SÉNAT DE BELGIQUE
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Session extraordinaire de 2019
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19 septembre 2019
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SÉNAT Question écrite n° 7-34

de Bert Anciaux (sp.a)

au vice-Premier Ministre et Ministre de la Justice, chargé de la Régie des bâtiments
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Détenus - Indemnité de maladie - Suppression - Conséquences pour les Communautés - Politique de lutte contre la pauvreté - Politique de réinsertion - Concertation
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détenu
pauvreté
assurance maladie
politique de la santé
réinsertion sociale
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19/9/2019Envoi question
30/9/2019Réponse
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SÉNAT Question écrite n° 7-34 du 19 septembre 2019 : (Question posée en néerlandais)

Le gouvernement fédéral envisage de supprimer l'indemnité de maladie pour les détenus. Cela a des conséquences importantes sur la politique des Communautés, non seulement en matière de lutte contre la pauvreté et de santé publique mais aussi au niveau de la politique de bien-être et de réinsertion des ex-détenus. La décision de l'autorité fédérale va donc alourdir les missions et tâches des Communautés.

Il existe une corrélation manifeste entre criminalité et pauvreté. De nombreux ex-détenus tombent dans la précarité après avoir purgé leur peine. Il y a aussi des personnes en situation de pauvreté qui commettent des délits (moins graves). Dans de nombreux cas, elles n'ont pas connaissance des procédures judiciaires et ne peuvent pas davantage payer un avocat. De ce fait, un nombre relativement élevé de personnes en situation de pauvreté séjournent dans les prisons belges et une grande partie des personnes qui sortent de prison tombent dans la pauvreté.

Une condamnation à une peine d'emprisonnement est très lourde. On est puni pour un délit. La peine consiste en une privation de liberté, éventuellement accompagnée d'une amende et/ou d'une indemnisation. La peine tend entre autres à trouver un arrangement entre l'auteur des faits et la victime, vise à réhabiliter l'auteur et à le réinsérer dans la société dès qu'il aura purgé sa peine. Intervenir de manière inconsidérée dans la situation financière des (ex-)détenus peut hypothéquer lourdement cette réinsertion.

La politique actuelle est déjà très équivoque : certaines indemnités sont suspendues, le rare travail pénitentiaire n'est payé qu'à concurrence d'une fraction du salaire minimum et, en même temps, le détenu doit prendre en charge ses frais personnels et l'indemnisation qui doit être payée aux victimes.

On peut approuver l'intention du gouvernement d'élaborer une réglementation logique en ce qui concerne les diverses sortes de revenus de remplacement pour les détenus. Aujourd'hui, des pensions sont encore temporairement payées, et des indemnités de maladie le sont encore, pour un détenu et plus pour un autre. Mais cette rationalisation doit se faire de manière équitable, en tenant compte du but final de la peine d'emprisonnement, à savoir la réinsertion de l'ex-détenu dans la société, avec les plus grandes chances de réussite possibles.

Mais l'enjeu est encore plus important. Une peine d'emprisonnement doit en premier lieu viser à remettre sur la bonne voie les personnes qui ont commis un délit. À l'évidence, supprimer à la légère les indemnités condamne de nombreux ex-détenus au cercle vicieux de la pauvreté. Si des personnes contractent des dettes durant leur séjour en prison, si, avant même leur remise en liberté, elles sont privées d'un ballon d'oxygène financier, le risque d'échec de leur réinsertion augmente également, avec toutes les conséquences négatives qui s'ensuivent pour la société. Les victimes ne trouvent pas davantage leur compte dans une telle mesure ; elles risquent au contraire de ne jamais obtenir l'indemnisation à laquelle elles ont droit.

On ne peut pas se laisser guider par la rancœur ou l'amertume. Si ce gouvernement a l'intention d'élaborer une réglementation qui respecte aussi bien les droits des victimes que ceux des auteurs des faits et qui sert l'intérêt général, une approche plus équilibrée de cette question est nécessaire. Un retrait unilatéral de l'indemnité de maladie durant la détention n'est pas la voie à suivre

Une concertation approfondie avec l'ensemble des partenaires de terrain est indiquée. Cela exige une implication des Communautés et un examen approfondi des conséquences de cette mesure fédérale sur la politique des Communautés en matière de bien-être et de lutte contre la pauvreté. Cette mesure risque d'engendrer beaucoup de misère, ce qui est préjudiciable aux Communautés.

1) L'honorable ministre compte-t-il lancer cette concertation? Envisage-t-il de mener une réflexion avec ses collègues des Communautés et d'en tenir compte?

2) L'honorable ministre a-t-il déjà examiné les effets potentiellement nuisibles de cette mesure unilatérale du gouvernement fédéral? Cette mesure qui, à moyen terme, ne manquera pas d'être néfaste pour le fonctionnement harmonieux de toute la société ne lui semble-t-elle pas manquer totalement de prévoyance?

Réponse reçue le 30 septembre 2019 :

Depuis le 1er janvier 2016, un article 233 modifié de l'arrêté royal du 3 juillet 1996 portant exécution de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités est d'application, en vertu duquel l’indemnité AMI continue d'être versée pendant la période de détention préventive (statut de suspect) et est totalement suspendue à compter de la condamnation effective (statut de condamné). En ce qui concerne les internés placés sans personnes à charge, l’indemnité est réduite de moitié. L'idée qui sous-tend cette disposition est que la Justice prend encore actuellement l’ensemble des frais médicaux en charge.

Entre-temps, cette modification a fait l'objet de discussions approfondies au sein des groupes de travail et du groupe de pilotage qui, dans le cadre de la Conférence interministérielle (CIM) Santé publique, se chargent de préparer l'intégration des soins de santé pénitentiaires dans les soins de santé réguliers.

Il est clair que le gouvernement actuel ne peut plus prendre d'initiatives quant à l’indemnité de maladie pour les détenus et les internés.

Les modifications apportées à la législation relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités (loi AMI et ses arrêtés d’exécution) ne relèvent pas de la compétence du ministre de la Justice.

Pour de plus amples explications, il convient de consulter le ministre ayant la Santé publique dans ses attributions.