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Question écrite n° 5-10247

de Bert Anciaux (sp.a) du 28 octobre 2013

à la vice-première ministre et ministre de l'Intérieur et de l'Égalité des Chances

Service public fédéral Intérieur - Fonctionnaires - Primes non justifiées - Contrôle interne - Cour des comptes - Aperçu - Mesures

Cour des comptes (Belgique)
transport de malades
prime de salaire
personnel militaire
ministère
fonctionnaire

Chronologie

28/10/2013Envoi question
10/12/2013Réponse

Question n° 5-10247 du 28 octobre 2013 : (Question posée en néerlandais)

Selon les médias, la Cour des comptes réprimande le service public fédéral (SPF) Intérieur parce que des primes sont régulièrement accordées à des fonctionnaires qui n'y ont pas droit. Le contrôle interne ne fonctionnerait pas non plus. Ce sont particulièrement des secouristes ambulanciers qui recevraient ces primes malgré une attestation qui est inadéquate ou n'est plus valable. Un certain nombre de militaires engagés par le SPF gagneraient aussi davantage qu'à la Défense et recevraient quand même les primes militaires.

Mes questions sont les suivantes.

1) La ministre confirme-t-elle le verdict de la Cour des comptes, à savoir que des abus sont commis au SPF Intérieur concernant le versement injustifié et abusif de primes spécifiques, entre autres pour des secouristes ambulanciers et des militaires détachés, et aussi que le contrôle interne ne fonctionne plus correctement.

2) Peut-elle indiquer dans le détail (a) le nombre de primes en question ; (b) à quels fonctionnaires elles sont destinées ; (c) le montant total annuel entre 2008 et 2012 ?

3) Comment la ministre compte-t-elle remédier à ces pratiques illicites ? Envisage-t-elle de réclamer ces primes indûment versées ? Dans l'affirmative, quelles sont ces primes et quel est le montant total ? Dans la négative, pourquoi ?

4) Comment la ministre veillera-t-elle à ce que ces pratiques illicites ne se produisent plus à l'avenir ? Comment explique-t-elle que le contrôle interne soit défaillant à cet égard ?

5) Les fonctionnaires dirigeants concernés seront-ils considérés comme responsables de ces fautes professionnelles graves ? La ministre prendra-t-elle des sanctions ? Dans l'affirmative, dans quelle mesure ? Dans la négative, pourquoi ?

Réponse reçue le 10 décembre 2013 :

L’honorable membre trouvera ci-après la réponse à sa question. 

1) Il convient tout d'abord d'observer que le rapport final de la Cour des comptes est nettement plus nuancé que les articles de presse récemment parus. 

En effet, aucun dysfonctionnement majeur n’a été décelé par la Cour des comptes et les manquements constatés sont pour l’essentiel des manquements ponctuels sur plus de 100.000 paiements effectués chaque année pour le compte du Service public fédéral (SPF) Intérieur. 

S’agissant de la méconnaissance par le SPF Intérieur de la règle de la suspension du versement des allocations pendant les périodes d'absence de plus de 30 jours ouvrables, il convient également de préciser que la notion de « jour ouvrable » soulève des difficultés d'interprétation, particulièrement pour le personnel du SPF Intérieur en service continu (calltakers, membres de la protection civile et du centre de crise, personnel de sécurité des centres fermés). Les partenaires compétents en cette matière ont été interrogés à ce sujet il y a déjà quelques temps. 

Par ailleurs, au vu des conclusions de la Cour des comptes, il apparaît que certaines réglementations sont interprétées de manière différente par la Cour et par le SPF Intérieur. Les textes concernés vont être examinés afin de déterminer si leur adaptation s’avère nécessaire. 

Pour le surplus, je souhaiterais souligner que plusieurs observations de la Cour des comptes concernent des réglementations qui n’ont pas été élaborées par le SPF Intérieur (par exemple la réglementation relative à l’octroi des primes linguistiques, la réglementation relative à l’utilisation d’un véhicule personnel pour effectuer les déplacements entre le domicile et le lieu de travail ou encore la réglementation relative à la prime octroyée aux militaires). Or, le respect ou non des conditions d’octroi d’une allocation est souvent une question d’interprétation de la réglementation. Il n’est cependant pas de la compétence du SPF Intérieur de clarifier les réglementations dont question. 

