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Question écrite n° 5-7541

de Bert Anciaux (sp.a) du 13 décembre 2012

au vice-premier ministre et ministre des Finances et du Développement durable, chargé de la Fonction publique

L'honorabilité, la compétence et l'expérience professionnelles des dirigeants des institutions de crédit

établissement de crédit
banque
qualification professionnelle
directeur d'entreprise
banque centrale

Chronologie

13/12/2012Envoi question
29/1/2013Réponse

Requalification de : demande d'explications 5-2732

Question n° 5-7541 du 13 décembre 2012 : (Question posée en néerlandais)

L’article 18 de la Loi bancaire (Loi du 22 mars 1993 relative au statut et au contrôle des établissements de crédit) stipule que les dirigeants tant exécutifs que non exécutifs d’établissements de crédit doivent posséder l'honorabilité professionnelle et l’expertise nécessaires, ainsi que l'expérience adéquate pour exercer ces fonctions. L’évaluation du caractère dit « fit and proper » (« compétent et honorable ») de dirigeants d’établissements de crédit fait partie du contrôle prudentiel que la Banque nationale de Belgique (BNB) exerce sur le secteur des banques et assurances. Cette procédure vise à maintenir ou porter à un haut niveau les aptitudes morales, éthiques et techniques des dirigeants de banques.

Le ministre reconnaîtra comme moi que l'image de nombreux dirigeants de banques, y compris des plus prestigieuses de notre pays, a été considérablement ternie ces dernières années. La confiance de la communauté dans ces dirigeants réputés s'en est trouvée gravement ébranlée. Nul ne peut en l'occurrence donner tort à la « vox populi ». Les mauvaises et périlleuses aventures dans lesquelles les dirigeants ont entraîné leurs et nos banques feront encore sentir longtemps leurs conséquences financières et morales. Tout cela amène à se demander où le dérapage s'est produit car des garanties avaient été instaurées pour éviter des débâcles de ce genre, entre autres grâce au contrôle de la Banque nationale. Ce contrôle a-t-il été défaillant ou insuffisant ? Ou bien la procédure se limite-t-elle à un contrôle symbolique entre collègues dans un contexte de copinage ?

Comment la procédure visant à déterminer le caractère « fit ans proper » se déroule-t-elle concrètement ? Combien d'avis négatifs la BNB a-t-elle formulés au cours de la période 2006-2011 ? Le ministre peut-il me fournir une ventilation de ces avis entre les nouvelles nominations et les nominations renouvelées ? Peut-il également m'indiquer les principales raisons des avis négatifs (expertise, honorabilité, etc.) ?

La BNB peut-elle revenir sur un avis positif parce qu'elle juge qu'un dirigeant ne remplit plus les critères « fit and proper » ? Si oui, combien de fois par an l'a-t-elle fait au cours de la période 2006-2011 ? Si non, le ministre envisage-t-il de conférer à la BNB une telle compétence ?

La BNB a-t-elle adapté ses procédures et critères d'appréciation du caractère « fit and proper » des dirigeants des institutions de crédit depuis le début de la crise économique ? Dans l'affirmative, le ministre peut-il expliquer ces modifications ? Dans la négative, ne pense-t-il pas que (certains) dirigeants de ces institutions ont commis de grosses erreurs et qu'un meilleur contrôle de leur caractère « fit and proper » permettra d'éviter que ces mêmes erreurs se reproduisent à l'avenir ?

Lorsqu'il s'agira de nommer à nouveau les dirigeants actuels, le ministre tiendra-t-il compte de leur rôle et de leur comportement avant et pendant la crise économique ?

Réponse reçue le 29 janvier 2013 :

L’évaluation du caractère dit « fit and proper » des dirigeants de banques et compagnies d’assurance fait partie du contrôle prudentiel que la Banque nationale de Belgique (BNB) exerce sur le secteur des banques et assurances. À cet effet, la BNB doit vérifier tant chez les dirigeants exécutifs que non exécutifs s’ils disposent de l’honorabilité professionnelle, de l’expertise nécessaires ainsi que de l’expérience adéquate. Les personnes qui ne sont pas considérées comme « fit and proper » par la BNB ne peuvent pas exercer de mandat de direction au sein de l’établissement de crédit.

