L'encéphalomyélite myalgique (EM) est une maladie grave et invalidante plus communément appelée syndrome de fatigue chronique (SFC). Cette affection reste fort méconnue en raison de nombreuses conceptions erronées. Pourtant, dès 1969, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) l'a classée parmi les maladies neurologiques sous le code CIM-10 G93.3. Encéphalomyélite myalgique signifie littéralement inflammation du cerveau et de la moelle épinière accompagnée de douleurs musculaires. De nombreux patients EM souffrent de maux de tête, de vertiges et de maux gastriques. Ils sont susceptibles d'oublier des informations qu'on vient juste de leur communiquer, ils ont de nombreux trous de mémoire et peuvent donc éprouver des difficultés à enregistrer de nouvelles informations. Des efforts tant physiques que mentaux peuvent engendrer un épuisement total. Les patients EM se sentent souvent très malades, comme s'ils avaient la grippe, et peuvent souffrir de nausées, de frissons et de contractions musculaires involontaires après l'effort. Par ailleurs, leur température corporelle n'est pas stable. Ils réagissent violemment au froid ainsi qu'aux chaleurs intenses et sont très frileux. En outre, il n'est pas rare qu'ils souffrent de problèmes intestinaux (constipation, diarrhée, sensations de ballonnement, maux gastriques...). Chez certains patients, la maladie entraîne des problèmes émotionnels, voire une dépression, comme dans toutes les maladies chroniques. Les patients EM doivent lutter contre la méconnaissance de leur affection tant auprès des amis et de la famille qu'auprès du monde médical. En Belgique, environ 30 000 patients souffriraient d'EM / SFC. On ne conclut à des symptômes et à des syndromes tels que l'EM, le SFC ou la fibromyalgie que si toutes les autres possibilités sont épuisées. Nombre de patients atteints de ces affections sont très malheureux. Non seulement le diagnostic apparaît comme une sorte de « solution de secours », par laquelle les médecins doivent en fait reconnaître leurs limites, mais ces syndromes revêtent également une forte connotation psychosomatique, comme en témoigne la politique de l'Institut national d'assurance maladie-invalidité (INAMI) en la matière : seule la thérapie cognitivo-comportementale et la thérapie d'exercices graduelle sont remboursées. Nombre de ces patients nourrissent la conviction que le monde médical renvoie trop rapidement à de potentiels facteurs psychiques alors que les médecins n'ont pas effectué tous les examens physiques en profondeur, comme un examen endocrinologique rigoureux, un dépistage de carences en vitamines, de troubles digestifs, etc. Les médias annonçaient récemment que les médecins qui se spécialisent et se recyclent en la matière doivent faire face à des oppositions et à des menaces de sanctions. D'où les questions suivantes : 1) Combien de cas d'EM, de SFC et/ou de fibromyalgie a-t-on annuellement diagnostiqués entre 2007 et 2010 ? Comment ce nombre a-t-il évolué et comment la ministre explique-t-elle cette évolution ? 2) Estime-t-elle aussi que l'on pose trop rapidement ces diagnostics et que l'on relie trop ces syndromes à des facteurs psychiques alors que les possibilités d'analyses des causes physiques n'ont pas été épuisées ? 3) Partage-t-elle l'analyse selon laquelle l'EM, le SFC et/ou la fibromyalgie constituent des affections purement somatiques, qui nécessitent par conséquent des examens et un traitement ciblés sur cet aspect ? Comment évalue-t-elle la limitation du remboursement de l'INAMI à la thérapie cognitivo-comportementale et à la thérapie d'exercices graduelle ? 4) Partage-t-elle la demande, émise par de nombreux patients chez qui l'EM, le SFC et/ou la fibromylagie a été diagnostiqué, d'adaptation urgente de la politique en matière de soins de santé dans ce domaine ? Dans l'affirmative, quels sont ses projets ? Dans la négative, sur quels arguments fonde-t-elle cette opinion ? |
Le nombre exact de patients en Belgique diagnostiqués
comme souffrant d’un syndrome de fatigue chronique (SFC) ou de
fibromyalgie est inconnu. Les données épidémiologiques
estiment la prévalence de la fibromyalgie entre 2 et 5 %,
et la prévalence du syndrome de fatigue chronique entre 0,4
et 1 %.
Il existe plusieurs définitions du SFC, toutes
formulées par des groupes d’experts, et dont aucune n'a
apporté la preuve de sa valeur ajoutée par rapport aux
autres. Les deux définitions du SFC les plus largement
utilisées sont : la définition internationale proposée
par les Centres for Disease Control (CDC) datant de 1994
(connue sous le nom de « définition de Fukuda »)
et la définition d'Oxford (Royaume-Uni) proposée en
1991. La définition des CDC de 1994 se fonde sur un consensus
international des chercheurs et est actuellement utilisée
dans les Centres de référence en Belgique. Le NICE
(National Institute for Clinical Excellence, UK) a proposé
en 2007 une adaptation des critères diagnostiques des CDC,
sur base d’un consensus d’experts. Toutes les
définitions comprennent, comme critère essentiel de
diagnostic du SFC, une fatigue invalidante persistant pendant au
moins six mois. Le NICE propose de confirmer le diagnostic de SFC
après quatre mois de persistance des symptômes.