Ensuite, contrairement à ce que laisse entendre la question de l’Honorable Membre, le versement injustifié de certaines allocations aux membres du personnel du SPF Intérieur relève non de l’abus, mais de l’erreur non intentionnelle résultant en grande partie de la complexité de la composition du SPF Intérieur. 

Le SPF Intérieur compte en effet approximativement 5.500 collaborateurs dont :

En outre, une analyse comparative de la charge de travail au sein des différents services d’encadrement P&O a laissé apparaître que le nombre de dossiers gérés par équivalent temps plein est approximativement 2 fois supérieur au SPF Intérieur que dans les autres départements, soit +- 215 dossiers au SPF Intérieur contre 110 à 120 dossiers en moyenne dans les autres services d’encadrement P&O.  

Qui plus est, il n'existe pratiquement pas d'automatisation des processus de travail, de sorte que la grande majorité des opérations sont effectuées manuellement, ce qui contribue à augmenter le risque d'erreur. Le SPF Intérieur s'efforce de résoudre cette difficulté dans la limite de ses moyens disponibles. 

Enfin, il y a lieu de relever que le SPF Intérieur est le seul département au sein duquel un audit de la Cour des comptes a été réalisé en matière d’allocations et indemnités. Le SPF Intérieur a collaboré activement à cet audit. Il a fourni à la Cour tous les documents et informations nécessaires à la réalisation de son contrôle ainsi que toutes les explications utiles, et ce en toute transparence. 

S'agissant du contrôle interne en vigueur au SPF Intérieur, il ressort des résultats de l’audit réalisé par la Cour des comptes que celui-ci peut être amélioré. 

Ce contrôle interne consiste essentiellement en un contrôle ex post des dossiers, suivi  d'une récupération systématique des allocations indûment versées chaque fois que des erreurs sont détectées, ce contrôle interne s’effectuant suivant un cycle de maximum 5 années. 

Il y a donc lieu de souligner que les manquements constatés par la Cour des comptes allaient être détectés par le SPF Intérieur à l’issue du contrôle ex post des dossiers concernés. 

Cela étant précisé, les résultats de l'audit réalisé par la Cour des comptes ont permis d'identifier certains points faibles dans les processus de contrôle en vigueur au SPF Intérieur et des possibilités de renforcer encore les méthodes de détection d'éventuelles sources d'erreurs. 

Les problèmes soulevés par la Cour des comptes ont ainsi été examinés, le contrôle interne amélioré et le cycle de contrôle de qualité des dossiers raccourci. 

Des mesures de contrôle ex ante des dossiers ont par ailleurs été mises en place.  

Pour ce qui concerne la prime allouée aux secouristes ambulanciers, je renvoie l’honorable membre à la réponse donnée à la question 3 ci-après. 

2) La Cour des comptes a examiné 33 types d’allocations, parmi lesquels 11 n’ont donné lieu à aucune remarque de la Cour et 11 autres n’ont donné lieu qu’à des recommandations. Pour les 11 derniers types d’allocations, seules quelques erreurs isolées ont été décelées. 

L’honorable membre notera que l’audit réalisé par la Cour des comptes portait uniquement sur les allocations versées aux membres du personnel du SPF Intérieur en 2011, de sorte que les données chiffrées pour les années 2008 à 2010 et 2012 ne sont pas disponibles. 

