contraceptifs hormonaux, et donc de la contraception d’urgence, chez les femmes obèses serait biologiquement plausible.
Plusieurs mécanismes pourraient expliquer cet éventuel lien. Le premier serait le simple effet de dilution : une femme obèse a un plus important volume sanguin. D’autre part, les cellules graisseuses pourraient stocker les hormones stéroïdiennes. Enfin l’obésité peut influencer la pharmacocinétique d’un médicament dans l’organisme : son absorption, sa distribution, son métabolisme, son excrétion et ainsi affecter son action thérapeutique. Des études comparant la pharmacocinétique et les concentrations sanguines de contraceptifs hormonaux démontrent d’ailleurs des différences significatives entre femmes à IMC normal et femmes en surcharge pondérale et pourraient donner un aperçu d’un mécanisme d’action possible, corroboré par un taux supérieur d’inefficacité pour des contraceptifs plus faiblement dosés.
Les pilules du lendemain mentionnées dans la publication de la revue Contraception sont disponibles sur le marché belge. Il s’agit du lévonorgestrel dosé à 1.5 mg (médicament non soumis à prescription médicale, disponible sous les noms commerciaux Norlevo ou Postinor, à administrer le plus tôt possible dans les 72 h suivant le rapport sexuel) et de l’acétate d’ulipristal à 30 mg (médicament soumis à prescription médicale, disponible sous le nom commercial d’Ellaone, à administrer le plus rapidement possible après le rapport sexuel, et ce au plus tard dans les cinq jours). Les mécanismes d’action précis de ces substances ne sont pas connus.
Les notices de ces pilules du lendemain disponibles sur le marché belge mettent la patiente en garde d’un risque d’échec de la contraception et rappellent l’utilisation occasionnelle qu’il doit en être fait: « La contraception d’urgence est une méthode de rattrapage qui vise à éviter la grossesse après un rapport sexuel non protégé ou en cas d’échec de la méthode de contraception. Elle ne doit pas remplacer une méthode de contraception régulière étant donné qu’elle ne permet pas d’éviter une grossesse dans tous les cas » .
Chez les femmes pour lesquelles des facteurs de risque (délai de prise après le rapport sexuel, rapport sexuel proche de l’ovulation, …) augmentent le risque d’échec de la contraception d’urgence avec la pilule du lendemain, la mise en place d’un dispositif intra-utérin cuivré peut constituer une alternative. Toutefois, cette alternative nécessite l’intervention d’un médecin.
Le Centre Belge d’Information Pharmaco-thérapeutique (CBIP), ASBL agréée par l’Agence Fédérale des Médicaments et des Produits de Santé (AFMPS), a souligné la possibilité d’une efficacité moindre des contraceptifs oraux chez les femmes présentant une surcharge pondérale, dans une communication dans la rubrique « Bon à savoir » publiée sur son site Internet en janvier 2005, et dans une communication dans la rubrique « En bref » de la revue Folia Pharmacothérapeutica de mars 2005, distribuée gratuitement à tous les médecins et pharmaciens.
L’AFMPS va prendre contact avec ses collègues européens pour discuter des résultats de cette étude.
Si des études venaient à confirmer l’impact de l’obésité sur l’efficacité de la contraception d’urgence avec la pilule du lendemain, diverses mesures de communication seraient prises afin que les professionnels de la santé soient sensibilisés au problème.