La responsabilité quant à l’évaluation de l’honorabilité professionnelle et l’expertise nécessaires ainsi que de l’expérience adéquate relève avant tout de la banque ou de la compagnie d’assurance elle-même. Un dossier détaillé doit être déposé à la BNB devant permettre à cette dernière d’émettre une évaluation. Outre un CV et un extrait récent du casier judiciaire, le dossier doit contenir un aperçu de l’expérience en terme d’études, de carrière et de direction, doit mentionner les motifs pour lesquels on a mis fin aux fonctions précédentes et doit comporter un aperçu des nouvelles tâches et fonctions présumées. Le dossier doit également contenir les condamnations pertinentes, les faits portés à charge, les mesures administratives ou disciplinaires, les licenciements pour fautes professionnelles, les sanctions, les arrangements et compromis, les faillites, etc.

La BNB peut également recueillir des informations complémentaires auprès des autorités judiciaires pour toute condamnation ou toute enquête préliminaire (donc, les condamnations et les affaires pendantes) consécutive à une infraction aux lois de contrôle financier. La BNB applique également régulièrement la technique de l’interview, ce, tant pour les candidats que pour les dirigeants qui quittent l’établissement. Lors de ces interviews, les connaissances de la législation pertinente en matière de contrôle prudentiel sont souvent abordées, bien qu’il ne s’agisse pas en l’occurrence d’un test structuré, et encore moins d’un examen. Au sein de la Banque nationale, chaque dossier « fit and proper » est préparé par deux collaborateurs au minimum, sur la base du principe des quatre yeux. Par l’intermédiaire de son rapport annuel, la Banque Nationale communique sur les développements stratégiques en matière d’évaluations relatives à la notion « fit and proper ».

Entre le 1er avril 2011, lorsque la Banque Nationale a reçu la compétence du contrôle prudentiel de la CBFA), et début décembre 2012, 1 150 dossiers ont été traités par la Banque concernant des personnes ayant des fonctions de direction, de stratégie ou de direction officielle d’établissements de crédit, de compagnies d’assurance ou d’infrastructures de marché. Il s’agissait de 719 nominations et 431 prolongations de nomination.

La procédure est telle que les candidats qui ne peuvent pas présenter de certificat de bonnes conduite, vie et mœurs ou qui doivent répondre par la négative à des questions relatives à l’honorabilité ou à une expérience adéquate, ne sont pas retenus par les établissements financiers. Par ailleurs, les dossiers relatifs à la notion « fit and proper » sont déjà souvent préparés de manière informelle entre l'institution et la Banque nationale, ce qui fait qu’il existe déjà une forme de sélection avant même la phase de candidature formelle.

L’expérience montre que les avis sont toujours suivis comme élément de la bonne gouvernance plus large de l’établissement et de son contrôle.

L’instance de contrôle peut à tout moment rendre un avis négatif si elle a de nouveaux éléments en sa possession qui mettent en doute l’honorabilité professionnelle, l’expertise et l’expérience adéquate. Il n’est cependant jamais arrivé que l’instance de contrôle doive introduire un nouvel avis formel pour qu’il soit mis fin au mandat d’un dirigeant concerné.

Il y a beaucoup de nouveaux développements dans ce domaine, tant au niveau international qu'au niveau national.

Au niveau de la European Banking Authority (EBA), des directives relatives à la notion « fit and proper » ont été publiées tout récemment, le 22 décembre. Les critères relatifs à l’expertise, l’expérience et l’honorabilité y sont élaborés plus en détails. Le paquet législatif CRD-IV IV (« Capital Requirements Directive-IV »), qui est actuellement en cours de négociation au niveau du législateur européen, et avec lequel les normes de Bâle III sont traduites dans la loi, contiendra de nouvelles règles concernant la notion « fit and proper ». Il est vrai qu’une partie d’entre elles sont déjà contenues dans le cadre belge actuel.

Du côté des assurances aussi, il y a une évolution : la mise en oeuvre du cadre dit « Solvency II » entraînera de nouvelles règles dans le domaine de la notion « fit and proper ».

Pour le reste, la Banque Nationale a considéré l’élaboration d’une politique « fit and proper » plus avancée comme une priorité, comme cela a aussi été communiqué par le biais de l’avis de la Banque devant la Commission parlementaire de Suivi « Crise financière » (la « Commission De Croo »). Très prochainement, le Comité de Direction de la Banque nationale se prononcera sur le texte d’une nouvelle circulaire sur la notion « fit and proper », pour ensuite lancer une consultation publique sur sa nouvelle politique. Cela sera très probablement à l’origine d’un certain nombre de modifications législatives.