Pour l’année 2011, les chiffres sont les suivants : 

Type d'allocation

Membres du personnel concernés

Nombre de membres du personnel bénéficiaires de l’allocation

Montant total de l’allocation

Nombre de membres du personnel à qui l’allocation a été octroyée erronément

Estimation des montants à recouvrer

Fonctions supérieures

Tous les membres du personnel

43

181.452,67 €

8

13.876,31 €

Prime de désagrément

Membres du personnel des centres fermés de niveau B, C ou D et membres du personnel chargés du transport des étrangers ou de la surveillance dans la salle d'attente de l'Office des Etrangers

797

216.102,54 €

41

2.479,00 €

Prime de risque

Membres du personnel des centres fermés et membres du personnel

affectés à la surveillance de la salle d'attente de l'Office des étrangers

822

764.891,02 €

3

751,47 €

Allocation pour l’absence de logement gratuit

Membres du personnel des centres fermés de niveau A

25

123.052,53 €

3

11.840,85 €

Allocation de fonction – personnel détaché Ocam

Certains membres du personnel de l’Ocam

 

35

176.575,08 €

 

3

9.275,76 €

Primes linguistiques

Tous les membres du personnel  et OCAD

839

656.835,61 €

1

1.455,07 €

Diverses allocations Sécurité civile (assistant opérationnel avec brevet, brigadier opérationnel, secouriste-ambulancier, porteur de tenue anti gaz)

Membres du personnel titulaire de grades opérationnels à la Protection civile

427

469.418,35 €

17

6.959,76 €

Allocation de projet

Tous les membres du personnel

56

274.725,95 €

1

1.315,26 €

Indemnité de garde

Membres du personnel des centres fermés

1

3.425,00 €

0

0,00 €

Prestations à titre exceptionnel

Chauffeurs

5

33.749,50 €

5

2.119,95 €

Prestations supplémentaires

Membres du personnel de la Protection civile occupé en service continu

427

133.791,27 €

2

116,15 €

Allocation pour absence d’accidents

Tous les membres du personnel

44

12.358,00 €

0

0,00 €

Prestations irrégulières – Sécurité et prévention

Membres du personnel du Fonds de gardiennage et de la cellule football

33

25.887,55 €

0

0,00 €

Indemnité de préavis

Membres du personnel contractuel licenciés

25

197.277,63 €

0

0,00 €

Indemnité pour l’usage d’un véhicule personnel pour les déplacements entre le domicile et le lieu de travail

Tous les membres du personnel

1500

310.562,34 €

0

0,00 €

Allocations pour prestations irrégulières fixes

Membres du personnel en service continu

1631

5.970.599,53 €

0

0,00 €

Traitement de sauvegarde

Militaires

4

42.419,65 €

2

4.715,20 €

Allocation pour les collaborateurs des gouvernements provinciaux

Collaborateurs des gouvernements provinciaux

51

162.805,47 €

2

8.453,56 €

TOTAL

 

 

9.755.929,69 €

 

63.358,35

Il apparaît que le montant des allocations versées erronément représente +- 0.65% du montant global des allocations versées par le SPF Intérieur aux membres de son personnel en 2011 et moins de 0.03% des dépenses totales en personnel, lesquelles s’élèvent à approximativement 250 millions d’euros par an. 

3) Le SPF Intérieur a pris acte des conclusions de la Cour des comptes et a d’ores et déjà pris une série de mesures correctrices, parmi lesquelles : 

1.    le renforcement des mesures de contrôle interne, notamment par la mise en œuvre de mesures de contrôle ex ante des dossiers, par un raccourcissement du cycle de contrôle des dossiers et par une distinction systématique entre la fonction de gestionnaire de dossiers et celle de contrôleur qualité, permettant entre autres un contrôle structuré de la suspension du versement des allocations et indemnités en cas d’absence de longue durée (on compte en 2012 112 absences de longue durée) ; 

2.    la mise en place de mesures visant à améliorer l'échange d'informations entre le Service d’encadrement P&O et les différentes directions générales du SPF Intérieur, notamment en matière d'absences de longue durée, à optimiser les processus de travail et à réduire les sources d'erreurs ; parmi ces mesures, la réorganisation en profondeur de la cellule du Service d’encadrement P&O en charge de la gestion des dossiers du personnel, impliquant :

3.    dans la limite des moyens disponibles, l'automatisation des processus de travail et le recours plus systématique aux logiciels SharePoint permettant notamment la gestion de contenu, la gestion électronique de documents ou encore la création de formulaires électroniques ;  