Les données scientifiques actuelles soulignent le fait que
le diagnostic du SFC ne peut être posé que sur base des
symptômes cliniques. En l'absence de symptômes
évocateurs, d’autres situations pathologiques doivent
être exclues en se fondant uniquement sur une analyse de sang
et d'urine, incluant certains tests et en excluant d'autres. (Centre
fédérale d'expertise des soins de santé (KCE)
rapport 88B, 2008).
Le Comité scientifique des Maladies chroniques, instauré
au sein de l’Institut national d'assurance maladie-invalidité
(INAMI), a examiné cette problématique et a constaté
que, en Belgique, beaucoup de patients atteints de ce syndrome font
souvent l’objet de bilans cliniques et para-cliniques,
notamment d’examens de biologie clinique, très couteux
dont la pertinence clinique n’est pas scientifiquement
démontrée.
Le syndrome de fatigue chronique est une entité
clinique pour laquelle il n’existe à l’heure
actuelle que peu ou pas de données probantes solides (EBM),
que ce soit pour son diagnostic, son traitement, son étiologie
ou le processus physiopathologique sous-jacent.
Les seules stratégies thérapeutiques, pour
lesquelles des preuves évidentes d'efficacité
existent, sont la thérapie cognitivo-comportementale (CBT
- Cognitive behavioural therapy) et la thérapie par
exercices graduels (GET – Graded exercise therapy).
(KCE rapport 88B, 2008)
Un avis a été demandé au Conseil supérieur
de la Santé (CSS) sur le virus xénotropique de la
leucémie murine (XMRV). Cette demande concerne notamment le
fait d’identifier si celui-ci pourrait être entre autre
associé au SFC. Vu le nombre important de demandes liées
au domaine du sang et de ses dérives, le CSS est actuellement
toujours en train d’étudier la littérature sur
le sujet.
Les patients atteints de fibromyalgie ou du syndrome de
fatigue chronique peuvent actuellement bénéficier
d’une prise en charge multidisciplinaire spécialisée
au sein des centres de référence « Fatigue
ou Douleur Chronique ».
En ce qui concerne les Centres de référence
« Fatigue chronique » ; un projet expérimental
de prise en charge de ces patients par la première ligne de
soins est en cours de concrétisation au sein de l’INAMI.
Concrètement, ce projet repose sur un modèle de prise
en charge des patients SFC basé sur le médecin
généraliste traitant qui travaille en collaboration
étroite, en réseau avec les prestataires de soins de
la 1ère et de la 2ème ligne. Le médecin
traitant a pour mission de poser le diagnostic, d’initier un
premier traitement, de suivre l’évolution du patient et
d’évaluer les résultats du traitement. Il a la
responsabilité de renvoyer son patient aux soins de deuxième
ou de troisième ligne. Un premier traitement (thérapie
psycho-cognitive, kinésithérapie ou autre) est assuré
par des prestataires de soins spécialisés de la 1ère
ligne. Pour ce faire, des directives de diagnostic claires et
précises, basées sur les données scientifiques,
doivent être établies (par les associations
scientifiques, académiques pour la pratique générale,
avec la participation des spécialistes des centres de
référence de la troisième ligne).
La deuxième ligne se compose d’équipes
multidisciplinaires composées de médecins spécialistes
en médecine physique et réadaptation, en médecine
interne, en psychiatrie, en neurologie ou en pédiatrie, de
kinésithérapeutes, de psychologues,…travaillant
de préférence au sein de structures déjà
existantes (centres de médecine physique et réadaptation,
centres de santé mentale, etc.). La mission de la deuxième
ligne est d’assurer la confirmation du diagnostic,
l’élaboration d’un plan de traitement en
concertation avec le médecin généraliste
traitant et le développement des traitements de revalidation.
Les équipes multidisciplinaires de la deuxième ligne
doivent travailler en réseau avec les centres de référence
de la troisième ligne.
Les centres de référence de troisième ligne
sont représentés par des équipes
multidisciplinaires spécialisées dans la prise en
charge des patients souffrant de SFC (médecins spécialistes,
kinésithérapeutes, psychologues et/ ou autres
paramédicaux). Ils soutiennent la 1ère et de la
deuxième ligne (formation, « guidelines »,
mise à disposition de leur expertise, etc.), prennent en
charge les cas les plus lourds et mènent des recherches sur
le SFC.
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