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Question écrite n° 5-6111

de Karl Vanlouwe (N-VA) du 24 avril 2012

au vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et des Affaires européennes

Les violences ethniques, la famine et une querelle pétrolière au Sud-Soudan

conflit interethnique
Soudan
faim
aide humanitaire
Soudan du Sud

Chronologie

24/4/2012Envoi question
6/6/2012Réponse

Requalification de : demande d'explications 5-1864

Question n° 5-6111 du 24 avril 2012 : (Question posée en néerlandais)

Le gouvernement du Sud-Soudan a décidé le lundi 23 janvier d'arrêter la production de pétrole à la suite d'un conflit avec le Soudan. Les compagnies pétrolières ont eu deux semaines pour suspendre leur production. Le Sud-Soudan accuse le Soudan d'avoir prélevé pour 815 millions de dollars de pétrole brut dans l'oléoduc par le biais duquel le Sud-Soudan exporte du pétrole.

Selon le Sud-Soudan, le Soudan réclamerait unilatéralement une sorte d'amende de sécession sur les produits pétroliers qui traversent son territoire. Djouba refuse de payer à Khartoum une taxe de transport supérieure à un dollar le baril, alors que cette taxe s'élève à sept dollars et que Khartoum veut la fixer à 32 dollars. Nonante-huit pour-cent des recettes du Sud-Soudan proviennent du pétrole mais ce dernier soutient qu'il pourra tenir les dix-huit mois qui viennent sans ressources pétrolières.

Le Soudan a accordé l'indépendance au Sud-Soudan en juillet 2011 après un referendum pacifique qui a bénéficié d'un large soutien international. Mais les deux pays n'ont jamais conclu d'accord concernant les taxes sur le transport de pétrole ni concernant le statut de la ville frontalière pétrolière, Abyei.

L'Union africaine a déjà exprimé sa préoccupation à l'égard des développements entre les deux pays et prévient que l'esprit du referendum pacifique de l'année dernière, qui a mené à l'indépendance du Sud-Soudan, est en train de disparaître rapidement.

Dans la province de Jonglei du Sud-Soudan, 8 000 guerriers de la communauté Lou Nuer auraient attaqué la communauté Murle. Le but était de voler les milliers de vaches en train de paître appartenant à la communauté. La MINUSS, la mission des Nations Unies, a pu prévenir la communauté Murle, mais malgré cela il y a eu des centaines et peut-être même des milliers de morts. Des dizaines d'enfants ont été enlevés. Médecins Sans Frontières communique que la moitié des blessés évacués avaient moins de cinq ans. La violence a fait fuir des dizaines de milliers de personnes.

La représentante spéciale des Nations Unies au Sud-Soudan, Hilde Johnson, tire la sonnette d'alarme parce que le nombre de victimes des récentes violences pourrait dépasser les 120 000. Elle évoque aussi des messages qui appellent à l'extermination du groupe ethnique Murle et met en garde contre la violence ethnique systématique.

Entre-temps, la situation au Sud-Soudan est devenue encore plus délicate parce qu'en l'absence d'accord entre les deux pays sur la région frontalière pétrolière, les 110 000 personnes qui ont fui la zone frontière d' Abyei après les combats entre le Soudan et le Sud-Soudan n'ont pas encore pu rentrer. En outre, environ 80 000 personnes ont fui les provinces soudanaises du Sud Kordofan et du Nil bleu vers le Sud-Soudan parce qu'elles appartiennent à l'ethnie sud-soudanaise mais sont opprimées par Khartoum.

Les Nations Unies estiment à 763 millions de dollars US le montant nécessaire au maintien des opérations humanitaires au Sud-Soudan jusqu'au début de la saison des pluies en mars. Mais Khartoum interdit aux organisations humanitaires internationales l'accès aux territoires au Soudan en raison du danger trop élevé.

Les États-Unis soulignent également le risque d'une nouvelle catastrophe humanitaire au Sud-Soudan et appelle l'Afrique du Sud, qui préside actuellement le Conseil de sécurité des Nations Unies, à prendre le commandement afin d'éviter une catastrophe humanitaire.