4.    la poursuite d'un contrôle strict du respect des conditions d'octroi des différentes allocations et indemnités et des pièces justificatives ; 

5.    le contrôle accru du respect des conditions d’octroi des allocations et indemnités accordées par les services décentralisés par le biais d’une vérification plus systématique des pièces justificatives (p.ex. l’allocation pour porteur de tenue anti-gaz ou l’allocation pour secouristes-ambulanciers) ; 

6.    le réexamen d'un certain nombre d'allocations et indemnités accordées dans le passé afin de vérifier le respect de leurs conditions d’octroi (par exemple les conditions d’octroi de l'allocation pour secouristes-ambulanciers ou de l'allocation pour l’exercice de fonctions supérieures) ;  

7.    le cas échéant, la suppression et le recouvrement de toutes les allocations indûment octroyées au cours des cinq dernières années. Le montant de ce recouvrement n’est pas encore connu. Il dépendra des erreurs qui seront détectées à l’occasion du contrôle ex post des dossiers ; 

8.    le blocage de certaines allocations et indemnités dans l’attente d’une abrogation ou d'une actualisation des dispositions réglementaires y relatives par arrêté royal ou ministériel (p.ex. l’allocation accordée aux collaborateurs des gouvernements provinciaux). 

Le SPF Intérieur a également pris acte de la remarque formulée par la Cour des comptes suivant laquelle les dossiers d’octroi des indemnités sont régulièrement incomplets. 

Il y a à cet égard lieu de préciser qu’en application des principes de bonne administration et de publicité de l’administration, tous les documents préparatoires dans lesquels peut être retrouvé le contexte complet de l'octroi des allocations et indemnités sont bien entendu conservés. Il y a néanmoins lieu de souligner que, dans un souci de développement durable, de nombreuses pièces justificatives ne sont conservées que sous format électronique et que, pour des questions d’organisation interne, les documents préparatoires en version papier ne se retrouvent pas dans les dossiers du personnel proprement dit, qui ne contiennent que les décisions finales.  

Cela étant précisé, à l’occasion de l'analyse et de la simplification des processus de travail qui ont été réalisées dans le cadre de la réorganisation de la cellule du Service d’encadrement P&O en charge de la gestion des dossiers du personnel, l’accent a été mis sur l’importance d’un classement correct des documents préparatoires et pièces justificatives. 

4) Je renvoie l’honorable membre à la réponse donnée à la question 3 ci-dessus, étant entendu que malgré les mesures correctrices mise en œuvre, les erreurs ponctuelles ne seront jamais totalement évitables. 

Je n’estime par ailleurs pas que le contrôle interne en vigueur au SPF Intérieur ait failli eu égard au nombre restreint d’erreurs constatées par rapport au nombre total de paiements effectués chaque année pour le compte du SPF Intérieur. 

J’ai néanmoins pris bonne note de l’engagement de mon administration d’encore améliorer son contrôle interne par la mise en place d’un contrôle systématique ex ante des processus et par un raccourcissement du cycle de contrôle de qualité. 

5) Comme déjà précisé, aucun dysfonctionnement majeur n’a été décelé par la Cour des comptes et les manquements constatés sont pour l’essentiel des manquements ponctuels sur plus de 100.000 paiements effectués chaque année pour le compte du SPF Intérieur. 

En outre, le versement injustifié de certaines allocations aux membres du personnel du SPF Intérieur relève non de l’abus ou de la faute professionnelle grave, mais de l’erreur non intentionnelle résultant en grande partie de la complexité de la composition du SPF Intérieur, du nombre très important de dossiers gérés par équivalent temps plein au sein du service d’encadrement P&O du SPF Intérieur (approximativement 2 fois supérieur que dans les autres départements) ou encore de l’absence quasi totale d'automatisation des processus de travail. 

Il en résulte que les erreurs mises en évidence par le rapport de la Cour des comptes ne sont pas de nature à engager la responsabilité des fonctionnaires dirigeants concernés. Aucune sanction n’est par conséquent envisagée.  

Des mesures correctrices ont déjà et seront encore mises en œuvre afin de réduire autant que possible le risque d’erreur.