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Question écrite n° 7-809

de Bert Anciaux (sp.a) du 9 novembre 2020

au secrétaire d'État à l'Asile et la Migration, chargé de la Loterie nationale, adjoint à la ministre de l'Intérieur, des Réformes institutionnelles et du Renouveau démocratique

Déclaration des primo-arrivants - Fonctionnement - Collaboration avec les Régions et les Communautés

intégration des migrants
droit de séjour
Office des étrangers
immigration
répartition des compétences

Chronologie

9/11/2020Envoi question (Fin du délai de réponse: 10/12/2020)
12/2/2021Réponse

Réintroduction de : question écrite 7-59

Question n° 7-809 du 9 novembre 2020 : (Question posée en néerlandais)

Le gouvernement belge soumettra – peut-être bientôt – au Parlement une proposition qui passe pour unique et prétend favoriser une intégration rapide de certains primo-arrivants. L'État fédéral se risque ici de toute évidence sur le terrain des Régions et des Communautés, seules compétentes en matière d'intégration culturelle, de participation et d'inburgering. La question est donc de savoir comment l'État fédéral impliquera les Régions et les Communautés dans son initiative concernant une déclaration des primo-arrivants et quelle sera la contribution des entités fédérées. Les ministres de la Culture, du Bien-être, de l'Enseignement, de l'Intégration, de l'Intérieur, notamment, devront collaborer avec les autorités fédérales compétentes en matière d'asile, de justice, etc.

D'autres questions et réflexions me viennent à l'esprit.

Le texte indique qu'après signature, l'intéressé doit consentir les efforts suffisants pour répondre à la liste de critères définis par la loi, à défaut de quoi le titre de séjour octroyé ne sera pas prolongé. Toujours selon le texte, l'évaluation de l'effort relève de la compétence discrétionnaire du ministre ou de son représentant. En d'autres termes, outre l'aspect «ordre public», l'Office des étrangers se voit accorder de larges compétences pour juger si les primo-arrivants accomplissent assez d'efforts pour s'intégrer. En cas de jugement négatif, l'intéressé recevra un ordre de quitter le territoire. Cela montre comment un instrument soi-disant positif servant à «défendre nos valeurs» n'est en réalité qu'un «moyen de pression masqué sous un vernis philosophico-moral». En outre, la façon dont les entitées fédérées compétentes seront impliquées dans le processus n'est pas claire.

À la première lecture de l'avant-projet de loi et du projet d'arrêté royal, chaque lecteur est immédiatement amené à étudier le contenu des «critères d'intégration». Quiconque émet des critiques se retrouve d'emblée dans une discussion sur les valeurs de notre société et bute sur l'argument selon lequel nous ne pouvons quand même pas nous opposer aux droits des femmes et des homosexuels. La Convention européenne des droits de l'homme doit être pleinement appliquée.

Toutefois, quelques phrases de la déclaration posent question, celle-ci par exemple: «Je comprends et accepte que, dans ce pays, les citoyens et les familles doivent pouvoir eux-mêmes assurer leur propre subsistance. Je consentirai les efforts nécessaires à cet effet. Je comprends et accepte que le fait de suivre les parcours d'intégration prévus par les entités fédérées offre de bonne chances de réussir à subvenir à ses propres besoins». Est-ce exact? Nous avons, dans ce pays, un système de protection sociale et de sécurité (et d'aide) sociale: en échange de cotisations obligatoires, l'on reçoit des soins en cas de besoin (pension, maladie, allocations familiales, etc.). Cette phrase implique-t-elle que la sécurité sociale ne s'appliquerait plus aux primo-arrivants? Une concertation a-t-elle déjà été menée avec les Régions et les Communautés concernant, par exemple, les allocations familiales et de chômage?

Et quid des «chances de réussir à subvenir à ses propres besoins» si celles-ci sont réduites pour cause de discrimination sur le marché de l'emploi ou de non-reconnaissance du diplôme? Quelle forme la sanction prendra-t-elle alors?

Le gouvernement fédéral peut-il inclure cette condition supplémentaire dans la loi pour rendre certaines demandes de séjour (ir)recevables?

Il y a déjà beaucoup de conditions administratives et financières. Une personne qui introduit une demande de séjour doit pouvoir prouver son identité, celle de son partenaire légal, sa faculté à pouvoir subvenir à ses besoins, donner le nom de l'employeur qui lui établit un contrat de travail, etc. S'y ajoute la question de savoir si elle est «un danger pour l'ordre public ou la sécurité nationale» ou «un danger pour la santé publique» sur la base des données connues à son sujet.

La déclaration du primo-arrivant est d'un tout autre ordre. Il s'agit de notions qu'il «faut comprendre et accepter» et requérant des efforts. La déclaration ne porte pas sur la raison de la demande de séjour ou sur les éléments probants à ce moment-là. D'où la question de savoir si elle peut justifier légalement l'irrecevabilité d'une demande.