Mes questions sont les suivantes.

1) Comment évaluez-vous les tensions entre le Soudan et le Sud-Soudan ?

2) Pouvez-vous confirmer que les violences ethniques de la communauté Lou Nuer ont fait des centaines de morts dans la communauté Murle ?

3) Ce problème et le flux des réfugiés qu'il entraîne fait-il actuellement l'objet de discussions au niveau européen ? Ce dossier peut-il être inscrit à l'ordre du jour à bref délai ?

4) Quand le gouvernement fédéral et l'Union européenne envisagent-ils de fournir une aide humanitaire d'urgence pour faire face à la crise des réfugiés au Sud-Soudan ?

Réponse reçue le 6 juin 2012 :

  1. Plus de six mois après la déclaration d’indépendance du Sud-Soudan, force est de constater que les relations entre le Soudan et le Sud-Soudan se sont clairement détériorées. Ainsi, la médiation de l’Union africaine, sous la houlette de M. Mbeki, n’a pas encore pu améliorer la situation en ce qui concerne des questions en suspens telles que la division des réserves de pétrole, la délimitation des frontières et la nationalité des Sudistes qui vivent dans le nord. Un accord n’a pas non plus été conclu sur la région contestée et riche en pétrole d’Abyei où, actuellement, l’Opération des Nations unies « United Nations Interim Security Force for Abyei »(FISNUA) est déployée avec environ 4 200 hommes (éthiopiens). Enfin, il y a également les accusations mutuelles de soutien à des groupes rebelles ainsi que les messages de bombardement depuis le nord du territoire du Sud-Soudan.

  2. D’après des chiffres des Nations unies, il y aurait des dizaines, voire quelques centaines de cas de morts dans le cadre du conflit interethnique entre les Lou Nuer et les Murle.

  3. La problématique Soudan et Sud-Soudan était à l’ordre du jour de la réunion de Conseil Affaires étrangères du 23 janvier dernier. A cette occasion, des décisions du Conseil à ce sujet ont également été approuvées.

  4. Aussi bien l’Union européenne que la Belgique offrent déjà de l’aide sur la base de besoins humanitaires.

    En ce qui concerne l’Union européenne, un montant total de 87 millions d’euros est prévu pour le Soudan et le Sud Soudan ensemble, dont 40 millions d’euros d’aide alimentaire et le reste d’autre aide humanitaire. Cette aide pour 2012 a été octroyée sur la base du budget du « European Commission » (ECHO) pour 2012, après discussions avec les états membres en décembre dernier.

    En ce qui concerne la contribution belge, la situation est similaire. Les montants sont planifiés en fonction des besoins. Cette allocation pour 2012 est actuellement étudiée sur la base d’un budget définitif disponible pour l’aide humanitaire en 2012, et les différentes analyses globales et géographiques, entre autres l’ECHO, l’ « Office for de Coordination of Humanitarian Affairs » (OCHA) et la Croix-Rouge internationale. A cela s’ajoute en premier lieu, et en ligne avec la politique belge et les principes du consensus européen, une aide flexible via des fonds qui analysent de manière transparente les besoins et octroient l’aide selon les besoins. L’on peut s’attendre qu’une contribution importante émanant de ces fonds soit allouée au Soudan et Sud-Soudan. Ainsi, le Sud-Soudan seul a reçu en 2011 22 millions d’euros, issus du « Central Emergency Respons Fund » (CERF). Une partie importante des montants de base de l’ United Nations High Commissioner for Refugees (UNHCR) et de l’IRC, par exemple, est également adressée aux deux pays.

    Ensuite, un soutien à projet est également prévu pour un certain nombre de crises où la Belgique souhaite apporter une contribution directe. Le Soudan et le Sud-Soudan ont été retenus dans ce cadre. Une décision de principe autour de ces allocations pour 2012 est prévue dans les prochains jours ou prochaines semaines.