SÉNAT DE BELGIQUE
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Session 2013-2014
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26 novembre 2013
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SÉNAT Question écrite n° 5-10475

de Marie Arena (PS)

au vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et des Affaires européennes
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la suspension des livraisons de matériaux de construction à la Bande de Gaza
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Palestine
Israël
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26/11/2013Envoi question
4/2/2014Réponse
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Requalification de : demande d'explications 5-4166
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SÉNAT Question écrite n° 5-10475 du 26 novembre 2013 : (Question posée en français)

Mi-octobre l'Etat d'Israël a annoncé la suspension des livraisons de matériaux de construction à la bande de GAZA suite à la découverte d'un tunnel creusé depuis l'enclave palestinienne jusqu'au territoire israélien. Cette décision arrive moins d'un mois après l'autorisation inédite de livraison de matériaux de construction qui avait été suspendue depuis 2007, suite à l'enlèvement d'un soldat israélien et l'accession du Hamas au pouvoir à Gaza.

.Le tunnel de près de 1.7 km de long, découvert en sous-sol des territoires israélien, serait destiné selon l'armée israélienne à des activités terroristes et aurait été construit avec environ 500 tonnes de ciment et de béton.

Le Ministre israélien de la Défense, Moshe Yaalon, a par ailleurs par le biais d'un communiqué de presse explicitement imputé la responsabilité de la construction de celui au Hamas au pouvoir à Gaza.

Pourtant, si la volonté du gouvernement israéliens de protéger ses citoyens et ses soldats peut être entendue, il apparaît moins évident que celle-ci s'exprime par des mesures qui constituent clairement un frein au développement de cette région et qui pénalise encore plus le secteur privé dans la bande de Gaza.

Par ailleurs, de nombreuses associations de défense des droits de l'homme ont exprimé à leur tour leur désapprobation face à cette mesure qui selon eux, pénalise aussi les projets internationaux.

Mes questions sont les suivantes :

1) Quelle est la position de la Belgique sur cette décision du gouvernement israélien ?

2) Sait-on quel est l'impact de cette nouvelle suspension et de la précédente qui aura duré près de 5 ans sur le développement de la région et sur les projets internationaux et européens sur place ?

3) Quels moyens diplomatiques la Belgique pourrait-elle mettre en œuvre à l'égard de l'Etat israélien ?

Réponse reçue le 4 février 2014 :

Comme je l’ai dit à mes interlocuteurs lors de ma mission dans les Territoires palestiniens et en Israël du 9 au 12 novembre derniers, le maintien du blocus sur la bande de Gaza et la séparation de l’entité avec la Cisjordanie ne sont pas de nature à faciliter la solution à deux États.

La Belgique, comme l’Union européenne (UE), reste préoccupée par la situation humanitaire dans la Bande de Gaza, aussi avons-nous demandé que les Chefs de mission à Jérusalem se penchent sur cette question en particulier.

Depuis la découverte du tunnel reliant Gaza à Israël, l’importation de matériel de construction vers la bande de Gaza via le port d’entrée de Kerem Shalom a été interrompue, alors qu’auparavant quelque 1 000 camions/mois passaient par ce point. Or ce nombre était déjà insuffisant si on sait que c’était pratiquement quatre fois plus qui passait par les tunnels avec l'Égypte, dont la quasi-totalité ont été détruits par les Égyptiens. Actuellement, seul le point de Kerem Shalom est de temps à autre ouvert, ne laissant passer que du gaz de cuisine et du diesel. Les matériaux de construction ne sont toujours pas autorisés et après quatre semaines d’interdiction, UNRWA s’est déclarée inquiète de l’impact sur la poursuite du travail de construction notamment pour douze écoles et un centre de santé. Cela affecte également le travail de quelque 35 000 personnes travaillant dans le secteur de la construction qui ne pourront plus être payées. L’impact du blocus est difficile à évaluer, mais les estimations tournent aux alentours de US$ 230 millions par mois.

Un des impacts les plus lourds est l’approvisionnement en carburant, car celui qui vient actuellement d’Israël est deux fois plus cher que celui qui provenait du trafic par les tunnels reliant l'Égypte à Gaza, ce qui a un effet direct sur le prix des transports (taxis et bus) que la population ne peut plus se payer. Cette situation affecte également l’approvisionnement de la centrale électrique de Gaza, qui est actuellement à l’arrêt.

Selon les estimations d’OCHA qui datent de juillet 2013, voici quelques exemples de l’impact humanitaire sur les restrictions de mouvements de personnes et des biens :

  • Une moyenne d’un camion/jour sort de Gaza, pour 38/jours en 2007 avant le blocus.

  • Les pêcheurs n’ont d’autorisation de pêche que pour moins d’un tiers de la zone qui leur était octroyée par les Accords d’Oslo (soit un maximum de 6 des 20 miles nautiques). A cela s’ajoute le fait que le prix du fuel est actuellement tellement dissuasif que les pêcheurs ne voient même plus d’intérêt à poursuivre leurs activités.

  • 57 % des familles sont sous le minimum alimentaire et 80 % dépendent de l’aide internationale.

  • Le taux de chômage qui est un des plus élevé au monde (soit de 34.5 %) s’est encore accru suite aux fermetures de tunnels avec l'Égypte.

  • Un quart des foyers reçoit de l’eau courante durant quelques heures et plus de 90 % de l’eau extraite des nappes aquifères est non potable.

  • Plus de 12 000 personnes sont actuellement déplacées à cause de leur incapacité à reconstruire leurs maisons détruites durant les hostilités.

  • Au moins 230 civils palestiniens ont été tués et plus de 400 blessés alors qu’ils travaillaient dans les tunnels entre Gaza et l'Égypte afin de contourner les restrictions imposées depuis juin 2007.

Je crains qu'une solution pour Gaza ne pourra pas être trouvée dans l'immédiat. Israël reste très préoccupé par sa sécurité et tant que le Hamas restera à la manœuvre, il est peu probable que le blocus sera levé. En outre, côté palestinien, la réconciliation Fatah-Hamas – bien que restant l'objectif de l'Autorité palestinienne – ne semble pas être la priorité du moment. Tout dépendra de l'attitude du régime égyptien, très préoccupé par l'insécurité grandissante au Sinaï. Après notre rencontre, le Président Abbas partait pour le Caire. Il est clair que la question de Gaza devait figurer haut à l'agenda. Mais ce n'est sans doute qu'une fois la situation stabilisée en Égypte même, qu'une initiative pourra sans doute être prise par les Égyptiens.