SÉNAT DE BELGIQUE
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Session 2010-2011
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16 décembre 2010
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SÉNAT Question écrite n° 5-569

de Bert Anciaux (sp.a)

au ministre de la Justice
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Internés - Psychiatres judiciaires - Uniformité des examens psychiatriques
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internement psychiatrique
défense sociale
expertise médicale
psychiatrie
expertise judiciaire
médecine légale
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16/12/2010Envoi question
1/2/2011Requalification
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Requalifiée en : demande d'explications 5-407
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SÉNAT Question écrite n° 5-569 du 16 décembre 2010 : (Question posée en néerlandais)

Le programme Panorama de la VRT a récemment diffusé un reportage sur la problématique des internés. On s'intéressait en particulier à la disponibilité des psychiatres judiciaires. Les témoignages des psychiatres judiciaires que l'on pouvait entendre étaient effarants. Ces experts évoquaient la qualité très variable des rapports psychiatriques et le manque total d'uniformité dans les examens psychiatriques en Belgique. Chaque psychiatre utilise ses propres critères pour décider si quelqu'un est débile ou aliéné et si une mesure d'internement s'impose ou non. L'un d'entre eux parlait même de loterie.

Une approche multidisciplinaire fait défaut dans beaucoup d'expertises. Des diagnostics superficiels et/ou erronés sont trop souvent posés, ou alors le diagnostic exact n'est pas suffisamment développé ni étayé scientifiquement. On indique comme raison majeure la rémunération ridiculement basse des psychiatres judiciaires, à savoir 347,56 euros par examen, quelle que soit la complexité ou l'ampleur du travail. À titre de comparaison, aux Pays-Bas une équipe multidisciplinaire travaille durant des semaines à ce genre de rapport, qui coûte 50 000 euros. Le contraste est hallucinant ... et humiliant pour la Belgique, surtout sachant qu'il s'agit de décisions fondamentales et d'intérêt vital.

Le défaut de reconnaissance et de formation des psychiatres judiciaires est une autre cause essentielle du malaise belge. Actuellement, il suffit d'une désignation par la justice.

Les révélations des psychiatres judiciaires au sujet des rapports psychiatriques sur commande sont également stupéfiantes et désolantes. Ils faisaient état de cas où, dans le cadre d'une contre-expertise, la défense se faisait livrer des conclusions sur mesure. La justice serait au courant des ces faits.

Cette situation est particulièrement dramatique et alarmante, ce qui motive les questions suivantes :

1) Combien de psychiatres judiciaires sont-ils actuellement actifs dans notre pays ? Par qui et comment sont-ils désignés, et en fonction de quels critères ? Leur fonctionnement est-il contrôlé ou évalué ? A quelle fréquence et selon quels critères ? Le ministre prévoit-il de nouvelles initiatives quant à l'agrément et à l'évaluation des psychiatres judiciaires ?

2) Le département de la Justice peut-il démettre un psychiatre judiciaire ? Cela s'est-il déjà produit ? Dans l'affirmative, pour quels motifs ?

3) Parmi les psychiatres judiciaires actuels, combien ont bénéficié d'une formation complémentaire en médecine légale ? Le ministre l'estime-t-elle indispensable avant un agrément ou une désignation comme psychiatre judiciaire ? Peut-il détailler sa réponse ?

4) Peut-il me confirmer qu'un manque d'uniformité règne dans les examens psychiatriques en Belgique ? Est-il exact qu'il n'existe pas de normes objectives ni de directives pour établir, par exemple, l'aliénation, la débilité, l'irresponsabilité, ... ? Est-ce un problème à ses yeux et peut-il fournir des précisions ? Une évaluation a-t-elle déjà eu lieu ? Si oui, avec quelles conclusions ? Si non, a-t-il encore l'intention d'y procéder ? Quelles mesures prendra-t-il pour améliorer cette situation ?

5) Peut-il me fournir le nombre d'examens psychiatriques pour chacune des cinq dernières années ? Peut-il préciser combien ont mené à un internement ? Ces rapports sont-ils évalués a posteriori, et dans l'affirmative de quelle manière et avec quels résultats ?

6) Est-il vrai que les psychiatres judiciaires ne reçoivent que 347,56 euros pour un examen, quelle qu'en soit la complexité ou l'ampleur ? Ces dernières années, beaucoup de psychiatres judiciaires ont-ils arrêté ces activités (à cause de ce tarif modique) ? Est-il prêt à relever sensiblement les honoraires des psychiatres judiciaires et à les moduler en fonction du travail fourni et du dossier ?

7) Le ministre est-il au courant des pratiques consistant en la commande par la défense de rapports sur mesure dans le cadre d'une contre-expertise ? Si oui, qu'entreprend-il pour combattre ces pratiques et quelles sont les conséquences pour les avocats et les psychiatres qui se font prendre ? Si non, étudiera-t-il et suivra-t-il cet inquiétant dossier ?