Le gouvernement fédéral peut-il inclure cette condition supplémentaire dans la loi pour un groupe déterminé de demandeurs de séjour?

La déclaration de primo-arrivant doit être signée par les étrangers hors Union européenne qui introduisent une demande de séjour. Mais elle n'est pas présentée aux étrangers hors Union européenne qui demandent une protection à la Belgique ni aux personnes qui viennent dans le cadre d'un regroupement familial. N'y sont pas soumis: les étrangers mineurs (non accompagnés), les malades graves et les «résidents de longue durée» (étrangers hors Union européenne qui ont séjourné légalement plus de cinq ans dans les vingt-huit États membres de l'Union européenne et qui viennent s'établir en Belgique), les étudiants étrangers, les victimes de la traite d'êtres humains, et les demandes formulées dans le cadre de l'accord d'association entre la CEE et la Turquie.

Il s'agit donc seulement d'un groupe bien déterminé d'étrangers hors Union européenne: une partie des travailleurs migrants, des «regroupements familiaux», ainsi que des diplomates et leur personnel. Le gouvernement peut-il imposer cette obligation à cette minorité? Ne peut-on pas, à tout le moins soupçonner une inégalité de traitement?

Dans quelle langue la déclaration est-elle présentée et quelle est l'approche concernant les analphabètes?

Les documents précisent qu'il doit s'agir d'une «langue que l'étranger comprend». Ce n'est pas clair. Uniquement en néerlandais, en français et en allemand? En anglais? Il s'agit somme toute de notions particulières. Quid des gens qui ne peuvent pas les déchiffrer (ces lettres)? Pourtant, le document indique que «cette déclaration (...) avant tout souhaiter la bienvenue à l'étranger».

Le gouvernement fédéral peut-il confier l'évaluation de l'effort d'intégration à la compétence discrétionnaire du ministre ou de son Office des étrangers?

L'accord de gouvernement précise ce qui suit: «Suite à l'audit qui a été fait par les autorités d'asile, le gouvernement soumettra également le fonctionnement de l’Office des étrangers et de Fedasil à un examen approfondi». En outre, le secrétaire d'État fédéral et l'Office des étrangers ne sont pas demandeurs pour, par exemple, activer «la Commission consultative des étrangers» dans des dossiers de séjour exceptionnel. Les réponses aux demandes de régularisation ne sont pas dûment motivées et la manière dont l'élément «danger pour l'ordre public et la sécurité nationale» est interprété et appliqué n'a plus été étudiée par le Parlement au cours de ces dernières années. Pourquoi l'Office des étrangers ne reçoit-il pas tout d'abord une analyse, qui pourrait dévoiler les lacunes en matière de fonctionnement et imposer des procédures plus transparentes et mieux motivées? Les questions sont de toute évidence trop nombreuses pour que l'on confie cette compétence lourde de conséquences à l'Office des étrangers.

Pourquoi cette proposition est-elle mise à l'agenda avec autant d'insistance? Est-ce le résultat d'une concertation avec les entités fédérées, pourtant clairement compétentes en matière d'intégration et d'«inburgering»? L'objectif est-il de refuser plus rapidement, par ce biais, les demandes d'asile et de séjour? Qu'est-ce que tout cela a à voir avec la défense d'une société libre et démocratique?

Les Communautés et les Régions ne doivent-elles pas,en raison de leurs compétences, être formellement impliquées quant aux initiatives d'accueil des nouveaux arrivants, la grande variété de la société civile et la coopération entre toutes les personnes et les organismes sociaux qui peuvent prendre des responsabilités dans ce domaine? Les entités fédérées ne doivent-elles pas aller plus loin dans toutes leurs politiques (emploi, enseignement, logement) pour parvenir à une politique d'intégration transversale et interfédérale qui réponde aux défis actuels et futurs?

Que compte faire l'honorable ministre pour concrétiser cette politique d'intégration interfédérale?

Réponse reçue le 12 février 2021 :

La loi du 24 novembre 2016 a introduit une déclaration de primo-arrivant comme condition de recevabilité pour toute une série de demandes de séjour. Toutefois, cette condition ne s’applique pas aux demandeurs de protection internationale.

Toutefois, compte tenu de l’avis du Conseil d’État du 19 mai 2015, un accord de coopération devrait être conclu avec les Communautés afin d’élaborer la déclaration de primo-arrivant. Jusqu’à présent, cet accord de coopération n’a pas été conclu, de sorte que la loi reste à ce jour lettre morte.

L’accord de gouvernement actuel ne contient aucun passage spécifique sur la déclaration de primo-arrivant. Aucun nouveau moment de concertation avec les Communautés n’est prévu à court terme, et un nouveau projet de déclaration de primo-arrivant n’a pas non plus été élaboré.