SÉNAT DE BELGIQUE
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Session 2011-2012
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23 décembre 2011
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SÉNAT Question écrite n° 5-4516

de Bert Anciaux (sp.a)

à la vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de Beliris et des Institutions culturelles fédérales
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Hémorragies cérébrales (accident vasculaire cérébral [AVC]) - Traitement par hypothermie
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maladie cardio-vasculaire
neurologie
thérapeutique
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23/12/2011Envoi question
24/1/2012Réponse
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Réintroduction de : question écrite 5-1127
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SÉNAT Question écrite n° 5-4516 du 23 décembre 2011 : (Question posée en néerlandais)

Lors d'une récente conférence de presse, l'European Stroke Organisation (ESO) a présenté l'hypothermie comme traitement particulièrement satisfaisant, et peut-être aussi beaucoup moins coûteux, des thromboses et accidents vasculaires cérébraux. Cette thérapie consiste à abaisser temporairement (24 h) la température corporelle des patients jusqu'à 34 ou 35 degrés. Ainsi toutes les fonctions ralentissent, et a fortiori aussi la circulation sanguine, ce qui augmente fortement les chances de guérir du traumatisme. L'ESO a mené des tests à ce sujet dans six pays européens. Il en ressort que 150 patients sont sortis sans problème d'une période de refroidissement. L'ESO espère maintenant obtenir des moyens européens pour mener une recherche à une échelle beaucoup plus grande. L'industrie pharmaceutique s'y oppose. L'hypothermie constitue peut-être une alternative efficace au traitement à base de médicaments coûteux, et donc une réelle menace pour les gros bénéfices de l'industrie pharmaceutique. À ce sujet, le professeur allemand en neurologie, Stefan Schwab, indique qu'une recherche sur l'hypothermie, estimée à 12 millions d'euros, se rembourserait elle-même dans l'année. Les estimations de l'ESO montrent en effet que cent Européens pourraient être traités par jour, soit 40 000 par an. En même temps, l'Union européennes (UE) affecte 50 millions d'euros par année au développement de nouveaux médicaments. Bref, cette information souligne des possibilités très prometteuses, tant au niveau social (dans une population qui vieillit rapidement) que financier (forte réduction des dépenses de l'assurance maladie).

J'aimerais obtenir une réponse aux questions suivantes :

1) La ministre est-elle informée des possibilités offertes par un traitement par hypothermie des hémorragies cérébrales ? Comment évalue-t-elle les possibilités au niveau tant médical que social et financier ? Pense-t-elle, comme l'ESO, que la thérapie présente des avantages particulièrement nombreux ? Existe-t-il des estimations ou prévisions sur les éventuels bonis que générerait une application généralisée de la thérapie par hypothermie ?

2) A-t-elle connaissance d'expérimentation, d'études, etc. menées en Belgique sur la thérapie par hypothermie ? Estime-t-elle important d'encourager les études à ce sujet ? Dispose-t-elle de moyens pour intervenir activement dans ce domaine ?

3) Peut-elle et souhaite-t-elle intervenir auprès de ses collègues et des responsables européens afin de dégager les moyens nécessaires pour mener une étude à grande échelle à ce sujet ?

Réponse reçue le 24 janvier 2012 :

L’hypothermie thérapeutique neuroprotective provoquée est une technique éprouvée en cas d’arrêt cardiaque.

Le terme « hémorragie cérébrale » que vous employez est dans ce contexte mal utilisé. L’étude proposée par l’European Stroke Organisation (ESO) concerne l’utilisation de l’hypothermie en cas d’accident ischémique cérébrovasculaire arrivé à la suite d’une obstruction d’un vaisseau sanguin par thrombose ou embolisation.

L’hypothermie ne ralentit pas la circulation du sang, mais cause un ralentissement métabolique provisoire dans le cerveau ; de ce fait le métabolisme se ralentit provisoirement, aussi dans la région qui a été endommagée par l’hémorragie. D’autres dommages secondaires peuvent ainsi être freinés, limités ou évités.

Certains arguments expérimentaux suggèrent que son utilité pourrait s’étendre à la prise en charge de l’accident vasculaire cérébral. Néanmoins, dans cette indication, sa mise en œuvre ne va pas sans inconvénients ; d’autre part les modalités idéales de sa réalisation restent à préciser.

Il n’est pas encore prouvé que l’hypothermie puisse être une alternative efficace à un traitement médicamenteux. L’hypothermie ne sera pas un traitement de remplacement pour les thérapies standards actuelles, utilisées dans la phase aiguë d’une hémorragie pour solutionner les problèmes de caillot, mais elle vise plutôt ce qu’on appelle la neuroprotection, avec pour objectif de protéger le plus possible le tissu cérébral touché ou menacé. En ce moment, il n’y a pas sur le marché de médicaments neuroprotectifs efficaces. Des traitements médicamenteux éventuels, dans ce domaine, font l’objet d’une recherche scientifique intensive. L’hypothermie pourra être une alternative à ces traitements médicamenteux si un jour leur opportunité peut être prouvée et elle pourra alors être commercialisée.

Comme le communiqué de presse de l’ESO l’indique, l’étude européenne sur l’hypothermie par CVA ischémique plus particulièrement se concentre sur ces patients qui en ce moment n’ont pas accès aux thérapies standards effectives ou qui ne tirent aucun avantage, ou seulement limités, des traitements actuels.

Comme vous le mentionnez, le sponsoring d’une étude à une échelle suffisante pour amener des conclusions valides n’est pas évident. Néanmoins, des technologies spécifiques doivent être développées pour faciliter la mise en œuvre de l’hypothermie provoquée et sa surveillance. Comme déjà mentionné, il existe une expertise de l’application de l’hypothermie après arrêt cardiorespiratoire chez des patients ventilés ou mis dans un coma artificiel.

Vous faites référence à une vaste étude multicentrique visant à réunir 80 hôpitaux dans 21 pays européens. Différents centres belges participeront à cette étude européenne (EuroHYP) qui est pour l’instant dans une phase de préparation.

A l’aide des résultats de cette étude, il sera possible de formuler des recommandations étayées concernant ce traitement thérapeutique.