SÉNAT DE BELGIQUE
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Session 2007-2008
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15 septembre 2008
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SÉNAT Question écrite n° 4-1561

de Wouter Beke (CD&V N-VA)

au vice-premier ministre et ministre des Finances et des Réformes institutionnelles
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Hypothèque inversée - Introduction en Belgique - Dangers
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hypothèque
emprunt
crédit
crédit immobilier
protection du consommateur
vieillissement de la population
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15/9/2008Envoi question
23/10/2008Réponse
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Aussi posée à : question écrite 4-1562
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SÉNAT Question écrite n° 4-1561 du 15 septembre 2008 : (Question posée en néerlandais)

L’hypothèque inversée est une forme de crédit autorisant un emprunteur à emprunter un certain montant à un prêteur à concurrence d’une partie de la valeur du bien immobilier de l’emprunteur. Le prêteur prend une hypothèque sur le bien immobilier. L’emprunteur ne paie pas d’intérêts et le crédit ne doit être remboursé qu’au moment où l’emprunteur décède ou part en maison de repos. Cette forme de crédit est vendue en tant que possibilité pour l’emprunteur, pour les personnes d’un âge assez avancé, de pouvoir encore profiter de la vie dans leurs vieux jours, grâce à des ressources complémentaires. On avance en outre que cette forme de crédit pourrait offrir une solution éventuelle au coût du vieillissement. Actuellement, cette forme de crédit est surtout commercialisée aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en France et aux Pays-Bas.

Sous la législature précédente, nous avons été informés, par diverses sources, de l’intention du précédent ministre de l’Économie d’introduire cette forme de crédit en Belgique.

Cette forme de crédit présente cependant de très nombreux inconvénients en termes de protection des consommateurs. L’association de consommateurs Test-Achats et le BEUC, l’organisation européenne de consommateurs, sont très critiques au sujet de cette forme de crédit. Je n’exprimerai ici que quelques-unes de leurs préoccupations. Selon ces organisations, un tel produit est extrêmement coûteux pour le consommateur, car les intérêts sont beaucoup trop élevés en comparaison du capital reçu.

En outre, une telle forme de crédit pourrait compromettre la solidarité entre les différentes générations. En d’autres termes, il reste encore d’importantes questions sans réponse concernant l’opportunité de cette forme de crédit. La partie qui en tire le plus gros avantage semble surtout être le prêteur.

Test-Achats exige de prévoir au moins les garanties suivantes en cas d’adoption d’une telle forme de crédit également en Belgique :

1) le prêteur doit garantir une occupation à vie du logement à l’emprunteur, sans pouvoir réclamer le remboursement avant le décès ou l’admission en maison de repos ;

2) le prêteur ne peut, par exemple, imposer la souscription d’une assurance décès, celle-ci étant très coûteuse pour les personnes âgées ;

3) l’emprunteur doit pouvoir rembourser le solde restant dû en une fois ou en plusieurs fois, et les frais doivent rester limités (trois mois d’intérêts maximum) ;

4) l’hypothèque ne peut porter que sur un certain pourcentage de la valeur de l’habitation, par exemple 50 % ;

5) si la valeur de la maison ne suffit pas au remboursement de la dette, le solde ne peut être réclamé aux héritiers ;

6) des critères neutres – c’est-à-dire objectifs – d’évaluation de l’habitation doivent être utilisés.

Je souhaiterais, pour ces raisons, obtenir une réponse du ministre aux questions suivantes :

1) Le ministre est-il au courant de cette problématique ? Quelle est sa position concernant cette forme de crédit ?

2) Partage-t-il les craintes de Test-Achats et du BEUC quant aux dangers potentiels générés par cette forme de crédit ?

3) Quelle est la position de la CBFA en la matière ?

4) A-t-il l’intention d’élaborer un cadre législatif pour cette forme de crédit ?

5) A-t-il l’intention d’interdire cette forme de crédit en Belgique ?

Réponse reçue le 23 octobre 2008 :

La problématique relative au crédit- logement inversé est en effet connue depuis un certain temps déjà.

Fin 2006, l'Union professionnelle du crédit (UPC) a transmis au ministre en charge d l'époque de l'Économie une note comportant une série de propositions de modification de la loi du 4 août 1992 relative au crédit hypothécaire en vue d'instaurer un cadre législatif spécifique pour l'octroi d'un crédit-logement inversé. Les propositions du secteur ainsi que des exemples de ce type de crédit commercialise dans les pays voisins ont été commentés lors d'une journée d'étude organisée par le Forum financier belge le 8 mai 2007. Les propositions de rupc ont par la suite été amendées et coulées dans un texte qui a été transmis au gouvernement en avril 2008. 11 n'y est plus question de crédit-logement inversé mais de "crédit-pension".

Test Achats a également consacré un séminaire à cette forme de crédit, séminaire qui s'est tenu le 18 avril 2008.

Comme tel est le cas de la plupart des produits financiers, cette forme de crédit présente d la fois des avantages et des inconvénients, voire des risques pour le consommateur. Elle permet en premier lieu de mobiliser. la valeur de l'habitation sans que le bénéficiaire du crédit soit obligé de quitter son habitation. Cette forme de crédit peut ainsi apporter une réponse aux besoins de financement croissants d'une population vieillissante, Il est clair toutefois qu'elle comporte également des inconvénients et des risques pour le consommateur, Il est donc évident que la commercialisation d'une telle forme de crédit exige un encadrement législatif adéquat, prévoyant des règles appropriées en matière de protection des emprunteurs. Tel est également le message que la Commission bancaire, financière et des assurances (CBFA) a délivré au gouvernement.

Le gouvernement examine actuellement les éléments du dossier. Si une initiative d'ordre législatif est jugée souhaitable, cette initiative sera soigneusement préparée, en tenant compte de la nécessité d'un encadrement adéquat des risques en vue d'assurer la protection des consommateurs, mais également de la viabilité du produit, car il serait peu judicieux de créer un cadre législatif qui n'intéresserait aucun établissement financier.