SÉNAT DE BELGIQUE
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Session 2011-2012
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16 mai 2012
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SÉNAT Question écrite n° 5-6269

de Bert Anciaux (sp.a)

au ministre des Entreprises publiques, de la Politique scientifique et de la Coopération au développement, chargé des Grandes Villes
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Israël - Cisjordanie - Projets de développement - Soutien de la Belgique - Destruction
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construction de l'État
Israël
question de la Palestine
aide au développement
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16/5/2012Envoi question
27/6/2012Réponse
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SÉNAT Question écrite n° 5-6269 du 16 mai 2012 : (Question posée en néerlandais)

« Broederlijk Delen » a récemment annoncé que, depuis janvier 2011, l'État d'Israël avait déjà détruit plus de soixante projets d'aide aux Palestiniens, financés notamment par la Belgique. Un ordre de démolition a été donné à l'encontre de plus de 110 projets. Israël invoque l'absence de permis de bâtir, alors que chacun sait que ces procédures sont volontairement rendues complexes et longues en vue de décourager ce genre de projets au bénéfice des Palestiniens. Par ailleurs, des juristes considèrent qu'Israël occupe la Cisjordanie et que la législation israélienne ne peut s'y appliquer. Entre-temps, la Belgique a déjà perdu plus de 170 000 euros investis dans des projets qui ont depuis lors été interrompus.

Voici mes questions :

1) Le ministre confirme-t-il que les autorités israéliennes combattent de façon systématique et persistante les projets de développement en Cisjordanie et les détruisent ?

2) Confirme-t-il que la Belgique a déjà perdu plus de 170 000 euros investis dans des projets qui ont depuis lors été interrompus ou anéantis ?

3) Comment notre pays peut-il et va-t-il dénoncer cette stratégie israélienne et s'y opposer ? Le ministre prendra-t-il langue avec son collègue des Affaires étrangères en vue de faire inscrire cette forme de terrorisme d'État à l'ordre du jour des forums internationaux ?

4) Priera-t-il son collègue des Affaires étrangères de convoquer l'ambassadeur d'Israël à ce propos ?

Réponse reçue le 27 juin 2012 :

1 + 2) La Zone C, qui couvre 62 % de la Cisjordanie, se trouve sous le contrôle exclusif, conféré par les accords d'Oslo, de l'autorité israélienne pour toutes les matières sécuritaires et civiles. L'autorité israélienne contrôle le développement économique et le développement des infrastructures dans ce territoire, sur lequel sont établies des colonies déclarées illégales par le droit international.

Quelques projets belges, qui par le passé ont été réalisés dans la Zone C, ont reçu il y a peu un ordre de démolition (demolition order) :

  • La Coopération belge a financé en 2007 un réseau électrique dans le village palestinien de Khirbat al Taweel. Ce projet s'inscrivait dans la phase II du « rural electrification project » de la coopération bilatérale (le budget total du projet s'élevait à 2,2 millions euros). La Civil Administration israélienne a délivré un ordre de démolition d'une partie du projet, à savoir le transformateur et le réseau basse tension, à Khirbat al Taweel. Le montant spécifique réservé au réseau de Khirbat al Taweel n'est pas connu.

  • Entre 2003 et 2007, la Coopération belge au développement a soutenu cinq microprojets à Al-Aqaba pour un montant total de 43 010 euros, relatifs surtout à la rénovation des écoles maternelle et primaire. Al-Aqaba est un village palestinien situé dans la vallée du Jourdain, à l'est de la ville de Tubas. Ces dernières années, 97 % des bâtiments de ce village ont été frappés d'un ordre de démolition. Selon le bourgmestre local, l'ordre de démolition a également frappé les écoles maternelle et primaire.

Hormis les données fournies ci-dessus, notre poste à Jérusalem n'a connaissance d'aucune destruction effective d'autres projets financés par l'État belge. Nos diplomates en poste à Jérusalem suivent de près cette problématique et en font rapport à l'Administration centrale. Des contacts diplomatiques bilatéraux sont également pris.

3) Étant donné la politique au sens large menée par Israël qui contrôle l'aménagement du territoire dans la Zone C et freine le développement socioéconomique des villages palestiniens de cette zone, il convient de mettre en place une approche coordonnée au sein de l'Union européenne (UE) et de la communauté internationale. Le développement de la Zone C et la nécessité de la consolidation de l'État palestinien sont des points essentiels à la réalisation politique de la solution à deux États.

Les conclusions du Conseil des Affaires étrangères du 14 mai 2012 ont renforcé cette position. L'UE y déclare à propos de la Zone C :

The EU expresses deep concern about […] the worsening living conditions of the Palestinian population in Area C and serious limitations for the PA to promote the economic development of Palestinian communities in Area C. Social and economic developments in Area C are of critical importance for the viability of a future Palestinian state, as Area C is its main land reserve. The EU calls upon Israel to meet its obligations regarding the living conditions of the Palestinian population in Area C, including by accelerated approval of Palestinian master plans, halting forced transfer of population and demolition of Palestinian housing and infrastructure, simplifying administrative procedures to obtain building permits, ensuring access to water and addressing humanitarian needs. The EU calls upon Israel to work together with the PA to allow more access and control of the PA over Area C. The EU will continue to provide financial assistance for Palestinian development in Area C and expects such investment to be protected for future use. The EU will engage with the Government of Israel to work out improved mechanisms for the implementation of the donor funded projects for the benefit of the Palestinian population in Area C.”

L'intérêt porté à la Zone C a dès lors un impact direct sur notre coopération au développement bilatérale avec l'Autorité palestinienne. Les deux secteurs prioritaires de la coopération bilatérale belge, l'enseignement et la gouvernance locale, offrent à notre pays la possibilité d'être actif sur le territoire de la Zone C. Le nouveau Programme Indicatif de Coopération 2012-2015, signé le 23 novembre 2011 à Ramallah entre la Belgique et l'Autorité palestinienne y fait référence. Le gouvernement belge entend soutenir l'Autorité palestinienne sur l'ensemble de son territoire. Au moment de la formulation des projets, les possibilités dans la Zone C sont recherchées et débattues avec le partenaire et la CTB. Cette approche permet à la Coopération belge de concrétiser l’intérêt qu’elle porte à la Zone C, point abordé durant les discussions relatives au PIC 2012-2015. La Belgique souhaite rechercher avec Israël la possibilité de modifier sa politique en matière d'autorisations pour les projets dans la Zone C.

De manière générale, la Belgique soutient une politique de coopération internationale qui englobe toutes les zones géographiques des Territoires palestiniens. Le Programme Indicatif de Coopération 2012-2015 l'explique :

  • La Belgique, via la coopération déléguée, fournira une contribution au fonds Pegase de la Commission européenne, dont la quasi-totalité est destinée à la population de Gaza. Avec la Banque mondiale, notre pays continuera par ailleurs à financer le traitement des eaux usées à Gaza.

  • La Belgique financera aussi un projet d'ONU Habitat à Jérusalem-Est (1,5 million euros) de soutien à la planification urbaine des communautés palestiniennes de Jérusalem-Est.

4) Il appartient à mon collègue le ministre des Affaires étrangères de convoquer l’ambassadeur israélien à ce sujet. Il conviendra également que le Consul Général à Jérusalem reste attentif à cette problématique.